Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité de l’appelante présentée en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC) le 27 novembre 2014. L’appelante a prétendu être invalide en raison de plusieurs troubles de santé, y compris de graves maux de tête, la maladie de Crohn, le syndrome du côlon irritable, l’anxiété, la dépression et un trouble obsessif compulsif. L’intimé a rejeté la demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision au Tribunal de la sécurité sociale le 25 mai 2016.

[2] Il s’agit de la cinquième demande de pension d’invalidité du RPC de l’appelante. Sa première demande a été retirée, et les trois autres ont été rejetées par l’intimé soit à l’étape initiale soit après révision.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit respecter les exigences prévues par le RPC. Plus particulièrement, l’appelante doit être déclarée invalide au sens du RPC à la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date. Le calcul de la date de fin de la PMA est fondé sur les cotisations de l’appelante au RPC.

[4] Le Tribunal estime que, en ce qui concerne les antécédents de l’appelante en matière de cotisation au RPC et la clause d’exclusion pour élever des enfants, la date de fin de PMA de l’appelante est le 31 décembre 2014 (GD7-14 et GD2-29).

[5] L’appel a été instruit par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. l’appelante sera la seule partie participant à l’audience;
  2. il manque de l’information au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  3. cette façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent ;
  4. l’appelante a déclaré qu’elle ne souhaite pas comparaître en personne ou par vidéoconférence en raison de problèmes liés au déplacement.

[6] Les personnes suivantes ont participé à l’audience :

J. P. : appelante

Steven Sacco : représentant de l’appelante

[7] Le Tribunal a conclu que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les motifs énoncés ci-dessous.

Témoignage de vive voix

Contexte

[8] L’appelante était âgée de 42 ans le 31 décembre 2014, date de fin de la PMA. Elle est maintenant âgée de 45 ans. Après avoir terminé sa treizième année, elle a travaillé comme entraîneuse personnelle et a suivi un cours d’enquête privée d’une durée de six mois. Elle s’est ensuite jointe au Service de police régional de Durham en tant qu’aspirante-policière. En 1994, après avoir terminé la formation interne, elle est devenue agente de police. Elle ne travaille pas depuis novembre 2011 et elle touche des prestations d’invalidité à long terme de La Great-West, compagnie d’assurance-vie.

Troubles invalidants

[9] Dans son témoignage de vive voix, l’appelante a passé en revue de manière approfondie les antécédents de ses nombreux troubles invalidants. Elle a déclaré avoir toujours eu des migraines et des problèmes gastriques. En 1996, ceux-ci sont devenus graves. En juillet 1997, elle a reçu un diagnostic de la maladie de Crohn et subi une résection intestinale d’urgence. Selon le questionnaire relatif à l’invalidité à l’appui de sa demande initiale de prestations d’invalidité, l’appelante a cessé de travailler le 1er juillet 1997 et elle a prétendu être invalide depuis le 8 juillet 1997 en raison de la maladie de Crohn, de problèmes de digestion, de douleurs, de nausées, de faiblesses, de diarrhées graves, de douleurs gastriques, de crampes, de maux de tête, de troubles de concentration, de constipation et de douleurs au dos et aux articulations (GD2-535 à GD2-537).

Tentatives de retour au travail

[10] L’appelante a subi une autre chirurgie en janvier 1998 en raison d’une fistule dans l’intestin grêle. Elle est retournée travailler après la naissance de sa première fille et elle pouvait seulement effectuer des tâches administratives. En novembre 2004, elle a cessé de travailler en raison de maux de tête, de problèmes intestinaux, d’un syndrome du côlon irritable, de la maladie de Crohn, d’un acouphène (cillement dans les oreilles) et de vision entachée. Sa fille cadette est née en avril 2005, et l’appelante a commencé à toucher des prestations d’invalidité à long terme après son congé de maternité et de maladie.

[11] Elle a tenté de retourner travailler en 2010 dans un [traduction] « poste nécessitant une faible capacité » comprenant la production de rapports au téléphone et de notes informatisées des rapports. Elle est initialement retournée travailler avec un horaire modifié (deux ou trois jours par semaine, quatre heures par jour) et elle a progressivement augmenté son nombre d’heures par semaine à 40. Elle a été impliquée dans un accident de véhicule en août 2010, ce qui a aggravé sa douleur dorsale et ses maux de tête.

[12] L’appelante a décrit cette tentative de retour au travail comme étant [traduction] « horrible » et elle a déclaré qu’elle avait dû cesser de travailler en novembre 2011 parce que ses intestins étaient en très mauvais état, qu’elle avait de graves maux de tête constants, que sa vision était troublée (elle voyait constamment des taches), qu’elle souffrait de douleurs dorsales et qu’elle était atteinte de dépression, d’anxiété et de trouble obsessif compulsif. En raison de son trouble obsessif compulsif, elle passait trop de temps à produire des rapports, elle ne pouvait pas se concentrer, elle avait un problème avec l’idée de toucher des objets et elle avait une obsession avec les nombres pairs (tout devait être en nombres pairs).

[13] Une note de service, datée du 13 mars 2012 et produite par les Ressources humaines du Service de police régional de Durham à l’intention du programme de pension d’invalidité du RPC, joint la quatrième demande de pension d’invalidité de l’appelante. Selon cette note, elle a touché des prestations d’invalidité à long terme de 2006 à 2010, sa tentative de retour au travail a été infructueuse, ses symptômes ne se sont pas atténués, et ceux-ci ne lui ont pas permis de travailler (GD2-244).

Après novembre 2014

[14] L’appelante consulte Dr Hsieh, son médecin de famille, tous les trois mois. Elle lui prescrit de la quetiapine pour traiter son trouble obsessif compulsif (la prescription a été faite à l’origine par le Dr Hunter, psychiatre). Le Dr Fu a envoyé l’appelante consulter un spécialiste à Toronto afin d’obtenir un second avis. Ce dernier lui a conseillé de prendre un diurétique. Elle consulte le Dr Avila, dans une clinique de traitement de la douleur chronique à Toronto, qui lui donne des injections au dos à la tête et au cou. Elle consulte le Dr Finkelstein tous les trois mois, et celui-ci lui prescrit de l’Effexor pour son anxiété et ses douleurs dorsales. Elle n’a pas consulté le Dr Hunter depuis qu’on lui a prescrit de la quetiapine et elle n’a pas consulté la Dre Fitzsimmons pour une séance de psychothérapie depuis environ un an et demi. Elle met en pratique les outils, comme la thérapie comportementale et la pleine conscience enseignée par la Dre Fitzsimmons, et elle prévoit une séance à venir avec celui-ci.

[15] L’appelante ne travaille pas depuis novembre 2011. Elle a déclaré que ses troubles s’étaient aggravés : elle a maintenant des maux de tête en tout temps; sa vision entachée et le cillement dans ses oreilles sont constants; sa concentration et ses intestins relâchés se dégradent. Les troubles ne cessent jamais de se manifester. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi elle est incapable de détenir tout type d’emploi, elle a répondu qu’elle a de la difficulté à fonctionner et à gérer sa vie personnelle sans faire d’erreurs. Son niveau de concentration est [traduction] « brutale », elle souffre constamment de douleurs au dos, de maux de tête et de douleurs abdominales lorsqu’elle souffre de blocages intestinaux. Elle a de la difficulté à lire ou à travailler avec un ordinateur en raison de troubles visuels constants et d’un cillement dans les oreilles. Elle ne peut pas demeurer en position debout plus de cinq minutes en raison de ses douleurs dorsales.

Preuve médicale et documentaire

[16] Le Tribunal a examiné attentivement l’ensemble de la preuve médicale et documentaire figurant dans le dossier d’audience. Voici les extraits qui sont les plus pertinents selon le Tribunal.

Questionnaire relatif à l’invalidité

[17] Dans son questionnaire relatif à l’invalidité, signé le 28 octobre 2014, l’appelante a déclaré avoir une treizième année et trois mois de formation au Collège de police. Elle a déclaré qu’elle a travaillé pour la dernière fois à titre d’agente de police du 22 septembre 1992 au 23 novembre 2011. Elle a déclaré être invalide depuis le 23 novembre 2011 et être incapable de travailler en raison de maladies ou de déficiences, ce qui comprend de graves maux de tête, un trouble visuel, un cillement dans les oreilles, une douleur dorsale, un syndrome du côlon irritable, la maladie de Crohn, la dépression, l’anxiété et un trouble obsessif compulsif (Questionnaire relatif à l’invalidité, GD2-135 à GD2-137).

Limitations

[18] L’appelante a décrit les difficultés ou les limitations fonctionnelles relativement à la position debout/assise, à la marche, au soulèvement ou transport d’objets et la flexion. Elle est également atteinte de mouvements intestinaux incontrôlables, elle doit faire l’entretien ménager à son rythme, elle a des troubles auditifs et visuels, elle a des problèmes de concentration et de sommeil, et sa capacité de conduire est limitée (GD2-138).

Troubles de santé mentale

[19] Le 14 décembre 2016, le Dr Hunter, psychiatre, était d’avis que l’appelante était clairement atteinte d’anxiété généralisée et d’un trouble panique (GD2-232).

[20] Le 25 novembre 2009, le Dr Hunter a déclaré que l’appelante était manifestement atteinte d’anxiété et d’un trouble obsessionnel. Il a déclaré ce qui suit en décrivant l’anxiété et les symptômes obsessifs de l’appelante :

[traduction]

Cependant, l’élément principal de sa déclaration, selon moi, concerne son anxiété. Elle déclare que cela se produit [traduction] « de manière inattendue » et qu’elle a peur en raison d’un [traduction] « serrage » dans sa poitrine, d’un essoufflement accru, d’une sensation de sudation, de picotements et d’un sentiment de peur accru. Cela dure entre 10 minutes et des heures et se produit assez fréquemment afin qu’elle puisse le ressentir de façon presque continue parfois […]

J. P. déclare clairement avoir un certain nombre d’autres symptômes importants liés à l’anxiété également. Elle décrit des ruminations non productives qu’elle mentionne comme étant [traduction] « stupides ». Il s’agit de pensées qui pourraient prendre la forme de « que faire si » ou de revues de décisions ou d’actions rendues ou prises plus tôt dans la journée. Le certain nombre de comportements obsessifs est peut-être encore plus frappant. Elle m’a raconté nettoyer le comptoir de la cuisine et le temps qu’elle perd si elle devient obsessive à l’idée de bien le faire. D’autres exemples comprennent le sentiment que tout doit être effectué en nombre pair, comme lorsqu’elle prend des grains de maïs soufflé de sa fille. Elle se sent incapable de marche sur une fissure et elle compte le nombre d’escaliers. Lorsqu’elle met le repas de ses enfants dans un sac, elle aligne tous les aliments à l’avant ou elle veille à ce que les articles sur une table soient placés de manière uniforme au centre […] (GD2-321)

[21] Le 28 février 2013, la Dre Fitzsimmons, psychologue, a déclaré qu’elle a rencontré l’appelante dans le cadre de séances hebdomadaires de psychothérapie depuis août 2012 et que, malgré les efforts déployés, l’appelante se sent toujours déprimée et fait toujours état de symptômes liés à un trouble obsessif compulsif (GD2-117).

[22] Le 29 mai 2013, le Dr Hunter a déclaré que l’appelante était [traduction] « profondément motivée » et qu’elle pourrait tirer profit d’un accent accru sur ses symptômes actuels. Il a recommandé la quetiapine (GD5-8).

[23] Le 22 avril 2014, la Dre Fitzsimmons a déclaré à La Great-West, compagnie d’assurance‑vie, qu’elle recevait l’appelante en consultation dans le cadre de séances hebdomadaires d’une heure. Elle a décrit que les limitations fonctionnelles de l’appelante empêchaient celle-ci de retourner détenir un emploi rémunérateur de la façon suivante : elle ne peut pas se concentrer, suivre des instructions ou prendre des décisions; elle a une mauvaise mémoire; elle ne peut pas se souvenir ce qu’elle lit; elle fait des erreurs simples; elle ne peut pas regarder un écran d’ordinateur étant donné que cela cause des maux de tête. Elle a déclaré que les limitations physiques de l’appelante continuent d’avoir des répercussions importantes sur sa vie. Le pronostic est réservé : l’anxiété et la dépression s’amélioreront probablement, mais ses capacités cognitives (concentration, haut degré de fonctionnement) ne s’amélioreront probablement pas (GD2-63).

Troubles physiques

[24] Il existe de nombreux rapports de Dr Fu, gastro-entérologue, à compter d’avril 2017. Le 24 octobre 2017, il a déclaré que la maladie de Crohn de l’appelante était en état de rémission et que le problème principal était son syndrome du côlon irritable causant principalement la constipation (GD5-3).

[25] Le 5 mars 2008 (GD2-227), le Dr Tai, neurologue, a évalué le syndrome [traduction] « intéressant » de l’appelante qui consistait en une aura visuelle constante et des maux de tête. Le Dr Tai a reçu l’appelante en consultation pour un suivi les 2 novembre 2008 (GD2-222) et 26 mars 2009 (GD2-363), date à laquelle il a cessé de prodiguer les soins continus de l’appelante parce qu’il n’avait pas l’impression de pouvoir contribuer dans la même mesure que celle de la Dre Lay.

[26] Il existe des rapports produits par la Dre Lay, neurologue, à compter du 5 décembre 2008. Le 26 mai 2010, la Dre Lay a produit le rapport médical initial au soutien de la troisième de demande de pension d’invalidité de l’appelante. Elle a posé un diagnostic de maux de tête chroniques et quotidiens, de troubles visuels chroniques, de dépression et de la maladie de Crohn. Dans son pronostic, la Dre Lay a déclaré que l’appelante a besoin d’un soutien et d’une thérapie cognitive pour traiter sa dépression et que l’appelante est atteinte d’autres troubles médicaux limitant son fonctionnement (GD2-298). Dans une note de suivi soumise par télécopieur le 8 octobre 2012, la Dre Lay a déclaré que l’appelante ne peut pas travailler (GD2‑200).

[27] Le 29 décembre 2008, le Dr Carette, rhumatologue, était d’avis que les symptômes de l’appelante correspondaient aux symptômes de la fibromyalgie et que les maux de tête faisaient partie des mêmes symptômes (GD2-220).

[28] Le 1er juin 2011, le Dr Isnes, neuro-ophtalmologiste, a déclaré que l’appelante a de longs antécédents d’hémicrânie chronique avec phénomène visuel et qu’elle a des symptômes visuels progressifs depuis janvier 2011 (GD2-194).

[29] Le 6 juin 2012, le Dr Gershon, interniste, a déclaré que l’appelante a des antécédents médicaux [traduction] « chargés » : en 1996, on a traité sa maladie de Crohn au moyen de deux chirurgies afin de corriger les fistules; elle fait actuellement l’objet d’un examen pour une invagination; elle a des antécédents de douleurs lombaires et de douleurs bilatérales aux fesses depuis six ans; elle a des antécédents de douleurs au cou et au bas de la colonne depuis un an; elle souffre de maux de tête; elle a reçu un diagnostic de vision entachée en 2004. Il a également déclaré que l’appelante souffre de douleurs lombaires mécaniques avec des symptômes subjectifs de douleurs radiculaires (GD5-13).

[30] Le 18 décembre 2012, le Dr Finkelstein, spécialiste en traitement de la douleur, a examiné l’appelante en raison de maux de tête chroniques. Il a suggéré l’essai du blocage nerveux (GD2-99). Le 12 juin 2014, le Dr Finkelstein reported to Great-West Life that the Appellant suffers from chronic daily headaches with intractable pain affecting her daily functioning at home and her ability to concentrate and perform at work. He also reported that she has failed multiple treatment modalities and medications [GD2-125].

[31] Le 16 janvier 2013, le Dr Hsieh, médecin de famille de l’appelante, a rempli le rapport médical initial au soutien de la quatrième demande de pension d’invalidité de l’appelante. Il a posé un diagnostic de maux de tête chroniques avec trouble visuel, de la maladie de Crohn avec complications, de trouble anxieux, de maux de dos mécaniques, de syndrome du côlon irritable et d’anastomose iléocæcale avec fistule périnéale. Son pronostic était réservé (GD2-185).

[32] Le 30 juillet 2013, le Dr Majl, neurologue, a examiné l’appelante en raison de douleurs dorsales. Il a eu l’impression qu’elle souffrait de douleurs dorsales s’irradiant jusqu’au pied gauche (GD5-7).

Observations

[33] Monsieur Sacco a soutenu que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. la combinaison de ses multiples troubles physiques et mentaux la rend inemployable;
  2. elle a fait des tentatives infructueuses de retour au travail et elle a suivi un traitement approfondi;
  3. elle satisfait au critère relatif à l’invalidité grave et prolongée à partir de novembre 2011.

[34] L’intimé a soutenu que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. la preuve ne démontre pas un trouble ou une déficience qui empêcherait l’appelante de détenir un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles à la date de fin de la PMA ou avant cette date, et de façon continue par la suite;
  2. il n’existe aucun renseignement médical dans le dossier dont la date est située après octobre 2014;
  3. elle ne satisfait pas aux critères prévus par la loi relativement à l’invalidité grave et prolongée.

Analyse

Critère relatif à une pension d’invalidité

[35] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou selon le principe qu’il est plus probable que le contraire, qu’elle était invalide au sens du RPC à la date de fin de la PMA ou avant cette date.

[36] L’alinéa 44(1)b) du RPC prévoit les exigences en matière d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Afin d’être admissible à la pension d’invalidité, la partie requérante :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche aucune pension de retrait du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[37] Le calcul de la date de fin de la PMA est important, car une personne doit établir l’existence d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de la PMA ou avant cette date.

[38] Le Tribunal a conclu que la date de fin de la PMA est le 31 décembre 2014.

Caractère grave

[39] Les exigences auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité figurent au paragraphe 42(2) de la Loi, qui prévoit essentiellement que pour être considérée comme invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité « grave » et « prolongée ». Une invalidité est « grave » si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne ne doit pas uniquement être incapable d’occuper son emploi habituel, mais aussi incapable d’occuper quelque emploi que ce soit. Une invalidité est « prolongée » si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[40] C’est à l’appelante qu’il incombe de démontrer que, selon la prépondérance des probabilités, elle est invalide au sens de la définition établie le 31 décembre 2014 ou avant cette date. L’exigence concernant la gravité de l’invalidité doit être appliquée dans un contexte « réaliste » (Villani,2001 CAF 248). Le Tribunal doit examiner des facteurs comme l’âge de la personne, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de vie pour déterminer son aptitude à l’emploi compte tenu de son invalidité.

[41] Des dispositions législatives de réparation comme le RPC devraient être interprétées de façon libérale conformément aux objectifs de réparation, et il faut donner un sens et un effet à chacun des termes du sous‑alinéa 42(2)a)(i) du RPC. Cette disposition, lue de cette façon, prévoit que le législateur a jugé qu’une invalidité est grave si elle rend la partie requérante incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice (Villani, 2001 CAF 248).

[42] À la lumière de la preuve médicale d’appui solide, le Tribunal accepte la preuve orale concernant les multiples troubles de longue date de l’appelante et la façon dont ceux-ci ont influencé sa vie et sa capacité de travailler. Elle a rendu son témoignage de façon crédible et directe, et son témoignage concordait avec la preuve médicale approfondie figurant au dossier d’audience et était appuyé par celle-ci. Rien ne donne à penser dans l’un des rapports médicaux que l’appelante simulait ou exagérait ses symptômes d’une façon quelconque.

[43] Il existe de copieux rapports produits de 2006 à 2014 par des spécialistes qui ont pris part au traitement de l’appelante, y compris les suivants : Dr Fu, gastro-entérologue, Dr Hunter, psychiatre; Dre Fitzsimmons, psychologue; Dr. Tai, neurologue; Dr Carette, rhumatologue; Dre Lay, directrice du Centre des maux de tête à l’Hôpital collégial des femmes; Dr Isnes, neuroophtalmologiste, Dr Gershon, interniste, Dr Finkelstein, spécialiste en traitement de la douleur; Dr Majl, neurologue; Dr Chang, urologue; Dr Jones, chirurgien généraliste. Tous ces rapports confirment les multiples diagnostics reçus par l’appelante et le fait qu’elle a déployé d’importants efforts pour poursuivre son traitement et traiter ses nombreuses conditions.

[44] L’état de la partie requérante doit être évalué dans son ensemble. Toutes les déficiences possibles doivent être examinées, pas seulement les déficiences les plus importantes ou la déficience principale (Bungay, 2011 CAF 47). Même si chaque problème médical de l’appelante pouvait ne pas entraîner une invalidité grave, l’effet combiné des diverses maladies pourrait rendre l’appelante gravement invalide : Barata c. MDRH (17 janvier 2001) CP 15058 (CAP).

[45] Les troubles physiques invalidants de l’appelante comprennent des migraines chroniques, des problèmes intestinaux et gastriques, la maladie de Crohn, un cillement constant dans les oreilles, un trouble visuel (vision entachée) et une douleur dorsale et articulaire constante. Ses troubles psychologiques invalidants comprennent l’anxiété, la dépression et un trouble obsessif compulsif. Tous ces troubles sont bien documentés dans la preuve médicale et ils existaient à la date de fin de la PMA.

[46] Le Tribunal reconnaît que l’appelante est relativement jeune, qu’elle a une bonne instruction et qu’elle possède de compétences transférables. Cependant, si l'on tient compte de l’effet cumulatif de ses nombreux troubles physiques et psychologiques, elle ne pourrait pas détenir « pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice » (voir Villani, précité). Elle ne pourrait pas être une employée régulière et fiable.

[47] Cela est confirmé par plusieurs tentatives infructueuses de retour au travail après avoir cessé de travailler en juillet 1997 et une autre fois en novembre 2004. Après son retour au travail en 2010, l’appelante n’a pas été capable de continuer de travailler, et ce, même en ayant des tâches très légères modifiées qui consistaient seulement à produire des rapports téléphoniques et des notes à l’ordinateur.

[48] Le Tribunal estime que l’appelante a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’une invalidité grave conformément aux critères du RPC.

Caractère prolongé

[49] Après avoir conclu que l’invalidité de l’appelante est grave, le Tribunal doit également rendre une décision sur le critère relatif au caractère prolongé.

[50] Les troubles invalidants de l’appelante ont duré pendant bon nombre d’années, et, malgré un traitement approfondi, il y a eu peu d’améliorations, voire aucune. Il semblerait même que son état continue de se détériorer.

[51] L’invalidité de l’appelante est continue, et il n’y a aucune amélioration en perspective dans un avenir proche.

Conclusion

[52] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en novembre 2011, moment où elle a travaillé pour la dernière fois. Aux fins de versement, une personne ne peut pas être réputée invalide plus de 15 mois avant la réception de la demande de pension d’invalidité par l’intimé (RPC, al. 42(2)b)). La demande a été reçue en novembre 2014. Par conséquent, l’appelante est réputée invalide en août 2013. Selon l’article 69 du RPC, les versements débutent quatre mois après la date réputée de l’invalidité, soit en décembre 2013 en l’espèce.

[53] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.