Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 30 décembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable à la demanderesse.

[2] La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d’appel du Tribunal le 20 février 2017.

[3] Les motifs d’appel de la demanderesse peuvent être résumés de la façon suivante :

  1. la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance;
  2. la division générale n’a pas respecté les rapports médicaux datés du 10 novembre 2014 (LeBlanc) et du 28 juillet 2016 (Smith);
  3. la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve suivants :
    1. la demanderesse ne cherche pas de travail parce qu’elle n’est pas capable de travailler,
    2. il y a beaucoup de jours où elle n’est pas fonctionnelle,
    3. l’évaluation de la capacité fonctionnelle était une perte de temps;
  4. d) la division générale aurait dû accepter la preuve de ses médecins.

Question en litige

[4] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[5] Aux termes des paragraphes 57(1) et 57(2) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date où l’appelant reçoit la communication de la décision faisant l’objet de l’appel. En outre, « la division d’appel peut accorder un délai additionnel pour faire une demande de permission d’en appeler, mais en aucun cas celui-ci ne peut-il dépasser un an après le jour où l’appelant reçoit communication de la décision ».

[6] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[7] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès ».

[8] Selon le paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

[9] En janvier 2014, la demanderesse avait présenté une demande de pension d’invalidité. Le défendeur a rejeté la demande initialement et après révision au motif que, même si la demanderesse avait certaines limitations en raison de son état de santé, les renseignements n’ont pas démontré que ces limitations l’ont empêché d’effectuer un certain type de travail.

[10] La demanderesse a interjeté appel de cette décision auprès de la division générale du Tribunal. La division générale a tranché l’appel après avoir tenu une audience par téléconférence. La demanderesse a témoigné à l’audience. Le défendeur n’était pas présent, mais il avait présenté des observations écrites avant l’audience.

[11] La question que devait trancher la division générale était à savoir si la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2015 ou avant cette date, qui est la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA).

[12] La demande présentée à la division d’appel fait valoir que la demanderesse est invalide et que la division générale [traduction] « n’a pas respecté » la preuve et les renseignements versés au dossier. Elle renvoie à deux rapports médicaux.

[13] La lettre de Dr LeBlanc, datée du 10 novembre 2014, a été mentionnée dans la décision de la division générale au paragraphe 14. Le rapport de Dr D. Smith a également été mentionné au paragraphe 15.

[14] La demanderesse fait valoir que Dr LeBlanc a mentionné qu’elle était incapable d’effectuer tout type de travail, ce qui comprend le travail sédentaire.

[15] La division générale a également tenu compte d’une évaluation de la capacité fonctionnelle, qui a conclu, en septembre 2014, que la demanderesse devrait être capable de retourner dans la population active de façon graduelle et d’améliorer son état général en occupant un poste sédentaire.

[16] La section relative à l’analyse de la décision de la division générale comprend un paragraphe expliquant les conclusions du membre :

[traduction]

[19] L’appelante était âgée de 57 ans à la date de fin de sa PMA et elle possède une instruction et des antécédents professionnels exhaustifs. Selon une évaluation de la capacité fonctionne de septembre 2014, l’appelante aurait été capable d’occuper un poste sédentaire. L’appelante a souligné qu’il y avait très peu d’emplois bien rémunérés dans son domaine. Bien que son médecin de famille appuie sa demande, le reste de la preuve médicale démontre une capacité de travailler. De plus, ses traitements ont été très conservateurs et il existe d’autres options de traitement qui n’ont pas encore été épuisées. Elle a également déclaré que, même si elle est incapable de faire des tâches exigeantes, elle peut toujours effectuer des tâches moins exigeantes.

[17] Dans l’arrêt Oberde Bellefleur op clinique dentaire O. Bellefleur [employeur] c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 13, la Cour d’appel fédérale a signalé que si un conseil (ou un tribunal) décide qu’il y a lieu d’écarter des éléments de preuve contradictoires ou de ne leur attribuer que peu de poids ou pas de poids du tout, il doit en expliquer les raisons, à défaut de quoi il risquerait de voir sa décision entachée d’une erreur de droit ou taxée d’arbitraire.

[18] L’avis de Dr LeBlanc produit en novembre 2014 semble certainement contredire l’évaluation de la capacité fonctionnelle de septembre 2014. L’explication donnée par la division générale pour donner peu d’importance ou aucune importance à l’avis de Dr LeBlanc est la suivante : [traduction] « Bien que son médecin de famille appuie sa demande, le reste de la preuve médicale démontre une capacité de travailler. » La seule preuve médicale à laquelle la décision renvoie est les rapports de Drs LeBlanc et Smith ainsi que l’évaluation de la capacité fonctionnelle.

[19] Dans l’affaire Page c. Commission de la santé, de la sécurité et de l’indemnisation des accidents au travail du Nouveau-Brunswick, 2006 C.A.N.-B. 95, le juge Turnbull, dissident en partie, a traité de la question de la suffisance des motifs en examinant la décision du tribunal d’appel rendu en vertu de la Loi sur la commission de la santé, de la sécurité et de l’indemnisation des accidents au travail, LN-B 1994, ch. W-14.

[20] Dans l’affaire R. c. Sheppard, 2002 CSC 26 [2002] 1 RCS 869, la Cour suprême du Canada indique que les motifs écrits servent entre autres à expliquer aux parties les fondements de la décision. Cet objectif ne peut pas être atteint sans expliquer la façon dont les éléments de preuve ont été évalués et soupesés.

[21] Dans R. c. R.E.M., 2008 CSC. 51, [2008] 3 RCS 3, la Cour suprême du Canada a renvoyé entre autres à Sheppard, précité, et a confirmé les principes reliés à la suffisance des motifs de la façon suivante :

  1. Pour déterminer si des motifs sont suffisants, les cours d’appel doivent adopter une approche fonctionnelle, substantielle et considérer les motifs globalement, dans le contexte de la preuve présentée, des arguments invoqués et du déroulement du procès, en tenant compte des buts et des fonctions de l’expression des motifs;
  2. Le fondement du verdict du juge du procès doit être « intelligible », ou pouvoir être discerné. En d’autres termes, il doit être possible de relier logiquement le verdict à son fondement. Il n’est pas nécessaire de décrire en détail le processus suivi par le juge pour arriver au verdict.
  3. Lorsqu’il s’agit de déterminer si le lien logique entre le verdict et son fondement est établi, il faut examiner la preuve, les observations des avocats et le déroulement du procès pour identifier les questions « en litige » telles qu’elles sont ressorties au procès.
  4. Il faut se demander si les motifs, à la lumière du dossier et des observations des avocats sur les questions en litige, expliquent pourquoi le juge a rendu cette décision, en faisant ressortir un lien logique entre, d’une part, la preuve et le droit et, d’autre part, le verdict.
  5. Les motifs devront être plus ou moins détaillés selon les circonstances. Des motifs succincts peuvent donc être justifiés lorsque la preuve versée au dossier est abondante, comme en l’espèce. Par contre, les motifs revêtent une importance particulière lorsque « le juge doit se prononcer sur des principes de droit qui posent problème et ne sont pas encore bien établis, ou démêler des éléments de preuve embrouillés et contradictoires sur une question clé ».
  6. Les motifs ne justifieront une intervention en appel que s’ils ne remplissent pas leurs fonctions. Il faut plus précisément que les motifs, considérés dans le contexte de la preuve versée au dossier et des questions en litige sur lesquelles était axé le procès, ne révèlent pas de fondement intelligible qui sous-tende le verdict et permette un véritable examen en appel.

[22] L’analyse de la division générale relativement à la question de la gravité comprend sept paragraphes. Cinq de ces paragraphes énoncent les principes établis dans la jurisprudence de la Cour d’appel fédérale, et le dernier constitue la conclusion. Il y a un paragraphe qui explique la décision du membre et une phrase qui décrit la preuve médicale contradictoire. Est‑ce que cela satisfait adéquatement aux principes concernant le caractère suffisant des motifs?

[23] J’estime que la question de savoir si la division générale a omis, dans le cadre de son explication de la preuve contradictoire, de fournir un fondement intelligible pour sa décision, capable de permettre l’examen significatif justifie un examen approfondi.

[24] L’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une possible erreur de droit.

Conclusion

[25] La demande est accordée conformément à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS.

[26] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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