Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] L’appelant a présenté une demande de prestation d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) en février 2016. Il recevait une pension de retraite du RPC depuis juillet 2012.

[2] L’intimé a avisé l’appelant qu’il n’était pas admissible à la prestation d’invalidité du RPC parce qu’il avait présenté sa demande 15 mois après avoir commencé à recevoir une pension de retraite du RPC. L’appelant a présenté une demande de révision. L’intimé a maintenu la décision initiale.

[3] L’appelant a interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada en août 2016.

[4] Le 19 décembre 2016, la division générale a rejeté l’appel sommairement selon le motif que l’appelant ne respecte pas les conditions d’admission prévues à l’alinéa 44(1)b) du RPC. Plus particulièrement, l’appelant recevait une pension de retraite du RPC et n’a pu être réputé invalide avant qu’il ne commence à recevoir sa pension de retraite. La division générale a aussi souligné qu’elle est tenue d’interpréter et d’appliquer les dispositions de la manière dont elles sont établies dans le RPC.

[5] L’appelant a présenté une demande d’appel incomplète auprès de la division d’appel du Tribunal le 10 janvier 2017. Le Tribunal lui a demandé au moyen d’une lettre datée du 16 janvier 2017 de compléter sa demande. L’appelant a fourni des renseignements supplémentaires le 2 février 2017, et son appel a ensuite été considéré comme complet. Ses motifs d’appel peuvent être résumés comme suit :

  1. La seule chose qui retarde sa pension d’invalidité du RPC est [traduction] « l’échéance de 15 mois ».
  2. Cette disposition ne devrait pas s’appliquer à son affaire, et ce, pour les motifs mentionnés dans ses lettres précédentes.
  3. [traduction] « Ne pas recevoir le droit de prendre une décision éclairée selon l’information qui n’a jamais été fournie constitue une forme fondamentale de discrimination. »
  4. Si une personne devient invalide vers la fin de la soixantaine, cette personne devrait quand même être admissible à des prestations d’invalidité.
  5. Il est injuste de lui refuser sa pension d’invalidité étant donné que des documents médicaux démontrent qu’il est invalide.

[6] L’intimé n’a pas présenté d’observations à la division d’appel. La décision initiale de l’intimé, ainsi que sa décision découlant d’une révision affirment ce qui suit :

  1. Le RPC n’autorise pas le paiement simultané d’une prestation d’invalidité et d’une pension de retraite.
  2. L’appelant a commencé à recevoir une pension de retraite en juillet 2012.
  3. Il a présenté une demande d’annulation de sa pension de retraite en faveur d’une prestation d’invalidité plus de 15 mois après avoir commencé à recevoir sa pension de retraite. Par conséquent, il est inadmissible à une prestation d’invalidité selon le libellé du RPC.

[7] Cet appel a été tranché sur la foi du dossier pour les motifs suivants :

  1. L’absence de complexité de la question soulevée en appel;
  2. Le membre de la division d’appel a déterminé qu’il n’est pas nécessaire de tenir une nouvelle audience;
  3. L’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement) selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

Question en litige

[8] La division d’appel doit décider si elle devrait rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale, ou encore, confirmer, infirmer ou modifier la décision rendue par la division générale.

Droit applicable et analyse

[9] L’appelant interjette appel de la décision de la division générale datée du 19 décembre 2016 de rejeter sommairement son appel selon le motif qu’elle était convaincue qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès.

[10] Aucune permission d’en appeler n’est requise dans le cas des appels interjetés au titre du paragraphe 53(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), car un rejet sommaire de la part de la division générale peut faire l’objet d’un appel de plein droit. Comme il a été établi qu’il n’est pas nécessaire de tenir une autre audience, cet appel à la division d’appel sera instruit aux termes de l’alinéa 37a) du Règlement.

[11] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[12] L’appelant ne conteste aucune des conclusions de fait tirées par la division générale. Plutôt, il soutient que l’issue de l’affaire est injuste parce qu’il a cotisé aux fonds d’invalidité, qu’on ne lui a pas fourni les renseignements justes et qu’il est injuste de lui refuser une pension d’invalidité du RPC alors qu’il est atteint d’une invalidité.

[13] Les dispositions pertinentes du RPC sont les suivantes :

  1. Le paragraphe 66.1(1.1) du RPC prescrit qu’un requérant ne peut remplacer une prestation de retraite par une prestation d’invalidité que s’il est réputé être devenu invalide au cours du mois où il a commencé à toucher sa prestation de retraite ou par la suite.
  2. Le paragraphe 66.1(1.1), lu avec l’alinéa 42(2)b), prévoit qu’une personne ne peut en aucun cas être réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date à laquelle l’intimé a reçu la demande de prestation d’invalidité.
  3. L’alinéa 44(1)b) établit les conditions d’admissibilité à la pension de retraite du RPC. Pour être admissible à la pension de retraite, le demandeur doit :
    1. avoir moins de soixante-cinq ans;
    2. ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
    3. être invalide;
    4. avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité.

Critère juridique relatif aux rejets sommaires

[14] Le paragraphe 53(1) de la LMEDS permet à la division générale de rejeter sommairement un appel si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[15] Le paragraphe 59(1) de la LMEDS prévoit que la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour révision conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[16] En l’espèce, la division générale a correctement énoncé la disposition législative applicable pour justifier un rejet sommaire de l’appel en citant le paragraphe 53(1) de la LMEDS au paragraphe 2 de sa décision.

[17] Toutefois, il n’est pas suffisant de reprendre le libellé du paragraphe 53(1) de la LMEDStraitant des rejets sommaires si l’on n’applique pas cette disposition comme il se doit. Après avoir établi le fondement législatif, la division générale doit aussi préciser le critère juridique applicable, puis appliquer le droit aux faits.

[18] La division générale a posé la question à savoir [traduction] « si l’appel devrait être rejeté sommairement » au paragraphe 2 de sa décision.

[19] Dans sa décision, la division générale ne mentionne pas le critère juridique qu’elle a appliqué pour conclure qu’il convenait de rejeter l’appel de façon sommaire.

Décision de la division générale

[20] Bien que la division générale n’ait pas énoncé le critère juridique qu’elle a appliqué, elle a expliqué ce sur quoi elle s’est fondée pour rejeter l’appel sommairement :

[traduction]

[17] Selon la preuve au dossier, l’appelant a commencé à recevoir sa pension de retraite en juillet 2012, et la demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelant a été reçue en février 2016. L’article 66.1 du RPC et l’article 46.2 du Règlement autorisent un bénéficiaire à demander la cessation d’une prestation une fois qu’elle a commencé à être payée si la demande d’annulation de la prestation est présentée par écrit dans les six (6) mois suivant le début du paiement de la prestation. Si le bénéficiaire ne demande pas la cessation de la prestation dans les six (6) mois suivant la date où le paiement de la prestation a commencé, la seule façon d’annuler une pension de retraite pour la remplacer par une prestation d’invalidité est de présenter une déclaration d’invalidité du bénéficiaire avant le mois au cours duquel il a commencé à toucher sa pension de retraite, conformément au paragraphe 66.1(1.1) du RPC, et en l’occurrence, il s’agirait du mois de juin 2012.

[18] Cependant, le paragraphe 66.1(1.1) du RPC doit être lu en parallèle avec l’alinéa 42(2)b) de cette même loi, lequel prévoit qu’une personne ne peut être réputée être invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date à laquelle le défendeur a reçu la demande de pension d’invalidité.

[19] En l’espèce, conformément à l’alinéa 42(2)b) du RPC, la date la plus antérieure à laquelle l’appelant aurait pu être réputé être invalide est novembre 2014, soit quinze mois avant la date de la présentation de la demande de pension d’invalidité.

[20] Étant donné que le versement de la pension de retraite de l’appelant a commencé en juillet 2012 et que la date la plus antérieure à laquelle il aurait pu être réputé invalide est novembre 2014, il est impossible que l’appelant puisse être réputé comme étant invalide avant de recevoir la pension de retraite en juillet 2012, conformément au paragraphe 66.1(1.1) du RPC. Par conséquent, le RPC ne permet pas l’annulation d’une pension de retraite pour la remplacer par une pension d’invalidité lorsque la demande de pension d’invalidité est présentée quinze mois ou plus après que le paiement de la pension de retraite a commencé.

[21] Le Tribunal a été conçu par la législation et, en tant que tel, il n’a que les pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi. Le Tribunal interprète et applique les dispositions telles qu’elles sont énoncées dans le RPC.

[22] Par conséquent, le Tribunal estime que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès

[21] Puisque le membre de la division générale n’a pas précisé le critère juridique applicable aux rejets sommaires et n’a pas appliqué ce critère aux faits de l’affaire, la décision de la division générale est fondée sur une erreur de droit.

[22] Le critère juridique applicable aux rejets sommaires est la première question à laquelle il faut répondre. La question suivante serait celle visant à déterminer si une erreur de droit (ou un autre type d’erreur) a été commise dans la décision rendue par l’intimé sur les questions précises.

[23] En raison de l’erreur de droit portant sur la question préliminaire du critère juridique applicable aux rejets sommaires, la division d’appel doit faire sa propre analyse et déterminer si elle doit rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale, confirmer, infirmer ou modifier la décision : Housen c. Nikolaisen, [2002] SCR 235, 2002 SCC 33 au paragraphe 8, et paragraphe 59(1) de la LMEDS.

Critère juridique à appliquer pour un rejet sommaire

[24] Même si la division générale a erré en n’indiquant pas et en n’appliquant pas le critère juridique applicable, les paragraphes 17 à 21 de la décision de la division générale sont justes, et je souscris aux conclusions qu’elles comportent.

[25] Bien que l’expression « aucune chance raisonnable de succès » n’ait pas été définie plus avant dans la LMEDS aux fins de l’interprétation du paragraphe 53(1) de cette loi, le Tribunal fait observer que c’est une notion qui est utilisée dans d’autres domaines du droit et qui a fait l’objet de décisions antérieures de la division d’appel.

[26] Il semble exister trois catégories de jurisprudence quant aux décisions précédemment rendues par la division d’appel relativement à des rejets sommaires de la division générale :

  1. Exemples : AD-13-825 (J. S. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 715), AD-14-131 (C. D. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 594), AD-14-310 (M. C. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2015 TSSDA 237), AD-15-74 (J. C. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 596). Le critère juridique appliqué était le suivant : est-il clair à la lecture du dossier que l’appel est voué à l’échec, quels que soient les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audience? Ce critère est énoncé dans les arrêts de la Cour d’appel fédérale suivants : Lessard-Gauvin c. Canada (Procureur général), CAF 147, Sellathurai c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CAF 1, et Breslaw c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 264.
  2. Exemples : AD-15-236 (C.S. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 974), AD-15-297 (A.P. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 973), et AD-15-401 (A.A. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 1178). La division d’appel s’est posé les questions visant à déterminer s’il y a une « question donnant matière à procès », c’est-à-dire s’il y a une question à trancher, et s’il y a un fondement quelconque à la demande, et ce, en qualifiant les causes d’« absolument sans espoir » (c.-à-d. vouées à l’échec) et de « faibles » (c.-à-d. peu solides, aux arguments peu convaincants), pour déterminer s’il était approprié de rejeter l’appel de façon sommaire. Dès qu’il existe un fondement factuel suffisant à l’appui de l’appel et que le résultat n’est pas « manifestement clair », il n’est pas opportun de rendre une décision de rejet sommaire. Il ne conviendrait pas non plus de rejeter de façon sommaire un appel dont le fondement est faible, car un tel appel suppose forcément d’évaluer le fond de l’affaire, et d’examiner et d’apprécier la preuve produite.
  3. Exemples : AD-15-216 (K. B. c Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2015 TSSDA 929). La division d’appel n’a pas formulé un critère juridique et a seulement cité le paragraphe 53(1) de la LMEDS.

[27] J’estime que l’application des deux critères que j’ai énoncés au paragraphe 26 de la décision en l’espèce mène au même résultat en l’espèce, à savoir que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Il est évident et manifeste à la lecture du dossier que l’appel est voué à l’échec, peu importe les éléments de preuve ou arguments qui pourraient être présentés lors d’une audience. Il est également clair que cette affaire n’est pas une affaire « au fondement faible », mais une affaire « sans aucun espoir », puisqu’elle n’implique pas l’évaluation sur le fond du litige ou l’examen des éléments de preuve.

[28] Ni la division générale ni la division d’appel du Tribunal ne peut modifier les critères d’admissibilité prévus au paragraphe 44(1) du RPC, quelles que soient les circonstances.

[29] Le principal argument présenté par l’appelant est qu’il est injuste de lui refuser la prestation d’invalidité puisqu’il a fourni une preuve selon laquelle il était invalide. Il affirme que cela, combiné avec les renseignements incomplets au cours du processus constitue de la [traduction] « discrimination ».

[30] Après avoir examiné les observations et le dossier de l’appelant, j’en conclus que ce motif d’appel ne représente pas une contestation du RPC fondée sur la Charte canadienne des droits et libertés, mais plutôt une déclaration de l’appelant selon laquelle il est injuste et mal de lui refuser la prestation d’invalidité selon la disposition du RPC relative aux 15 mois (paragraphe 66.1(1.1) et alinéa 42(1)b du RPC).

[31] L’application de l’alinéa 42(1)b) et du paragraphe 66.1(1.1) du RPC est déterminante en l’espèce.

[32] Il est évident à la lecture du dossier que l’appelant reçoit une pension de retraite depuis juillet 2012 et qu’il a présenté une demande de prestation d’invalidité en février 2016. Le RPC autorise l’annulation d’une pension de retraite en faveur d’une prestation d’invalidité que dans des circonstances très limitées, et la situation de l’appelant ne correspond pas aux circonstances établies dans les dispositions législatives. Le Tribunal ne peut modifier les exigences prévues par le RPC. Quels que soient les éléments de preuve ou les arguments qui pourraient être présentés à l’audience, l’appel serait voué à l’échec.

[33] Après avoir examiné l’avis d’appel de l’appelant et ses observations, le dossier de la division générale, la décision rendue par la division générale ainsi que les décisions précédentes rendues par la division d’appel relatives aux rejets sommaires, et après avoir appliqué le critère juridique pertinent aux rejets sommaires, je rejette l’appel

Conclusion

[34] L’appel est rejeté.

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