Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Aperçu

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision de la division générale datée du 19 septembre 2016, dans laquelle on conclut que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada, puisqu’il a été jugé que son invalidité n’était pas « grave » à la fin de sa période minimale d’admissibilité du 31 décembre 2012. La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur de droit et a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) prévoit que les moyens d’appel sont limités aux suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Pour accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs pour en appeler se rattachent aux moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans l’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

a) Arrêt Villani

[5] Dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, la Cour d’appel fédérale a établi qu’un décideur doit adopter une approche « réaliste », c’est-à-dire qu’il doit tenir compte de la situation particulière de l’appelant, par exemple de son âge, de son niveau de scolarité, de ses aptitudes linguistiques, de ses antécédents de travail et de son expérience de vie, au moment d’évaluer si l’appelant est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[6] La demanderesse soutient que la division générale a omis de tenir compte dans son cas de plusieurs facteurs. Par exemple, elle souligne que la division générale a omis de reconnaître qu’elle aura atteint 62 ans avant d’avoir subi une chirurgie au genou et de s’en être rétablie. Elle se demande qui, dans un contexte réaliste, embaucherait une personne comme elle : une sexagénaire qui souffre de [traduction] « limitations physiques sérieuses » et qui doit subir une intervention de suivi à l’autre genou. Elle soutient également posséder des « compétences transférables » limitées en soins infirmiers et n’avoir aucune compétence administrative. Elle soutient que, quoi qu’il en soit, elle est incapable d’envisager de détenir une occupation sédentaire quelconque parce qu’elle ne peut pas s’asseoir pour de longues périodes en raison de ses maux de dos. Elle soutient qu’il n’est pas réaliste d’envisager qu’elle se retrouve à nouveau dans un [traduction] « état normal » après la chirurgie, compte tenu de ces considérations. Elle demande une révision.

[7] En ce qui concerne l’aptitude de la demanderesse à détenir une occupation sédentaire, la division générale a souligné le rapport médical du médecin de famille, le Dr D. Glaeske, du 20 décembre 2013, dans lequel on affirmait qu’une fois la coronaropathie éliminée et les symptômes de la demanderesse contrôlés avec des médicaments, elle [traduction] « pourrait retourner à un poste sédentaire dans l’attente de son rétablissement d’une chirurgie au genou, et ensuite envisager un retour à son ancienne occupation » (GD2-94). À la révision du dossier, je n’ai pas trouvé de preuve au soutien de limitations en position assise pendant de longues périodes, à tout moment avant la fin de la période minimale d’admissibilité de la demanderesse. Par exemple, dans le questionnaire rempli par la demanderesse qui a été joint à sa demande de pension d’invalidité, la demanderesse a mentionné que s’asseoir était [traduction] « correct si la jambe [gauche] peut être en extension et soulevée régulièrement ». Il n’était pas mentionné qu’elle avait des problèmes ou des limitations en position assise pendant de longues périodes. En effet, dans un rapport médical subséquent daté du 3 juin 2014, des mois après la fin de la période minimale d’admissibilité de la demanderesse, le médecin de famille a précisé qu’elle était uniquement capable d’accomplir un travail sédentaire à ce moment (GD8-3).

[8] La première mention dans les dossiers médicaux quant aux problèmes que la demanderesse éprouvait en position assise apparaissait dans le rapport du médecin de famille qui est daté du 4 août 2016 (GD10-3 à GD10-4). Le médecin de famille a souligné qu’en automne 2014, le genou de la demanderesse avait faibli, faisant en sorte qu’elle est tombée sur le dos. La demanderesse s’est blessée au dos lors de cette chute. Les examens diagnostiques ont démontré que la demanderesse avait subi un tassement vertébral à T12. Le médecin de famille était d’avis que même si la douleur au genou éclipsait la douleur au dos, la demanderesse aurait néanmoins de la difficulté à s’asseoir pendant de longues périodes. Quoique la demanderesse ait reçu le diagnostic subséquent d’arthrite lombaire dégénérative grave, aucune documentation précédant la fin de la période minimale d’admissibilité ne rapporte qu’elle s’est plainte d’une limitation en position assise en raison de cette affection. Comme il semble qu’une limitation quelconque en position assise ne soit survenue qu’après la fin de la période minimale d’admissibilité, il était raisonnable pour la division générale de ne pas avoir tenu compte des déclarations de la demanderesse à cet égard lors de l’évaluation de la gravité de son invalidité.

[9] La division générale a écrit ce qui suit au sujet des facteurs à considérer de l’arrêt Villani [traduction] :

[29] Le critère relatif à la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour évaluer la capacité de travailler d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[30] [La demanderesse] approche la fin de sa carrière, et toutefois, elle possède des antécédents de travail nombreux et variés qui lui ont transmis plusieurs compétences transférables. Le Tribunal souligne que [la demanderesse] possède une bonne éducation et une désignation d’infirmière auxiliaire autorisée. Le Tribunal souligne également que [la demanderesse] a de la difficulté à se tenir debout en raison de son genou. Toutefois, ses antécédents lui permettraient de développer des compétences qui ne requièrent pas de travaux physiques ou de se tenir debout longtemps. J’ai pris en considération les facteurs de l’arrêt Villani et j’ai jugé que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie de [la demanderesse] sont d’un tel niveau qu’elle disposerait d’options pour trouver un autre emploi.

[10] Bien que la demande soutienne que la division générale n’a pas tenu compte en entier de son âge, de ses compétences et son expérience professionnelle limitées, pour cette affaire, la division générale s’est référée à l’arrêt Villani, en plus d’avoir tenu compte de chacun des éléments particuliers de la situation de la demanderesse dans les paragraphes que j’ai cités précédemment.

[11] Je souligne que dans Villani, la Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir. (Mis en évidence par la soussignée)

[12] Puisque la division générale a tenu compte de la situation particulière de la demanderesse, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès sur la question que la division générale a commis une erreur en omettant d’appliquer l’approche du contexte « réaliste ».

[13] Essentiellement, la demanderesse désire obtenir un réexamen sur la base de sa situation particulière. Toutefois, le paragraphe 58(1) prévoit uniquement des moyens d’appel limités. Un réexamen de la preuve n’est pas prévu sous ce paragraphe : Tracey, supra.

b) Allégations de conclusions de fait erronées

[14] La demanderesse soutient que la division générale a tiré plusieurs conclusions de fait erronées :

  • Au paragraphe 8, il est mentionné que la demanderesse avait cessé de travailler en 2011 pour attendre une arthroplastie du genou. La demanderesse déclare qu’elle avait cessé de travailler parce qu’elle avait subi une blessure grave au genou, ce qui ne lui permettait plus de travailler ou de marcher.
  • Les paragraphes 9 à 12 concernent ses problèmes de genou. La demanderesse soutient que la division générale a négligé de rendre une grande partie de son témoignage en ce qui concerne les diverses occasions où elle a chuté parce que son genou avait faibli.
  • Au paragraphe 18, il est mentionné qu’elle n’a pas subi un tassement vertébral au milieu du dos suite à une chute survenue à l’automne 2014. La demanderesse mentionne qu’elle est tombée [traduction] « très gravement » et qu’elle a subi une fracture par tassement qui ne lui permet plus de demeurer debout pendant plus de 10 minutes.
  • Au paragraphe 19, la division générale a fait référence au rapport médical du médecin de famille de la demanderesse. La demanderesse soutient que la division générale a négligé de mentionner qu’elle est incapable de [traduction] « se déplacer suffisamment, et [qu’elle] doit se servir d’une canne en tout temps et [qu’elle] ne peut pas bien marcher de façon sécuritaire [...] ou s’asseoir pendant une période quelconque ». Elle fait valoir que la division générale a injustement minimisé ses déficiences, à son désavantage.
  • Elle soutient que le paragraphe 20 est complètement faux et non représentatif. Par exemple, elle rejette toute conclusion au sujet de ses revenus qui auraient déjà été [traduction] « sporadiques », sur le fait qu’elle a travaillé dans une maison de soins palliatifs ou qu’elle a travaillé comme infirmière auxiliaire autorisée de 1991 à 1993. Elle soutient avoir témoigné qu’elle avait suivi une formation d’infirmière auxiliaire au sein d’une organisation de soins palliatifs. Elle soutient aussi ne pas avoir terminé son attestation d’études de 12e année et sa formation d’infirmière auxiliaire avant l’an 2000.
  • Elle soutient que le paragraphe 26 établit de façon inexacte la preuve en ce qui concerne la fréquence de ses rendez-vous en physiothérapie et ses efforts pour se trouver un autre type d’emploi ou un emploi sédentaire.

[15] En ce qui concerne le paragraphe 8, bien que la division générale peut avoir mal présenté la preuve de la demanderesse qui explique la raison de son arrêt de travail, la division générale n’a pas fondé sa décision sur ce fait.

[16] Du paragraphe 9 à 12, la division générale a résumé certains éléments de preuve documentaire par rapport aux troubles de genou de la demanderesse. La demanderesse soutient que la description faite par la division générale des troubles de genou est inexacte, car on ne mentionne pas que de temps à autre, son genou faiblissait, ce qui l’a fait chuter. Bien que la division générale peut ne pas avoir fait cette mention après le sous-titre [traduction] « Troubles de genou », la division générale était consciente des problèmes de la demanderesse à cet égard et les a décrits brièvement. Aux paragraphes 20 et 22, après le sous-titre [traduction] « Preuve orale », la division générale a souligné que la demanderesse était tombée. La division générale a écrit [traduction] : « En août 2011, son genou a cédé et elle a été en congé d’invalidité de courte durée parce qu’elle ne pouvait plus marcher. En 2012, elle est encore tombée [et] [e]n août 2014, elle a glissé d’une marche, est tombée sur le dos et s’est fracturé le dos. »

[17] La demanderesse soutient qu’au paragraphe 18, la division générale a mal interprété le rapport de radiographie du 17 octobre 2014. La division générale a mentionné que le rapport de radiographie n’indiquait aucun développement de fracture par tassement au rachis lombaire, bien que la demanderesse mentionnait avoir souffert d’une fracture par tassement. En effet, l’on peut lire sur la radiographie [traduction] « Aucun développement de fracture par tassement au rachis lombaire ». Donc, l’interprétation de la division générale était juste. Toutefois, une note manuscrite dans le rapport de radiographie précise que la fracture a ensuite été confirmée par imagerie par résonance magnétique (IRM). Une IRM du rachis lombaire et thoracique réalisée le 19 juin 2015 confirmait la fracture (GD8-6). Bien que la division générale peut avoir mal interprété certains éléments de preuve en omettant de souligner que la demanderesse avait effectivement souffert d’une fracture par tassement, la fracture était peu pertinente, car la fracture semblait être ancienne. Les examens diagnostiques ont été subis par la demanderesse après une chute qui a eu lieu après la fin de la période minimale d’admissibilité, donc tout symptôme aggravé qui s’ensuivit n’était d’aucune importance pour déterminer si son invalidité pouvait être grave à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[18] La demanderesse soutient qu’au paragraphe 19, la division générale n’a pas décrit ses limitations avec exactitude, lesquelles paraissaient au rapport du médecin de famille. La division générale a fait référence au rapport du médecin de famille et résumé les aspects qu’elle voyait comme étant les plus importants. Bien que la division générale peut ne pas avoir effectué un examen et une analyse approfondis de la preuve, ne pas avoir entièrement représenté le contenu du rapport médical qui décrivait les limitations de la demanderesse, cela ne signifie pas que la division générale a omis de tenir compte de cet élément de preuve. Je souligne que la Cour d’appel fédérale a statué qu’un décideur n’a pas l’obligation de dresser une liste exhaustive de tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés, puisqu’il est généralement présumé que le décideur a tenu compte de l’ensemble de la preuve. Dans l’affaire Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82, la Cour d’appel fédérale a établi qu’« un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve ». Je note aussi les propos que le juge Stratas a tenus à ce sujet dans Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 :

[…] les juges de première instance n’essaient pas de rédiger une encyclopédie où les plus petits détails factuels seraient consignés, et ils ne le peuvent d’ailleurs pas. Ils examinent minutieusement des masses de renseignements et en font la synthèse, en séparant le bon grain de l’ivraie, et en ne formulant finalement que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications.

[19] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas bien rendu son témoignage oral. Je n’ai pas examiné l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale, mais qu’importe si la division générale a mal rendu ou mal interprété la preuve, je juge que rien ne concerne la manière dont la division générale pourrait avoir décrit ses revenus antérieurs, le moment auquel elle a été formée et celui auquel elle a suivi sa formation d’infirmière auxiliaire, ou si elle a suivi sa formation et travaillé dans une maison ou dans une organisation de soins palliatifs. La division générale n’a simplement pas fondé sa décision sur l’un ou l’autre de ces facteurs.

[20] Le paragraphe 26 correspond aux observations du défendeur et pas nécessairement aux conclusions de la division générale. Le défendeur aurait fait valoir qu’il n’existait pas de rapports de physiothérapie pour démontrer que la demanderesse avait poursuivi ses traitements. Cependant, la division générale n’a pas fondé sa décision sur la question de savoir si un élément de preuve étayait le fait que la demanderesse avait poursuivi ses traitements (de physiothérapie). Au paragraphe 19, la division générale a souligné qu’un chirurgien orthopédiste avait recommandé à la demanderesse d’essayer NeoVisc et de continuer le traitement de physiothérapie. La division générale a jugé qu’il était raisonnable d’envisager que la demanderesse ne suive pas le traitement avec NeoVisc. La division générale n’a pas tiré de conclusions sur la question de savoir si la demanderesse avait poursuivi le traitement de physiothérapie. Elle n’a pas fondé sa décision sur les observations du défendeur.

[21] La division générale a écrit que le défendeur a fait valoir qu’il [traduction] « n’y avait pas suffisamment de preuve pour faire montre qu’elle avait cherché ou essayé un autre type de travail ou un emploi sédentaire qui conviendrait à ses limitations ». La demanderesse affirme que quelque temps avant décembre 2013, elle avait approché son employeur pour bénéficier de mesures d’adaptation sous la forme de travaux légers. Elle affirme que son employeur a rejeté sa demande, parce que rien ne pouvait convenir à ses limitations. Il n’est pas clair que cette preuve avait été présentée à la division générale, mais de toute évidence, la division générale a accepté que la demanderesse ne pouvait pas reprendre ses fonctions habituelles à son dernier emploi, et donc, à moins que l’employeur ne lui accorde des mesures d’adaptation grâce à des tâches modifiées, la demanderesse devait tout de même cherché ou essayé un autre type de travail. La division générale a souligné que la demanderesse n’avait pas essayé d’occuper un autre type de travail.

Conclusion

[22] Compte tenu des précédentes considérations, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.