Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

N. T., appelante

T. T., témoin (mari de l’appelante)

M. N., témoin (ancienne cliente de l’appelante)

Dorothy Snyder, représentante de l’appelante

Sarah Macdonald, stagiaire parajuriste (observatrice)

Aperçu

[1] L’intimé a reçu le 21 janvier 2015 la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») que l’appelante a présentée. L’appelante, qui était travailleuse autonome et exploitait une garderie chez elle, a affirmé qu’elle était invalide parce qu’en raison de la douleur, elle ne pouvait pas travailler en toute sécurité. L’intimé a rejeté cette demande au stade initial ainsi qu’après réexamen. L’appelante a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[2] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, l’appelante doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est établi en fonction des cotisations de l’appelante au RPC. Le Tribunal conclut que la PMA de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2016.

[3] Dans le cadre du présent appel, l’audience a été tenue en personne pour les motifs suivants :

  1. ce mode d’audience est celui qui convient le mieux à la présence de plusieurs participants;
  2. les audiences ne peuvent pas être tenues par vidéoconférence à une distance raisonnable de la région où réside l’appelante;
  3. cette façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Question préliminaire

[4] Le 11 avril 2018, une semaine avant l’audience, l’appelante a déposé une lettre de son médecin de famille, la Dre Dullege, datée du 30 mars 2017, qu’elle venait tout juste d’obtenir selon la représentante de l’appelante. Elle a été ajoutée au dossier d’appel et une copie a été remise à l’intimé. Deux jours après l’audience, soit le 20 avril 2017, l’intimé a déposé des observations écrites et maintenu sa position quant au bien-fondé de la demande de l’appelante, faisant valoir que l’appel devait être rejeté. Une copie de ces observations a été remise à la représentante de l’appelante.

[5] Lors de l’audience, après avoir témoigné et au moment où sa représentante allait présenter ses conclusions finales, l’appelante a eu un malaise. On l’a aidée à se lever de sa chaise et à s’allonger sur le plancher de la salle d’audience jusqu’à l’arrivée des ambulanciers paramédicaux, qui l’ont transportée à l’hôpital local.

[6] Compte tenu des circonstances, le Tribunal a ajourné l’audience et la représentante de l’appelante a été autorisée à présenter ses conclusions finales par écrit, lesquelles ont été déposées le 8 juin 2017. L’intimé n’a pas reçu de copie de ces observations et on ne lui a pas donné la possibilité de déposer une réponse. Si on avait fait cela, l’intimé aurait été dans une meilleure position que celle dans laquelle il s’était lui‑même placé en ne se présentant pas à l’audience et, partant, en renonçant à la possibilité de présenter des observations oralement. Les observations écrites de la représentante de l’appelante déposées après l’audience ont remplacé les observations orales qui n’ont pas pu être présentées en raison des circonstances.

[7] Le Tribunal a statué que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les motifs énoncés ci-après.

Preuve

Études et antécédents professionnels

[8] L’appelante a témoigné qu’elle a terminé ses études secondaires dans les délais prévus, obtenant son diplôme de 12e année vers l’âge de 18 ans. Par la suite, elle a fréquenté le Loyalist College de Belleville, en Ontario, et a achevé en 1998 un programme de deux ans en éducation de la petite enfance.

[9] Après l’obtention de son diplôme, l’appelante a travaillé à temps plein dans une garderie où ses responsabilités consistaient notamment à servir les repas et à surveiller les enfants pendant qu’ils jouaient. Elle a occupé cet emploi jusqu’à ce qu’elle ouvre sa propre garderie au printemps 2001.

[10] Elle a indiqué dans son questionnaire du RPC qu’elle a exploité la garderie du 15 avril 2001 au 3 septembre 2014 (GD2-108).

[11] Elle a témoigné qu’elle n’a pas cherché d’emploi depuis la fermeture de sa garderie.

Nature et début des problèmes de santé

[12] Invitée à indiquer dans son questionnaire du RPC les maladies qui l’avaient empêchée de continuer à exploiter sa garderie, l’appelante a déclaré : [traduction] « ostéophytes sur les disques et discopathie dégénérative, rétrolisthésis de 2 mm de niveau 1 et hémangiome bénin du corps vertébral aux vertèbres L1 et T12 ». Elle a écrit ce qui suit : [traduction] « J’éprouve constamment de la douleur, je ne peux pas soulever ou transporter les enfants, je ne peux pas très bien courir ou marcher, je ne peux pas monter et descendre les escaliers, il n’est pas sécuritaire que je m’occupe des enfants. Je suis très fatiguée tout le temps aussi. » (GD2-110).

[13] L’appelante a déclaré qu’elle avait été admise à l’Hôpital général de Belleville le 3 septembre 2014 et qu’elle avait obtenu son congé de l’hôpital le 8 septembre 2014 (GD2-113). Elle a indiqué qu’elle avait été admise à l’hôpital après avoir soudainement souffert d’une faiblesse et d’une « paralysie totale » qui avaient incité ses enfants à appeler les services médicaux d’urgence au 9-1-1. Avant cela, elle était en bonne santé et s’occupait activement de sa famille tout en exploitant sa garderie à domicile.

[14] À l’hôpital, le médecin en service, le Dr Samis, a posé dans son rapport sommaire de congé les diagnostics suivants : [traduction] « niveau réduit de conscience assorti d’altérations des fonctions motrices et sensorielles, cas suspect de migraine atypique. » (G2-90). Il a conclu son rapport ainsi : [traduction] « L’état de santé de la patiente est complètement revenu à la normale, elle ne montrait aucune séquelle et a été renvoyée à la maison. » (GD2-95).

[15] Elle a témoigné que les services médicaux d’urgence avaient été appelés au 9-1-1 à d’autres occasions, et qu’elle avait été admise à l’hôpital à la suite de ces appels, y compris peu de temps après avoir obtenu son congé en septembre 2014 et à deux reprises en 2015.

[16] Le Tribunal a ensuite lu à l’appelante l’extrait suivant du rapport du 30 mars 2017 préparé par la Dre Dullege :

[Traduction]

« Son état s’aggrave et, au cours des six derniers mois, elle a vécu des épisodes de tremblements fonctionnels qui entraînent des tremblements touchant l’ensemble de son corps et des épisodes de faiblesse au cours desquels elle ne peut plus parler ni bouger. Ces épisodes se produisent presque quotidiennement et durent de 20 à 45 minutes. »

En réponse aux questions du Tribunal, l’appelante a confirmé que les épisodes décrits ci-dessus sont ceux pour lesquels elle ne veut pas que sa famille appelle les services médicaux d’urgence.

[17] Elle a témoigné qu’à l’automne 2014, ces épisodes se produisaient chaque mois, et que leur fréquence a graduellement augmenté aux deux semaines en 2015, à chaque semaine à l’automne 2016 et à chaque jour vers février 2017.

[18] L’appelante a témoigné que la Dre Dullege lui avait conseillé d’appeler le 9-1-1 pour obtenir des services médicaux d’urgence lorsque ces épisodes se produisent; toutefois, l’appelante a demandé à sa famille de ne pas appeler d’ambulance parce que, dit-elle, [traduction] « pour être franche, ils ne peuvent rien faire pour moi ».

Enquêtes médicales

[19] L’appelante a témoigné qu’après son admission en 2014 à l’Hôpital général de Belleville, elle a continué de souffrir de maux de tête et d’éprouver des faiblesses et a donc décidé de faire un suivi auprès de son médecin de famille.

[20] La Dre Suzanne Dullege, médecin de famille, a rempli un rapport médical du RPC quatre mois plus tard, soit le 19 janvier 2015, dans lequel elle a souligné que l’appelante éprouvait de graves douleurs au dos et maux de tête et qu’un neurologue étudiait toujours ses troubles de vision, ses évanouissements, ses étourdissements, ses palpitations et ses problèmes de paralysie (GD2-85). Elle a indiqué qu’elle avait prescrit à l’appelante des opioïdes pour la gestion de la douleur et lui a donné le pronostic suivant : [traduction] « Bon. Avec le temps et la physiothérapie, nous espérons que la gestion de la douleur ainsi que la force et l’équilibre de la patience s’amélioreront. » (GD2-88).

[21] Le Dr Shariq Mumtaz, neurologue, a indiqué le 27 janvier 2015 que l’appelante se plaignait toujours de douleurs au bas du dos irradiant vers l’arrière de sa cuisse et de sa jambe jusqu’à son pied; toutefois, il n’était pas en mesure d’expliquer ses symptômes. Comme il était incertain au sujet de son diagnostic et qu’il ne pouvait exclure la sclérose en plaques, il a orienté la patiente vers un spécialiste de la sclérose en plaques (GD2-48 et 49).

[22] Le Dr Daniel Selchen, chef de la Division de neurologie à l’Hôpital St. Michael de Toronto, a examiné le 8 juin 2015, dix mois après l’admission de l’appelante à l’Hôpital général de Belleville, des images de la colonne lombaire et divers rapports d’IRM de la colonne cervicale et thoracique de l’appelante, et déclaré que [traduction] « l’examen était difficile » et qu’il avait révélé [traduction] « des pertes sensorielles inégales [...] qui ne semblaient pas biologiques ». Il considérait que la probabilité que l’appelante fût atteinte sclérose en plaques était très faible. Il a écrit ce qui suit : [traduction] « [l]’autre possibilité, compte tenu de ses antécédents médicaux et de l’examen hautement fonctionnel, est qu’une grande partie de ces pertes résulte d’une forme de stress ou de maladie, ou encore d’un trouble de conversion, et qu’elles sont essentiellement non biologiques. » (GD2-56).

[23] La Dre Dullege a rédigé un autre rapport daté du 10 septembre 2015, dans lequel elle a exprimé l’opinion que l’appelante était incapable de travailler :

[Traduction]

« Elle [l’appelante] est totalement incapable d’occuper n’importe quel emploi pour le moment et dans un avenir immédiat. Des enquêtes sont en cours avec des spécialistes, notamment en rhumatologie, en neurologie et en cardiologie. Le diagnostic de travail envisagé est la sclérose en plaques, mais plusieurs spécialistes travaillent avec [l’appelante], et il existe d’autres opinions (GD2-44).

[24] La Dre Susan Tainsh, spécialiste en médecine interne, a indiqué le 28 octobre 2015 qu’elle avait examiné les résultats des analyses sanguines de l’appelante le 22 octobre et que malgré une légère anomalie de son taux de cortisol, les analyses sanguines de l’appelante se situaient dans les limites normales. En se fondant sur un examen antérieur de l’appelante, à la suite duquel elle a signalé les symptômes de l’appelante et ses constatations à la Dre Dullege, la Dre Tainsh a posé un diagnostic de syndrome de fatigue chronique, ou de « syndrome de dérèglement du système neuroimmunitaire ». À son avis, il était difficile d’établir un pronostic, mais elle estimait que si l’appelante se conformait au traitement, elle pourrait s’attendre à une amélioration graduelle sur une période de deux à trois ans (GDI-6).

[25] Les notes cliniques de la Dre Dullege de novembre 2016 indiquent que les résultats des tests de dépistage de l’appelante à la maladie de Lyme étaient positifs. Elle a commencé à prendre de la doxycycline et a été référée au Dr Zoutman, spécialisé en maladies infectieuses (GD9-1). Les notes cliniques de la Dre Dullege comprenaient également des rapports d’IRM concernant l’appelante datés de novembre 2014 et de janvier 2015 qui n’avaient respectivement révélé aucune myélopathie de la moelle épinière et aucune anomalie cérébrale (de GD9-5 à G9-9). Les résultats d’une deuxième IRM du cerveau effectuée en mai 2016 étaient normaux et n’indiquaient aucun signe de démyélinisation et de sclérose en plaques (GD9-11).

[26] L’appelante a été vue par le Dr Srivastava, médecin interne, le 6 janvier 2017. Il a souligné que l’appelante avait obtenu un rapport sérologique d’un laboratoire aux États‑Unis [IGeneX] qui montrait que son état pouvait être lié à la maladie chronique de Lyme. Il a signalé avoir informé l’appelante que la maladie chronique de Lyme était un « diagnostic controversé » et qu’il ne s’appliquait probablement pas. Il croyait que les douleurs au dos de l’appelante étaient surtout de nature mécanique et il l’a dirigée vers la rhumatologie pour écarter la possibilité d’une spondylarthrite ankylosante. Il a interrompu son traitement à la prégabaline et lui a prescrit de la gabapentine, et a augmenté sa dose quotidienne de 300 mg à 900 mg (GD9-14).

[27] Le 30 janvier 2017, le conseiller juridique de l’appelante a écrit au Dr Srivastava pour contester une partie de son rapport :

[Traduction]

« [...] vous prétendez que [l’appelante] nie avoir constamment des frissons, des sueurs qui la laissent trempée, de la diplopie, une vision brouillée et des maux de tête chroniques. Nous vous écrivons pour vous expliquer que [l’appelante] éprouve effectivement les symptômes susmentionnés, et ce depuis un certain temps. » (GD9-22).

[28] Dans un rapport daté du 30 mars 2017, la Dre Dullege a indiqué que l’appelante avait été vue par plusieurs spécialistes, dont des neurologues, des spécialistes en médecine interne, un physiatre et un psychiatre. Elle a évoqué [traduction] « une maladie grave assimilable à la maladie de Lyme, pour laquelle il n’y a pas de remède pour le moment ».

Témoignage de l’appelante au sujet de son état actuel

[29] L’appelante a témoigné qu’elle souffre actuellement de migraines chaque jour, pour lesquelles elle prend des médicaments. Elle souffre aussi d’étourdissements, de douleurs oculaires, de corps flottants dans son champ de vision et de vision double, de sensibilité au bruit et à la lumière, d’affaissement des muscles faciaux d’un côté, de douleurs au cou irradiant dans son bras droit et ses doigts, de douleurs chroniques au dos, de douleurs à la hanche droite et de spasmes musculaires, de faiblesse à la jambe droite, d’enflures des pieds et des chevilles, et est incapable de bouger ses orteils. Elle marche avec une canne et a parfois besoin de se coucher en raison de ses étourdissements (qui lui causent parfois des nausées et des vomissements).

[30] Elle a témoigné que lors d’une journée typique, elle se lève pour assister au départ de ses garçons à l'école (âgés de 14 et de 16 ans), mais qu’elle reste en pyjama. Par la suite, elle s’allonge en raison de la douleur et de la fatigue. Elle se sent incapable de prendre un bain puisque cela est trop douloureux pour son dos et son cou, mais elle peut rester debout pour prendre une douche. Elle se lève vers midi pour se faire quelque chose à manger. Elle se repose toute l’après-midi. Elle essaie de préparer le souper, mais a habituellement besoin de l’aide de sa belle-mère ou de sa sœur pour le faire, ainsi que pour faire la lessive, les courses et le ménage.

[31] En ce qui a trait à ce qu’elle a appelé les « symptômes similaires à ceux d’un accident vasculaire cérébral », elle a déclaré que lorsque ceux-ci se déclenchent, elle se sent faible et léthargique, elle a des tremblements dans les mains et des troubles d’élocution, et son mari doit la transporter et la déposer parce qu’elle est si faible.

[32] Elle a qualifié son niveau de fatigue d’« épuisement ».

Commentaires de l’appelante sur les enquêtes médicales

[33] Interrogée par le Tribunal à savoir si le dossier complet de son médecin de famille, la Dre Dullege, avait été déposé, la représentante de l’appelante a répondu que non.

[34] La représentante de l’appelante a demandé à l’appelante de commenter son traitement médical, en disant en préface à sa question que les rapports de toutes les personnes que l’appelante avait vues n’avaient pas été déposés parce qu’ils ne comportaient aucune conclusion. L’appelante a déclaré ce qui suit :

  1. Elle a fait de la physiothérapie à l’automne 2014 pendant cinq ou six séances, mais a interrompu le traitement. Interrogée par le Tribunal au sujet des commentaires formulés par le physiothérapeute, l’appelante a déclaré qu’elle avait une « mauvaise mémoire », mais qu’elle se souvenait que le physiothérapeute « savait » qu’elle avait un problème à la colonne vertébrale et qu’en l’absence d’un diagnostic, elle était réticente à poursuivre le traitement.
  2. Après la physiothérapie, elle a été dirigée vers un spécialiste en médecine interne, la Dre Tainsh. L’appelante a déclaré qu’elle avait vu la Dre Tainsh à trois ou quatre reprises à Peterborough, en Ontario, qu’elle lui avait diagnostiqué de la fatigue chronique et qu’elle [traduction] « continuait d’examiner mon cas, mais quelque chose s’est produit [...] et j’ai appelé son bureau [pour obtenir ses résultats d’IRM] et le bureau était fermé; elle était simplement partie ». Elle a indiqué qu’elle avait consulté la Dre Tainsh en 2015 ou 2016. Elle a ajouté qu’elle avait consulté plus récemment un spécialiste en médecine interne, le Dr Srivastava, à l’Hôpital Hôtel-Dieu de Kingston, en Ontario, en décembre 2016 et en janvier 2017.
  3. Elle a consulté à trois reprises le Dr Mumtaz, neurologue. Elle a déclaré qu’il n’avait pas posé de diagnostic définitif après avoir fait des examens par IRM, des tomodensitogrammes et des analyses sanguines.
  4. Elle a consulté un psychiatre de l’Hôpital général de Belleville en automne 2016, dont elle ne se souvenait pas du nom. Elle a dit qu’il était fâché de voir comment elle avait été traitée par le personnel hospitalier, car ses symptômes étaient bien réels. Elle a dit avoir compris qu’il avait l’intention de faire part de ses préoccupations au sujet de ses mauvais traitements au service des urgences. Elle a jugé inadmissible que les médecins et le personnel infirmier de l’hôpital avec qui elle avait eu affaire l’ont questionné à son arrivée à l’urgence sur une possible consommation de drogues illicites. Elle a également donné comme exemple de traitement répréhensible le fait qu’un médecin lui avait fait le commentaire qu’elle était [traduction] « une très jolie fille et qu’elle devrait cesser de chercher à obtenir de l’attention ». De plus, elle a trouvé choquant qu’une infirmière lui dise qu’elle leur faisait « perdre leur temps » et qu’il y avait « des personnes plus importantes » à soigner. L’appelante a déclaré que lorsqu’elle a montré le rapport du laboratoire IGeneX au psychiatre, il était [traduction] « très en colère » à l’égard du personnel. Le Tribunal lui a demandé si le psychiatre avait été informé du résultat négatif du test de dépistage de la maladie de Lyme effectué par Santé publique Ontario, elle a répondu que oui et qu’il n’avait fait aucun commentaire. Elle a déclaré que le psychiatre lui avait dit qu’elle n’avait pas besoin de suivi psychiatrique supplémentaire.

[35] L’appelante a indiqué que lorsqu’elle a constaté que les médecins n’étaient pas en mesure d’offrir un traitement efficace, elle a commencé à étudier ses symptômes sur Google et a conclu qu’elle était atteinte de la maladie de Lyme.

[36] Elle a témoigné que d’autres recherches sur Internet l’ont amenée à conclure que les tests de dépistage de la maladie de Lyme au Canada n’étaient pas fiables. Elle a demandé à la Dre Dullege de prélever un échantillon de sang, qui a ensuite été envoyé au laboratoire IGeneX en Californie, (GD9-19), et le résultat du test s’est avéré positif. Elle a indiqué que le test de dépistage de la maladie de Lyme qu’elle avait effectué au Canada avait été négatif (GD2-64).

[37] L’appelante a témoigné que [traduction] « la maladie de Lyme chronique entre dans votre sang et affecte tous vos organes, chaque tissu de votre corps, et a un effet différent sur chaque personne ».

[38] Lorsque le Tribunal lui a demandé si elle avait été traitée pour la maladie de Lyme, l’appelante a indiqué qu’elle avait reçu le traitement antibiotique habituel de 21 jours, mais que celui-ci ne l’avait nullement soulagée. Elle a dit qu’elle n’est pas actuellement traitée pour la maladie de Lyme.

[39] Interrogée par le Tribunal au sujet d’une note clinique (GD9-2) et du renvoi au Dr Zoutman, spécialisé dans le domaine des maladies infectieuses, elle a témoigné qu’elle ne l’avait pas vu. Elle a dit avoir reçu un appel téléphonique de la Dre Dullege, qui lui a dit que le Dr Zoutman ne voulait pas la voir.

[40] La représentante de l’appelante a décrit l’appelante comme une patiente trimbalée d’un médecin à l’autre, ce que l’appelante a confirmé dans son témoignage. Lorsque le Tribunal lui a demandé si elle comprenait pourquoi il en était ainsi, l’appelante a répondu : [traduction] « Oui, parce que la maladie de Lyme est si controversée que les médecins ont trop peur de me traiter, car ils craignent de perdre leur permis d’exercice. Je me retrouve donc maintenant en quelque sorte laissée pour compte, et ils me donnent en gros une tape dans le dos en me disant “Désolé, nous ne pouvons rien faire pour vous” ».

[41] Interrogée par le Tribunal à savoir si elle avait déposé des plaintes auprès de l’Ordre des médecins et chirurgiens contre des médecins, l’appelante a répondu qu’elle ne l’avait pas fait, précisant que ses médecins ne la traitaient pas parce qu’ils ne pouvaient pas dépasser les lignes directrices qui prescrivaient un traitement antibiotique de 21 à 28 jours contre la maladie de Lyme. Elle a comparé ce traitement aux traitements antibiotiques prescrits par des médecins américains, qui d’après elle sont généralement plus longs et peuvent durer jusqu’à 5 ou 10 ans.

[42] En ce qui concerne le rapport de son médecin de famille, la Dre Dullege, daté du 10 septembre 2015 (GD2-44), dans lequel celle-ci a indiqué que le cas de l’appelante était actuellement étudié par des spécialistes notamment en rhumatologie, en neurologie et en cardiologie, le Tribunal a demandé à l’appelante si elle avait consulté un rhumatologue. Elle a répondu par la négative. Elle a indiqué qu’elle croyait devoir attendre qu’un rhumatologue de Kingston communique avec elle pour prendre un rendez-vous, bien qu’elle n’ait eu aucune nouvelle au cours des 18 mois écoulés entre le moment où la Dre Dullege a présenté son rapport et la date de l’audience. La représentante de l’appelante a enjoint le Tribunal d’examiner le rapport (GD2-72) du Dr Henryk Kafka, cardiologue, daté de septembre 2015, dans lequel on indiquait que la taille du cœur de l’appelante et sa fonction cardiaque étaient normales. En ce qui a trait à la neurologie, l’appelante a témoigné qu’elle n’avait eu aucune consultation en neurologie autre que celles avec le Dr Mumtaz et le Dr Selchen.

[43] Le Tribunal a signalé à l’attention de l’appelante le rapport de la Dre Dullege daté du 30 mars 2017, dans lequel celle-ci faisait référence à [traduction] « plusieurs spécialistes, dont des neurologues, des spécialistes en médecine interne, des physiatres et des psychiatres » (GD2‑11). Lorsqu’on lui a demandé si elle avait vu un physiatre, après avoir demandé des précisions à sa représentante quant à la définition d’un spécialiste en physiatrie, elle a indiqué qu’elle avait consulté une chiropraticienne, la Dre Tracy Bray, à trois reprises au début de 2017. Le dossier d’appel ne contenait aucun rapport de la Dre Bray. Questionnée à savoir si des rapports de physiatrie avaient été produits, la représentante de l’appelante a reconnu qu’elle n’en avait vu aucun. Quant à la psychiatrie, l’appelante a témoigné qu’elle n’avait eu qu’une seule consultation avec un psychiatre et qu’aucun rapport sur cette consultation n’avait été remis au Tribunal.

[44] Lorsque le Tribunal lui a demandé d’identifier d’autres médecins ou fournisseurs de soins de santé qu’elle avait consultés, l’appelante a répondu qu’elle allait tous les mois chez un naturopathe à Mississauga, en Ontario, et que des amis ou des membres de sa famille la conduisaient là-bas. Le Dr Krop, naturopathe, n’a produit aucun rapport. L’appelante a indiqué avoir l’intention d’interrompre ce traitement parce qu’il n’avait pas été utile et qu’il était trop coûteux. Elle a dit qu’elle était allée voir un naturopathe parce que les médecins [traduction] la « laissaient tomber ».

[45] Lorsque le Tribunal lui a demandé si elle était toujours titulaire d’un permis de conduire valide, elle a répondu qu’elle en avait toujours un et qu’elle avait conduit pour la dernière fois il y a environ un an, lorsqu’elle s’est rendue au village de Madoc, en Ontario, pour voir la Dre Dullege. La Dre Dullege l’a ensuite avertie de ne pas conduire un véhicule automobile.

[46] Le seul suivi médical dont elle faisait l’objet à la date de l’audience était un rendez-vous prévu avec le Dr Mumtaz et une référence à un rhumatologue.

[47] Elle prend à l’heure actuelle du Tylenol 3 (deux comprimés, deux fois par jour), de la gabapentine (300 mg, deux fois par jour) et un médicament qu’on lui a récemment prescrit pour les tremblements. De plus, elle prend plusieurs médicaments naturopathiques. Aucun de ces médicaments n’a atténué ses symptômes.

Témoin - M. N.

[48] M. N. a témoigné qu’elle est comptable agréée et qu’en septembre 2010, elle a commencé à recourir aux services de l’appelante pour s’occuper de son fils Cooper, alors âgé de six mois, pendant environ trois heures par semaine. Il a commencé à être sous les soins de l’appelante à temps plein à partir de janvier 2011, soit du lundi au vendredi, neuf heures par jour.

[49] Elle a indiqué que la maison de l’appelante reluisait de propreté, bien qu’il y avait entre cinq et sept enfants pendant la journée. Elle a indiqué que l’appelante semblait très énergique. Elle s’est dite très satisfaite des services de l’appelante et a attribué les progrès scolaires réalisés par son fils en partie aux efforts déployés par l’appelante pour lui enseigner l’alphabet et comment lire.

[50] Elle a déclaré que le mari de l’appelante l’avait informée à la fin d’août ou au début de septembre 2014 qu’elle n’allait pas bien et qu’elle était incapable de s’occuper des enfants ce jour-là.

[51] Elle a ensuite vu l’appelante à la fin d’octobre 2014 chez cette dernière, et a affirmé que l’appelante était incapable de se lever du divan pour marcher jusqu’à la porte où elle se tenait. De plus, elle a rencontré l’appelante alors qu’elle faisait des emplettes à un moment donné en 2016. Elle a discuté avec elle pendant deux ou trois minutes et a remarqué que l’appelante était seule et qu’elle avait tendance à se pencher sur son panier.

[52] Elle a indiqué qu’elle ne croyait pas que l’appelante simulait sa malade.

Témoin – T. T.

[53] Il a témoigné qu’il était marié avec l’appelante depuis 17 ans et qu’avant qu’elle ne devienne malade, elle était autonome et active.

[54] Il a déclaré qu’elle n’avait montré aucun signe de maladie avant son apparition soudaine en septembre 2014.

[55] Il a affirmé que lorsqu’elle est tombée malade pour la première fois, il était au travail, mais qu’un de ses fils l’avait appelé de son domicile pour l’informer qu’ils avaient appelé une ambulance pour leur mère. Il s’est rendu à l’hôpital et l’a trouvée au lit, inconsciente.

[56] Il a témoigné que lorsqu’elle a obtenu son congé, il croyait que son épouse irait bien et que l’hôpital n’avait pas posé de diagnostic.

[57] Il a dit avoir été témoin d’une trentaine d’épisodes similaires à ceux qui avaient obligé l’appelante à se rendre à l’hôpital en septembre 2014. Lorsque ces épisodes surviennent, il s’assure que sa femme est en sécurité et attend que ceux-ci passent. Ils se produisent maintenant tous les jours et parfois deux fois par jour. De plus, ces épisodes duraient d’abord environ 5 minutes, alors qu’ils durent maintenant environ 40 minutes.

[58] Il a dit qu’il fait beaucoup de cuisine, avec l’aide dans une certaine mesure de sa mère et de sa belle‑sœur. De plus, ils conduisent l’appelante à des rendez-vous médicaux et à l’épicerie. Ses fils font une grande partie de la lessive.

[59] Il a déclaré qu’il aidait son épouse dans la salle de bains avec ses soins personnels.

[60] Il décrit sa situation comme étant stressante et dit travailler 6 ou 7 jours par semaine pour payer les factures.

[61] Il ne croit pas que l’appelante simule sa maladie.

[62] Il a indiqué qu’après l’épisode de septembre 2014, l’un des médecins du service des urgences lui avait dit qu’ils ne devraient pas revenir et qu’ils ne pouvaient rien faire pour l’appelante. Toutefois, il a déclaré qu’ils sont retournés à l’urgence environ deux semaines plus tard, et qu’on l’avait alors invité à rentrer chez lui pour amener l’appelante dans un endroit sûr.

[63] Lorsque le Tribunal lui a demandé s’il avait discuté de l’état de l’appelante avec l’un ou l’autre de ses médecins, il a répondu qu’il se rappelait que la Dre Dullege avait dit [traduction] « La maladie de Lyme n’existe pas ». Il a ajouté que la Dre Tainsh avait affirmé que la sclérose en plaques et la fibromyalgie faisaient partie des diagnostics possibles. Interrogé à savoir si des médecins avaient suggéré la possibilité que l’appelante souffrît d’un trouble psychiatrique, il a répondu qu'ils s'étaient rendus au service des urgences d'un hôpital à Kingston il y a environ un an, et qu'un des médecins alors en service avait recommandé une évaluation psychiatrique. Il a indiqué que d’après ce qu’il avait compris, aucun diagnostic n’avait été posé lors de l’évaluation psychiatrique subséquente. Il ne souvenait pas du nom du psychiatre et il ne lui avait pas parlé. De plus, il a indiqué avoir parlé avec le naturopathe, qui était d’avis que l’appelante souffrait de la maladie de Lyme, pour laquelle le traitement recommandé est de consommer des vitamines et des minéraux.

[64] Il a indiqué que compte tenu des résultats des analyses sanguines effectuées par IgenEX, il est d’avis que l’appelante est atteinte de la maladie chronique de Lyme.

Analyse

Critères d’admissibilité à la prestation d’invalidité

[65] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou qu’il est plus probable qu’improbable, qu’elle était invalide au sens du RPC à la date de fin de sa PMA ou avant.

[66] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la prestation d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[67] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Éléments de preuve manquants et conclusion défavorable

[68] Il n’est pas nécessaire de résumer les observations respectives des parties sur le bien-fondé du présent appel, car le Tribunal conclut que l’appelante a caché des éléments de preuve concernant ses antécédents médicaux et, plus particulièrement dans le cas des éléments de preuve psychiatriques, qu’elle a même prétendu que les éléments cachés lui étaient favorables. Il est donc raisonnable de supposer que les éléments de preuves manquants minent la position de l’appelante et que pour cette raison, ils n’ont pas été fournis au Tribunal. Par conséquent, le Tribunal ne peut tirer de conclusion sur le fond favorable à l’appelante.

[69] Après avoir examiné le dossier documentaire et entendu l’appelante, ainsi que des témoins qui ont comparu à l’appui de l’appel de l’appelante, le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas versé au dossier les documents médicaux remplis par les médecins ou les établissements suivants :

  1. Service des urgences de l’Hôpital général de Belleville – Bien que l’appelante ait déposé des dossiers médicaux à partir de sa première visite au service des urgences en septembre 2014, elle est retournée à l’urgence seulement quelques semaines plus tard, puis deux fois encore en 2015. Elle n’a déposé aucun document lié à ces trois visites à l’hôpital.
  2. Service des urgences de l’Hôpital-Dieu de Kingston – Le mari de l’appelante a témoigné que puisqu’ils considéraient que l’Hôpital général de Belleville n’avait pas été en mesure de traiter de façon satisfaisante l’appelante pour ses problèmes de santé, ils se sont rendus en voiture au service des urgences d’un hôpital à Kingston, en Ontario. Les dossiers liés à cette visite n’ont pas été déposés, bien que le mari ait déclaré qu’un médecin alors en service avait recommandé une évaluation psychiatrique.
  3. Psychiatre – L’appelante a subi une évaluation psychiatrique à l’automne 2016, mais n’a pas déposé le rapport en découlant.
  4. Dre Dullege (médecin de famille) – La représentante de l’appelante a reconnu qu’ils n’avaient pas fourni au Tribunal la totalité du dossier de la Dre Dullege.
  5. Physiatre – La Dre Dullege a indiqué que l’appelante avait été référée à un physiatre, mais le rapport de cette consultation n’a pas été déposé.
  6. Physiothérapie – L’appelante a témoigné qu’elle a participé à cinq ou six séances de physiothérapie, et la Dre Dullege, dans le rapport médical du RPC daté de janvier 2015, a indiqué que la physiothérapie faisait partie du plan de traitement de l’appelante; toutefois, aucun rapport de physiothérapie n’a été déposé.
  7. Chiropraticienne – L’appelante a reçu des traitements de la Dre Tracy Bray, mais elle n’a déposé aucun rapport de la Dre Bray.
  8. h) Naturopathe – Au moment de l’audience, l’appelante consultait un naturopathe à Mississauga, mais elle n’a déposé aucun des rapports du Dr Krop.
  9. Dre Tainsh – Bien que l’appelante ait déposé un rapport préparé par la Dre Tainsh, ce rapport lui-même renvoyait à une communication antérieure à la Dre Dullege au sujet l’examen [effectué par la Dre Tainsh] des symptômes de l’appelante et de ses conclusions, rapport qui n’a pas été déposé au Tribunal.

[70] En ce qui concerne l’absence d’éléments de preuve psychiatriques, l’appelante n’a rien dit au cours de son témoignage au sujet de la description qu’a faite le psychiatre de ses symptômes, de ses constats médicaux, de son diagnostic ou de son impression quant à son état, ou des traitements qu’il jugeait appropriés. Elle n’a fourni aucun renseignement de nature psychiatrique adéquat au sujet de son évaluation psychiatrique, si ce n’est pour dire que le psychiatre l’avait informée qu’aucun suivi n’était nécessaire – laissant le Tribunal conclure que le psychiatre avait vraisemblablement déclaré qu’elle était en parfaite santé d’un point de vue psychiatrique. Dans son témoignage, l’appelante a présenté le psychiatre davantage comme le défenseur de sa cause que comme son médecin. Elle l’a décrit comme étant en colère à propos de la façon dont elle avait été traitée par le personnel hospitalier, affirmant également qu’il avait fait part de son intention de porter plainte contre le personnel hospitalier pour la façon dont elle avait été traitée au service des urgences. La représentante de l’appelante a admis qu’aucune lettre de plainte n’avait été déposée en preuve.

[71] C’est une chose pour un appelant de compléter, voire de contester, le rapport écrit d’un médecin en reprenant les commentaires qui selon lui ont été faits oralement et ne figurent pas dans le rapport écrit, tout en mettant ce rapport à la disposition du Tribunal afin qu’il puisse le consulter, mais c’en est une autre de ne pas dévoiler le rapport écrit, et plutôt que de le compléter, et de substituer ses propres commentaires à celui-ci, ce qui est le cas en l’espèce. Le témoignage de l’appelante au sujet du résultat de l’évaluation psychiatrique ne peut d’aucune façon être évalué par rapport aux constats, aux diagnostics et aux recommandations du psychiatre.

[72] De plus, la preuve psychiatrique était particulièrement importante dans la présente affaire, car plusieurs médecins étaient incapables de trouver une cause biologique aux symptômes de l’appelante. La preuve psychiatrique était essentielle pour trancher la question de l’invalidité et avait une grande valeur probante. Ce que l’appelante a offert pour le remplacer était un témoignage non médical tout à fait intéressé.

Documents manquants – raison

[73] Au cours de l’audience, lorsque la portée complète des éléments de preuve dissimulés au Tribunal est devenue plus apparente, la représentante de l’appelante a fait valoir oralement que les contraintes de temps imposées par le processus du Tribunal les avaient empêchées de réunir tous les documents médicaux, et tout particulièrement les documents médicaux les plus récents.

[74] Cette observation n’est toutefois pas convaincante. Dans le cadre de son processus, le Tribunal a envoyé à l’appelante une lettre en date du 12 août 2016 l’informant qu’elle avait un an, c’est-à-dire jusqu’au 9 août 2017, pour faire parvenir au Tribunal tous les documents qu’elle souhaitait que le Tribunal examine. Or, le 18 janvier 2017, la représentante a déposé au nom de l’appelante un avis de procéder. Ce document comprenait la déclaration suivante : [traduction] « Je suis prête à ce qu’un membre du Tribunal tranche l’appel ou fixe une date d’audience pour trancher l’appel et il n’y a aucun autre document que je souhaite ajouter au dossier. » (non souligné dans l’original). Cet avis a été signé et daté du 10 octobre 2016, même s’il n’a été déposé qu’en janvier.

[75] Ainsi, dès le deuxième mois de la période d’un an dont disposait l’appelante pour réunir les documents, celle-ci semblait déjà prête à confirmer qu’elle n’avait aucun autre document à ajouter au dossier d’appel. L’avis confirmant ceci a été versé au dossier le 18 janvier 2017, même si elle disposait encore de huit mois pour réunir et déposer des documents.

[76] L’appelante ne peut déposer son avis de procéder et abréger de façon substantielle le délai dont elle dispose pour rassembler des documents, puis informer le Tribunal et l’intimé qu’elle n’a rien à ajouter au dossier, pour ensuite faire valoir à l’audience que d’autres documents auraient pu être déposés et auraient effectivement été déposés n’eût été les contraintes de temps imposées par le processus du Tribunal. Elle ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre. S’il y a des lacunes importantes dans la preuve documentaire, et c’est le cas, c’est parce que l’appelante a choisi de procéder sans avoir déposé ces documents.

[77] Les documents manquants font tous partie du dossier médical de l’appelante et il est raisonnable de conclure que s’ils n’étaient pas en sa possession, elle pouvait les demander, les obtenir et verser au dossier du Tribunal.

Conclusion

[78] Dans l’affaire Société canadienne des postes c. Syndicat des postiers du Canada, [1992] CarswellNat 1754, 25 L.A.C (4th) 137, un arbitre du travail a tiré une conclusion défavorable à l’endroit d’un employeur dans un grief pour congédiement injustifié, où l’employeur a allégué que le plaignant avait agressé un superviseur, mais n’a pas été en mesure de faire comparaître un des deux témoins de l’agression. Puisque l’identité de la personne qui avait agressé le superviseur était la principale question en litige dans le grief, l’arbitre du travail a conclu que le témoignage des témoins manquants était essentiel à l’affaire et a accueilli le grief dans son intégralité en se fondant sur la conclusion défavorable.

[79] En l’espèce, il est raisonnable de déduire que l’appelante a caché des éléments de preuve concernant ses antécédents médicaux, qui étaient importants pour trancher la question de l’invalidité et qu’elle pouvait obtenir, parce qu’ils n’étayaient pas sa position en appel. Elle a choisi de procéder sans ces éléments de preuve pour améliorer sa cause devant le Tribunal. Plus particulièrement, elle a dissimulé des éléments de preuve psychiatriques lorsque les médecins ne pouvaient pas trouver de cause biologique à ses symptômes, et elle a tenté de présenter le psychiatre, non pas comme son médecin, mais comme son défenseur.

[80] L’appel est rejeté.

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