Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision rendue le 19 octobre 2016 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), dans laquelle il a été déterminé qu’elle n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). La division générale a conclu que la demanderesse n’avait pas démontré qu’elle était atteinte d’une invalidité « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date, qui était le 31 décembre 1999.

[2] Conformément à l’article 55 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [t]oute décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel […] ». La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d’appel du Tribunal le 15 novembre 2016.

Question en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ». Trancher une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une instruction de l’affaire sur le fond, et cette demande est un premier obstacle à surmonter pour un demandeur. Cependant, cet obstacle est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ». Pour que la permission d’en appeler soit accordée, le demandeur doit démontrer qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel (Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630). La question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[7] La demanderesse a soutenu que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, conformément à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS, lorsqu’elle a conclu que la demanderesse avait [traduction] « clairement » manifesté des symptômes d’épilepsie avant la date de fin de sa PMA, malgré son diagnostic actuel d’épilepsie en 2003.

[8] La demanderesse a également soutenu que la décision de la division générale est fondée sur une conclusion de fait erronée relativement à la capacité de travail de la demanderesse. La demanderesse soutient que bien que la division générale ait déterminé que la demanderesse était capable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice, elle a négligé le fait que la demanderesse était uniquement capable d’effectuer des tâches liées au travail avec l’aide de ses enfants. La demanderesse soutient que de travailler pour son époux était un emploi [traduction] « favorable » à son état de santé, puisqu’aucun autre employeur ne lui permettrait de recevoir de l’aide de ses enfants.

Analyse

La division générale a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir compte des éléments de preuve à l’appui de l’épilepsie de la demanderesse, lesquels dataient d’avant sa PMA?

[9] La demanderesse a soutenu que la division générale avait commis une erreur en concluant que la demanderesse n’avait pas réussi à prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle souffrait de symptômes problématiques attribuables à l’épilepsie jusqu’à la date de fin de sa PMA qui était le 31 décembre 1999. En fait, la demanderesse soutient que la division générale reconnait clairement que la demanderesse avait souffert de symptômes problématiques avant la date de fin de sa PMA, car la division générale cite des éléments de preuve se trouvant dans les dossiers médicaux qui reflètent le fait que la demanderesse était allée à plusieurs rendez-vous médicaux en raison des symptômes qu’elle éprouvait avant sa PMA, y compris de l’anxiété, des sensations de chaleur, une perte de la parole et une perte de conscience brève. La demanderesse est d’avis que la preuve médicale reflète clairement qu’elle souffrait d’épilepsie avant avoir reçu le diagnostic réel de ce problème de santé en 2003.

[10] Il se pourrait très bien que la demanderesse souffrait de symptômes problématiques avant la date de fin de sa PMA. Cela dit, j’ai examiné le dossier en entier et j’ai écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale. La preuve au dossier, ainsi que la preuve orale présentée par la demanderesse au cours de l’audience indiquent que la demanderesse a travaillé de 1994 à 2006 à faire la comptabilité et la tenue de livres pour l’entreprise de son époux. Elle travaillait au moins 30 heures par semaine pour son époux, et selon sa preuve orale, au cours de certaines semaines, elle [traduction] « a probablement travaillé plus » de 30 heures.

[11] Pour déterminer une invalidité en vertu du RPC, l’on ne se fonde pas sur une condition de santé diagnostiquée, mais plutôt sur la capacité de travail de la personne (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33). Rien ne porte sur la question à savoir si la demanderesse a reçu son diagnostic réel d’épilepsie avant ou après la date de fin de sa PMA. Selon les faits, il n’en demeure pas moins qu’elle était capable de travailler pendant au moins 30 heures par semaine pour son époux jusqu’à bien après la date de fin de sa PMA, en décembre 1999. En fait, selon son témoignage, elle était uniquement responsable de la tenue des livres, ce qu’elle a fait pendant la période au cours de laquelle elle a travaillé pour son époux, c’est-à-dire jusqu’en 2006. Même si elle avait commencé à éprouver certaines difficultés relativement à son fonctionnement cognitif, selon sa preuve, les difficultés ont seulement débuté [traduction] « vers la fin » de la période d’emploi pour l’entreprise de son époux.

[12] Même si la demanderesse a affirmé avoir quitté son emploi pour l’entreprise de son époux en raison de sa condition de santé, la preuve portant sur cette question précise n’est pas très claire. Dans son témoignage, elle a dit qu’elle a peut-être quitté cet emploi en raison de la diminution du chiffre d’affaires de l’entreprise de son époux due du déclin de l’industrie du tabac dans son ensemble. Elle a également parlé des responsabilités conflictuelles qu’elle avait à la maison, soit de prendre soin de ses enfants. Il avait également été discuté qu’elle avait peut-être quitté son emploi en raison des erreurs de comptabilité qu’elle avait commencé à commettre, lesquelles sont attribuables, selon elle, à une diminution de ses fonctions cognitives en lien avec son problème de santé.

[13] Le fait qu’elle ait quitté son emploi en 2006 à cause de son problème de santé ou non n’est pas utile pour trancher sa demande. Selon les faits, il n’en demeure pas moins qu’elle a quitté son emploi pour son époux près de six ans après la date de fin de sa PMA, et qu’elle a continué à travailler au moins 30 heures par semaine jusqu’à ce qu’elle quitte son emploi, ce qui ne vient pas appuyer son affirmation selon laquelle elle était incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date de fin de sa PMA ou avant cette date.

[14] J’estime que la division générale n’a pas erré lorsqu’elle a conclu que la demanderesse n’avait pas réussi à démontrer qu’elle était atteinte d’un problème de santé « grave » avant la date de fin de sa PMA relativement à son épilepsie diagnostiquée. La permission d’en appeler ne peut pas être accordée selon ce moyen d’appel.

La division générale a-t-elle commis une erreur en omettant de tenir compte d’éléments de preuve qui démontraient que la demanderesse n’avait pas la capacité de travailler?

[15] La demanderesse a soutenu que la division générale aurait dû tenir compte de ce qui suit :

[traduction]
[La demanderesse] a tenté de travailler pour l’entreprise de son époux de 1994 à 2006 avec l’aide de ses enfants. Cet emploi était favorable à ses problèmes de santé et lui permettait de recevoir de l’aide externe lorsqu’elle en avait besoin. Un employeur à l’extérieur de la famille n’aurait pas offert des mesures d’adaptation pour les besoins spéciaux de l’appelante.

[16] La demanderesse soutient également que son affirmation selon laquelle elle n’avait pas la capacité de travailler est également appuyée par sa tentative de travail en 2008 :

[traduction]
Cela a été confirmé en 2009 lorsque l’appelante a obtenu un emploi en comptabilité, mais qu’elle a été licenciée après une courte période de temps à cause des erreurs qu’elle commettait.

[17] Un demandeur cherchant à obtenir une pension d’invalidité doit démontrer qu’il a tenté de se trouver un emploi convenable à sa condition médicale, et il doit diligemment s’employer à essayer les options de traitements prescrits en lien avec ses problèmes médicaux. Aucun élément de preuve au dossier ne démontre que la demanderesse a tenté certaines options de traitements recommandés. Cependant, il n’y a pas non plus d’éléments de preuve au dossier à l’appui de son affirmation selon laquelle la demanderesse avait besoin de l’aide de ses enfants afin d’accomplir les tâches nécessaires lorsqu’elle travaillait pour l’entreprise de son époux de 1994 à 2006.

[18] La représentante a suggéré au cours de l’audience devant la division générale (à 1:12:52 de l’enregistrement audio de l’audience devant la division générale) qu’elle avait lu quelque part dans le dossier que la demanderesse avait besoin de l’aide de son fils pour accomplir les tâches liées à son travail, et ce, vers la fin de la période au cours de laquelle elle a travaillé pour l’entreprise de son époux. Cependant, la demanderesse avait indiqué au cours de son audience qu’il incombait à elle seule d’effectuer son travail, malgré son état de santé, lorsqu’elle travaillait pour l’entreprise de son époux. Cependant, elle a bel et bien confirmé (à 1:13:48 de l’enregistrement audio) que son fils l’avait aidé à effectuer ses tâches administratives vers la fin de la période au cours de laquelle elle a travaillé pour l’entreprise de son époux, mais cela ne signifie pas pour autant qu’il l’aidait à effectuer le travail qu’elle avait fait. Il se peut qu’il travaillait indépendamment de la demanderesse à accomplir des tâches qui n’étaient pas connexes. La preuve n’appuie pas l’affirmation selon laquelle la demanderesse était en mesure d’accomplir les tâches liées à son emploi uniquement avec l’aide de ses enfants, comme l’a affirmé sa représentante. Quoi qu’il en soit, selon la preuve orale de la demanderesse, elle accomplissait son travail sans erreur jusque vers la fin de la période au cours de laquelle elle a travaillé pour l’entreprise de son époux, ce qui dépasse de loin la date de fin de sa PMA.

[19] Après que son emploi pour l’entreprise de son époux ait pris fin, l’entreprise Power Pressure Systems l’a embauchée pour une période de trois mois en 2008. Selon sa preuve orale, l’employeur l’avait licenciée en raison de son incapacité à effectuer les tâches sans faire d’erreurs. Cependant, son emploi pour l’entreprise Power Pressure Systems s’inscrit bien après la date de fin de sa PMA, et son argument selon lequel son emploi à cet endroit démontre son incapacité continue à travailler (et elle soutient que cette incapacité a commencé avant la date de fin de sa PMA) n’a pas vraiment de valeur. Aucun élément de preuve ne permet de conclure qu’elle n’avait pas de capacité de travail à la date de fin de sa PMA ou avant cette date, ou même au cours des quelques années suivant sa PMA.

[20] Bien que la demanderesse ne soit pas nécessairement d’accord avec les conclusions de la division générale, son désaccord à l’égard de ces conclusions ne représente pas un moyen d’appel conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. La division d’appel ne dispose pas d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour statuer sur les demandes de permission d’en appeler en vertu de la Loi sur le MEDS. De plus, il n’est pas acceptable pour la division d’appel d’évaluer le bien-fondé de la décision de la division générale en déterminant s’il y a lieu d’accorder la permission d’en appeler (Misek c. Canada (Procureur général), 2012 CF 890). Le fait d’accorder la permission d’en appeler selon des moyens qui ne sont pas prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS constituerait un exercice inadéquat du pouvoir délégué à la division d’appel (Canada (Procureur général) c. O’Keefe, 2016 CF 503).

[21] J’estime que la division générale n’a pas déterminé à tort que la demanderesse avait une certaine capacité de travail, et j’estime que la division générale n’a pas négligé ou mal interprété les éléments de preuve au dossier qui démontraient que la demanderesse avait une capacité de travail au cours de sa PMA, et bien après la date de fin de sa PMA. La permission d’en appeler n’est pas accordée selon ce moyen d’appel.

Conclusion

[22] La demande est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.