Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision rendue le 19 septembre 2016 par la division générale, qui a statué qu’il n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, comme elle avait conclu qu’il n’était pas atteint d’une invalidité grave, au sens du Régime de pensions du Canada, à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 2008. Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur de droit et fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée qu’elle a tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Avant de pouvoir accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent aux moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

[5] Le demandeur soutient que la division générale a commis une erreur en concluant qu’il était capable de travailler en 2008. Il prétend que la division générale « n’a pas convenablement pris en considération [s]a situation réelle », et qu’elle a ignoré le fait qu’il a été incapable de travailler depuis, mis à part dans le cadre d’emplois [traduction] « anodins, occasionnels », qui l’ont épuisé physiquement comme mentalement. Il prétend que la division générale aurait dû examiner davantage sa situation en 2008, et qu’elle doit entendre ce que sa famille et lui ont à dire. Il fait savoir qu’un appel lui donnerait l’occasion d’expliquer pourquoi son état en 2008 était plus accablant qu’il l’aurait semblé.

[6] La division générale a examiné les restrictions du demandeur, ainsi que la preuve médicale. Même si le dossier de preuve présenté à la division générale comptait plus de 1 000 pages, il renfermait relativement peu de preuves documentaires médicales qui portaient sur le problème de santé du demandeur en date de la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[7] Le demandeur laisse entendre qu’il pourrait avoir été privé d’une occasion de plaider sa cause pleinement et qu’une nouvelle audience devrait être tenue pour lui permettre, ainsi qu’à sa famille, de témoigner. Cela dit, je constate que la division générale a donné au demandeur et à son épouse l’occasion de témoigner au sujet des antécédents médicaux du demandeur et de leur incidence sur lui.

[8] La division générale a affirmé, en fait, qu’elle était consciente que le demandeur n’avait pas travaillé depuis 2008, mais elle a noté à juste titre qu’elle devait d’abord chercher à savoir si le demandeur avait été régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité.

[9] Le demandeur laisse entendre que la division générale pourrait avoir fait fi de certains éléments de preuve médicale. À cet égard, je note que le demandeur s’est fondé sur l’opinion médicale de la docteure Paula Williams, algologue, notamment sur un rapport daté du 29 janvier 2015. Cependant, la docteure Williams avait seulement commencé à traiter le demandeur en 2011Note de bas de page 1, et elle n’avait aucune copie de rapports détaillés portant sur les évaluations et les traitements effectués par le demandeur auprès d’autres professionnels de la santé (GD1-5 à GD1-6). La division générale a aussi tiré cette même conclusion.

[10] La division générale a fait un résumé succinct des notes cliniques du médecin de famille, pour les données recueillies entre janvier 2007 et octobre 2010. La division générale a également noté les résultats aux examens diagnostiques et les différents études et traitements subis par le demandeur. J’ai remarqué que la plupart des renseignements médicaux ont été obtenus après l’échéance de la période minimale d’admissibilité. Bien que la division générale n’ait pas nécessairement fait référence à tous les éléments de preuve médicale, un décideur n’est pas tenu d’énumérer chacun des éléments de preuve portés à sa connaissance, comme il existe la présomption générale qu’il les a tous pris en considération : Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82.

[11] J’ai examiné la preuve médicale qui a été présentée à la division générale. Il y a des notes détaillées de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT), suivant un accident au travail en août 2004. Les notes révèlent que le demandeur avait fait l’objet de nombreux examens et qu’il avait subi un traitement poussé pour remédier à sa douleur et à ses problèmes psychologiques dans l’objectif de pouvoir réintégrer la population active, mais elles n’abordaient que très peu, voire pas du tout, la période du 31 décembre 2008.

[12] En 2005, le demandeur a participé à un programme de restauration fonctionnelle (GD5- 213). À sa sortie du programme, en septembre 2005, il démontrait une capacité à faire des activités à un niveau qui serait qualifié de niveau « limité » d’exigences physiques conformément aux niveaux des exigences physiques de la Classification nationale des professions. Certaines précautions fonctionnelles permanentes avaient été décelées pour son rachis lombaire. Son employeur avait apparemment été prêt à lui offrir un emploi modifié qui lui convenait. Ultimement, le demandeur n’a pas repris son ancien emploi parce qu’il avait l’impression que les tâches modifiées dépassaient ses capacités. Son employeur l’a congédié.

[13] En mars 2006, peu après son congédiement, le demandeur a consulté le docteur Kakar, psychiatre. Le docteur Kakar diagnostiqué une grave dépression majeure et un syndrome de la douleur chronique chez le demandeur. Le docteur Kakar a noté que le demandeur faisait régulièrement des séances intensives de psychothérapie cognitive et de soutien. Le régime médicamenteux du demandeur devait être modifié. La réponse du demandeur au traitement avait été modeste jusqu’à ce stade et le pronostic de rétablissement était réservé. Le docteur Kakar était d’avis que le demandeur était complètement invalide et qu’il serait incapable de faire tout travail. Le demandeur allait aussi devoir participer à de la psychothérapie cognitive et de soutien de façon continue (GD5-412 à 414).

[14] Le demandeur a également vu le docteur Kiraly, en juin 2006, dans le cadre d’une évaluation médicale pour perte non financière. Le docteur Kiraly a posé le même diagnostic que le docteur Kakar. Le docteur Kiraly était d’avis que son pronostic de retour au travail était réservé, vu la chronicité et la ténacité de ses symptômes, en dépit des traitements médicaux et du temps. Le docteur Kiraly a écrit que le demandeur était un mauvais candidat pour la réadaptation en raison de la persistance de ses symptômes graves (GD5-972 à GD5-974).

[15] La division générale a énoncé les dossiers médicaux menant à la fin de sa période minimale d’admissibilité. Il n’y avait aucun autre document ni opinion de nature médicale au dossier, pour 2007 ou 2008, qui traitait précisément de l’état de santé du demandeur, des traitements qu’il aurait suivis durant cette période, ou des pronostics anticipés.

[16] Dans une lettre datée du 12 septembre 2008, le représentant du demandeur a fait savoir que le demandeur conduisait un camion à temps partiel en 2007 et 2008, mais que ses revenus déclarés étaient plutôt négligeables. Les relevés des gains révèlent qu’il a gagné 10 500 $ et 7 500 $ pour chacune de ces années (GD2-5).

[17] En décembre 2008, le Rehabilitation Network Canada Inc. a entrepris, au nom de la CSPAAT, une analyse des compétences transférables du demandeur (GD5-921). Des possibilités d’emplois convenables et d’options d’affaires y ont été établies pour le demandeur, même s’il était précisé que d’autres tests devraient être effectués pour déterminer si le demandeur possédait les aptitudes professionnelles requises pour pouvoir, d’un point de vue réaliste, exploiter ces possibilités (GD5-931).

[18] Au début de janvier 2009, la CSPAAT a évalué le demandeur. Elle a mis sur pied un programme de réintégration du marché du travail. En 2009 et 2010, le demandeur a fait du rattrapage scolaire pour terminer sa 12e année. Il a aussi fait de la formation en informatique et a participé à des cours précollégiaux. Cependant, il a rapporté avoir éprouvé de la douleur au bas du dos, au cou, et le long du membre inférieur droit, ainsi que des maux de tête.

[19] En septembre 2010, le Rehabilitation Network Canada Inc. a énuméré des défis auxquels le demandeur pourrait éventuellement faire face. Une évaluation psychoprofessionnelle effectuée en janvier 2009 a révélé que le demandeur avait démontré un grave niveau d’anxiété et de dépression. Les psychologues ont recommandé que le demandeur consulte un psychiatre. Les conseillers avaient suggéré que certaines mesures soient prises, sur consultation du gestionnaire et de l’infirmer responsables de son dossier à la CSPAAT, si les problèmes du demandeur venaient à freiner son cheminement dans son programme de deux ans de technicien en architecture (GD5-705). Il est difficile de dire, d’après le dossier documentaire, si le demandeur a eu recours à des services psychiatriques mais, ultimement, il a décroché en 2012 son diplôme de technicien en architecture du Collège Centennial.

[20] À part avoir mentionné le rapport du docteur Kakar au paragraphe 24 et celui du docteur Kiraly au paragraphe 32, la division générale ne semble pas avoir traité des opinions médicales psychiatriques de 2006. Les deux psychiatres avaient formulé un pronostic réservé à l’endroit du demandeur. Le docteur Kakar a conclu que le demandeur était complètement invalide et qu’il serait incapable de faire tout travail, alors que le docteur Kiraly a conclu que le demandeur n’était pas un bon candidat pour la réadaptation. Cependant, le demandeur a par la suite participé à un programme de deux ans de technique d’architecture. La division générale a reconnu que le fait d’être resté assis de façon prolongée en suivant ses cours avait exacerbé la douleur lombaire du demandeur, mais elle a néanmoins conclu qu’il avait été régulièrement capable d’aller à l’école de trois à quatre heures par jour et de participer au programme pendant toute sa durée.

[21] Même si la division générale n’a pas directement traité des opinions médicales des docteurs Kakar et Kiraly, il est manifeste qu’elle a jugé inutile de le faire, comme elle a conclu que le demandeur avait été régulièrement capable d’aller à l’école de trois à quatre heures par jour et qu’il avait été capable, au bout du compte, d’obtenir un diplôme. Ayant constaté que le demandeur avait été capable de se recycler avec succès bien après le 31 décembre 2008, elle a conclu qu’il était capable de travailler à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité. Compte tenu de ces considérations, on ne peut pas dire que la division générale ait nécessairement ignoré les opinions médicales de 2006 concernant la capacité du demandeur, ou qu’elle ait négligé d’en traiter.

[22] Le demandeur veut essentiellement bénéficier d’une réévaluation sur le fondement de sa situation particulière. Cependant, le paragraphe 58(1) ne prévoit que des moyens d’appel restreints. Il ne permet pas de réévaluer ou de réentendre la preuve : Tracey, supra.

Conclusion

[23] Dans ce contexte, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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