Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] Dans une décision datée du 15 février 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité n’était pas payable en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d’appel du Tribunal, laquelle a été reçue le 24 mai 2016.

Question en litige

[2] Le membre doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

[3] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS énonce que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. »

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Le processus d’évaluation de la question à savoir s’il faut accorder la permission d’en appeler est un processus préliminaire. L’examen exige une analyse des renseignements afin de déterminer s’il existe un argument qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès. Il s’agit du seuil inférieur à celui qui devra être franchi à l’audience relative à l’appel sur le fond. La demanderesse n’a pas à prouver sa thèse à l’étape de la demande de permission d’en appeler : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630 (CF). Dans l’arrêt Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

Observations

[7] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a commis les erreurs suivantes :

  1. La division générale n’a pas observé certains principes de justice naturelle en ne donnant pas à la demanderesse la chance de lui fournir les rapports de la chirurgie qu’elle avait subie le jour suivant l’audience (le 9 décembre 2015), ainsi que la chance de lui fournir des rapports et des constatations supplémentaires de spécialistes. Le représentant de la demanderesse soutient que l’absence de ces rapports a empêché la division générale d’évaluer correctement des questions vitales à l’appel.
  2. La division générale a commis une erreur de droit en assumant que suivre d’autres traitements médicaux aurait permis d’améliorer sa ou ses conditions. Le représentant de la demanderesse soutient que ces traitements n’ont pas permis d’améliorer sa ou ses conditions.
  3. La division générale a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’« approche réaliste » lorsqu’elle a évalué si l’invalidité de la demanderesse était grave, notamment en concluant au paragraphe 55 de la décision que la demanderesse était [traduction] « jeune » à l’âge de 51 ans.
  4. La division générale a commis une erreur de droit en concluant que la demanderesse aurait été physiquement ou mentalement capable d’exercer [traduction] « un autre type d’emploi entre les états de crise, même à temps partiel dans le cadre d’un emploi moins stressant ».
  5. La division générale a commis une erreur de droit au paragraphe 67 de la décision lorsqu’elle a tenu compte de la recommandation du Dr Bacchus en janvier 2013 selon laquelle la demanderesse devrait présenter une demande de prestations d’invalidité à court terme avec l’opinion que la demanderesse devait être [traduction] « dépannée » seulement pendant une période temporaire.

Analyse

La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle?

[8] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale a enfreint des principes de justice naturelle en ne permettant pas à la demanderesse de soumettre des rapports à la suite de la chirurgie qu’elle a subie le jour suivant l’audience.

[9] Après une révision exhaustive du dossier, au cours de laquelle j’ai écouté l’enregistrement de l’audience par vidéoconférence qui a eu lieu le 8 décembre 2015, je n’ai pas été en mesure de retrouver une référence à la chirurgie prévue le 9 décembre 2015. De plus, je n’ai pas été en mesure de relever à quel endroit le membre de la division générale a été avisée du fait que cette chirurgie devait avoir lui le jour suivant l’audience. Après avoir écouté l’enregistrement, j’ai conclu que la chirurgie du 9 décembre 2015 n’a jamais été soulevée au cours de la vidéoconférence du 8 décembre 2015, et aucune demande n’a été faite pour que l’audience soit ajournée afin d’évaluer plus de renseignements médicaux après la chirurgie. Le dossier a également été examiné afin de déterminer si la demanderesse (ou le représentant de la demanderesse) avait tenté de présenter le rapport ou l’observation après l’audience, et rien au dossier ne permet de conclure qu’il y a eu une tentative à cet effet.

[10] Si le Tribunal avait été mis au courant de la chirurgie du 9 décembre 2015, alors peut-être des renseignements à la suite de la chirurgie auraient pu être utiles. Cependant, si les renseignements au sujet de la chirurgie du 9 décembre 2015 n’ont jamais été transmis au Tribunal avant l’audience du 8 décembre 2015, alors malheureusement, l’on ne peut pas s’attendre à ce que le membre fasse certaines accommodations pour un événement dont elle ne savait rien. Il incombe à la demanderesse de prouver le bien-fondé de sa cause et, si elle croyait qu’il manquait certains renseignements pertinents, il lui revenait alors de présenter ces documents, de soulever la question ou de faire une demande d’ajournement. Rien au dossier ne permet de conclure que cette chirurgie avait été communiquée au Tribunal. De plus, dans des observations présentées le 24 mai 2016, le représentant de la demanderesse n’a fait référence à aucun élément de preuve au dossier qui suggèrerait que le membre de la division générale était au courant de la chirurgie prévue.

[11] Les observations du 24 mai 2016 sont constituées d’autres rapports datant d’après cette intervention chirurgicale. Le Dr Bacchus a préparé un rapport daté du 13 mars 2016, et le Dr Atkinson a préparé un rapport daté du 25 février 2016. Ces deux rapports constituent de nouveaux éléments de preuve, et la division d’appel ne peut pas en tenir compte.

[12] La division d’appel ne peut pas tenir compte de nouveaux éléments de preuve, car la division d’appel s’abstient de mener des audiences de novo. C’est le rôle de la division générale de réviser la preuve et de tirer des conclusions de fait. Le membre de la division générale était chargé d’apprécier la preuve, de déterminer les faits et de conclure la question selon une analyse impartiale du dossier et du témoignage de vive voix rendu à l’audience. Dans l’affaire Parchment v. Canada (Procureur général), 2017 CF 354, la Cour fédérale a encore une fois expliqué le rôle de la division d’appel au paragraphe 23 de la décision :

[traduction]

En examinant l’appel, la division d’appel a un mandat limité. Elle n’a pas le pouvoir de tenir une nouvelle audience pour la cause de monsieur Parchment. De plus, elle ne tient pas compte des nouveaux éléments de preuve. La compétence de la division d’appel est limitée à déterminer si la division générale a commis une erreur (alinéas 58(1)a) à 58(1)c) de la LMEDS) et si la division d’appel est convaincue qu’un appel a une chance raisonnable de succès (58(2) de la LMEDS). La division d’appel accorde la permission d’en appeler seulement si les critères des paragr. 58(1) et (2) sont respectés.

[13] De plus, dans l’affaire Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300, le juge Roussel a écrit que « [t]outefois, dans l’actuel cadre législatif, la présentation de nouveaux éléments de preuve ne constitue plus un motif d’appel indépendant (Belo-Alves, au paragraphe 108). »

[14] Cela a été énoncé de manière encore plus détaillée dans l’affaire Marcia c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367, où il a été déterminé que de nouveaux éléments de preuve ne constituent pas un moyen d’appel. La Cour fédérale a affirmé ce qui suit :

[34] Il n’est pas possible de présenter une nouvelle preuve à la division d’appel, puisque la division doit se limiter aux moyens énumérés au paragraphe 58(1) et que l’appel ne constitue pas une audience de novo. Étant donné que la nouvelle preuve concernant la décision de la division générale présentée par Mme Marcia ne pouvait être admise, la division d’appel n’a pas commis d’erreur en la rejetant (Alves c Canada (Procureur général), 2014 CF 1100 (CanLII), au paragraphe 73).

[15] Récemment, dans l’affaire Glover v. Canada (Procureur général), 2017 CF 363, la Cour fédérale a adopté le raisonnement prévu dans l’affaire Canada (Procureur général) c. O’keefe, 2016 CF 503 et a conclu que la division d’appel n’avait pas commis d’erreur en refusant de tenir compte de nouveaux éléments de preuve dans cette affaire, dans le contexte d’une demande de permission d’en appeler.

[16] Il n’y a pas de manquement à la justice naturelle en l’espèce, puisque le dossier révèle que la division générale n’était pas au courant de la chirurgie prévue le 9 décembre 2015 et qu’aucune demande d’ajournement n’a été présentée. Le rôle de la division générale est d’agir comme principal juge des faits. Le rôle de la division d’appel n’est pas de tenir compte de nouveaux éléments de preuve ou de trancher à nouveau l’affaire.

[17] L’appel n’a aucune chance raisonnable de succès en ce qui a trait à cette allégation de manquement à un principe de justice naturelle.   La permission d’en appeler est refusée selon ce motif.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en assumant que suivre d’autres traitements médicaux aurait permis d’améliorer sa ou ses conditions?

[18] Au paragraphe 55 des observations fournies par le Tribunal le 24 mai 2016, la demanderesse a affirmé ce qui suit :

[traduction]

Le Tribunal a également commis une erreur en spéculant sur le fait que l’intervention chirurgicale pourrait améliorer les conditions de l’appelante. Il n’existait aucun fondement probatoire pour appuyer cette affirmation. Le seul élément de preuve médicale dont était saisi le Tribunal était celui du Dr Crowie, selon lequel la chirurgie devrait seulement être considérée comme un dernier recours. Il n’y avait aucune preuve selon laquelle la chirurgie améliorerait la condition de l’appelante. En effet, elle n’a pas amélioré la condition de l’appelante, selon les opinions ci-dessus. L’hypothèse du Tribunal à cet égard, tiré sans aucune preuve à l’appui, est un moyen d’appel important. La décision de subir une chirurgie repose sur le demandeur; tant et aussi longtemps que cette décision soit raisonnable, cela ne peut pas être un facteur négatif au moment de déterminer l’admissibilité : Wescome c. MDRH, CP 3752 (28 novembre 1996).

[19] Le membre de la division générale n’a pas analysé la question relative à la chirurgie — le fait que la demanderesse n’avait pas encore subi la chirurgie. Au paragraphe 31 de la décision de la division générale, il est noté que le rapport du Dr S. Crowie datant du 15 août 2013 indiquait que le traitement chirurgical était un dernier recours. Ensuite, à la suite de son hospitalisation de l’hôpital X en novembre 2013, il est noté qu’un avis chirurgical devrait être considéré (paragraphe 37 de la décision de la division générale). La décision de la division générale a souligné le rapport de décharge de l’hôpital X datant de novembre 2013 aux paragraphes 62 et 63 :

[traduction]

[62] Le Tribunal conclut que l’hospitalisation de l’appelante à l’hôpital X a pris fin en novembre 2013, et il a été noté qu’un avis chirurgical devrait être considéré. Cependant, le Tribunal estime qu’aucun rapport n’a examiné la question à savoir si la chirurgie est une option ou non pour l’appelante.

[63] Sans ces rapports, le Tribunal n’est pas en mesure d’évaluer correctement certaines questions essentielles, comme les traitements suivis par l’appelante, les essais de médicaments, les recommandations qu’elle a peut-être reçues, la conformité de l’appelante aux recommandations et les bénéfices des traitements, s’il y en a eus. Le Tribunal n’a pas les diagnostics et les pronostics de ces spécialistes. L’on n’a pas présenté au Tribunal les opinions que ces spécialistes auraient exprimées (si de telles opinions existent) au sujet de la capacité de travail de l’appelante en 2014, c’est-à-dire au cours de sa PMA. Le Tribunal a pour devoir et responsabilité de s’appuyer sur des éléments de preuve crédibles et probants et non sur des spéculations : MRHD c. S.S. (3 décembre 2007) CP 25013 (CAP).

[20] La division générale a clairement noté le manque d’éléments de preuve médicale portant sur la question relative à la chirurgie, et les observations fournies aux paragraphes 62 et 63 indiquent que les décisions doivent être rendues en se fondant sur les éléments de preuve probants et non sur des spéculations. Dans l’arrêt Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33, la Cour d’appel fédérale a affirmé qu’il doit y avoir une preuve étayant ses efforts pour améliorer son état de santé. Le paragraphe 16 de l’arrêt Klabouch explique ce qui suit :

[...] la Cour a toujours statué qu’un demandeur doit non seulement soumettre à la Commission une preuve médicale à l’appui de son allégation selon laquelle son invalidité est « grave » et « prolongée », mais aussi une preuve étayant ses efforts pour se trouver un emploi et améliorer son état de santé.

[21] La division générale ne peut se fonder que sur la preuve fournie. L’arrêt Klabouch prévoit qu’une évaluation des efforts fournis pour améliorer son état de santé est nécessaire pour évaluer la gravité du problème de santé. De plus, lorsqu’il y a des éléments de preuve d’un traitement qui n’a pas été suivi et qu’aucune explication n’a été fournie à cet égard, le décideur ne peut pas faire des déductions. Cela a été le cas dans l’arrêt Warren c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 377. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a rejeté la demande, notant ce qui suit : « La Commission disposait également d’éléments de preuve démontrant que le demandeur avait omis, sans aucune explication, de respecter le traitement recommandé et de s’y soumettre. » (paragraphe 6)

[22] La division générale n’a pas présumé que la chirurgie allait améliorer l’état de santé de la demanderesse, mais a plutôt noté tout simplement le manque d’éléments de preuve lui permettant d’évaluer si la demanderesse avait déployé suffisamment d’efforts pour traiter ses problèmes médicaux, comme prévu dans les arrêts Klabouch et Warren. Il incombe à la demanderesse de présenter des éléments de preuve selon lesquels des efforts ont été déployés afin de traiter ses problèmes de santé. La conclusion selon laquelle il y a avait un manque d’éléments de preuve ne constitue pas une erreur de droit.

[23] L’appel n’a pas de chance raisonnable de succès en ce qui a trait à cette prétendue erreur de droit. La permission d’en appeler est refusée selon ce motif.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’« approche réaliste » lorsqu’elle a évalué si l’invalidité de la demanderesse était grave, notamment en concluant que la demanderesse était [traduction] « jeune » à l’âge de 51 ans?

[24] Aux paragraphes 54 à 56 de la décision, la division générale se tourne vers l’« approche réaliste » lorsqu’elle évalue si l’invalidité de la demanderesse était grave et ces paragraphes se lisent comme suit :

[traduction]

[54] Le critère de la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[55] En évaluant selon les caractéristiques prévues dans l’arrêt Villani, le Tribunal conclut que l’appelante était jeune au cours de sa PMA, soit à l’âge de 51 ans. L’appelante avait une 12e année. Elle avait obtenu un diplôme d’un an d’études collégiales. L’appelante était une intervenante en soutien communautaire auprès des personnes ayant des déficiences intellectuelles. Elle maitrise l’anglais.

[56] Le Tribunal estime que ce n’est pas toutes les personnes ayant un problème de santé et de la difficulté à trouver et à conserver un emploi qui ont droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248).

[25] La détermination de l’employabilité dans le contexte d’une approche « réaliste » doit, entre autres, tenir compte de la situation particulière d’un demandeur, y compris des facteurs tels que l’âge. Dans l’affaire Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, la Cour d’appel fédérale a traité de la façon dont l’approche « réaliste » aide à déterminer si un demandeur est capable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Au paragraphe 8 de la décision, la Cour a écrit ce qui suit :

L’arrêt de principe sur l’interprétation de « grave » est Villani c. Canada (PG), 2001 CAF 248 (CanLII), [2002] 1 C.F. 130. Cet arrêt, aux paragraphes 32 et 38, appuie l’assertion selon laquelle en évaluant la gravité d’une invalidité, la Commission doit adopter une analyse « réaliste ». Cette analyse l’oblige à déterminer si un requérant, dans sa situation particulière et selon ses antécédents médicaux, peut travailler, c.-à-d. qu’il est régulièrement en mesure de détenir une occupation véritablement rémunératrice. L’employabilité n’est pas un concept qui se prête à l’abstraction. Elle doit plutôt être évaluée eu égard à toutes les « circonstances ». Les circonstances appartiennent à l’une ou à l’autre des deux catégories suivantes :

  1. (a) La « situation » particulière du demandeur. Des éléments comme « son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie » sont pertinents ici (Villani, précité, au paragraphe 38).
  2. (b) Les « antécédents médicaux » de demandeur. Il s’agit d’un examen approfondi dans le cadre duquel l’état du demandeur est évalué dans son ensemble. Toutes les détériorations du demandeur ayant une incidence sur son employabilité sont examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale. L’approche qu’il convient d’adopter pour évaluer l’état du demandeur dans son ensemble est compatible avec le paragraphe 68(1) du Règlement concernant l’application du Régime des pensions du Canada, lequel oblige le demandeur à fournir des renseignements très particuliers sur « toute détérioration physique ou mentale », pas seulement ce que le demandeur estime être la détérioration dominante.

[26] Ultimement, la division générale a conclu que la demanderesse avait une capacité résiduelle de travail, et cette conclusion était fondée sur une évaluation de la situation de la demanderesse. La division générale n’a pas commis d’erreur de droit lorsqu’elle a tenu compte de l’âge de la demanderesse. En fait, tenir compte de l’âge de la demanderesse était un facteur pertinent à considérer au moment d’évaluer un demandeur dans un contexte « réaliste ». Le paragraphe 59 de la décision de la division générale est très clair lorsqu’elle détermine qu’une capacité résiduelle de travail a été déterminée en se fondant sur la situation personnelle et les problèmes de santé de la demanderesse. Il a été déterminé qu’il y avait une capacité résiduelle de travail. Le fait que la division générale ait déterminé que la demanderesse était [traduction] « jeune » ne constitue pas une erreur de droit.

[27] Pour les raisons susmentionnées, l’appel n’a pas de chance raisonnable de succès en ce qui a trait à cette prétendue erreur de droit. La permission d’en appeler est refusée selon ce motif.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en concluant que la demanderesse aurait été physiquement ou mentalement capable d’exercer [traduction] « un autre type d’emploi entre les états de crise, même à temps partiel dans le cadre d’un emploi moins stressant »?

[28] La division générale tient compte des caractéristiques personnelles de la demanderesse et, au paragraphe 68 de la décision, conclut que la demanderesse n’avait pas tenté d’exercer un autre type d’emploi moins stressant et adapté à ses limitations et ses problèmes de santé, ne serait-ce qu’à temps partiel.

[29] En revanche, les observations du 24 mai 2016 soutiennent que la demanderesse avait un faible niveau d’éducation, que les emplois disponibles pour elle étaient extrêmement limités lorsque le contexte de l’approche réaliste a été déterminé et que la division générale a omis de tenir compte de ces caractéristiques. À l’appui de cet argument, les observations citent également le rapport du Dr Bacchus daté du 13 mars 2016, lequel a déjà été jugé comme inadmissible, puisqu’il a été produit après que la décision de la division générale ait été rendue, et par conséquent, ce rapport n’a pas été pris en compte. Les observations soutiennent également que sa présence à l’hôpital pendant quelques jours à la fois lorsqu’elle expérimentait une poussée, combinée avec sa dépression, l’aurait empêché d’exercer tout « type d’occupation rémunératrice ».

[30] La décision de la division générale manquait de clarté dans son analyse des conditions de la demanderesse et dans la façon dont celles-ci affectaient sa capacité de travailler. Les paragraphes 67 et 68 de la décision de la division générale notent ses limitations. En fait, cette partie de la décision cite plusieurs avis médicaux qui ont une incidence directe sur sa capacité de travailler. Cependant, c’est au paragraphe 68 que le membre de la division générale note que le problème est que la demanderesse n’a jamais tenté de se trouver un autre type de travail qui serait moins stressant et que le fait qu’elle n’a pas essayé a fait en sorte que le membre de la division générale n’avait d’autre choix que de conclure que [traduction] « [l]’ appelante [maintenant la demanderesse] ne sait pas si elle serait capable de détenir un autre type d’occupation adaptée à ses limitations fonctionnelles et ses problèmes médicaux. » (Paragraphe 68 de la décision de la division générale)

[31] Ses caractéristiques personnelles ont été considérées au moment d’évaluer sa capacité de se trouver un autre emploi à temps partiel, entre ses états de crise, comme cela a été suggéré au paragraphe 68 de la décision de la division générale. De plus, les observations ont soulevé la question de sa dépression (bien qu’elle ne soit peut-être pas grave) et que celle-ci aurait constitué un obstacle supplémentaire au moment de se chercher [traduction] « un emploi parmi le peu d’emplois qui était peut-être disponible ». (AD1-17). La décision de la division générale a examiné la question de sa dépression, et au paragraphe 64 de la décision de la division générale, le membre a écrit ce qui suit :

[traduction]

Le Tribunal partage l’opinion de l’intimé selon lequel les rapports qui ont été produits ne permettent pas de conclure à une invalidité grave. Ces rapports confirment que l’appelante souffre de la maladie de Crohn et de poussées intermittentes, d’hypertension et de dépression. Cependant, ils ne permettent pas de conclure à une invalidité grave. Le Tribunal reconnait que l’appelante a commencé à prendre 10 mg de Celexa en janvier 2014, et la dose a été augmentée à 20 mg en novembre 2014 par le Dr Bacchus. Cependant, le Tribunal estime qu’il n’y a aucune note clinique du Dr Bacchus portant sur sa dépression et indiquant si les médicaments l’aident ou non. Le Tribunal juge qu’il y a un manque d’éléments de preuve médicale, et le Tribunal conclut que le Celexa a été augmenté de 10 mg à 20 mg. Cependant, le Tribunal estime que le médicament que prenait l’appelante pour traiter sa dépression ne permet pas de conclure à une dépression grave.

[32] Au paragraphe 59 de la décision de la division générale, le membre a déterminé que la preuve médicale ne permettait pas d’établir que la demanderesse manquait de [traduction] « capacité résiduelle pour se trouver un autre type d’emploi adapté à ses limitations fonctionnelles et à ses problèmes médicaux. » À la suite de cette conclusion de fait, le membre de la division générale a correctement identifié que, sans tentative pour se trouver un autre type d’emploi, il n’existe aucun moyen de savoir si elle aurait pu exercer un emploi à temps partiel ou un autre type d’emploi. Le critère prévu dans l’arrêt Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117 nécessite que si des éléments de preuve laissent entendre que le demandeur est apte à travailler, ce dernier doit prouver que les efforts qu’il a déployés pour trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santé. Les observations soutiennent qu’un travail ne lui serait pas [traduction] « facilement accessible » en raison de ses caractéristiques personnelles. Sans avoir tenté de se trouver un autre type d’emploi, mais ayant déterminé qu’il y avait une capacité résiduelle de travail, la décision de la division générale a correctement appliqué le critère prévu dans l’arrêt Inclima, et par conséquent, la division générale n’a pas commis d’erreur de droit à ce sujet.

[33] Pour les raisons susmentionnées, j’estime que l’appel n’a aucune chance de succès selon ce motif. La permission d’en appeler est refusée selon ce motif.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a tenu compte de la recommandation du Dr Bacchus en janvier 2013 selon laquelle la demanderesse devrait présenter une demande de prestations d’invalidité à court terme avec l’opinion que la demanderesse devait être [traduction] « dépannée » seulement pendant une période temporaire?

[34] Le paragraphe 67 de la décision rendue par la division générale énonçait ce qui suit :

[traduction]

Le Tribunal a pris en considération le fait qu’en janvier 20013, le Dr Pluta a suggéré que l’appelante devrait présenter une demande de prestations à court terme puisqu’elle travaille avec les personnes ayant des déficiences mentales et qu’elle ne sera pas capable d’exercer cet emploi. Cependant, le Tribunal estime que le but des prestations d’invalidité est de fournir un revenu à ceux qui sont incapables de travailler pendant une longue période, et non de dépanner des requérants au cours d’une période temporaire. Le 10 mai 2013, le Dr R. Bacchus, médecin de famille, a signalé que l’appelante ne serait plus jamais capable de retourner exercer son emploi précédent à cause de son problème médical. En juin 2013, le Dr Bacchus a noté que le stress professionnel épuise l’appelante, et il a noté que le stress, du moins partiellement, fait en sorte que sa maladie demeure active. Le 21 octobre 2013, le Dr K. Atkinson, gastro-entérologue, a noté que l’appelante continuait de trouver des facteurs de stress physiques et émotionnels l’empêchant d’exercer des activités normales. Cependant, le Tribunal conclut que comme le prévoit la loi : [traduction] « le but des prestations d’invalidité est de fournir un revenu à ceux qui sont incapables de travailler pendant une longue période, et non de dépanner des requérants au cours d’une période temporaire. »

[35] Les observations soutiennent que la plupart des régimes d’assurance nécessitent que l’assuré présente d’abord une demande de prestations d’invalidité à court terme avant d’avoir droit à des prestations d’invalidité à long terme. Au paragraphe 67, la référence à des prestations d’invalidité à court terme comme étant une option pour la demanderesse à cette époque est également étayée par le rapport du Dr Bacchus daté du 10 mai 2013 dans lequel il note qu’elle ne peut pas retourner exercer son emploi précédent. Il ne dit pas qu’elle ne peut pas retourner exercer tout type d’emploi. Le paragraphe 67 porte sur la situation de la demanderesse de janvier 2013 à octobre 2013 et, au cours de cette période, aucun renseignement médical au dossier n’est contradictoire, mais l’on note plutôt que son emploi actuel et ses [traduction] « activités normales » ont été affectés. Il n’y a pas de discussion portant sur le fait qu’elle n’est pas capable d’exercer tout type d’emploi.

[36] De plus, les observations ont noté que le membre de la division générale a omis de faire référence au rapport du Dr Pluta daté du 23 mai 2013, dans lequel il avait affirmé que la demanderesse voudrait peut-être présenter une demande de prestations d’invalidité à long terme. Tout constat selon lequel quelqu’un est admissible à des prestations d’invalidité à long terme en vertu d’un autre régime n’a absolument aucune incidence sur l’admissibilité de la demanderesse à une pension d’invalidité du RPC. Cependant, puisqu’il a été révélé qu’initialement, ce médecin croyait que seulement des prestations d’invalidité à court terme étaient nécessaires, cela indique qu’il avait des réserves au sujet du fait que l’invalidité était permanente à ce moment-là. La Cour d’appel fédéral a déterminé ce qui suit dans l’arrêt Canada (Ministre du Développement des Ressources humaines) c. Henderson, 2005 CAF 309 :

Le texte restrictif de l’article 42 montre que le Régime a pour objet de rendre admissibles à une pension ceux qui sont, pour cause d’invalidité, incapables de travailler pour une longue période, et non de dépanner des réclamants au cours d’une période temporaire où des ennuis médicaux les empêchent de travailler.

[37] De plus, il est entendu que la division générale a évalué toute l’information au dossier même si la décision ne faisait pas référence de façon explicite à tous les détails. Dans l’arrêt Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, l’avocate de l’appelante faisait mention de plusieurs rapports médicaux que la Commission d’appel des pensions (le prédécesseur de la division d’appel) avait, à son avis, ignorés, mal compris ou mal interprétés ou auxquels elle avait accordé trop de poids. En rejetant la demande de contrôle judiciaire, la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit :

Premièrement, un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Deuxièmement, le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits. Ainsi, une cour qui entend un appel ou une demande de contrôle judiciaire ne peut pas en règle générale substituer son appréciation de la valeur probante de la preuve à celle du tribunal qui a tiré la conclusion de fait contestée [...]

[38] La conclusion de la division générale était que les renseignements au dossier ne fournissaient pas d’éléments de preuve selon lesquels la demanderesse était incapable de régulièrement détenir tout type d’occupation véritablement rémunératrice. La décision de la division générale est conforme à la jurisprudence établie, et le membre n’a pas commis d’erreur de droit à ce sujet.

[39] J’estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès selon ce motif. La permission d’en appeler est refusée selon ce motif.

Conclusion

[40] La demande est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.