Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision de la division générale datée du 13 septembre 2016 dans laquelle on a établi que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, puisqu’on a jugé que l’invalidité n’était pas « grave » à la date de fin de la période minimale d’admissibilité du demandeur, le 31 décembre 2013, conformément à la définition du Régime de pensions du Canada. Le demandeur soutient que la division générale a erré en droit et a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question en litige

[2] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Analyse

[3] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) prévoit que les moyens d’appel sont limités aux suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] Pour accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs pour en appeler se rattachent aux moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans l’arrêt Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300.

a)  Arrêt Villani

[5] Le demandeur soutient que la division générale a erré en droit à l’examen de la question de savoir si ses troubles de santé faisaient en sorte qu’il était invalide, car elle a omis d’examiner sa situation dans un « contexte réaliste », comme on le commande dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248. Il cite la décision K.S. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, 2014 TSSDA 36, une cause pour laquelle la division d’appel a accordé la permission d’en appeler. Bien que la division générale avait cité Villani dans cette affaire, il semble qu’elle n’avait pas tenu compte de la situation particulière de K.S., bien qu’elle l’avait mentionnée dans la partie de la preuve.

[6] Au moment d’évaluer si un appelant est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, l’arrêt Villani commande au décideur d’adopter une approche « réaliste », c’est-à-dire qu’il doit tenir compte de la situation particulière de l’appelant, doc de son âge, de son niveau de scolarité, de ses aptitudes linguistiques, de ses antécédents de travail et de son expérience de vie.

[7] Le demandeur soutient qu’il ne peut pas être embauché de façon réaliste en raison de son invalidité, et qu’il est peu probable qu’il puisse se recycler pour accomplir un travail sédentaire : il n’a pas suivi d’études postsecondaires ou de formation qui puisse lui servir dans le cadre d’un emploi de bureau. Il souligne que ses antécédents de travail concernent uniquement des travaux manuels et que la preuve présentée à la division générale était celle qu’il n’a pas les moyens de s’inscrire aux programmes de recyclage ou de poursuivre des études postsecondaires. Il soutient qu’il n’est pas réaliste de croire qu’un employeur embaucherait une personne avec son profil, puisqu’il ne possède aucune expérience de bureau, qu’il ne possède pas les compétences de base en traitement de texte et en informatique, et qu’il ne possède pas la formation ou l’expérience scolaire pertinente. Il affirme que sur la base de ces considérations, il est clair que la division générale n’a pas tenu compte de son invalidité dans un « contexte réaliste ».

[8] Aux paragraphes 29 et 30, la division générale a écrit ce qui suit [traduction] :

Le critère relatif à la gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour évaluer la capacité de travailler d’une personne, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[Le demandeur] était âgé de 47 ans et avait terminé sa 12e année d’études quand il a cessé de travailler comme couvreur de longue date en novembre 2012, en raison d’ulcères récurrents aux pieds et de douleur et d’engourdissement lors de périodes prolongées debout ou de marche. Les troubles du diabète et d’ostéomyélite [du demandeur] limitent sa capacité de travailler comme couvreur à temps plein. Toutefois, le Tribunal juge que le jeune âge, l’instruction, la maîtrise de l’anglais et les capacités résiduelles considérables [du demandeur] font montre qu’il est capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice.

[9] Au paragraphe 41, la division générale a aussi écrit que [traduction] « le critère [de preuve d’un effort sérieux de la part du demandeur pour améliorer sa situation] implique l’obligation de tout appelant de démontrer que des efforts raisonnables et réalistes pour trouver un emploi et le conserver ont été déployés, tout en prenant en considération les caractéristiques personnelles dont il est question dans l’affaire Villani et son employabilité : A.P. c MRHDS (15 décembre 2009) CP 26308 (CAP).

[10] Dans la partie de la preuve, et encore au paragraphe 30, la division générale a souligné que le demandeur avait terminé sa 12e année d’études. La division générale a aussi souligné que le demandeur avait travaillé comme couvreur. Elle n’a pas mentionné si le demandeur avait occupé un autre type d’emploi.

[11] Bien que le demandeur soutient que la division générale n’a pas tenu compte en entier de son instruction et de son expérience professionnelle limitées, et bien qu’il s’appuie sur la décision K.S., pour cette affaire, la division générale s’est référée à l’arrêt Villani, en plus d’avoir tenu compte de chacun des éléments particuliers de la situation du demandeur dans les paragraphes que j’ai cités précédemment.

[12] Je souligne que dans Villani, la Cour d’appel fédérale a indiqué ce qui suit :

[...] tant et aussi longtemps que le décideur applique le critère juridique adéquat pour la gravité de l’invalidité – c’est-à-dire qu’il applique le sens ordinaire de chaque mot de la définition légale de la gravité donnée au sous-alinéa 42(2)a)(i), il sera en mesure de juger d’après les faits si, en pratique, un requérant est incapable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour hésite à intervenir. (Mis en évidence par la soussignée)

[13] Puisque la division générale a tenu compte de la situation particulière du demandeur, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès sur la question que la division générale a commis une erreur en omettant d’appliquer l’approche du contexte « réaliste ».

[14] Essentiellement, le demandeur désire obtenir un réexamen sur la base de sa situation particulière. Toutefois, le paragraphe 58(1) de la LMEDS prévoit uniquement des moyens d’appel limités. Un réexamen de la preuve n’est pas prévu par ce paragraphe : Tracey, supra.

b) Allégations de conclusions de fait erronées

Efforts pour se trouver un emploi

[15] Le demandeur fait valoir que la division générale a commis une erreur de fait en concluant au paragraphe 41 qu’il n’avait pas démontré des [traduction] « efforts pour se trouver un emploi, malgré la preuve d’une capacité résiduelle de travail ». Le demandeur fait valoir que la division générale a tiré cette conclusion de fait erronée, malgré la preuve qui démontrait qu’il avait entrepris toutes les étapes possibles pour se trouver un autre emploi ou se recycler.

[16] Dans toute son analyse, la division générale a jugé que le demandeur n’avait pas tenté de se trouver un autre travail ou de se recycler : au paragraphe 32, la division générale a écrit qu’il n’y avait [traduction] « aucune preuve quant à une tentative infructueuse [du demandeur] de retourner au travail ou de se recycler pour s’adapter à ses limitations »; au paragraphe 35, on cite le motif présenté par le demandeur qui ne s’est pas recyclé et n’a pas cherché un autre emploi en raison de la douleur accentuée en position debout ou à la marche; au paragraphe 41, on juge que le demandeur n’a pas démontré avoir déployé des efforts pour se trouver un emploi.

[17] Je souligne qu’au paragraphe 14, la division générale a indiqué que le demandeur avait témoigné qu’il n’avait pas tenté de retourner au travail ou de se recycler dans un emploi différent en raison de son état de santé, et qu’au paragraphe 24, la division générale a indiqué que le demandeur avait témoigné qu’il avait [traduction] « cherché d’autres emplois sans limites et des options de recyclage depuis son arrêt de travail comme couvreur en 2012, mais […] sans pouvoir trouver d’emploi convenable ».

[18] Je n’ai pas écouté l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale pour confirmer quel élément de preuve le demandeur a possiblement présenté. Si en effet, le demandeur a témoigné avoir tenté, et ne pas avoir tenté, de retourner au travail ou de se recycler, la division générale aurait dû demander des clarifications par rapport à la preuve contradictoire présentée. D’emblée, il n’est pas clair si la division générale a rejeté la preuve du demandeur qui n’avait pas [traduction] « cherché d’autres emplois sans limites » sur le fondement qu’aucune preuve documentaire ne faisait montre des efforts déployés par le demandeur, mais si tel était le cas, la division générale aurait dû l’établir, ou du moins expliquer la raison pour laquelle elle était prête à conclure que le demandeur n’avait pas démontré [traduction] « d’efforts pour trouver un emploi », ou au paragraphe 32, qu’il n’y avait aucune preuve quant à une tentative infructueuse de retourner au travail ou de se recycler pour s’adapter à ses limitations. À cet égard, je suis prête à déclarer qu’une cause défendable existe et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Capacités résiduelles

[19] Le demandeur soutient que la division générale a omis de présenter un fondement probant pour avoir conclu au paragraphe 30 qu’il avait des [traduction] « capacités résiduelles considérables ». Le demandeur maintient que la preuve démontrait en effet qu’il n’avait pas les moyens de s’inscrire aux programmes de recyclage ou de poursuivre des études postsecondaires. Le demandeur souligne aussi avoir expliqué pourquoi il n’a pas été capable de se tourner vers d’autres possibilités d’emploi. Par exemple, parce qu’il était incapable de conduire, il ne pouvait pas travailler comme chauffeur de taxi ou comme messager, et parce qu’il avait une instruction, une formation et une expérience limitées, il ne pouvait pas occuper un emploi sédentaire.

[20] Aux paragraphes 30 et 32, il semble que la division générale a déterminé que le demandeur avait des [traduction] « capacités résiduelles considérables » sans avoir entrepris d’analyse quelconque, mais il est clair que la division générale a d’abord tiré ses conclusions et a ensuite expliqué ce qui a mené à ces conclusions. Du paragraphe 34 à 37, la division générale a examiné certains éléments de preuve médicale et a présenté le témoignage et les arguments du demandeur. Bien qu’elle ait conclu que le demandeur souffre de déficiences et de troubles, elle n’a pas éliminé la possibilité qu’il puisse occuper un emploi qui ne requiert pas de demeurer longtemps debout ou de marcher. La division générale a souligné, par exemple, que le chirurgien orthopédiste n’avait pas éliminé la possibilité d’un autre emploi.

[21] Puisque la division générale avait conduit une certaine analyse et expliqué la raison pour avoir déterminé que le demandeur avait certaines capacités résiduelles, je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès par rapport à cette question.

Affection des pieds

[22] De plus, le demandeur soutient qu’il avait témoigné qu’il devait régulièrement changer ses pansements aux pieds pendant la journée et que ses pieds dégageaient une odeur nauséabonde. Il soutient qu’il est peu probable qu’un employeur embauche une personne dont les pieds nécessitent des soins constants et dégagent une odeur désagréable dans un bureau. Le demandeur soutient que cette preuve était importante dans le cadre de son appel et que la division générale l’a ignorée.

[23] Il n’est pas clair quelle preuve a été présentée par le demandeur lors de l’audience par rapport à la fréquence de remplacement de ses pansements, mais les problèmes du demandeur en ce qui concerne ses ulcères et ses infections chroniques aux pieds sont bien documentés dans les dossiers cliniques du médecin de famille. En 2013, on a noté qu’il voyait un podiatre, plutôt qu’un membre du personnel infirmier, pour remplacer ses pansements. L’entrée du 28 novembre 2013 précise qu’une [traduction] « odeur nauséabonde [se dégageait de son pied gauche] de temps à autre ».

[24] Nonobstant la preuve orale du demandeur, la division générale a déterminé grâce à son examen des dossiers de traitement qu’en novembre 2014, les ulcères du demandeur étaient guéris à 75 %, et qu’en décembre 2015, une amélioration significative avait été observée. Compte tenu de ces conclusions, il est clair que la division générale a jugé que toute preuve concernant les pansements et les odeurs de pieds devenait moins pertinente avec le temps. Par conséquent, je ne suis pas convaincue que cette question soulève une cause défendable.

Conclusion

[25] La permission d’en appeler est accordée, bien que cette décision ne présume pas du résultat de l’appel en soi.

[26] Conformément au paragraphe 58(5) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est ainsi assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date à laquelle la décision est rendue, les parties peuvent a) déposer des observations auprès de la division d’appel ou b) déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à présenter. Les parties peuvent présenter des observations concernant le mode d’audience à privilégier pour l’instruction de l’appel (c’est-à-dire par téléconférence, par vidéoconférence, en personne ou sur la base des observations écrites des parties), ainsi que des observations sur le fond de l’appel.

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