Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

[1] Le 6 septembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a statué qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada n’était pas payable au demandeur, comme l’effet cumulatif de son essoufflement, de l’enflement de ses jambes et de ses pieds ainsi que de son diabète, de son hypertension artérielle et de son apnée du sommeil, ne donnait pas lieu à une invalidité grave à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2014, ou avant cette date.

[2] Le 6 décembre 2016, le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal.

Question en litige

[3] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

Permission d’en appeler

[4] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Moyens d’appel

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Genèse de l’instance

[7] Dans sa décision, la division générale a résumé de façon plutôt détaillée la preuve médicale dans la section intitulée « Preuve écrite », y compris des documents médicaux du docteur Ball (médecin de famille) et du docteur Van Dorsser (cardiologue).

[8] La décision fournit une description d’un rapport produit en mai 2014 par le docteur Van Dorsser, incluant le pronostic voulant que le demandeur était incapable de s’acquitter de la lourde charge de travail de son dernier emploi. En décrivant le rapport subséquent de juin 2014 du docteur Van Dorsser, la division générale a cependant omis sa conclusion, selon laquelle le demandeur était incapable de détenir une occupation rémunératrice (paragr. 41). La décision décrit la preuve du 6 août 2014 du docteur Ball, où il était conclu qu’il serait complètement raisonnable que le demandeur occupe un emploi supposant des activités plus sédentaires (travail léger), compte tenu de son état fonctionnel, de sa fonction ventriculaire gauche et du statut de la revascularisation post-pontage (paragr. 42).

[9] Dans la partie de l’analyse de la décision, la division générale a accordé [traduction] « beaucoup de poids à la preuve du docteur Ball, cardiologue, puisqu’il avait suivi l’appelant de 2012 à 2014 et que sa preuve était objective » (paragr. 51). La division générale n’a cependant aucunement précisé, dans la section de l’analyse, le poids qu’elle avait accordé à la preuve de juin 2014 du docteur Van Dorsser.

Observations

[10] Le demandeur soutient que la division générale a commis [traduction] « une grave erreur quant aux faits contenus dans le dossier d’appel », et qu’elle a [traduction] « commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de l’ensemble de la preuve médicale. »

Analyse

[11]  Pour que la division d’appel lui accorde la permission d’en appeler, le demandeur doit montrer qu’il a une chance raisonnable de succès grâce à l’un des moyens d’appel prévus à la Loi sur le MEDS.

[12]  Il pourrait y avoir une erreur pour l’application du paragraphe 58(1) : la division générale pourrait ne pas avoir tenu compte d’éléments de preuve pertinents en évaluant l’invalidité du demandeur. Dans son résumé de la preuve, la division générale décrit trois rapports médicaux : deux rapports du docteur Van Dorsser, et un rapport du docteur Ball. Les rapports du docteur Van Dorsser datent de mai et juin 2014 respectivement, et celui du docteur Ball date du mois d’août de la même année. La PMA a pris fin le 31 décembre 2014, et les dates des trois rapports montrent ainsi qu’ils sont pertinents pour déterminer si le demandeur était atteint d’une invalidité grave à l’échéance de sa PMA ou avant cette date.

[13]  La conclusion tirée par le docteur Ball en août 2014, selon laquelle un emploi sédentaire était raisonnable, semble aller à l’encontre de l’opinion formulée en juin 2014 par le docteur Van Dorsser, qui croyait que le demandeur était incapable de détenir un emploi rémunérateur. La conclusion du docteur Van Dorsser n’avait pas été incluse dans les faits contenus dans la décision de la division générale, alors que la conclusion du docteur Ball en faisait explicitement partie. La division générale n’a pas explicitement précisé le poids qu’elle a accordé à l’opinion de juin 2014 du docteur Van Dorsser, mais elle a accordé [traduction] « beaucoup de poids » à la preuve du docteur Ball, puisqu’il avait suivi le demandeur de 2012 à 2014 et que sa preuve était objective. La division générale a expliqué pourquoi elle avait accordé tant de valeur à la preuve du docteur Ball, mais elle n’a pas expliqué pourquoi elle l’avait préférée à celle du docteur Van Dorsser. Il ne semble pas que la décision montre que la division générale aurait tenu compte de la période durant laquelle le docteur Van Dorsser a traité le demandeur en la comparant à celle du docteur Ball, ou de l’objectivité de la preuve du docteur Van Dorsser comparativement à celle du docteur Ball (ni comment cette « objectivité » a été évaluée, puisque les médecins n’ont pas été contre-interrogés).

[14] En ne motivant pas sa préférence pour la preuve du docteur Ball, la division générale pourrait très bien avoir commis l’une des erreurs prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Comme elle n’a pas fait référence à la conclusion du docteur Van Dorsser dans son analyse, la division générale pourrait avoir commis une erreur en omettant d’apprécier des éléments de preuve médicale contradictoires et d’expliquer pourquoi elle s’est fiée au rapport du docteur Ball plutôt qu’à celui du docteur Van Dorsser.

[15] La division générale doit analyser les éléments de preuve contradictoires pertinents et préciser les éléments de preuve qu’elle a écartés et ceux auxquels elle a accordé moins de poids, et expliquer pourquoi elle l'a fait (voir Atri c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 178, et Canada (Procureur général) c. Ryall, 2008 CAF 164, et Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Quesnelle, 2003 FCA 92).

[16] La Cour fédérale a statué que la division générale commet une erreur de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance si elle ignore des éléments de preuve essentiels qui touchent l’essence de la demande de pension du demandeur (des éléments de preuve médicale à l’appui d’une invalidité grave) (voir Joseph v. Canada (Procureur général), 2017 CF 391, paragr. 48 et 72).

[17] Le fait de ne pas apprécier un rapport médical et de préférer un rapport médical à un autre sans en fournir les raisons a été défini par la division d’appel comme une erreur mixte de fait et de droit potentielle (voir B.M. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2017 CanLII 60467 (TSS), paragr. 22, et B.M. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 111, paragr. 12), ou une erreur de droit potentielle (voir S.N. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 991, paragr. 8).

[18]  Le caractère adéquat des motifs ne constitue pas en soi un fondement pour annuler une décision. Les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat (voir R. c. Sheppard, [2002] 1 RCS 869, 2002 CSC 26, au paragr. 18, et Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c. Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708, 2011 CSC 62, au paragr. 14). Les motifs fournis doivent permettre de comprendre plus facilement pourquoi le Tribunal a rendu la décision qu’il a rendue.

[19] Le demandeur dispose d’une cause défendable; la décision de la division générale n’explique pas comment elle a traité les preuves médicales contradictoires portant sur la principale question qu’elle devait trancher. La division d’appel accorde la permission d’en appeler, comme la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, en vertu de l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

Motifs d’appel du demandeur

[20] À ce stade, la division d’appel n’a pas besoin d’examiner les autres observations ou motifs invoqués par le demandeur. Le paragraphe 58(2) n’exige pas que chaque motif d’appel soit examiné individuellement pour être admis ou rejeté (voir Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276).

Conclusion

[21] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

[22] La présente décision accordant la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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