Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 21 décembre 2016, rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). La division générale avait instruit l’affaire sur la foi du dossier et statué que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), parce qu'il n’était pas atteint d’une invalidité « grave » avant la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle expirait le 31 décembre 2006.

[2] Le 20 mars 2017, la représentante autorisée du demandeur a présenté à la division d’appel, dans les délais prescrits, une demande de permission d’en appeler précisant les moyens d’appel prétendus.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[3] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n'a pas atteint l'âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[4] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au moment où sa PMA a pris fin ou avant cette date.

[5] Au titre de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[6] Au titre des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l'Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[7] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier:
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C'est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais cet obstacle est inférieur à celui auquel elle devra faire face à l'audience relative à l'appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[11] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Observations

[12] Dans un mémoire accompagnant la demande de permission d'en appeler, la représentante légale du demandeur soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  1. Elle n'a pas donné au demandeur l'occasion de répondre aux observations du défendeur. Le demandeur prétend ne jamais avoir reçu ces observations. Toutefois, selon la décision de la division générale, celle-ci s'est fondée en grande partie sur celles-ci.
  2. Elle n'a pas tenu compte d'une grande partie de la preuve dont elle disposait, plus particulièrement une trousse de rapports médicaux qui accompagnait l'avis d'appel d'octobre 2015 du demandeur devant la division générale.
  3. Elle n'a pas tenu adéquatement compte des rapports produits après la date de fin de la PMA en les écartant parce qu'ils ont été rédigés après le 31 décembre 2006 et en ignorant leur pertinence concernant les troubles ayant commencé avant cette date. La douleur chronique, la discopathie dégénérative et la neuropathie périphérique du demandeur ne sont pas survenues du jour au lendemain.
  4. Elle a refusé de tenir une audience et tranché l'appel sur la foi du dossier en citant l'absence d'une [traduction] « lacune » dans les renseignements présentés. Cependant, selon la décision, bien qu'il y avait une [traduction] « lacune », la division générale ne tente aucunement de la combler. Au paragraphe 33, la division générale déclare ce qui suit : [traduction] « Rien ne démontre que l'appelant a tenté de retourner au travail ou de chercher un autre emploi. » Toutefois, la division générale n'a pas fait l'effort de questionner le demandeur à ce sujet, et ce même par voie de questions et réponses écrites, option prévue à l'alinéa 21a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.
  5. Elle a mal appliqué le critère de « contexte réaliste » établi dans l'arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 3, qui prévoit qu'un demandeur doit tenir particulièrement compte des antécédents d'un demandeur, ce qui comprend des facteurs comme l'âge, le niveau d'instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et son expérience de vie pour évaluer l'invalidité. En l'espèce, la division générale aborde brièvement l'arrêt Villani au paragraphe 31 à l'aide d'une reconnaissance standard des facteurs pertinents, mais il n'a pas analysé ensuite de façon significative la façon dont une personne à la fin de la quarantaine avec une instruction limitée et des aptitudes limitées en anglais serait capable de conserver un emploi véritablement rémunérateur étant donné les nombreux troubles médicaux du demandeur.

Analyse

[13] À ce stade, je vais seulement traiter des arguments qui, à mon avis, confèrent à l'appel du demandeur la plus grande chance de succès.

Prétendue abstraction de documents médicaux

[14] Il est bien établi en droit qu'un tribunal administratif n'a pas besoin de mentionner chaque élément de preuve porté à sa connaissance dans ses motifs et qu'il est présumé avoir examiné l'ensemble de la preuveNote de bas de page 4. Cependant, toutes présomptions sont sujettes à une contestation, et, en l'espèce, je constate au moins une cause défendable selon laquelle la division générale pourrait avoir inobservé un principe de justice naturelle en ignorant une partie importante du dossier médical.

[15] Le défendeur a fondé ses rejets sur les documents médicaux présentés par le demandeur conformément à sa demande de prestations. Ces documents médicaux ont été versés dans le dossier du défendeur (nommé GD2 dans le dossier), qui ont été transférés à la division générale lorsque le demandeur a interjeté appel devant le Tribunal. L'avis d'appel du demandeur (GD1) était accompagné d'une trousse de rapports médicaux supplémentaires comptant 83 pages. Tous ces rapports dataient de 2006 ou 2007. À ma connaissance, il y avait un léger chevauchementNote de bas de page 5 entre ces documents et ceux déjà présentés : ils étaient presque tous [traduction] « nouveaux ».

[16] Il ressort à la lecture de la décision que la division générale semble avoir ignoré la trousse qui accompagnait l'avis d'appel. Je souligne que la décision renvoyait à chaque document important de GD2 (14 d'après mes calculs), mais pas à un seul rapport figurant dans GD1 qui ne figurait pas déjà dans GD2, et ce même si GD1 en soi comprenait des documents produits avant le 31 décembre 2006, soit la période la plus pertinente aux fins d'évaluation de l'invalidité du demandeur.

[17] À ce stade, je ne suis pas préoccupé par la question de savoir si la substance des documents figurant dans GD1 était très différente de ceux figurant dans GD2. Ce qui importe maintenant est la possibilité réelle que, pour en venir à sa décision, la division générale a fait abstraction d'un grand volume de dossiers médicaux possiblement pertinents holus bolus.

Prétendu déni des droits relatifs à l’audience

[18] Pour ce motif, je constate également une cause défendable selon laquelle la division générale pourrait avoir privé le demandeur de son droit d'être entendu. Il vrai qu'il incombe au requérant de prestations d'invalidité du RPC de prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'il est atteint d'une invalidité grave selon les critères établis à l'alinéa 42(2)a). Cependant, en l'espèce, la division générale s'est fondée sur l'absence de renseignements sur les efforts déployés par le demandeur pour demeurer sur le marché du travail après avoir cessé son emploi autonome de mécanicien automobile :

[traduction]
[33] Lorsqu’il y a des preuves d’aptitude au travail, une personne doit montrer que les efforts qu’elle a déployés pour obtenir et conserver un emploi ont été vains en raison de son état de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117). Rien ne démontre que l'appelant a tenté de retourner travailler ou de chercher un autre emploi lorsqu'il a cessé de travailler en janvier 2007. Par conséquent, le Tribunal ne peut pas conclure, selon la preuve dont il dispose, que l'appelant n'a pas réussi à obtenir ou à conserveur en emploi en raison de son état de santé s'il n'a jamais tenté de chercher un autre emploi. L'arrêt Inclima prévoit l’obligation de trouver un autre travail lorsque l’appelant a la capacité résiduelle de le faire. En l’espèce, le Tribunal est convaincu que l’appelant a la capacité de chercher un autre travail, mais qu'il n’a pas respecté son obligation selon l’arrêt Inclima.

[19] En l'espèce, la division générale a en effet pénalisé le demandeur parce qu'il n'a pas tenté de chercher du travail, mais il n'y avait rien à ce sujet dans le dossier documentaire. Je souligne que les documents relatifs à la demande de pension d'invalidité du RPC ne demandent pas aux requérants des renseignements sur un recyclage ou des essais de retour au travail après une blessure. On peut affirmer que, si la division générale avait l'intention de se fonder sur l'absence d'une preuve particulière qui n'était pas exigée par la loi ou le défendeur, il était seulement équitable d'offrir au demandeur l'occasion de présenter cette preuve au moyen d'un témoignage de vive voix ou de questions et réponses écrites. J'hésite habituellement à intervenir en ce qui concerne le pouvoir discrétionnaire de la division générale de décider du mode d'audience approprié, mais il pourrait y avoir lieu de faire exception en l'espèce.

Conclusion

[20] J’accorde la permission d’en appeler conformément à tous les motifs présentés par le demandeur. Si les parties décident de présenter des observations supplémentaires, elles sont libres de formuler leur opinion à savoir si une nouvelle audience s’avère nécessaire, et si tel est le cas, quel type d’audience est approprié.

[21] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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