Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler relativement à la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). La division générale avait instruit l’affaire sur la foi du dossier existant et statué que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), parce qu’il n’était pas atteint d’une invalidité « grave » pendant sa période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle a pris fin le 31 décembre 2000.

[2] Le 22 mai 2017, le demandeur a présenté, dans les délais prescrits, une demande de permission d’en appeler précisant les moyens d’appel prétendus devant la division d’appel du Tribunal.

Contexte

[3] Le demandeur est né au Pakistan en 1969. Il a migré au Canada en 1995 et a travaillé dans un restaurant jusqu’en 1999, année où il a été déporté. En raison de son emploi, il a fait des cotisations ouvrant droit au RPC en 1995, 1996, 1997 et 1998.

[4] Le demandeur a présenté une première demande de prestations d’invalidité du RPC le 14 septembre 2001. En ce qui concerne les demandes ultérieures, elles ont été présentées depuis l’extérieur du Canada. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. Le demandeur a ensuite interjeté appel devant l’ancien tribunal de révision. Le tribunal de révision a rejeté l’appel le 4 décembre 2003. Le demandeur a ensuite interjeté appel devant la Commission d’appel des pensions (CAP). La CAP a rejeté l’appel du demandeur le 30 juillet 2007. Il ne semble pas que le demandeur ait demandé un contrôle judiciaire de la décision de la CAP.

[5]  Le demandeur a présenté une deuxième demande de prestations d’invalidité du RPC le 18 décembre 2009. Le défendeur a rejeté cette demande selon le principe de la chose jugée. Le demandeur n’a ni demandé la révision de cette décision ni instruit l’affaire devant le tribunal de révision ou la CAP.

[6] Le 30 mars 2015, le demandeur a présenté une troisième demande de prestations d’invalidité du RPC. Le défendeur a rejeté encore une fois sa demande initialement et après révision selon le principe de la chose jugée. Le demandeur a ensuite interjeté de ces refus appel devant la division générale. Dans une décision datée du 9 mai 2017, la division générale a rejeté l’appel en concluant que le principe de la chose jugée était applicable. Pour ce faire, la division générale a analysé les facteurs énoncés dans l’arrêt Danyluk c. Ainsworth TechnologiesNote de bas de page 1 et elle a conclu qu’il n’y avait aucune raison d’exercer son pouvoir discrétionnaire résiduel de déroger au principe de la chose jugée et d’examiner la demande de prestations d’invalidité de la demanderesse sur le fond.

Droit applicable

[7] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[8] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[10] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 2. La Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une cause défendable en droit revient à une cause ayant une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 3.

[11] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, le demandeur n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[12] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[13] Dans sa demande de permission d’en appeler, le demandeur a présenté les observations suivantes :

  • La division générale a rendu une décision ex parte qui n’a pas tenu compte de l’appel de juin 2007 dans le cadre duquel il a été évident que la vue de l’appelant est devenue déficiente pendant son séjour au Canada.
  • La division générale a ignoré la preuve médicale selon laquelle il a continué de recevoir un traitement pour sa vision au Pakistan. Ses médecins ont déclaré qu’il est invalide.
  • Comme les autres tribunaux qui ont instruit sa demande, la division générale a rejeté son appel parce qu’elle ne voulait pas qu’un Asiatique reçoive une pension d’invalidité à laquelle il est admissible.
  • Contrairement à la déclaration de la division générale, il ne s’est pas rendu en Norvège pour le travail, mais plutôt afin d’y subir un traitement. Durant son séjour, il a détenu un emploi à temps partiel, et non à temps plein, pour couvrir ses dépenses. Il est retourné au Pakistan en 2013.
  • Il incombait au Tribunal de demander au Haut-commissariat du Canada à Islamabad de délivrer un visa au demandeur afin qu’il puisse assister à une audience. Il était loisible au Tribunal de prévoir l’examen du demandeur par un médecin consulaire au Pakistan. Aucun effort de ce type n’a été déployé.
  • La division générale doit trancher l’affaire sur le fond, et non sur le fondement des commentaires de la division générale qui donnent une présentation erronée de l’histoire véridique.

Analyse

[14] Le demandeur laisse entendre que la division générale a rejeté son appel en dépit d’une preuve médicale démontrant que son état était grave et prolongé selon les critères régissant la pension d’invalidité du RPC.

[15] Mis à part cette allégation générale, la demanderesse n’a pas précisé la façon dont la division générale aurait manqué à un principe de justice naturelle, commis une erreur de droit ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en rendant sa décision. Selon la décision, la division générale a examiné les observations du demandeur et elle a conclu que la doctrine de la chose jugée empêchait l’examen de sa demande de prestations d’invalidité du RPC. La division générale a conclu (correctement, selon moi) que la question de savoir si le demandeur était invalide à la fin de sa PMA le 31 décembre 2000 avait déjà été tranchée par un tribunal de révision dans le cadre d’une audience tenue le 31 août 2007 et que, par conséquent, il ne peut pas revenir sur cette décision.

[16] Je ne constate aucune erreur de droit dans l’analyse du principe de la chose jugée de la division générale et dans son applicabilité à la situation factuelle du demandeur et je ne constate rien de possiblement problématique dans le recours aux critères établis dans l’arrêt Danyluk.Comme il a été noté avec raison par la division générale, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il y a des raisons valables d’ordre public étayant la doctrine de la chose jugée :

Une fois tranché, un différend ne devrait généralement pas être soumis à nouveau aux tribunaux au bénéfice de la partie déboutée et au détriment de la partie qui a eu gain de cause. Une personne ne devrait être tracassée qu’une seule fois à l’égard d’une même cause d’action. Les instances faisant double emploi, les risques de résultats contradictoires, les frais excessifs et les procédures non décisives doivent être évités.

[17] Bien que les demandeurs ne soient pas tenus de prouver les moyens d’appel à l’étape de la permission d’en appeler, ils doivent décrire, à l’appui de leurs observations, certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d’appel énumérés. Il ne suffit pas à un demandeur d’affirmer simplement son désaccord avec la décision de la division générale, pas plus qu’il n’est suffisant, pour lui, d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[18] J’examinerai maintenant les allégations précises du demandeur de façon brève.

Omission d’examiner l’appel précédent

[19] Comme l’a conclu correctement la division générale, la doctrine de la chose jugée l’empêchait d’apprécier la preuve qui avait déjà été examinée conformément aux demandes précédentes du demandeur. Cela comprenait la preuve qui a été prise en considération par la CAP dans sa décision de juillet 2007Note de bas de page 4. Dans la mesure où la division générale a abordé cette décision, elle l’a fait seulement pour confirmer ce qui suit : (i) elle a abordé les mêmes questions que l’appel actuel; b) la décision précédente était finale; (iii) les parties sont les mêmes dans les deux instances.

Abstraction de la preuve médicale

[20] Après avoir conclu que le principe de la chose jugée l’empêchait d’examiner l’invalidité du demandeur en date du 31 décembre 2000, la division générale a constaté avec raison qu’il n’était pas nécessaire d’examiner le dossier médical. Toute preuve documentaire, produite avant ou après la décision rendue par la CAP en juillet 2017, serait hors limite si elle concernant les troubles médicaux qui constituaient le fondement de la demande de prestations d’invalidité du RPC datant de 2001 présentée par le demandeur.

Partialité à l’égard des Asiatiques

[21] Le demandeur laisse entendre qu’un biais à l’égard des Asiatiques (ou du moins à l’égard des demandeurs résidant en Asie) a motivé le refus de l’appel par la division générale, mais il ne présente aucune preuve à l’appui de cette allégation à l’exception de cette simple affirmation. Il faut faire preuve de rigueur pour conclure à la partialité et la charge d’établir la partialité incombe à la partie qui en prétend l’existence. La Cour suprême du CanadaNote de bas de page 5 a conclu que le critère d’impartialité est le suivant : « [À] quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique? » De simples soupçons ne suffisent pas. On doit démontrer une réelle probabilité. Une décision défavorable en soi ne justifie pas qu’on parle d’impartialité.

Emploi en Norvège

[22] Le demandeur prétend que la division générale a commis une erreur de fait en interprétant mal son emploi en Norvège, qui était selon lui à temps partiel et détenu seulement pour couvrir le coût du traitement médical qu’il suivait dans ce pays.

[23] Je ne constate aucune cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur en l’espèce. Dans sa troisième demande de prestations d’invalidité du RPC, le demandeur a déclaré que, de 2011 à 2013, il a travaillé comme aide-cuisinier jusqu’à 54 heures par semaine, ce qui constitue un emploi [traduction] « à temps plein » selon toute norme raisonnable. Peu importe, la décision de la division générale n’a pas abordé le fond de l’emploi du demandeur après la date de fin de la PMA. La division générale a discuté de l’emploi du demandeur en Norvège seulement pour déterminer si elle devait déroger du principe de la chose jugée, plus particulièrement si le septième facteur prévu dans l’arrêt Danyluk (risque d’injustice) était applicable. Comme il en a été discuté, étant donné que la division générale a déclaré que la question avait déjà fait l’objet d’un examen concluant, elle a constaté de façon très appropriée qu’il n’était pas nécessaire d’examiner la preuve sur le fond, ce qui a empêché toute enquête sur la question de savoir si l’emploi du demandeur en Norvège était véritablement rémunérateur.

Responsabilités du Tribunal

[24] Le demandeur laisse entendre que la division générale avait l’obligation d’appeler les parties à témoigner, puis de prendre des mesures actives pour faciliter l’entrée du demandeur au Canada afin qu’il assiste à l’audience.

[25] Selon moi, cette observation donne lieu à une mauvaise interprétation de la fonction du Tribunal et de son pouvoir. Le législateur a adopté une loi qui accorde à la division générale un pouvoir discrétionnaire quant au choix du mode d’audience, soit par comparution en personne, par téléconférence, par vidéoconférence ou par échange de documents écrits. Je n’interviens pas légèrement dans ce pouvoir discrétionnaire, plus particulièrement dans une situation où, comme dans l’espèce, la décision de tenir une audience sur la foi du dossier n’a pas été prise à la hâte, mais pour des raisons défendables justifiées à l’écrit. Ces motifs, énumérés au paragraphe 2, font état que l’incapacité du demandeur à entrer au Canada n’a joué aucun rôle dans la décision de la division générale d’instruire l’affaire sans témoignage de vive voix. Elle a simplement décidé que le témoignage du demandeur n’était pas nécessaire, je ne constate rien d’irraisonnable à cet égard étant données les questions concernant le contexte et les faits en l’espèce.

[26] Ultimement, le fardeau de la preuve incombe au demandeur de prouver sa cause selon la prépondérance des probabilités, et non au défendeur ou au Tribunal de prouver que le demandeur est invalide ou nonNote de bas de page 6. Le Tribunal n’est pas tenu de recueillir un témoignage, comme il est prévu au paragraphe 68(1) du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, selon lequel un demandeur de prestations « doit fournir au ministre » [mis en évidence par le soussigné] des documents concernant son invalidité. Le demandeur réside au Pakistan, mais, au fil des ans, son renvoi du Canada ne l’a pas empêché de présenter plusieurs demandes et des centaines de pages de preuve médicale.

Demande d’évaluation de l’invalidité sur le fond

[27] Tout comme la division générale, je ne peux pas évaluer de nouveau le fond de la demande de pension d’invalidité du demandeur selon le principe de la chose jugée. De plus, la division d’appel n’a pas le mandat d’examiner la preuve d’invalidité sur le fond; mon pouvoir me permet de déterminer seulement si l’un des motifs d’appel du demandeur correspond aux moyens précis et étroits prévus au paragraphe 58(1) et si l’un d’eux présente une cause défendable.

Conclusion

[28] Le demandeur n’a soulevé aucun moyen d’appel prescrit au paragraphe 58(1) qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès. Par conséquent, la demande de permission d’en appeler est refusée.

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