Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 28 septembre 2016, après avoir conclu que la demanderesse n’était pas atteinte d’une invalidité grave, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable. La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler auprès de la division d’appel du Tribunal le 3 novembre 2016.

Question en litige

[2] Je dois déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[4] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’en appeler à la division d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[6] Pour déterminer s’il convient d’accorder la permission d’en appeler, je suis tenu de déterminer s’il existe une cause défendable. À ce stade, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse; elle doit seulement démontrer qu’il existe une chance raisonnable de succès, c’est-à-dire qu’elle dispose de « certains motifs défendables grâce auxquels l’appel proposé pourrait avoir gain de cause » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115 (paragraphe 12).

[7] La Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une partie dispose d’une cause défendable en droit revient à déterminer si cette partie a une chance raisonnable de succès d’un point de vue juridique : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63.

Observations

[8] La demanderesse soutient avoir toujours fait ce que son médecin recommandait, même si la division générale a déterminé qu’elle ne suivait pas les recommandations de son médecin d’augmenter la prise de ses médicaments.

[9] La demanderesse soutient qu’on ne lui a pas présenté les documents auxquels on se réfère par rapport à son omission d’augmenter sa prise de médicaments, ce qui lui aurait été utile pour se remémorer ce qui s’était réellement produit.

[10] La demanderesse soutient qu’on ne lui a pas fourni les copies des documents auxquels la division générale et son représentant se sont référés pendant l’audience, ce qui lui aurait permis de répondre aux questions avec certitude.

Analyse

Erreur de fait

[11] En ce qui concerne l’observation de la demanderesse d’avoir suivi les recommandations de son médecin, même si la division générale a affirmé que ce n’était pas le cas, je juge que la demanderesse soutien essentiellement que la décision de la division générale (décision) est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, ce qui constitue un moyen d’appel conformément à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

[12] Je juge que cette observation ne renferme aucune chance raisonnable de succès en appel, puisque la division générale a tenu compte de l’ensemble de la preuve, dont le témoignage oral de la demanderesse, pour rendre sa décision, et les dossiers médicaux démontrent que la demanderesse n’a pas augmenté sa prise de médicaments, comme on le lui avait recommandé.

[13] Je souligne qu’au paragraphe 11 de la décision, la division générale reconnaît que la demanderesse peinait à se remémorer différents aspects de son traitement, de même que les périodes en cause.

[14] La réponse à la question de savoir si le traitement prescrit par les médecins avait été suivi est pertinente pour établir l’invalidité aux termes du RPC. Dans l’arrêt Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33, au paragraphe 16, la Cour fédérale a établi qu’un demandeur doit présenter la preuve médicale au soutien de ce qu’il avance, de même que la preuve des efforts déployés pour obtenir un emploi et pour gérer son état de santé. De plus, dans l’arrêt Lalonde c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 211, au paragraphe 19, la Cour fédérale a déclaré que le refus de suivre le traitement recommandé par un médecin peut, si ce refus est déraisonnable, entraîner la perte du bénéfice des prestations d’invalidité pour un demandeur. Voir aussi : Kambo c. Canada (Développement des ressources humaines), 2005 CAF 353, au paragraphe 3, où l’appelante avait constamment reçu la recommandation médicale de faire davantage d’exercices et d’activités physiques, mais qu’elle ne l’avait pas fait de façon déraisonnable; Kaminski c. Canada (Développement social), 2008 CAF 225, au paragraphe 14, où le demandeur n’était pas réceptif aux traitements proposés par son médecin de famille et par les spécialistes; Warren c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 377, au paragraphe 6, où la preuve démontrait que le demandeur avait omis, sans aucune explication, de respecter le traitement recommandé et de s’y soumettre.

[15] Au paragraphe 12 de la décision, la demanderesse répond avoir modifié sa médication à plusieurs reprises quand on lui a demandé la raison pour laquelle elle n’avait pas augmenté sa prise de médicaments. On lui a ensuite demandé la raison pour laquelle elle n’avait pas augmenté sa dose, comme on lui avait indiqué de le faire en janvier 2014 et en novembre 2014. Elle n’a pas donné d’explication pour ne pas avoir augmenté sa dose de 112,5 milligrammes de venlafaxine, bien que deux psychiatres lui aient recommandé une augmentation à 150 milligrammes et plus, jusqu’à ce que les résultats désirés soient atteints.

[16] De plus, au paragraphe 13 de la décision, la demanderesse n’a pas pu expliquer la raison pour laquelle son médecin a mentionné dans ses notes médicales qu’elle hésitait à augmenter la dose de ses médicaments, et elle affirme avoir suivi la recommandation de son médecin. On a ensuite interrogé la demanderesse sur la lettre qu’elle avait écrite en date du 23 mars 2015. Elle a répondu avoir affirmé qu’elle ne voulait pas risquer de subir les effets négatifs d’une dose augmentée, alors que son père était mourant et qu’elle devait passer du temps avec lui. Elle craignait que la fatigue ne soit reliée aux médicaments. Je souligne que cette lettre manuscrite était destinée au Tribunal et qu’elle se lit ainsi [traduction] :

En novembre 2014, une autre augmentation a été recommandée. À ce moment, je ne l’ai pas fait parce que j’étais extrêmement fatiguée. Je n’étais pas certaine que c’était causé par le stress supplémentaire d’avoir un père malade. J’avais l’intention d’explorer les options à ce moment, mais en raison des problèmes constants de mon père, je n’ai pas cru que c’était le bon temps.

La division générale fait aussi référence à cette lettre au paragraphe 29 de la décision, dans son analyse.

[17] La division générale a mentionné la preuve médicale où l’on recommandait à la demanderesse d’augmenter sa prise de médicaments, précisément de venlafaxine. Justement, au paragraphe 20 de la décision, la division générale mentionne le rapport médical du 21 janvier 2014 du Dr Chernick, psychiatre, qui soulignait que la demanderesse était possiblement réticente à prendre des médicaments psychotropes en raison des stigmates associés à la maladie mentale. Le Dr Chernick a aussi souligné que la demanderesse avait demandé si la venlafaxine était la cause de sa fatigue, bien qu’elle se fût sentie fatiguée avant la prise de ce médicament. Le Dr Chernick a recommandé l’augmentation de 75 à 150 milligrammes pour la prise quotidienne de venlafaxine, puis à 225 milligrammes si la rémission n’était pas atteinte après trois ou quatre semaines. Le document auquel se réfère la division générale se trouve à GD2-56.

[18] Dans plusieurs paragraphes de la décision, la division générale mentionne différents rapports médicaux qui précisent que la demanderesse devrait augmenter sa dose de venlafaxine, notamment :

  • au paragraphe 22, le rapport médical du Dr Fawell du 12 février 2014 indiquait qu’un psychiatre avait recommandé l’augmentation de la dose de venlafaxine, de 75 à 150 milligrammes (page GD2-78);
  • au paragraphe 24, le rapport médical du Dr Fawell du 16 juin 2014, transmis à l’assureur de la demanderesse, indiquait qu’elle prenait 112,5 milligrammes de venlafaxine, et qu’il était prévu d’augmenter cette dose à 150 milligrammes;
  • au paragraphe 26, dans le rapport médical du 26 août 2014, présenté au soutien de la demande de prestations d’invalidité de la demanderesse, le Dr Fawell indiquait qu’elle prenait 112,5 milligrammes de venlafaxine, huit mois après la recommandation du Dr Chernick d’augmenter la dose à 150 milligrammes, puis à 200 milligrammes si aucune amélioration n’était observée;
  • au paragraphe 27, dans un rapport médical, le Dr Pachal, psychiatre, indiquait que la demanderesse prenait 112,5 milligrammes de venlafaxine et ne subissait pas d’effets négatifs, et il lui a recommandé d’augmenter la dose à 150 milligrammes et d’augmenter encore, soulignant que certaines personnes ont besoin d’une dose quotidienne de 300 milligrammes;
  • au paragraphe 28, dans un rapport médical du 26 janvier 2015, le Dr Fawell a indiqué que la demanderesse prenait toujours 112,5 milligrammes de venlafaxine et hésitait à augmenter la dose avant d’avoir rencontré le Dr O’Kane.

[19] La division générale souligne dans plusieurs paragraphes de sa décision que les rapports médicaux prescrivent de façon répétée que la demanderesse augmente sa dose de venlafaxine à 150 milligrammes et plus, et elle traite de cet aspect à l’égard de la demande de prestations d’invalidité.

[20] Pour ces raisons, je juge que l’observation de la demanderesse quant au fait que la division générale a déterminé qu’elle ne suivait pas les recommandations de son médecin – alors qu’elle dit l’avoir fait – n’a aucune chance raisonnable de succès. De nombreux documents démontrent qu’elle devait augmenter sa dose de venlafaxine.

Justice naturelle

[21] En ce qui concerne les deux observations de la demanderesse quant au fait de ne pas avoir reçu les documents auxquels on se réfère par rapport à son omission d’augmenter sa prise de médicaments, ce qui lui aurait été utile pour se remémorer ce qui s’était réellement produit, de même que les copies des documents auxquels la division générale et son représentant se sont référés pendant l’audience, ce qui lui aurait permis de répondre aux questions avec certitude, je juge que la demanderesse avance que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, ce qui représente un moyen d’appel conformément à l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS.

[22] Au nom de la justice naturelle, un appelant doit bénéficier d’une occasion juste et raisonnable de présenter sa cause.Dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, 1999 CanLII 699 (CSC), au paragraphe 30, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit : « Au cœur de cette analyse, il faut se demander si, compte tenu de toutes les circonstances, les personnes dont les intérêts étaient en jeu ont eu une occasion valable de présenter leur position pleinement et équitablement. »

[23] Tout au long du processus d’appel à la division générale, la demanderesse était représentée par la Disability Claims Advocate Clinic. Le 1er juin 2015, elle a rempli un formulaire de consentement à communiquer des renseignements à une personne autorisée et l’a présenté au Tribunal, lequel autorisait son représentant à agir en son nom. Ce document autorisait le représentant à divulguer au Tribunal toute information, par oral ou par écrit.

[24] Le représentant agissait au nom de la demanderesse tout au long du processus, présentant des observations au Tribunal (GD4). À l’audience, toutefois, un représentant différent était présent. Cette personne était un employé du représentant précédent. Au temps 02:11 de l’enregistrement audio de l’audience, la division générale soulève que le nouveau représentant n’est pas décrit comme étant le représentant. La demanderesse a consenti oralement à ce que le nouveau représentant la représente, et elle a agréé à remplir un autre formulaire de consentement et à l’envoyer au Tribunal au cours de la même journée (temps 05:25 de l’audience). Ce qui a été fait ainsi. On le mentionne aussi au paragraphe 1 de la décision.

[25] La demanderesse a informé la division générale qu’elle communiquait habituellement avec le représentant par téléphone.

[26] Au temps 11:50 de l’audience, la division générale a demandé à la demanderesse si elle disposait des documents du dossier. La demanderesse a précisé qu’elle ne les avait pas. Elle a affirmé qu’ils étaient éparpillés et qu’elle n’était pas très organisée à ce moment. On a demandé à la demanderesse si elle pouvait avoir accès à la [traduction] « partie principale du dossier », un document de 162 pages. La demanderesse a affirmé croire ne pas l’avoir reçu. Toutefois, le représentant a précisé qu’elle en détenait une copie. Après révision, la division générale a remarqué que le document avait été envoyé au représentant. Cela était permis, car le formulaire de consentement à communiquer avait été rempli adéquatement par la demanderesse, et elle y consentait. La division générale a ensuite déclaré que certaines questions seraient abordées au cours de l’audience et que la demanderesse était invitée à commenter. La demanderesse a donné son accord. Le représentant n’a pas fait part d’inquiétudes à l’égard du processus.

[27] L’audience s’est poursuivie et beaucoup de temps a été accordé aux médicaments que la demanderesse prenait et à la raison de sa réticence à augmenter sa dose de venlafaxine. La demanderesse a déclaré avoir toujours suivi les indications de son médecin. Le représentant a aussi parlé de la question des médicaments au temps 35:08 de l’enregistrement audio, quand elle a fait référence à la page GD7-26, où le Dr O’Kane a indiqué le 18 décembre 2015 que la demanderesse avait essayé le Wellbutrin et la venlafaxine, qu’elle prenait présentement du Prestique, soutenant que la demanderesse avait suivi les indications de son médecin par rapport aux médicaments.

[28] Au temps 1:00:54 de l’enregistrement audio, la division générale a fait référence à la lettre de la demanderesse du 23 mars 2015 (paragraphe 16 précédent) et a indiqué qu’en raison de sa réticence, elle n’avait pas augmenté sa dose de médicament. La demanderesse a déclaré avoir toujours été réticente à prendre des médicaments, mais qu’elle a toujours fait ce que le médecin suggérait.

[29] Lorsqu’il a été demandé si des questions ou des inquiétudes persistaient avant de clôturer l’audience, la demanderesse et son représentant n’ont pas fait part d’inquiétudes en lien avec l’audience ou avec les documents.

[30] À l’égard de son témoignage, les paragraphes 11 à 19 de la décision le décrivent de façon précise.

[31] En l’espèce, la demanderesse a bénéficié d’une occasion raisonnable de présenter sa cause, comme le prescrit la décision Baker. Elle était représentée par une firme avec laquelle elle échangeait tout au long du processus. Pendant l’audience, la demanderesse a amplement eu l’occasion de répondre aux questions, et le représentant a aussi eu l’occasion de présenter des observations. À certains moments de l’enregistrement audio, la demanderesse contestait les dossiers médicaux qui indiquaient que sa dose de venlafaxine devait être augmentée, ce qui est cohérent avec la décision. Elle a déclaré avoir toujours fait ce que son médecin recommandait. De plus, tout au long du processus, des renseignements amples et clairs ont été fournis à la demanderesse sur le processus et la procédure qui ont été suivis.

[32] La demanderesse a eu la pleine possibilité de faire référence aux documents et de parler avec son représentant, et donc, je ne juge pas que ce motif ait une chance raisonnable de succès en appel.

[33] J’ai révisé le dossier en conformité avec l’affaire Griffin c. Canada (Procureur général), 2016 CF 874, au paragraphe 20, et je n’ai relevé aucun exemple où la division générale n’a pas correctement tenu compte d’un élément de preuve.

Conclusion

[34] La demande est rejetée.

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