Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelant souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 19 janvier 2016 rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), laquelle concluait que l’appelant était inadmissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Une demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale a été présentée à la division d’appel du Tribunal le 9 mars 2016, et la permission a été accordée le 5 avril 2017.

[3] Cet appel a été instruit sur la foi du dossier pour les raisons suivantes :

  1. En vertu de l’alinéa 37a) du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (RTSS), le membre a jugé qu’aucune audience n’était requise.
  2. Le RTSS exige que l’appel se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.
  3. Les questions en litige ne sont pas complexes.
  4. Il n’y a aucune lacune à la preuve au dossier et aucune clarification n’est nécessaire.

Question en litige

[4] Conformément au paragraphe 59(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), la division d’appel doit décider si elle devrait rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale, confirmer, infirmer ou modifier la décision rendue par la division générale.

Droit applicable

[5] Les seuls moyens d’appel selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[6] L’appelant a soutenu ce qui suit :

  1. La demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale avait été présentée par l’appelant plus d’un an avant que la division d’appel rende la décision d’accorder cette permission, et ce délai est excessif. Comme il y a des échéanciers stricts pour les parties pour présenter un avis d’appel et soumettre des documents, le manque d’échéanciers stricts lorsque la division d’appel rend ses décisions constitue un manquement aux principes d’équité procédurale et représente un manquement à la justice naturelle.
  2. L’appelant fait valoir que la division générale erra en droit en n’accordant pas la permission d’interjeter appel sur le fondement que la division générale n’avait pas appliqué les principes énoncés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Laseur, [2003] 2 RCS 504, 2003 CSC 54, de savoir que les personnes atteintes de douleur chronique souffrent physiquement et moralement et que leur « incapacité est réelle ».
  3. L’appelant fait valoir que la division générale erra en droit lorsqu’elle cita l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 RCF 130, 2001 CAF 248. Mais qu’également, elle omit de fournir une analyse détaillée des facteurs dans un contexte réaliste et elle ne démontra pas que les occupations hypothétiques qu’elle avait considérées n’étaient pas dissociées avec la situation particulière de l’appelant conformément à l’arrêt Garrett c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2005 CAF 84.
  4. L’appelant fait valoir que la division générale erra en droit en omettant d’appliquer l’arrêt Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, et qu’elle omit de considérer tous les problèmes de santé de l’appelant et non seulement sa maladie principale en déterminant leurs effets sur sa capacité à travailler.
  5. Finalement, l’appelant fait valoir que la division générale fonda sa décision sur une conclusion de fait erronée tirée de façon abusive ou arbitraire en ne considérant pas les rapports médicaux datant d’après la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Ces rapports indiquaient que l’état de santé de l’appelant ne s’était pas amélioré et que celui-ci était toujours inapte au travail, malgré les conclusions de la division générale qui indiquent qu’il avait démontré être capable à travailler jusqu’à sa date de fin de PMA.

[7] L’intimé soutient ce qui suit :

  1. La division générale appliqua correctement l’approche « réaliste » telle que définie dans l’arrêt Villani, et elle évalua correctement la capacité de l’appelant de travailler dans un contexte « réaliste » comme prescrit dans l’arrêt Villani. Par ailleurs, comme il n’avait pas été déterminé selon la preuve médicale au dossier que l’appelant souffrait d’une invalidité grave, il n’était pas nécessaire pour la division générale d’effectuer une analyse « réaliste ».
  2. La division générale a considéré correctement l’ensemble de la preuve au dossier et l’impact de l’état de santé global de l’appelant sur sa capacité de travail conformément aux arrêts Bungay et Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33.
  3. La division générale n’erra pas en concluant que l’appelant avait démontré sa capacité à travailler, et elle considéra correctement les éléments de preuve qui précèdent la date de fin de la PMA de l’appelant ainsi que ceux qui suivent cette date qui, en l’espèce, était le 31 décembre 2013. L’intimé fait valoir que l’appelant, en prétendant que la division générale n’avait pas correctement considéré certains éléments de preuve, tente de faire instruire de nouveau sa demande d’invalidité.

Norme de contrôle

[8] Il est reconnu que les normes de contrôle applicables aux appels présentés à la division d’appel étaient régies par les mêmes normes de contrôle établies par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. New Brunswick, [2008] 1 RSC 190, 2008 CSC 9. Les normes de contrôle applicables sont, comme établies par la cour dans l’arrêt Dunsmuir, que lorsqu’il y a une allégation d’erreur de droit ou de manquement aux principes de justice naturelle la norme applicable est celle de décision correcte. La division d’appel devrait faire preuve d’un seuil inférieur de déférence envers les conclusions de la division générale. De plus, les normes applicables sont, comme établies par la cour dans l’arrêt Dunsmuir, que lorsqu’il y a allégations de conclusion de fait erronée, la norme établie est celle de raisonnabilité. Par conséquent, lorsque les conclusions de la division générale s’inscrivent dans un ensemble de conclusions probables et acceptables, la division d’appel devrait être réticente à s’interposer dans celles-ci.

[9] Les normes de contrôle pour les tribunaux administratifs ont changé depuis l’arrêt Dunsmuir. La décision de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Huruglica, [2016] 4 RCF 157, 2016 CAF 93 a rejeté l’approche de l’arrêt Dunsmuir et a déterminé que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle ayant été établies pour être appliquées par les cours d’appel :

[47] Les principes qui ont guidé et façonné le rôle des juges en matière de contrôle judiciaire des décisions rendues par des décideurs administratifs (consacrés par l’arrêt Dunsmuir aux par. 27-33) ne trouvent pas application en l’espèce. En effet, le rôle et l’organisation des différents niveaux des décideurs administratifs ne créent pas de tension entre l’intention du législateur de confier une compétence aux décideurs administratifs et l’impératif constitutionnel de préserver la primauté du droit.

[10] Par contre, la Cour dans l’affaire Huruglica soutient que les tribunaux administratifs devraient premièrement se fier à leur loi constitutive pour déterminer le champ d’application de leurs contrôles. La Cour dans cet arrêt ajoute qu’ [traduction] « [i]l ne faut pas simplement tenir pour acquis que ce qui est réputé être la meilleure politique pour les cours d’appel s’applique également aux instances d’appel à caractère administratif ». Par ailleurs, la Cour affirma que lorsque la portée du contrôle judiciaire applicable à une décision d’un tribunal administratif d’instance inférieure est déterminée, la législation constitutive de ce tribunal doit être considérée en premier lieu, car [traduction] il faut plutôt « chercher à donner suite à l’intention du législateur. »

[11] Je note que, bien que l’affaire Huruglica traite d’une décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, elle a des incidences sur d’autres tribunaux administratifs.

[12] Selon l’arrêt Huruglica, la division d’appel du Tribunal devrait se limiter à déterminer si la division générale a enfreint l’une des dispositions du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS sans s’engager dans une discussion ou une analyse des principes ou des normes appliquées dans le contexte d’un « contrôle judiciaire. » Une des normes, soit celle de la raisonnabilité ou celle de la décision correcte, s’appliquera seulement si ces mots ou leurs variantes sont énoncés spécifiquement dans la loi constitutive et qu’ils ne se retrouvent pas dans le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[13] En l’espèce, l’appelant a fait valoir que la division générale erra en droit et qu’elle fonda sa décision sur une erreur de fait. De plus, l’appelant allègue que le délai à obtenir une décision d’accorder une permission d’en appeler entraîna une violation d’un principe de justice naturelle. Par conséquent, je dois considérer la norme de contrôle appropriée pour chacun des alinéas du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[14] En lisant les alinéas 58(1)a) et b) de la Loi sur le MEDS, je vois que ces dispositions permettent à la division d’appel d’intervenir où la division générale a commis une erreur de droit ou lorsqu’elle n’a pas observé un principe de justice naturelle. Il n’y a pas de réserve limitant l’intervention de la division d’appel lorsque de telles erreurs sont présumées. Il n’y a pas d’indications voulant que la division doive faire preuve de déférence à l’égard des conclusions de la division générale.

[15] L’alinéa 58(1)c) traite des conclusions de fait erronées ou des erreurs mixtes de fait et de droit. Selon cette disposition, la division d’appel peut intervenir seulement lorsqu’une conclusion de fait erronée ou qu’une question mixte de fait et de droit a été tirée de façon « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Ces mots doivent être interprétés en tenant compte de l’intention qu’avait le législateur. Lorsque lus simplement, ils indiquent que la division d’appel devrait intervenir seulement lorsque la division générale a fondé sa décision sur une erreur flagrante de fait ou sur une conclusion factuelle qui est en désaccord avec la preuve au dossier.

Analyse

Est-ce que l’absence d’échéanciers stricts pour rendre une décision par la division d’appel entraîne un manquement aux principes d’équité procédurale?

[16] Le représentant de l’appelant a fait valoir que, bien que la raison d’être du Tribunal est de rendre, plus efficacement et avec un processus simplifié, des décisions relatives à des appels liés à l’assurance-emploi (AE), à la sécurité de la vieillesse (SV) et au RPC (le programme plutôt que la loi), l’absence d’échéanciers stricts pour rendre des décisions de permission d’en appeler entraîne des manquements aux principes d’équité procédurale. Le représentant de l’appelant affirme que les délais à obtenir une décision de permission d’en appeler sont abusifs et injustes pour les invalides canadiens et que le délai excessif entraîne un manquement aux principes de justice naturelle conformément à l’alinéa 59(1)a) de la Loi sur le MEDS.

[17] Je note que les principes de justice naturelle incluent l’équité procédurale qui est généralement liée à la manière dont l’audience est tenue. L’équité procédurale inclut, de manière large, les garanties procédurales pour les appelants, comme :

  • être informé de leur date d’audience;
  • connaître la preuve qui doit être plaidée;
  • que la preuve leur ait été complètement divulguée;
  • que le temps nécessaire pour préparer leurs causes ait été accordé ainsi que le temps pour se préparer à défendre la cause soulevée par une réponse;
  • avoir droit à un décideur impartial et à l’absence de tout biais;
  • avoir droit à une décision qui inclut les motifs expliquant comment leur cause a été décidée.

[18] Je reconnais que l’équité procédurale traite largement de la manière par laquelle une décision est prise. L’équité procédurale ne s’étend pas aux questions de fond qui incluent le principe de décision correcte. La protection des principes de justice naturelle assure que le décideur suit la procédure adéquate pour en arriver à sa décision. Les principes de justice naturelle et d’équité procédurale sont fondés sur la croyance que l’essence d’une décision est plus susceptible d’être juste si la procédure par laquelle une décision est prise est équitable.

[19] L’article 3 du RTSS enjoint au Tribunal de veiller à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. L’article 3 du RTSS ne fournit pas de directives ou d’indications quant à la rapidité avec laquelle le Tribunal doit procéder. L’appelant est correct en affirmant qu’il n’y a pas d’échéanciers spécifiques pour rendre une décision de permission d’interjeter appel ou une décision d’appel sur le fond.

[20] Bien que je reconnais que la décision accordant la permission d’en appeler en l’espèce a été rendue plus d’un an après que la demande d’interjeter appel ait été présentée, le représentant de l’appelant n’a pas détaillé comment le délai à obtenir cette décision modifie la capacité de cet appelant particulier à présenter sa cause de manière complète et équitable. Bien que le représentant de l’appelant a affirmé qu’ [traduction] « il n’existe pas de tels échéanciers pour rendre une décision de permission d’en appeler par la DA-TSS, qui occasionnent des périodes d’attente excessives pour les invalides canadiens, » sans fournir plus de détails ou d’arguments sur le fondement de cette affirmation voulant que le délai prétendu en l’espèce avait causé une situation d’inéquité procédurale, je ne peux déterminer comment les principes de justice naturelle ont été violés en vertu de l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS.

[21] La Cour fédérale d’appel a traité la question des délais raisonnables dans le contexte du droit administratif dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Norman, [2003] 2 RCF 411, 2002 CAF 423. La Cour dans l’arrêt Norman traitait d’une affaire liée à l’assurance-emploi, toutefois la justification de la Cour a globalement des implications dans le contexte de droit administratif. La Cour fédérale d’appel, qui cite le juge Bastarche dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada, Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 RCS 307, 2000 CSC 44, indiqua que :

[25] Je serais disposé à reconnaître qu’un délai inacceptable peut constituer un abus de procédure dans certaines circonstances, même lorsque l’équité de l’audience n’a pas été compromise. Dans le cas où un délai excessif a causé directement un préjudice psychologique important à une personne ou entaché sa réputation au point de déconsidérer le régime de protection des droits de la personne, le préjudice subi peut être suffisant pour constituer un abus de procédure.

[22] La Cour dans l’arrêt Norman ajouta :

[26] Pour satisfaire à cette exigence préliminaire, le défendeur doit démontrer que le délai était inacceptable au point d’être oppressif et de vicier les procédures.

[…]

[27] Dans l’arrêt Blencoe, le juge Bastarache a reconnu que dans le cas s’il y a un délai excessif qui cause un préjudice psychologique important à une personne ou entache sa réputation au point de déconsidérer le régime de protection des droits de la personne, le préjudice subi peut être suffisant pour constituer un abus de procédure. Sur ce point, il affirme [au paragraphe 115] :

Je serais disposé à reconnaître qu’un délai inacceptable peut constituer un abus de procédure dans certaines circonstances, même lorsque l’équité de l’audience n’a pas été compromise. Dans le cas où un délai excessif a causé directement un préjudice psychologique important à une personne ou entaché sa réputation au point de déconsidérer le régime de protection des droits de la personne, le préjudice subi peut être suffisant pour constituer un abus de procédure. L’abus de procédure ne s’entend pas que d’un acte qui donne lieu à une audience inéquitable et il peut englober d’autres cas que celui où le délai cause des difficultés sur le plan de la preuve. Il faut toutefois souligner que rares sont les longs délais qui satisfont à ce critère préliminaire. Ainsi, pour constituer un abus de procédure dans les cas où il n’y a aucune atteinte à l’équité de l’audience, le délai doit être manifestement inacceptable et avoir directement causé un préjudice important. Il doit s’agir d’un délai qui, dans les circonstances de l’affaire, déconsidérerait le régime de protection des droits de la personne. La question difficile dont nous sommes saisis est de savoir quel « délai inacceptable » constitue un abus de procédure.

[28] De plus, le préjudice véritable qui a découlé du délai doit être d’une telle ampleur que le sens de décence et d’équité du public est atteint.

[23] Le représentant de l’appelant n’a pas fait valoir que le bien-être psychologique de l’appelant avait été affecté par le délai. De plus, aucun détail ou argument ne supportaient le fait que les intérêts de l’appelant avaient été l’objet de quelque préjudice, encore moins l’existence d’un [traduction] « préjudice important se soldant par un abus procédural. » Il n’a pas été empêché d’aucune manière de plaider sa cause entièrement et équitablement en raison du prétendu délai. Les audiences devant la division d’appel ne sont pas des audiences de novo, par conséquent l’exactitude des éléments de preuve ou leur [traduction] « fraîcheur » ne sont pas compromises par un délai. Aussi, je ne trouve pas, en l’espèce, que l’appelant a été traité différemment des autres individus qui sollicitent, à la division d’appel, une permission d’en appeler d’une décision de la division générale.

[24] Sans éléments de preuve qui appuient la prétention voulant que l’appelant ait été empêché de plaider sa cause pleinement et équitablement, ou que ses intérêts aient été indûment lésés par un prétendu délai à rendre une décision de permission d’en appeler, je ne peux conclure à la faveur de l’appelant sur cette question. Il n’y a pas fondement pour conclure que « le délai était inacceptable au point d’être oppressif et de vicier les procédures », ou que le délai en l’espèce était tel que « le sens de décence et d’équité du public est affecté. »

La division d’appel a-t-elle commis une erreur de droit en n’accordant pas la demande de permission d’en appeler sur le moyen que la division générale n’avait pas appliqué la décision de l’arrêt Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Martin; Nouvelle-Écosse (Workers’ Compensation Board) c. Laseur?

[25] L’appelant est d’avis que la division d’appel faisait erreur en rejetant la demande de permission d’en appeler sur le moyen que la division générale n’avait pas suivi la justification de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Nouvelle-Écosse c. Martin; Nouvelle-Écosse c. Laseur. Le représentant de l’appelant fait valoir que la Cour suprême a établi dans cette affaire que pour les individus atteints du syndrome de douleur chronique, leur « incapacité est réelle. » De plus, les personnes souffrant de douleur chronique sont souvent affectées par une condition qui ne peut pas être caractérisée par des symptômes objectifs. Le représentant de l’appelant soutient que les personnes atteintes de douleur chronique devraient être reconnues invalides par le RPC à cause de leur état comme le reconnaît la Cour suprême.

[26] J’avais refusé la demande de permission d’en appeler sur ce motif, car je n’avais pas jugé que cet argument avait une chance raisonnable de succès. J’ai fondé cette conclusion sur la jurisprudence examinant comment l’invalidité doit être déterminée selon le RPC. Bien que l’appelant puisse souffrir d’un problème de santé grave, l’invalidité selon le RPC est fondée sur l’employabilité. Le critère servant à établir une invalidité au sens du RPC a été formulé comme suit par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani :

[50] Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence d’occasions d’emploi. (Mis en évidence par le soussigné)

[27] La Cour d’appel fédérale a également précisé, au paragraphe 44 de l’arrêt Villani :

[...] Le critère qu’il convient d’appliquer à la gravité est celui en fonction duquel chaque mot de la définition apporte sa contribution à l’exigence légale. Ces mots, lus ensemble, donnent à penser que le critère de gravité comporte un aspect d’employabilité. (Mis en évidence par le soussigné)

[28] L’arrêt Nouvelle-Écosse c. Martin; Nouvelle-Écosse c. Laseur traite de la question de savoir si le système d’indemnisation des travailleurs en Nouvelle-Écosse est discriminatoire selon le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés, car il refuse l’accès au bénéfice des prestations régulières aux personnes atteintes de douleur chronique et, fournit plutôt des prestations limitées de quatre semaines destinées à faciliter un retour au travail. L’argument de la discrimination devant la cour était que le système de compensation ne correspond pas aux besoins réels et à la situation des travailleurs qui souffrent de douleur chronique. Autrement, les travailleurs font d’objet d’un bénéfice aux prestations qui est uniforme, limité et fondé sur leurs caractéristiques présumées comme groupe, et ils sont dépourvus de toute évaluation individuelle de leurs besoins et de leur situation.

[29] L’argument du représentant de l’appelant en l’espèce est que, comme le syndrome de douleur chronique est une maladie invalidante, ceux qui en ont un diagnostic devraient avoir droit à une pension d’invalidité du RPC, même s’il n’existe pas d’éléments de preuve objectifs pour appuyer cette maladie qu’ils déclarent telle qu’exigée par la Cour dans l’arrêt Villani. J’avais refusé la demande de permission d’en appeler sur ce motif, car je n’avais pas jugé que cet argument avait une chance raisonnable de succès. Si le raisonnement du représentant de l’appelant est suivi, chaque personne qui a un diagnostic de syndrome de douleur chronique aurait droit à une pension d’invalidité du RPC. La Cour d’appel fédérale a rejeté cet argument dans l’arrêt Klabouch où elle soutient :

[14] Premièrement, le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si le demandeur souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité « l’empêche de gagner sa vie » (voir : Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2000 CSC 28 (CanLII), [2001] 1 R.C.S. 703, paragraphes 28 et 29). En d’autres termes, c’est la capacité du demandeur à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité en vertu du RPC.

[30] Le régime législatif d’indemnisation des travailleurs, ainsi que sa structure décisionnelle, diffèrent du cadre servant à déterminer une invalidité au sens du RPC. La Cour dans l’affaire Nouvelle-Écosse c. Martin; Nouvelle-Écosse c. Laseur traita des dispositions d’indemnisation des travailleurs qui limitaient qui pouvaient recevoir des prestations (ceux qui souffraient de douleur chronique plutôt que les travailleurs blessés), l’échéancier pour recevoir des prestations, si la douleur éprouvée avait été causée par un accident de travail et l’objectif de ces prestations (prévues pour faciliter le retour sur le marché du travail). Bien qu’il soit possible que l’appelant puisse avoir droit au bénéfice des prestations en vertu de la législation d’indemnisation des travailleurs, le RPC est un régime clairement différent qui a des exigences différentes, et la jurisprudence qui interprète comment l’invalidité est déterminée selon le RPC est différente.

[31] Je ne considère pas que la justification de la Cour dans l’arrêt Nouvelle-Écosse c. Martin; Nouvelle-Écosse c. Laseur soit utile dans la perspective que les personnes souffrant de douleur chronique ne devraient pas toutes être traitées de la même manière. Il ne devrait pas y avoir une approche générale pour l’évaluation de leurs besoins, pour leur traitement ou pour leur droit à une compensation. En rejetant la permission d’en appeler sur le moyen que la division générale avait erré en droit sur cette question, je n’ai pas jugé que la division générale avait commis une erreur en évaluant et en appréciant la preuve au dossier qui présentait la situation particulière de cet appelant. La division générale s’est fondée correctement sur la preuve médicale au dossier pour [traduction] « évaluer le niveau pertinent d’incapacité » tel qu’énoncé par la Cour dans l’arrêt Nouvelle-Écosse c. Martin; Nouvelle-Écosse c. Laseur au paragraphe 6, pour ce qui est de la blessure de l’appelant. De plus, elle fournit des justifications de préférer certains éléments de preuve médicale :

[traduction]

[12] À la lecture des paragraphes 39 à 41 de la décision de la division générale, je constate que la division générale a à la fois examiné la preuve médicale et la preuve du demandeur en tenant compte du critère juridique pour déterminer une invalidité aux termes du RPC. La division générale a préféré la preuve du Dr Ballyk, et elle a fourni des motifs justifiant cette décision. Le Dr Ballyk a jugé qu’au cours de la période précédant la date de fin de la PMA du demandeur, l’électromyogramme et les études de conduite nerveuse du demandeur n’ont pas révélé de nerfs endommagés, et il avait été prévu que sa douleur allait s’atténuer. La division générale a préféré cette preuve plutôt que les opinions d’autres professionnels de la santé, car elle se fondait sur un test neurologique, un examen par IRM et des études par ultrason. La division générale a le droit de préférer certains éléments de preuve, mais elle doit fournir des motifs à l’appui (paragraphe 54(2) de la Loi sur le MEDS).

[32] L’évaluation de la division générale de l’état de santé de l’appelant concorde avec le raisonnement de la Cour dans l’arrêt Nouvelle-Écosse c. Martin; Nouvelle-Écosse c. Laseur, dans la mesure où la division générale n’a pas appliqué une « approche générale » pour évaluer la gravité de l’état de santé de l’appelant. Je n’ai pas accordé la permission d’en appeler selon ce moyen, et je ne conclus toujours pas en faveur de l’appelant.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en citant l’arrêt Villani, mais en omettant de fournir une analyse détaillée des facteurs dans un « contexte réaliste », et la division générale a-t-elle omis de considérer des occupations hypothétiques appropriées à la situation particulière de l’appelant (arrêt Garrett)?

[33] Le représentant de l’appelant fait valoir que la division générale n’a pas appliqué l’arrêt Garrett en tenant compte de manière inappropriée des facteurs Villani lorsqu’elle considéra les occupations hypothétiques appropriées à l’état de santé de l’appelant. Il est affirmé que la division générale n’avait pas considéré l’effet que l’état de santé de l’appelant avait sur sa capacité à travailler. L’appelant reconnaît que la division générale cita l’arrêt Villani dans sa décision, et qu’elle souligna des éléments de ses antécédents personnels et de ses attributs. Toutefois, le représentant de l’appelant prétend que la division générale [traduction] « n’a pas discuté les facteurs Villani en lien avec la question de savoir si l’appelant était apte à une employabilité réaliste. » Le représentant de l’appelant se réfère spécifiquement aux douleurs graves et continues que l’appelant a au cou et à l’épaule, à son amplitude articulaire réduite, à l’inaptitude qui en résulte à faire du travail qui nécessite son bras droit et à son incapacité à pousser, tirer, lever ou agripper. L’appelant fait valoir qu’il doit prendre des analgésiques qui compromettent son fonctionnement cognitif et sa mémoire, et qui causent aussi de la fatigue.

[34] L’intimé fait valoir que la division générale a examiné à fond l’état de santé de l’appelant et particulièrement sa déclaration voulant qu’il souffre de dysfonctionnement cognitif et de fatigue. L’intimé ajoute que la division générale a appliqué correctement l’approche « réaliste » prescrite par l’arrêt Villani. Selon l’intimé, la division générale s’est fondée sur la preuve médicale objective, à laquelle elle accorda plus d’importance qu’aux éléments de preuve subjectifs de l’appelant, en concluant que l’appelant avait conservé une certaine capacité à travailler. Par conséquent, une déférence considérable devrait être accordée à la conclusion de la division générale à cause de son rôle de juge de fait.

[35] L’intimé fait valoir qu’en concluant que l’appelant avait conservé une certaine capacité à travailler dans un contexte « réaliste », la division générale s’est basée adéquatement sur la preuve médicale au dossier, sur le témoignage oral de l’appelant et sur le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité. Ces éléments de preuve, pris ensemble, n’indiquent pas que l’incapacité liée au dysfonctionnement cognitif ou aux problèmes de mémoire est aussi importante que l’appelant l’a affirmé.

[36] L’appelant a soutenu que, bien qu’il ait développé certaines compétences transférables, ses compétences sont limitées à des emplois physiquement exigeants. Toutefois, bien qu’il n’ait jamais travaillé comme infirmier auxiliaire autorisé (IAA), il a démontré tant une capacité d’apprendre par les études faites qu’une capacité à de recycler au cours des années par l’expérience acquise dans différents emplois.

[37] L’appelant prétend que la division générale, en évaluant la capacité à travailler de l’appelant dans un contexte « réaliste » et en considérant ses compétences transférables limitées, erra en concluant qu’il avait conservé une capacité à fonctionner en milieu de travail ou à se recycler pour un emploi qui soit adapté à ses limites. Il fit valoir que l’évaluation de la division générale n’avait pas démontré que les occupations hypothétiques qu’elle avait considérées l’appelant capable de faire n’étaient pas dissociées avec la situation particulière de l’appelant conformément à l’arrêt Garrett. C’était un moyen d’appel sur lequel l’appel a été accueilli, car j’ai jugé qu’il avait une chance raisonnable de succès si le bien-fondé est prouvé. En accordant la permission d’en appeler, j’ai noté aux paragraphes 15 et 16 :

Le demandeur se fonde sur l’arrêt Garrett dans lequel la Cour d’appel fédérale a déterminé que, en plus du problème de santé principal du demandeur, les facteurs prévus dans l’arrêt Villani devraient être considérés dans un contexte « réaliste » en ce qui concerne la réalité de l’employabilité d’un demandeur et que toute occupation hypothétique qu’un décideur prend en considération ne peut pas être dissociée des problèmes de santé du demandeur et de tous ses facteurs aggravants :

[3] En l’espèce, la majorité n’a pas mentionné l’arrêt Villani et elle n’a pas effectué son analyse conformément aux principes qu’il consacre. Cela constitue une erreur de droit. Plus précisément, la majorité n’a pas fait état des éléments de preuve indiquant que les problèmes de mobilité de la demanderesse étaient aggravés par la fatigue et qu’il lui faudrait alterner les périodes où elle est assise et les périodes où elle est debout; des facteurs qui lui rendraient concrètement difficiles les emplois de bureau sédentaires ou de même type. Tel est le contexte « réaliste » de l’analyse exigée par l’arrêt Villani.

[16] Aux paragraphes 35 à 40 de la décision de la division générale, les handicaps physiques du demandeur sont à la fois décrits et analysés dans le contexte des facteurs prévus dans l’arrêt Villani. La permission d’en appeler n’a pas été accordée selon cette question. Cependant, la division générale note précisément, au paragraphe 35, que [traduction] « [le demandeur] souffre de migraines associées à sa douleur à l’épaule et au cou. Le fait de prendre des analgésiques lui cause des troubles cognitifs. » Le demandeur soutient que lorsque la division générale a jugé qu’il y avait des éléments de preuve à l’appui d’une capacité de travail en se fondant uniquement sur les handicaps physiques du demandeur résultant de son problème de santé, elle a commis une erreur de droit en ne tenant pas compte des répercussions de la fatigue et des troubles cognitifs sur les perspectives d’emploi réalistes du demandeur (arrêt Garrett).

[38] La division générale indique plusieurs des facteurs « réalistes » prescrits par la Cour dans l’arrêt Villani dans la section de la « Preuve » de sa décision au paragraphe 8 et 9. La division générale indique l’âge de l’appelant (48 ans à la date de fin de sa PMS), ses antécédents de travail (incluant celui comme employé d’une imprimerie, celui à un service de livraison dans une usine de tapis, celui dans une usine de fabrication de couches et celui de charpentier) et son éducation (il termina son secondaire et un cours d’un an pour devenir IAA). À l’exception d’autres références aux facteurs « réalistes » de l’arrêt Villani faites au paragraphe 34 de la décision, il n’y a pas d’autre analyse des facteurs prescrits qui se rapportent à l’appelant.

[39] Dans l’arrêt Garrett, la Cour d’appel fédérale affirma « que de ne pas citer ou ne pas effectuer d’analyse conformément aux principes énoncés dans l’arrêt Villani constitue une erreur de droit. » La Cour continua en spécifiant ce qui constituait une analyse juste :

[3] En l’espèce, la majorité n’a pas mentionné l’arrêt Villani et elle n’a pas effectué son analyse conformément aux principes qu’il consacre. Cela constitue une erreur de droit. Plus précisément, la majorité n’a pas fait état des éléments de preuve indiquant que les problèmes de mobilité de l’appelante étaient aggravés par la fatigue et qu’il lui faudrait alterner les périodes où elle est assise et les périodes où elle est debout; des facteurs qui lui rendraient concrètement difficiles les emplois de bureau sédentaires ou de même type. Tel est le contexte « réaliste » de l’analyse exigée par l’arrêt Villani.

[40] En l’espèce, bien que la division générale énonça les problèmes de santé de l’appelant, cita le critère approprié de l’arrêt Villani et identifia les facteurs pertinents de l’arrêt Villani, elle n’a pas fait le genre d’analyse prévue par l’arrêt Garrett avant de tirer sa conclusion de savoir que l’appelant n’avait pas démontré qu’il était atteint d’une invalidité grave et qu’il n’avait pas établi qu’il était incapable de travailler. La permission d’en appeler avait été accordée sur ce motif, particulièrement en lien avec la preuve au dossier qui faisait état de certains troubles cognitifs causés par les analgésiques prescrits à l’appelant.

[41] Bien que l’omission de la division générale de faire le genre d’analyse prescrit par la Cour dans l’affaire Garrett soit une erreur de droit, l’intimé a ajouté qu’il n’était pas nécessairement requis que la division générale réalise une évaluation complète des facteurs de l’arrêt Villani, car il n’y a pas d’observation, fondée sur la preuve médicale, que l’appelant était atteint d’une invalidité grave. En citant la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Giannaros c. Canada (ministre du Développement social), 2005 CAF 187, l’intimé fait valoir que puisque l’appelant n’a pas démontré qu’il était atteint d’une invalidité grave selon le RPC, [traduction] « ce manquement rend vaine toute discussion additionnelle de l’application de l’approche « réaliste. » Par conséquent, à cause de l’impact de la décision dans l’affaire Giannaros, la conclusion voulant que la division générale erra en appliquant l’arrêt Garrett peut ne pas rendre la décision de la division générale déraisonnable lorsque la décision est considérée globalement.

[42] L’intimé se fonde sur l’arrêt Giannaros et il avance l’argument subsidiaire voulant que comme il a été établi que l’appelant n’était pas atteint de problèmes de santé graves, il n’était pas nécessaire à la division générale d’appliquer l’approche « réaliste » dans la cause de l’appelant. Aux paragraphes 14 et 15 de la décision qu’elle a rendue, la Cour d’appel fédérale soutient que lorsqu’une instance n’est pas convaincue de l’existence d’un problème de santé grave, il n’est pas nécessaire qu’elle fasse une analyse avec l’« approche réaliste ». À la lecture de la décision de la Cour, pour que l’arrêt Giannaros s’applique, il suppose une conclusion séparée de l’analyse de gravité. En lisant la décision de la division générale, je constate que la division générale conclut, sur le fond de la preuve médicale et des témoignages fournis par l’appelant et par sa femme, que l’appelant n’avait pas démontré qu’il souffrait de problèmes de santé graves à la date de fin de sa PMA ou avant. Au paragraphe 40 de la décision de la division générale, il est écrit ce qui suit :

[traduction]

La preuve médicale indique que les blessures à l’épaule et les incapacités physiques et mentales de l’appelant à la date de fin de la PMA ou avant ne sont pas aussi graves que l’appelant les a décrites dans ses observations. De plus, il était prévu qu’il récupère une certaine capacité lui permettant d’exécuter certains types de travail avant la fin de la PMA, toutefois pas nécessairement comme charpentier.

[43] En appliquant le raisonnement de la Cour dans l’arrêt Giannaros, une fois que la division générale jugea que l’appelant n’avait pas établi qu’il avait des problèmes de santé graves, elle n’avait plus à considérer les facteurs de l’arrêt Villani. Bien que la division générale erra dans son application de l’arrêt Villani et n’appliqua pas correctement l’arrêt Garrett, je ne considère pas que l’erreur rende l’ensemble de la décision déraisonnable.

La division générale a-t-elle omis d’appliquer l’arrêt Bungay?

[44] L’invalidité est déterminée en fonction de l’employabilité d’un individu. L’employabilité, selon l’appelant, doit être évaluée en tenant compte de toutes les circonstances (arrêt Bungay). L’appelant soutient que la division générale n’a pas considéré l’impact de tous les problèmes de santé de l’appelant sur sa capacité à travailler. Il fait valoir que la division générale n’a pas considéré les effets qu’ont [traduction] « sa douleur chronique grave à l’épaule droite, ses douleurs au haut du bras et à la poitrine, sa faiblesse du bras droit, son épuisement, son incapacité à se concentrer et sa perte de perception de profondeur » sur sa capacité de trouver et de conserver un emploi véritablement rémunérateur.

[45] L’intimé soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur de droit en évaluant l’effet de l’ensemble des problèmes de santé de l’appelant sur sa capacité à travailler. L’intimé avance que l’évaluation de la division générale des circonstances de l’appelant était « complète et authentique. »

[46] Pour ce qui est de l’évaluation de la division générale de l’ensemble de l’état de santé de l’appelant, l’intimé cite l’arrêt Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, où la cour établit qu’un tribunal administratif n’est pas tenu de faire référence à tous les éléments de preuve dont il est saisi et qu’il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. Malgré l’arrêt Simpson, l’intimé avance que la division générale démontra qu’elle était au fait de tous les problèmes de santé dont l’appelant est atteint et il cite plusieurs passages de l’audience de la division générale où l’appelant n’a pu décrire ses problèmes de santé comme étant « chroniques ». De plus, aucun élément de preuve au dossier ne mentionne de douleur à la poitrine comme prétendu par le représentant de l’appelant.

[47] Je juge que la division générale a évalué adéquatement l’employabilité de l’appelant en tenant compte de toutes les circonstances. La division générale résume le témoignage subjectif de l’appelant qui traite de ses problèmes de santé aux paragraphes 8 à 16. Le résumé inclut :

  • des détails de la situation personnelle et des antécédents de l’appelant;
  • ses antécédents médicaux, incluant les professionnels de la santé qu’il a consultés ainsi que les tests et traitements qu’il a subis;
  • son évaluation subjective de ses limites physiques et mentales causées par ses problèmes de santé;
  • son évaluation subjective de sa capacité à travailler.

[48] Au paragraphe 17 et 18, la division générale résume les éléments de preuve que la femme de l’appelant a fournis et qui traitent de ses observations de l’état de santé de l’appelant, de l’aide qu’elle doit lui prodiguer pour réaliser des tâches quotidiennes et des soins personnels, et de l’amélioration de sa santé apportée par le traitement prescrit. Finalement, la division générale fait le résumé de la preuve médicale au dossier dans les paragraphes 19 à 30.

[49] L’élément le plus pertinent à l’application juste de l’arrêt Bungay est l’analyse de la division générale de la manière à laquelle la totalité des problèmes de santé de l’appelant affecte sa capacité à détenir une occupation véritablement rémunératrice. Ce n’est pas le diagnostic d’un problème de santé ou une blessure qui fait qu’une invalidité est grave, mais c’est plutôt son impact sur la capacité de l’appelant à travailler (arrêt Klabouch). Au paragraphe 35 de la décision, la division générale établit que les limites principales dont l’appelant est atteint sont liées à l’épaule droite, au bras droit et à une blessure au cou. La division générale signale les éléments de preuve de l’appelant indiquant qu’il souffre de migraines occasionnées par sa blessure ainsi que de dysfonctionnement cognitif lorsqu’il prend des analgésiques. Toutefois, les éléments de preuve que l’appelant et sa femme fournirent étaient qu’à la suite d’une réduction des analgésiques prescrits et d’une opération chirurgicale après la date de fin de la PMA en 2015, tant la blessure que ses effets sur l’état de l’appelant s’étaient améliorés.

[50] La division générale examina minutieusement la preuve médicale au dossier, qui reflète l’état de santé global de l’appelant et son fonctionnement entre 2012 et 2015 (après la PMA), incluant les radiographies de l’épaule et du cou, les résultats de l’examen par IRM et une évaluation de l’amplitude de ses mouvements ainsi que du niveau de force que le physiothérapeute de l’appelant réalisa. Au paragraphe 35 à 40, la division générale examine la preuve médicale, incluant les traitements prescrits et leurs résultats dans le contexte de l’impact sur le fonctionnement global physique et mental de l’appelant. La division générale a reconnu que l’appelant est incapable de retourner à son ancien emploi comme charpentier. Toutefois, pour ce qui est des limites notées dans la preuve médicale, avant la date de fin de la PMA, ces limites indiquent que l’appelant ne pouvait faire du travail au-dessus de la tête ou en bas de la taille à cause de l’amplitude limitée des mouvements dans son cou. Autrement, le pronostic de l’appelant était que sa capacité à fonctionner s’améliorerait avec le temps et aussi que la douleur s’atténuait. L’appelant avait en fait exploré des options d’autres emplois possibles avec Dr Ballyk en 2013.

[51] En examinant la preuve au dossier et en écoutant les enregistrements de l’audience devant la division générale, je juge que la division générale s’est véritablement penchée sur l’ensemble des nombreuses incapacités dont l’appelant prétend être atteint et elle a évalué l’impact de ces problèmes sur sa capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en ne considérant pas la preuve, avant et après la date de fin de la PMA, qui indiquait que l’état de l’appelant ne s’était pas amélioré?

[52] L’appelant a fait valoir que la division générale fonda sa décision sur une conclusion de fait erronée en déterminant qu’il avait démontré une certaine capacité à travailler à la date de fin de la PMA ou avant. L’appelant fonda cet argument sur le paragraphe 41 de la décision de la division générale qui se lit en partie comme suit :

L’appelant atteste qu’il n’a pas tenté de retourner dans un milieu de travail, car il trouvait que les mouvements de son bras et de son cou étaient trop restreints. Bien que l’appelant avait de la douleur et des restrictions dans le fonctionnement de son épaule droite et de son bras droit, la preuve médicale prépondérante démontre qu’il possédait une certaine capacité à travailler après le 7 janvier 2013. Il était prévu que les symptômes s’amélioreraient durant l’année. En fait, il considérait exercer un autre type d’emploi. (Mis en évidence par le soussigné)

[53] La portion de la décision de la division générale à laquelle l’appelant s’oppose est soulignée et en caractères gras. Il y a un rapport médical daté du 8 novembre 2012 et rédigé par Dr Murray qui indique que l’appelant est incapable de travailler avant le 7 janvier 2013. Sa position est que, parce que son état ne s’est en fait pas amélioré après janvier 2013, la division générale était incorrecte d’établir qu’il avait une certaine capacité à travailler après cette date.

[54] L’Intimé soutient que les conclusions de la division générale ne sont pas fondées sur une conclusion de fait erronée, car la division générale fonda sa conclusion sur la prémisse que l’appelant avait conservé une capacité de travailler tant avant qu’après la date de fin de la PMA. L’intimé fait valoir que la preuve médicale au dossier démontre que l’appelant avait regagné de l’amplitude dans les mouvements du haut de son bras droit et que sa douleur s’était atténuée. La division générale fonda sa décision sur l’ensemble de la preuve et fournit des justifications expliquant pourquoi elle avait préféré certains éléments de preuve à d’autres.

[55] J’ai déjà établi au paragraphe 53 qu’il est évident, en lisant la décision de la division générale, que le membre s’était véritablement penché sur l’ensemble des incapacités dont l’appelant prétend être atteint et qu’il a adéquatement évalué l’impact de ces maladies sur sa capacité à détenir une occupation véritablement rémunératrice. Je ne juge pas que la division générale erra en établissant que l’appelant avait conservé une certaine capacité à travailler en se fondant sur la preuve médicale et le témoignage oral de l’appelant ainsi que sur ceux de sa femme. Bien que la division générale peut ne pas avoir examiné complètement tous les éléments de preuve médicale et tous les avis, tant avant qu’après la PMA, sur lesquels elle fonda ses conclusions, j’ai déjà cité l’arrêt Simpson (précédemment au paragraphe 49). Cet arrêt établit qu’un tribunal administratif n’est pas tenu de faire référence à tous les éléments de preuve dont il est saisi, mais plutôt il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve qui lui a été présenté.

[56] Je considère que la plupart des arguments de l’appelant sur cette question équivalent essentiellement à une demande à la division d’appel de reconsidérer et de réapprécier la preuve présentée à la division générale dans l’espoir que la division d’appel tranche la question différemment. La division d’appel ne peut pas apprécier de nouveau la preuve qui avait été présentée à la division d’appel, comme établi précédemment au paragraphe 5. Les moyens d’appel à la division d’appel n’incluent pas un réexamen de la preuve que la division générale a déjà évaluée (Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300). La division générale a le pouvoir discrétionnaire de donner une prépondérance à des éléments de preuve avant de rendre sa décision. Lorsque la division générale considère que certains éléments de preuve sont plus fiables que d’autres, elle doit justifier pourquoi elle les préfère (Canada (Procureur général) c. Fink, 2006 CAF 354). En l’espèce, la décision de la division générale a justifié pourquoi elle s’est fondée sur certains éléments de la preuve médicale au dossier.

[57] L’appelant peut être en désaccord avec les conclusions de la division générale, mais ce désaccord n’est pas un moyen d’appel énuméré au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La division d’appel exercerait inadéquatement le pouvoir qui lui est conféré si elle accordait la permission d’en appeler d’après des moyens qui ne figurent pas au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS (Canada (Procureur général) v. O’keefe, 2016 CF 503).

Conclusion

[58] L’appel est rejeté.

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