Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Contexte

[1] L’appelant touchait une pension d’invalidité depuis avril 1995. En septembre 2010, l’intimé a informé l’appelant par l’entremise d’une lettre que, d’après une évaluation qu’il avait conduite, l’appelant avait cessé d’être invalide à compter du 1er septembre 2006. L’intimé a suspendu tout autre versement de la pension. L’intimé a aussi déterminé un trop-payé pour la période de septembre 2006 à novembre 2009. L’appelant a interjeté appel à l’encontre de la décision de l’intimé devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), laquelle maintenait la décision de l’intimé voulant que l’appelant a cessé d’être invalide à compter du 1er septembre 2006.

[2] L’appelant a déposé une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 14 août 2015. Initialement, la demande était incomplète, et l’appelant avait jusqu’au 7 décembre 2015 pour présenter les renseignements manquants, et s’il s’exécutait, sa demande serait réputée avoir été reçue le 20 octobre 2015. L’appelant n’a pas présenté les renseignements manquants avant la date imposée, mais il a continué de communiquer avec le Tribunal et a complété sa demande de permission d’en appeler le 14 avril 2015. Cette date dépassait le délai établi de 90 jours conformément à l’alinéa 57(2)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). L’appelant a demandé une prorogation du délai pour déposer la demande conformément au paragraphe 57(2) de la Loi sur le MEDS.

[3] Dans sa demande de permission d’en appeler, l’appelant alléguait que :

  1. la division générale a erré quand elle a omis de bien tenir compte du diagnostic du VIH/SIDA de l’appelant et de son état de santé grave et prolongé;
  2. la division générale a erré en concluant que l’emploi à temps partiel de l’appelant était « véritablement rémunérateur »;
  3. la division générale a discriminé l’appelant en concluant que son état de santé ne faisait pas de lui une personne invalide.

[4] La demande de prorogation du délai et de permission d’en appeler de la décision de la division générale de l’appelant a été accueillie par la division d’appel le 31 mars 2017.

[5] En accordant la permission d’en appeler, la division d’appel n’a pas jugé que la division générale avait erré en omettant de définir l’état de santé de l’appelant comme grave sur le fondement de l’argument de l’appelant d’être forcément invalide puisque sa maladie est terminale. M’appuyant sur l’arrêt Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33, je n’ai pas jugé que l’argument de l’appelant avait une chance raisonnable de succès, car l’aspect « grave », conformément au Régime de pensions du Canada (RPC), est déterminé en fonction de la capacité de travailler du demandeur, et non en fonction de la maladie diagnostiquée. La permission d’en appeler a aussi été rejetée par rapport à l’argument de l’appelant voulant que la division générale l’avait discriminé, parce que l’appelant n’avait pas présenté d’explication quant à la manière dont la division générale l’aurait discriminé et qu’il n’avait pas soulevé de fondement légal à l’appui de son allégation de discrimination qui aurait pu lui donner gain de cause.

[6] La permission d’en appeler a été accordée, mais elle se limitait à une question. L’appelant avait fait valoir que son emploi ne pouvait pas être qualifié de « véritablement rémunérateur », et que la division générale avait commis une erreur de droit conformément à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS quand elle a jugé que l’invalidité de l’appelant n’était pas grave, pour la raison qu’il était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice d’après ses revenus et son relevé d’emploi entre 2006 et 2009. Il a été jugé que cet argument pourrait avoir une chance raisonnable de succès, car la division générale avait omis de présenter une analyse sur la jurisprudence existante par rapport à ce qui représente une occupation « véritablement rémunératrice ».

[7] Après l’accord de la permission d’en appeler, une lettre d’accompagnement de la décision, datée du 3 avril 2017, a été envoyée avec une copie de la décision relative à une demande de permission d’en appeler qui a été rendue le 31 mars 2017. La lettre d’accompagnement avisait l’appelant qu’il disposait de 45 jours à compter de la date de décision pour présenter des observations supplémentaires ou pour déposer un avis qu’aucune observation supplémentaire ne serait présentée. La lettre informait l’appelant, par erreur, qu’il pouvait présenter une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision relative à la demande de permission d’en appeler auprès de la Cour d’appel fédérale. Les décisions relatives à une demande de permission d’en appeler doivent être l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale, et non par la Cour d’appel fédérale. Une lettre corrigée datée du 5 avril 2017 a été envoyée à l’appelant. Le registre des appels téléphoniques indique que le 19 avril 2017, l’appelant a téléphoné pour obtenir une précision quant à la date établie pour présenter des observations supplémentaires. On l’a informé qu’il disposait de 45 jours à compter de la date de décision pour présenter des observations supplémentaires, et il a mentionné qu’il aurait besoin de plus de temps pour présenter ses observations en raison du délai qui a été engendré par la lettre de décision erronée qu’il a reçue. On l’a instruit de présenter une demande de prorogation du délai pour déposer ses observations par écrit. Le 28 avril 2017, l’appelant a présenté au Tribunal une demande de prorogation du délai pour déposer ses observations. En date du 11 mai 2017, l’intimé a également présenté une demande de prorogation du délai pour déposer ses observations par écrit. Par conséquent, la date limite du 15 mai 2017 pour présenter des observations supplémentaires a été modifiée au 31 mai 2017.

[8] Cet appel a été tranché sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. Conformément à l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (RTSS), le membre a jugé qu’aucune autre audience n’était requise.
  2. L’exigence du RTSS selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question en litige

[9] La division générale a-t-elle erré en n’examinant pas la question de savoir si l’emploi de l’appelant entre 2006 et 2009 représentait une occupation véritablement rémunératrice?

Droit applicable

[10] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[11] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Observations

[12] L’appelant n’a présenté aucune observation supplémentaire.

[13] L’intimé fait valoir que la division générale a correctement tenu compte de tous les éléments de preuve au dossier dont elle était saisie, dont la rémunération de l’appelant pour la période en cause, le type d’emploi qu’il occupait, la longueur de ses quarts de travail, sa présence habituelle au travail, et le fait qu’aucune mesure d’adaptation n’était requise de l’employeur. La division générale n’a pas fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, conformément à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

[14] L’intimé fait aussi valoir que la division générale a correctement appliqué le critère juridique requis pour déterminer la cessation du versement de la pension d’invalidité au titre du RPC. Précisément, la division générale a correctement jugé que l’intimé s’était déchargé du fardeau de prouver que l’appelant a cessé d’être invalide le 1er septembre 2006.

Norme de contrôle

[15] Il a précédemment été accepté que la norme de contrôle applicable aux appels devant la division d’appel était la même qui a été établie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9. La norme applicable établie par la Cour dans l’arrêt Dunsmuir était celle de la décision correcte pour les affaires comportant des allégations d’erreur de droit ou de manquements aux principes de justice naturelle. La division d’appel devrait accorder un faible degré de déférence aux conclusions de la division générale. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable était celle de la décision raisonnable, signifiant que si les conclusions de la division générale appartiennent aux issues possibles et acceptables, la division d’appel devrait être réticente à intervenir par rapport aux conclusions tirées par la division générale.

[16] L’application des normes de contrôle par les tribunaux administratifs a changé depuis l’arrêt Dunsmuir. Dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, 2016 CAF 93, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’approche établie dans l’arrêt Dunsmuir et concluait que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle conçues aux fins d’application dans les cours d’appel :

[47] Les principes qui ont guidé et façonné le rôle des juges en matière de contrôle judiciaire des décisions rendues par des décideurs administratifs (consacrés par l’arrêt Dunsmuir aux par. 27-33) ne trouvent pas application en l’espèce. En effet, le rôle et l’organisation des différents niveaux des décideurs administratifs ne créent pas de tension entre l’intention du législateur de confier une compétence aux décideurs administratifs et l’impératif constitutionnel de préserver la primauté du droit.

[17] La Cour, dans l’arrêt Huruglica, a établi que les tribunaux administratifs devraient plutôt se rapporter en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer la portée de l’examen applicable. Dans Huruglica, la Cour a aussi déclaré qu’« on ne doit pas simplement présumer que ce qui était réputé être la politique la plus appropriée pour les juridictions d’appel vaut également pour certains organismes administratifs d’appel ». Par ailleurs, la Cour a déclaré que lorsqu’on définit la portée de l’examen par rapport à une décision d’une instance inférieure, il faut d’abord se tourner vers la loi constitutive du tribunal car « [i]l faut plutôt chercher à donner effet à l’intention du législateur. »

[18] Je souligne que l’affaire Huruglica traite d’une décision qui provenait de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, mais qu’elle comporte des incidences pour d’autres tribunaux administratifs.

[19] Conformément à la décision Huruglica, la division d’appel du Tribunal devrait limiter son examen à déterminer si la division générale a violé l’une des dispositions du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, sans entreprendre d’examen ou d’analyse des principes ou des normes appliquées dans le contexte d’un « contrôle judiciaire ». La norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte sera inapplicable, à moins que ces mots soient énoncés de façon précise dans la loi constitutive, et ils ne se trouvent pas au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[20] À la lecture des alinéas 58(1)a) et b) de la Loi sur le MEDS, ces dispositions permettent à la division d’appel d’intervenir si la division générale a erré en droit ou n’a pas observé un principe de justice naturelle. Il n’y a aucune condition pour empêcher la division d’appel d’intervenir lorsque de telles erreurs sont alléguées. Il n’est pas indiqué que la division d’appel devrait faire preuve de déférence à l’endroit des conclusions de la division générale.

[21] L’alinéa 58(1)c) concerne les conclusions de fait erronées. Conformément à cet alinéa, la division d’appel peut intervenir uniquement si la conclusion de fait erronée ou l’erreur mixte de fait et de droit a eu lieu de façon « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Ces mots doivent être interprétés dans le cadre de l’intention du législateur, laquelle correspond à une intervention de la division d’appel uniquement si la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait flagrante ou sur une conclusion de fait qui est contraire à la preuve documentaire.

Analyse

[22] L’appelant, en désirant obtenir la permission d’en appeler, avait reconnu qu’il travaillait pendant la période de 2006 à 2009, mais il a fait valoir qu’il ne détenait pas une occupation « véritablement rémunératrice ». Il a fait valoir que les bénéficiaires d’une pension d’invalidité ont le droit de travailler, et le fait qu’il travaillait à temps partiel entre 2006 et 2009 ne devrait pas lui retirer le droit au bénéfice des prestations d’invalidité. Il a soutenu que l’intimé était dans l’erreur en déterminant que l’appelant n’était pas admissible à une pension d’invalidité du RPC.

[23] L’intimé a soutenu que sur la base de multiples facteurs, dont le revenu de l’appelant et les ententes de travail qui existaient entre 2006 et 2009, l’emploi de l’appelant était « véritablement rémunérateur ». L’intimé avait reconnu que pendant la période en cause, entre 2006 et 2009, l’état de santé de l’appelant était demeuré le même, mais qu’il était néanmoins capable de travailler de façon constante et de toucher un salaire véritablement rémunérateur pendant la période de quatre ans.

[24] En faisant des observations sur la question de ce qui représente une « occupation véritablement rémunératrice » en droit, l’intimé s’est appuyé sur la jurisprudence existante et a fait valoir les arguments suivants (en partie) :

  1. À l’évaluation de la gravité d’une invalidité, une approche « réaliste » devrait être utilisée, c’est-à-dire qu’elle doit tenir compte de l’âge, des compétences, du niveau de scolarité ou des aptitudes linguistiques, des antécédents de travail et de l’expérience de vie de l’appelant pour évaluer s’il est régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248).
  2. Le terme « véritable » a été défini comme « authentique, qui existe réellement, non illusoire, dont l’importance ou la valeur est réelle, pratique »; le terme « rémunérateur » a été défini comme « lucratif, emploi rémunéré »; et le terme « occupation » a été défini comme « emploi temporaire ou permanent, inamovibilité » (Villani).
  3. La Cour d’appel fédérale a maintenu des décisions à l’égard d’affaires où l’appelant était capable de travailler à temps partiel uniquement, car l’appelant étant tout de même « apte au travail ». Par exemple, la Cour a établi dans l’arrêt Atkinson c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 187, qu’une femme qui était capable de travailler un total de 30 heures par semaine, même avec des mesures d’adaptation de l’employeur, était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice (Atkinson).

[25] En ce qui concerne la décision de la division générale, celle-ci a omis de citer la jurisprudence et a limité son argumentation à une analyse comparative entre certains éléments de preuve écrits du dossier et le témoignage oral de l’appelant, lesquels étaient en contradiction à quelques occasions. Je souligne que les contradictions existant entre la preuve écrite et la preuve orale ne sont pas grandement étudiées dans la décision de la division générale. Malgré le manque d’analyse, et reconnaissant que les parties ont le droit de recevoir des décisions qui reflètent un examen de la preuve au dossier et à des motifs bien formulés sur la façon dont les questions ont été tranchées, je ne juge pas que la division générale a omis d’examiner la preuve. Le manque de détail n’est pas un moyen d’appel conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Il n’est pas nécessaire qu’un tribunal se réfère à chaque élément de preuve qui lui a été présenté, dans la mesure où le décideur est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve (Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82).

[26] Je suis tenue d’examiner la décision de la division générale conformément à l’article 58 de la Loi sur le MEDS. Ce qui veut dire que je dois m’abstenir d’établir des faits, de réexaminer la preuve au dossier, de soupeser à nouveau la preuve ou d’intervenir par rapport aux conclusions tirées par la division générale sur la base que j’aurais décidé l’affaire différemment.

[27] Compte tenu du cadre juridique pour déterminer si une occupation peut être qualifiée de « véritablement rémunératrice », l’intimé est d’avis que la division générale a appliqué les facteurs pertinents aux faits particuliers de cette affaire, comme on l’établit dans les lois et dans la jurisprudence. Plus précisément, l’intimé soutient que la division générale a correctement jugé que l’appelant a cessé d’être invalide, d’après la preuve que l’appelant avait travaillé de façon constante en moyenne 20 heures par semaine au cours de sa période d’emploi, entre 2006 et 2009. Certaines semaines, l’appelant travaillait jusqu’à 40 heures. La preuve au dossier démontre que l’appelant s’est absenté du travail seulement 31 heures pour cause de maladie au cours de la période en cause de quatre ans. Les revenus de l’appelant ont passé de 9 547 $ en 2006 à 18 564 $ en 2009. Au cours de cette même période, l’appelant était capable de travailler sans mesures d’adaptation de son employeur.

[28] De façon constante, l’appelant a fait valoir que son incapacité est demeurée régulière puisqu’il a reçu le diagnostic d’une maladie terminale (VIH/SIDA) et qu’aucune guérison n’est possible. Il soutient que son état de santé est grave, qu’il sera d’une durée longue, continue et indéfinie et entraînera vraisemblablement le décès. Par conséquent, il soutient toujours satisfaire aux exigences de l’alinéa 42(2)a) du RPC.

[29] L’intimé a cité le raisonnement utilisé par la Cour d’appel fédérale dans la décision Villani pour définir une « occupation véritablement rémunératrice » en droit. De 2006 à 2009, il n’existait pas de définition légale pour l’expression « véritablement rémunératrice ». L’intimé a présenté des observations à l’égard du paragraphe 68.1(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (RRPC), lequel est entré en vigueur le 29 mai 2014.

[30] Le paragraphe 68.1(1) du RRPC est ainsi libellé :

Pour l’application du sous-alinéa 42(2)a)(i) de la Loi, véritablement rémunératrice se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invalidité [...].

[31] La division générale a maintenu l’avis de l’intimé voulant que l’appelant a cessé d’être invalide en septembre 2006. Si le paragraphe 68.1(1) du RRPC avait été en vigueur entre 2006 et 2009, période pendant laquelle l’appelant a été jugé capable de travailler et pour laquelle un trop-payé a été déterminé, la somme annuelle maximale qu’une personne aurait pu recevoir à titre de pension d’invalidité pour chacune de ces années, conformément à la formule prévue au paragraphe 68.1(1), était de : 12 665 $ pour 2006; 13 065 $ pour 2007; 13 387 $ pour 2008; 13 774 $ pour 2009. Si les revenus touchés pour l’une de ces années égalaient ou dépassaient ces montants, il aurait été établi que l’appelant détenait une occupation « véritablement rémunératrice ». En fait, les revenus de l’appelant dépassaient la somme annuelle maximale qu’une personne aurait pu recevoir à titre de pension d’invalidité en 2009; une seule des quatre années pour lesquelles un trop-payé a été déterminé.

[32] Comme l’a fait valoir l’intimé, le paragraphe 68.1(1) n’est pas applicable en l’espèce, car ce paragraphe du RRPC s’applique seulement aux demandes reçues après le 29 mai 2014. J’admets que la demande de prestations d’invalidité, l’examen qui a engendré la cessation des prestations et la révision qui a entraîné une décision qui a fait l’objet d’un appel devant la division générale ont tous eu lieu après l’entrée en vigueur du paragraphe 68.1(1), et que le RTSS n’est pas rétroactif. Toutefois, la définition du paragraphe pour ce qui représente une occupation « véritablement rémunératrice » peut servir de référence raisonnable, logique, pour ce qui doit être considéré comme une occupation « véritablement rémunératrice » à l’examen des revenus dans le cadre d’affaires de cessation des prestations qui sont antérieures à l’entrée en vigueur du paragraphe 68.1(1) et pour établir la date à laquelle une personne cesse d’être invalide.

[33] Le montant des revenus perçus n’est pas en soi déterminant de l’invalidité; la capacité de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice l’est (voir par exemple M.D. c. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences (13 juillet 2010), CP26312 (CAP)). Pendant la période en cause, de 2006 à 2009, la jurisprudence par rapport aux occupations « véritablement rémunératrices » établissait de façon constante que cette expression comprend les emplois pour lesquels la rémunération offerte pour les services rendus ne serait pas une compensation modique, symbolique ou illusoire. Il a été établi que l’expression « véritablement rémunératrice » comprenait les emplois pour lesquels la rémunération offerte correspondait à une rémunération appropriée selon la nature du travail effectué (Poole c. Ministre du Développement des ressources humaines (21 juillet 2003), CP20748, (CAP)). Toutefois, le revenu peut être un indicateur pour déterminer si une occupation est véritablement rémunératrice. Par exemple, la Commission d’appel des pensions (CAP), dans la décision P.S. c. MRHDS (28 janvier 2011), CP26937 (CAP), était d’avis qu’un appelant qui avait travaillé entre 2004 et 2008, qui avait augmenté ses heures de travail et ses revenus pendant cette période, de façon similaire au cas de l’appelant en l’espèce, pouvait ne pas avoir détenu une occupation véritablement rémunératrice en 2004, puisque les revenus étaient bien plus faibles que ceux des années subséquentes. La CAP a déclaré au paragraphe 14 que [traduction] « [l]a preuve ne démontre pas que monsieur S. a travaillé régulièrement en 2004, et bien qu’il ait touché une somme considérable pendant cette partie de l’année, pour lui, ce n’était pas “considérable”, comme le démontrent ses revenus pour des années subséquentes. Ses efforts déployés en 2004 semblaient être une “tentative d’emploi” plutôt qu’un emploi régulier. »

[34] La CAP a souligné dans la décision MDS c. Nicholson (17 avril 2007), CP24143 (CAP), en citant le juge Isaac qui a approuvé l’analyse de la décision Barlow c. Ministre du Développement des ressources humaines (22 novembre 1999), CP07017, ce qui suit :

Véritable : « authentique, qui existe réellement, non illusoire, dont l’importance ou la valeur est réelle, pratique ».

Rémunérateur – « lucratif, emploi rémunéré ».

Ces commentaires sont d’une certaine utilité pour déterminer à quel montant se chiffre une occupation véritablement rémunératrice, mais cela nécessite une évaluation appréciative, ce qui pourrait impliquer de tenir compte des niveaux de revenus locaux et du coût de la vie, en plus des autres conditions particulières du demandeur.

[35] L’intimé soutient que la division générale a correctement examiné l’employabilité de l’appelant, ainsi que les « conditions particulières du demandeur ».

[36] Comme l’a soutenu l’intimé, la division générale a tenu compte des éléments suivants :

  • Depuis 2006, l’appelant a travaillé de façon constante en moyenne 20 heures par semaine, et parfois jusqu’à 40 heures, selon des quarts de quatre heures, cinq jours par semaine.
  • L’appelant s’est absenté du travail seulement 31 heures pour cause de maladie au cours de la période en cause.
  • L’appelant a touché des revenus entre 9 547 $ en 2006 et 18 564 $ en 2009.
  • L’appelant a travaillé sans aide et sans mesures d’adaptation spéciales de l’employeur.

[37] L’intimé soutient que la division générale a correctement jugé que la preuve susmentionnée reflétait les conclusions suivantes :

  • L’appelant avait fait preuve d’une capacité de travailler.
  • L’appelant était apte à accomplir ses tâches de façon constante.
  • Les troubles de santé de l’appelant ne se sont pas révélés être une nuisance.
  • D’après les ententes de travail, la capacité à accomplir les quarts de travail de façon constante et l’augmentation des revenus en raison d’heures de travail accentuées de l’appelant, celui-ci était régulièrement capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice et n’était donc pas invalide au sens de l’alinéa 42(2)a) du RPC.

[38] Bien que la rémunération de l’appelant soit modique, particulièrement entre 2006 et 2008, ses revenus correspondent à une rémunération appropriée pour les demi-heures qu’il a travaillées. La preuve au dossier et la preuve de l’appelant qui a été présentée à la division générale démontrent que, pour la période en cause, l’appelant était capable d’accomplir toutes les tâches que son employeur lui demandait. Bien qu’il ait eu à accomplir uniquement des tâches légères pendant un certain temps, cela découlait d’un accident de travail, contrairement à un trouble de santé qu’il soutient le rend invalide au sens du RPC.

[39] Certes, je suis d’accord avec les arguments susmentionnés en faveur des conclusions de la division générale. Je juge que l’élément de preuve le plus pertinent quant à l’employabilité de l’appelant et au fait que son emploi était « véritablement rémunérateur » concerne la confirmation de l’appelant d’avoir accepté tout le travail qu’on lui a offert. Il a commencé par des quarts de quatre heures par jour, mais il a présenté la preuve d’avoir accepté les quarts de nuit quand on les lui a offerts. Les quarts de nuit étaient plus longs que ceux de quatre heures pendant le jour. Sa volonté de travailler quand son employeur le lui demandait et le fait que ses revenus ont grandement augmenté quand le travail a facilement été offert font montre de son employabilité et du fait que son emploi était « véritablement rémunérateur ». L’appelant était disponible pour travailler, autant d’après sa preuve que d’après son employeur qui le lui demandait. Ses heures de travail hebdomadaires ont doublé entre 2006 et 2009, de même que ses revenus pour cette même période. Cela prouve que le revenu qu’il touchait pour accomplir un travail qu’il était capable de faire n’était pas modique, symbolique ou illusoire.

[40] Je peux reconnaître que les revenus de l’appelant en 2006, 2007 et 2008 n’étaient pas nécessairement « véritablement rémunérateurs » en ce qui concerne le niveau de revenu qu’il avait perçu pendant ces années. Toutefois, d’après l’ensemble des circonstances, aucun fondement n’appuie l’affirmation de l’appelant de ne pas avoir détenu une occupation véritablement rémunératrice entre 2006 et 2009. Il a démontré une capacité de travailler régulièrement et, si on lui avait offert plus de travail entre 2006 et 2008, par exemple, ses revenus auraient été significativement plus élevés, comme ils l’ont été en 2009.

Conclusion

[41] L’appel est rejeté.

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