Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

Représentante de l’appelant : Sandra Doucette, ministère de la Justice

Intimée : M. W.

Représentant de l’intimée : James Crocco

Mari de l’intimée et observateur : R. W.

Décision

L’appel est accueilli.

Introduction

[1] L’appel porte sur une décision rendue le 27 mars 2016 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), qui a déterminé que l’intimée était admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) puisqu’il a été établi que son invalidité était « grave et prolongée » durant la période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle a pris fin le 31 décembre 1998. La permission d’en appeler a été accordée le 20 mars 2017 au motif que la division générale pourrait avoir commis une erreur en rendant sa décision.

Questions préliminaires

[2] Au début de l’audience, le représentant de l’intimée a évoqué la possibilité de déposer des documents additionnels, entre autres des lettres du mari et de la fille de l’intimée, ainsi que des dossiers médicaux de 1978 à 1988. Ces éléments de preuve écrits ne semblaient pas avoir été présentés à la division générale. J’ai refusé de les considérer à ce stade tardif, car la division d’appel n’a pas le mandat d’examiner de nouveaux éléments de preuve portant sur le fond d’une demande de pension d’invalidité.

[3] Je pris aussi note du fait que l’intimée avait récemment fait la demande d’une copie de l’enregistrement audio de l’audience tenue devant la division générale. Cependant, elle s’est fait dire par un employé du Tribunal, qu’à cause de difficultés techniques, elle ne pouvait pas avoir une copie. Le représentant de l’intimée indiqua qu’il ne soulèverait pas de question liée à ce refus, et je suis d’accord que ce manquement n’a aucune incidence sur le résultat de cet appel. De toute façon, le Tribunal n’a pas l’obligation selon la Loi d’enregistrer ses audiences, bien que dans les procédures normales elles le soient.

Aperçu

[4] L’intimée était âgée de 51 ans au moment où elle a présenté une demande de pension d’invalidité du RPC, le 9 août 2011. Dans sa demande, elle a déclaré qu’elle avait achevé sa 12e année d’études et avait ensuite obtenu un diplôme en théologie de l’Université X. Bien qu’elle ait des antécédents de douleurs chroniques et de dépression remontant aux années 1970, elle a occupé différents emplois au fil des ans et a pris une part active à son église. Entre 1998 et 2006, elle ne travailla pas, excepté pour réaliser un contrat de 3 mois comme conseillère auprès des jeunes. Entre août 2006 et mars 2007, elle travailla à temps partiel comme réceptionniste pour R, R,, un spa privé. De plus, entre avril 2007 et août 2008, elle a eu un emploi à temps plein à un centre de réadaptation à X. Elle affirma qu’elle avait eu des difficultés avec les deux emplois, s’absentant du travail à cause de douleurs et d’anxiété. Elle travailla ensuite occasionnellement comme conductrice pour l’atelier automobile de son frère.

[5] L’appelant a rejeté la demande initialement et après révision, au motif que l’invalidité de l’intimée n’était ni grave ni prolongée à la date de fin de sa PMA. Le 8 février 2012, l’intimée a interjeté appel de ces refus devant le Tribunal de révision du RPC (TR). Le TR rejeta l’appel le 27 novembre 2012 et le représentant fit appel de cette décision auprès de la Cour d’appel des pensions (CAP). En avril 2013, conformément à la Loi sur l’emploi, la croissance et la prospérité durable, l’appel a été transféré à la division d’appel du Tribunal.

[6] Le 15 septembre 2014, la division d’appel accorda la permission d’en appeler et demanda à la division générale de tenir une audience de novo. À l’audience par comparution en personne tenue le 14 septembre 2015, l’intimée décrivit ses problèmes de santé et expliqua comment ceux-ci l’empêchaient de détenir un emploi régulier. Elle dit que durant plusieurs années elle avait été incapable de garder un emploi autre que sporadique. Elle soutint qu’elle avait essayé chacun des traitements recommandés par ses médecins.

[7] Dans sa décision datée du 27 mars 2016, la division générale accueillit l’appel de l’intimée en concluant que, selon la prépondérance des probabilités, elle était incapable de détenir un emploi véritablement rémunérateur à la date de fin de la PMA. La division générale nota que, bien que l’intimée avait détenu une série d’emplois de courte durée, ceux-ci avaient été source de difficultés significatives. La division générale jugea que l’intimée présenta [traduction] « une preuve candide, mais probante expliquant qu’elle faisait beaucoup d’efforts pour conserver ses emplois, mais qu’elle en était incapable. »

[8] Le 23 juin 2016, l’appelant a présenté une demande de permission d’en appeler et un avis d’appel devant la division d’appel du Tribunal dans lesquels il prétend que diverses erreurs de droit et de fait ont été commises par la division générale.

[9] Dans une décision datée du 20 mars 2017, j’ai accordé la permission d’en appeler, considérant au moins une chance raisonnable de succès dans tous les motifs invoqués par l’appelant. J’ai également invité les parties à présenter des observations sur la nécessité d’une autre audience et, le cas échéant, sur le mode d’audience approprié. L’intimée a déposé des observations écrites le 19 avril 2017.

[10] Le 6 juin 2017, j’ai pris la décision d’entendre les observations orales au moyen d’une vidéoconférence pour les raisons suivantes :

  • la complexité des questions en litige;
  • les renseignements figurant au dossier, y compris le besoin d’en obtenir davantage;
  • le fait qu’il est disponible de tenir une vidéoconférence dans la région où réside l’appelante;
  • l’exigence prévue au Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement TSS) selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

[11] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] Selon le paragraphe 59(1) de la LMEDS, la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[13] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. (a) avoir moins de soixante-cinq ans;
  2. (b) ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
  3. (c) être invalide;
  4. (d) avoir versé des cotisations valables au RPC pendant au moins la PMA.

[14] Le calcul de la PMA est important, puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée pendant la PMA.

[15] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, l’invalidité est définie comme étant une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est réputée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Questions en litige

[16] Dans ma décision du 20 mars 2017, j’ai accordé la permission d’en appeler en raison des questions suivantes :

Allégations d’erreurs de droit

  1. Est-ce que la division générale a ignoré le critère de gravité en ne considérant pas si la demanderesse était « régulièrement incapable » de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la fin de sa PMA?
  2. Est-ce que la division générale erra en tenant compte presque exclusivement du témoignage subjectif de l’intimée, omettant ainsi d’appliquer la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale selon laquelle les demandes de pension d’invalidité du RPC doivent être appuyées par des preuves médicales objectives?

Allégations de conclusions de fait erronées

  1. Est-ce que la conclusion de la division générale que l’invalidité de l’intimée était grave et prolongée en décembre 1995 est irréconciliable avec la preuve, particulièrement les dossiers médicaux de Dr Dow n’indiquant aucun évènement ou état invalidant durant la PMA?
  2. Est-ce que la division générale a omis d’examiner véritablement des éléments de preuve contradictoires liés au moment où la défenderesse pourrait être devenue incapable de travailler?
  3. Est-ce que la division générale ignora les éléments de preuve accablants indiquant que les problèmes de santé de l’intimée n’étaient pas, à partir de 1995, « prolongés » selon la définition légale du RPC?
  4. Est-ce que la division générale erra en jugeant que l’intimée n’avait pas la capacité de travailler après la PMA, malgré le fait qu’elle déclara des gains significatifs en 2007 et 2008?

[17] Des questions complémentaires incluent le degré de référence approprié que la division d’appel devrait accorder aux décisions de la division générale et l’incidence de l’absence de l’appelant à l’audience devant la division générale.

[18] Si je décide que la division générale a effectivement commis une erreur qui relève d’un des moyens énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS, je dois alors déterminer quelle réparation est appropriée.

Analyse

[19] Bien que l’appelant ait soulevé plusieurs objections aux justifications données par la division générale et à la décision qui en a résulté, cet appel repose sur deux questions essentielles : (i) jusqu’à quel point la division générale peut-elle se fier sur le témoignage subjectif d’une requérante lorsqu’il y a des éléments de preuve objectifs qui sont contradictoires et (ii) quels sont les montants et la durée de gains ultérieurs à la PMA qui atteignent le niveau de « véritablement rémunérateur » et par conséquent excluent la requérante du bénéfice d’une pension d’invalidité du RPC?

[20] Après avoir examiné les observations des parties, j’ai conclu que l’appel est accueilli à cause de la deuxième question seulement pour les motifs présentés ci-dessous. Conséquemment, je ne vois pas la nécessité d’aborder les autres motifs de l’appel.

Degré de déférence

[21] Jusqu’à tout récemment, les appels à la division d’appel étaient régis par la norme de contrôle définie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. New BrunswickNote de bas de page 1. Dans les affaires traitant d’erreurs de droit présumées ou de manquements à un principe de justice naturelle, la norme applicable était celle de la décision correcte, qui commandait un seuil inférieur de déférence estimé être dû à un tribunal administratif de première instance. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable était celle de la décision raisonnable, signifiant une réticence de la Cour à intervenir dans les conclusions de l’instance dont le rôle consistait à entendre le témoignage factuel.

[22] Dans l’arrêt Canada c. HuruglicaNote de bas de page 2, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle conçues pour être appliquées dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se rapporter en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle. Cette prémisse a amené la Cour à déterminer que les critères appropriés découlent complètement de la Loi habilitante d’un tribunal administratif soit : « L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur [...]. »

[23] En conséquence, la norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte sera inapplicable en l’espèce, à moins que ces mots, ou leurs variantes soient énoncés de façon précise dans la loi constitutive. Si cette approche est appliquée à la LMEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et 58(1)b) ne qualifie pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui laisse entendre que la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la division générale. Le mot « déraisonnable » est introuvable à l’alinéa 58(1)c), où il est question de conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les qualificatifs « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme il a été suggéré dans l’affaire Huruglica, il faut donner à ces mots leur propre interprétation, mais le libellé suggère que la division d’appel devrait intervenir lorsque la division générale fonde sa décision sur une erreur qui est vraiment énorme ou qui est en contradiction avec le dossier.

L’absence de participation de l’appelant à l’audience de vive voix

[24] Dans une observation écrite datée du 29 novembre 2016, l’intimée fit valoir que l’appel devrait être rejeté à cause de l’absence de l’appelant à l’audience de vive voix devant la division générale. Elle suggéra qu’il ne devrait pas être permis à l’appelant de contester, à l’appel, les éléments de preuve et le témoignage qu’il aurait pu remettre en cause s’il avait été présent le 14 septembre 2015.

[25] À mon avis, cet argument est fondé, mais seulement jusqu’à un certain point, et il ne peut ultimement faire échouer cet appel. Premièrement, il faut rappeler que cet appel devant la division générale a été instruit tant par écrit qu’oralement et que les deux parties ont déposé des observations écrites. Deuxièmement, si l’appelant s’était opposé seulement à l’acceptation totale du témoignage de l’intimée par la division générale, alors cette absence à l’audience aurait potentiellement pu l’empêcher de contester la crédibilité de l’intimée. Cette absence n’aurait pas donné la chance à l’appelant de faire un contre-interrogatoire et de soulever de possibles dérobades et contradictions. Cependant, l’appelant a aussi fait des allégations d’erreurs de droit qui ne pourraient raisonnablement être causées ou avoir été modifiées par le fait qu’il était absent à l’audience de vive voix. En l’occurrence, ces motifs sont l’essence de cette décision de permettre l’appel.

Emploi ultérieur à la PMA

Observations

[26] L’appelant allègue que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée. La division générale a commis une erreur en concluant que l’intimée n’avait pas la capacité de travailler après la fin de sa PMA, et que ses tentatives de travailler après 1998 prouvaient qu’elle ne pouvait pas détenir un emploi véritablement rémunérateur. La division générale a déclaré que les gains de la demanderesse de 2007 et 2008 n’étaient pas véritablement rémunérateurs parce que les emplois, qu’elle avait détenus, étaient précaires. La Cour fédérale a déclaré qu’un retour au travail de seulement quelques jours peut être considéré comme une tentative manquée, mais que deux années de rémunération considérant les antécédents de la prestataire ne pouvaient l’être. En 2007, près de 10 ans après la fin de sa PMA, le registre des gains de l’intimée indiquait qu’elle avait gagné plus de 22 000 $, ce qui représente le montant le plus élevé qu’elle ait jamais gagné. Dans une observation antérieure, elle a affirmé être retournée travailler de 2007 à 2008 « par simple nécessité financière », mais ceci ne peut cependant pas servir à déterminer si l’intimée avait une invalidité grave et prolongéNote de bas de page 3.

[27] Dans des observations écrites datées du 19 avril 2017, l’intimée répondit que ses antécédents de travail sporadique montraient qu’elle était incapable de travailler de manière prévisible. Elle défendit la décision de la division générale qui, selon elle, avait correctement constaté que ses antécédents de travail lui avaient créé des difficultés significatives, exigeant qu’elle prenne des pauses constantes et qu’elle compte sur l’aide de ses collègues. De plus, chaque tentative de retour au travail se terminait avec un congé médical que l’intimée devait prendre pour divers problèmes de santé.

[28] L’intimée reconnaît qu’elle travailla après la PMA. La division générale nota correctement que [traduction] « ses antécédents de travail avaient certainement grandement, sinon uniquement, affecté ses différents problèmes de santé sérieux » et que « ces emplois avaient créé des difficultés significatives. » Ultimement, la division générale jugea que « ces tentatives faites après la date de fin de la PMA ne peuvent équivaloir à une capacité de travailler, mais plutôt un manque de celle-ci. » En 2007, l’intimée travailla pour un « employeur bienveillant » qui lui donna une flexibilité importante et sans représailles, en accordant des congés, en la laissant faire peu de travail durant les mauvaises journées et en lui permettant de dormir à son bureau. Malgré ces accommodements, l’intimée se retrouva pourtant incapable de continuer.

[29] L’intimée accuse l’appelant d’avoir une fixation sur le fait que sa rémunération la plus importante survint après sa PMA. La notion qu’une rémunération plus élevée soit assimilée à la capacité de faire un travail véritablement rémunérateur ne tient pas compte de l’inflation. L’intimée soutient que c’est une erreur de comparer sa rémunération de 2007 avec celles des années précédentes sans considérer que les salaires ont augmenté de manière systématique d’année en année. L’intimée rejette aussi la suggestion faite par l’appelant voulant qu’elle eût quitté ses emplois après la PMA pour des raisons autres que médicales. Bien que le milieu de travail soit une source de stress, l’appelant ignora le contexte pertinent, incluant le fait que l’intimée ait reçu un diagnostic de dépression clinique avant la fin de la PMA et avait souffert de deux dépressions nerveuses. Il est bien connu que le lupus est associé au stress, qui peut à lui seul déclencher de l’inflammation douloureuse.

Analyse

[30] C’est une affaire où la division générale accepta les éléments de preuve subjectifs de l’intimée et établit son invalidité en dépit d’éléments de preuve contradictoire, notamment la rémunération significative après la PMA en 2007 et 2008. La question de savoir si, en tirant ses conclusions, la division générale exerça correctement sa compétence en appréciant les éléments de preuve ou si elle commit une erreur en contrevenant au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Dans sa décision, la division générale rapporta le témoignage de l’intimée concernant la période de travail la plus active suivant sa PMA :

[32] D’août à octobre 2006, elle travailla pour le spa R. R. comme réceptionniste. Elle affirma que sa santé n’était pas bonne. Elle explique qu’elle avait besoin d’argent. Elle n’est pas certaine que son employeur était au courant de sa médication et de ses problèmes de santé. Elle explique qu’elle travailla seulement 53 jours des 99 jours. Elle manquait un nombre important de jours à cause de ses problèmes de santé. Son travail consistait à faire les horaires. Elle a été mise à pied à cause de raisons médicales.

[33] De décembre 2007 [sic] à mars 2007, elle fit une autre tentative de retour au travail pour la même compagnie. Elle n’était pas à temps complet. Son emploi prit fin une fois de plus à la suite de la recommandation de son médecin.

[34] En avril 2007, elle alla travailler pour le centre de réadaptation à X. Son mari travaillait aussi pour ce centre comme « homme à tour faire ». Elle travailla d’avril 2007 jusqu’à août 2008. Elle travaillait dans un bureau. Elle travaillait à un ordinateur. C’était un emploi à temps plein, mais elle n’était pas capable de travailler toutes les heures et s’endormait à son bureau. Elle s’absentait aussi en congés de maladie. Son employeur était très accommodant et la laissait ne pas faire beaucoup de travail lorsqu’elle avait une mauvaise journée. Elle était correcte durant les premières heures de son quart de travail et ensuite elle s’effondrait. Elle explique ses effondrements par une sensation de grande fatigue et son incapacité à se concentrer à cause d’un cerveau embrouillé et des difficultés avec sa concentration. Elle manquait aussi des heures. Elle ne pouvait gérer le travail ou la douleur. Elle affirma que le stress du travail exacerbait ses symptômes. Elle explique qu’elle est une battante et refusait d’abandonner.

[35] Elle alla travailler pour son frère aux automobiles X’s. Elle essaya de conduire des autos pour son frère d’X à X. Elle explique qu’elle se retrouva avec des pincements de nerfs dans son coup. Elle faisait ce travail de temps en temps. Cette douleur empira dans son coup ce qui mena à un diagnostic formel de discopathie dégénérative de la colonne lombaire. Il n’y a pas d’entretien avec son frère.

[36] C’était du travail très sporadique qui semblait survenir de manière imprévisible. Le travail prit fin lorsqu’elle eut un pincement de nerf. Elle prenait une médication pour contrôler la douleur. Elle souffrait de douleur atroce qui irradiait dans son bras droit.

[37] Elle commença à prendre plus de médicaments lorsqu’elle travailla à X. Elle fut atteinte d’une infection bactérienne. Elle explique qu’elle dut à démissionner, car elle était trop malade.

[31] Je suis d’accord avec l’intimée que de faire une analyse comparative de ses niveaux de rémunération précédente, comme l’appelant l’a fait faire à la division générale, ne donne que peu d’information. De toute manière, ce n’est pas une méthode recommandée par les CoursNote de bas de page 4. Toutefois, je constate que la division générale n’a pas mentionné dans sa décision les montants (22 679 $ et 14 783 $ respectivement) de rémunération déclarés en 2007 et 2008. Elle n’a pas discuté non plus de jurisprudence qui élaborait sur la signification de l’expression « véritablement rémunérateur. » À mon avis, ceci est un manquement.

[32] Dans son analyse, la division générale traita du travail de l’intimée fait en 2007-2008, mais une fois de plus, omit les montants associés aux emplois qu’elle détint durant cette période.

[traduction]

[82] L’appelante a présenté des déclarations concernant les divers postes qu’elle a occupés après la date de fin de sa PMA. Bien qu’il soit vrai qu’elle a occupé divers postes pour des périodes brèves, le Tribunal ne peut ignorer le fait que l’appelante a éprouvé d’importantes difficultés dans le cadre de ces emplois. Ces difficultés sont mises en évidence par les problèmes continus de l’appelante à conserver un emploi, au besoin de pauses fréquentes et à son rythme de travail. À ce sujet précis, l’appelante a fourni des éléments de preuve francs, mais probants selon lesquels elle faisait beaucoup d’efforts pour demeurer au travail sans toutefois en être capable. Le Tribunal accepte cette preuve sans réserve.

[83] Bien que l’appelante ait touché une rémunération en 2007 et 2008, ce revenu ne peut simplement pas être assimilé à un emploi véritablement rémunérateur parce que les postes qu’elle a occupés au cours de cette période n’étaient clairement pas durables pour elle. En fait, ses emplois empiraient [sic] ses problèmes de santé et la rendaient incapable de continuer à travailler. Cette série d’essais et d’échecs s’est poursuivie pendant plusieurs années après la date de fin de sa PMA.

[33] L’intimée a persuadé la division générale que les postes qu’elle a occupés après la fin de sa PMA consistaient en une série d’emplois précaires. Toutefois la décision de la division générale n’a pas tenté de réconcilier ce qui était caractérisé comme étant des essais ratés de travail et des gains de plus de 14 000 $ une année et de plus de 22 000 $ la suivante.

[34] Dans la plaidoirie qu’il m’a faite, le représentant de l’intimée tenta de soulever le fait que plus de 7 476 $ du revenu de 2007 provenait de prestations de maladie de l’assurance-emploi (AE). Toutefois je n’ai rien vu au dossier qui indique que la division générale reçut cette information ou la prit en compte. Selon mon expérience, les prestations de maladie AE ne sont généralement pas rapportées comme gains d’emploi sur les relevés d’emploi; quoi qu’il en soit, la division d’appel ne peut pas accepter de nouveaux éléments de preuve, particulièrement quand une partie a déjà eu l’occasion de les présenter à la division générale qui agit à titre de juge de faits.

[35] Bien qu’un juge de faits ait le droit de soupeser la preuve comme il l’entend, il doit le faire dans les limites de l’équité procédurale qui exige que la décision soit accompagnée d’explication intelligible. Dans l’arrêt R. c. R.E.M.Note de bas de page 5, la Cour suprême du Canada a énoncé le critère de suffisance des motifs dans le contexte du droit criminel, citant avec approbation une décision antérieure de la Cour d’appel de l’OntarioNote de bas de page 6 :

En motivant sa décision, le juge de première instance essaie de faire comprendre aux parties le résultat et le pourquoi de sa décision » (je souligne). L’essentiel est d’établir un lien logique entre le « résultat » — le verdict — et le « pourquoi » — le fondement du verdict. Il doit être possible de discerner les raisons qui fondent la décision du juge, dans le contexte de la preuve présentée, des observations des avocats et du déroulement du procès.

[36] Cette logique est également applicable aux décisions des tribunaux administratifs. Il doit y avoir une série de faits, de dispositions juridiques et d’éléments logiques qui mène le lecteur à conclure que le résultat est défendable. En expliquant pourquoi les emplois de l’intimée ultérieurs à sa PMA n’étaient pas véritablement rémunérateurs, la division générale a omis des liens essentiels à cette chaîne.

[37] Au-delà des considérations d’équité, il y a une question de fond de savoir si la division générale s’est conformée à la Loi lorsqu’elle a déterminé que les emplois de l’intimée en 2007-2008 n’étaient pas véritablement rémunérateurs. Premièrement, la division générale semble suggérer que le simple fait que la prestataire ait eu une série d’emplois de durée relativement courte est en soit preuve d’invalidité. Je ne vois aucun fondement pour ceci dans la jurisprudence. Comme l’a établi la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. ScottNote de bas de page 7, c’est l’invalidité et non l’emploi qui doit être « régulière », et la capacité de détenir toute forme d’emploi peut exclure une prestataire au bénéfice d’une pension d’invalidité du RPC, à condition que l’emploi soit « véritablement rémunératrice. »

[38] Deuxièmement, la gravité de l’invalidité peut dépendre de plusieurs facteurs, incluant la capacité de toucher une rémunération. Bien qu’on puisse hésiter à appliquer une formule mathématique pour déterminer la capacitéNote de bas de page 8, le niveau de rémunération d’une prestataire ou d’un prestataire peut être une mesure valide pour déterminer si elle ou il occupait une occupation véritablement rémunératrice. Dans des centaines d’affaires, il a été tenté de déterminer si un niveau donné de rémunération satisfait le critère de « véritablement rémunérateur ». Comme plusieurs de ces affaires ont été traitées par la CAP, maintenant abolie, elles n’ont, par conséquent, plus qu’une valeur persuasive. Ces types d’affaires sont inévitablement ancrés dans leurs situations factuelles particulières. Toutefois, je ne suis pas au courant, même en considérant l’augmentation des salaires, d’aucune affaire où un revenu annuel de près de 23 000 $ ait été jugé moins que « véritablement rémunérateur. » Le Tribunal doit, évidemment, se conformer aux décisions de la Cour d’appel fédérale, mais aucune sur ce sujet ne semblerait faire jurisprudence d’une manière qui corresponde à l’approche libérale de la division générale comme dans les arrêts Fehr c. Canada Note de bas de page 9 et Gill c. CanadaNote de bas de page 10 où il est établi qu’une conclusion d’absence de gravité pourrait être raisonnable pour du travail saisonnier ou à temps partiel. Dans l’arrêt D’Errico c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 11, la Cour a souscrit à une conclusion précédente d’invalidité, mais l’appelante dans cette affaire ne gagnait pas plus de 200 $ par semaine ou approximativement 10 000 $ sur une base annuelle. Dans la plaidoirie qu’il m’a faite, le représentant de l’intimée a fait référence à l’arrêt MSD c. KuipersNote de bas de page 12, mais à l’exception d’être une affaire de la CAP, cette affaire traitait d’une rémunération ultérieure à la PMA de 7 000 $, obtenue pour un emploi à temps partiel et occasionnel chez un employeur bienveillant. En l’espèce, l’intimée gagna beaucoup plus dans un emploi à temps plein qui dura 16 mois. L’intimée fait valoir qu’elle avait été capable de conserver cet emploi aussi longtemps grâce à un employeur bienveillant, mais je ne vois rien qui indique, dans le dossier, que de tels éléments de preuve aient été présentés à la division générale. Par conséquent, ceci n’aurait pas pu faire partie des considérations de la division générale lorsqu’elle conclut que l’intimée était invalide malgré ses revenus en 2007-2008. De toute manière, même si des éléments de preuve d’un employeur bienfaisant avaient été présentés, il n’en a pas été question dans la décision de la division générale et, comme beaucoup d’autres choses, ceci ne joua pas un rôle apparent dans ses justifications. Bien que la division générale reconnut les affirmations de l’intimée voulant qu’elle ait eu des difficultés avec ses emplois après la PMA, elle ne saisit pas le fait plus important que malgré ses difficultés elle a néanmoins réussi à détenir un travail raisonnablement rémunérateur pendant une période prolongée.

Conclusion

[39] Pour les motifs mentionnés précédemment, l’appel est accueilli en raison du moyen selon lequel la division générale a commis une erreur de droit en jugeant que le travail de l’intimée après la PMA n’était pas « véritablement rémunérateur. »

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