Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler d’une décision rendue le 16 mai 2016 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), dans laquelle on statuait que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). La division générale a jugé que le demandeur n’avait pas démontré qu’il souffrait d’une invalidité « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2012, ou avant.

[2] Conformément à l’article 55 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), « [t]oute décision de la division générale peut être portée en appel devant la division d’appel […] ». Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d’appel du Tribunal le 12 août 2016.

Question en litige

[3] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Droit applicable

[4] Aux termes des paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le MEDS, « [i]l ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission » et « [la division d’appel] accorde ou refuse cette permission. » Trancher sur la permission d’en appeler est une étape préliminaire à une décision sur le fond et c’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, toutefois, cet obstacle est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’étape de l’appel sur le fond.

[5] Le paragraphe 58(2) de la Loi sur le MEDS prévoit que « [l]a division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. » Pour que la permission d’en appeler soit accordée, le demandeur doit présenter un motif défendable qui donnerait éventuellement gain de cause à l’appel (Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630). La question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si l’appel a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique (Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[6] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[7] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle, conformément à l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS, car elle a fait preuve de partialité et n’a pas fondé sa décision sur la preuve objective portée à sa connaissance.

[8] Le demandeur soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en omettant de présenter des motifs valables pour la manière dont les questions de cette affaire ont été tranchées.

[9] Finalement, le demandeur soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en omettant de veiller à ce que le demandeur connaisse bien la preuve contre lui, et qu’il puisse pleinement préparer sa défense.

[10] Le demandeur soutient aussi que la division générale a erré en droit, conformément à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS, en étudiant la preuve ex parte.

[11] Finalement, le demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, conformément à l’alinéa 58(1)c), et plus précisément :

  1. i. qu’elle a erré en concluant que le demandeur n’avait pas suivi le traitement recommandé car il a continué de fumer;
  2. ii.  qu’elle a incorrectement tenu compte de la preuve au dossier, incluant l’état général de santé et physique du demandeur par rapport au diagnostic d’un professionnel de la santé et du traitement recommandé;
  3. iii. qu’elle a omis de tenir compte des occupations hypothétiques que le demandeur pouvait accomplir.

Analyse

La division générale a-t-elle fait preuve de partialité, ou existe-t-il une crainte raisonnable de partialité?

[12] Le demandeur soutient que la division générale a tranché sa cause d’après des préjugés personnels. Le demandeur soutient que les préjugés personnels du membre sont évidents dans son examen de la preuve au dossier, et dans ses spéculations sur diverses questions, dont l’état de santé du demandeur et ses efforts pour atténuer les effets de sa condition sur sa capacité de travail.

[13] La jurisprudence existante a défini la partialité de la manière suivante :

La partialité est un état d’esprit qui infléchit le jugement et rend l’officier judiciaire inapte à exercer ses fonctions impartialement dans une affaire donnée (voir le juge Cory dans l’arrêt R. c. S. (R.D.), [1997] 3 RCS 484, 1997 CanLII 324 (CSC), au paragr. 106).

[14] Le critère à appliquer pour déterminer s’il y a crainte raisonnable de partialité a été établi par la Cour suprême du Canada (CSC) dans la cause Committee for Justice and Liberty c. l’Office national de l’énergie, [1978] 1 RCS 369, à la page 386. Dans ce cas, la Cour a déclaré ce qui suit :

La crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle-même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question … de façon réaliste et pratique? ».

[15] Des décisions subséquentes ont davantage clarifié le critère. Dans l’arrêt R. c. S. (R.D.), la Cour a souligné que le critère de partialité comporte un double élément. Le premier volet prévoit que la personne examinant l’allégation de partialité doit être raisonnable, en ce sens qu’elle doit être une personne bien renseignée, au courant de l’ensemble des circonstances pertinentes, y compris « des traditions historiques d’intégrité et d’impartialité, et consciente aussi du fait que l’impartialité est l’une des obligations que les juges ont fait le serment de respecter ».

[16] La seconde partie du critère commande un examen de la question de savoir si la crainte de partialité est, en soi, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’affaire, raisonnable. De plus, la CSC a établi qu’il faut faire preuve de rigueur pour conclure à la partialité, et la charge d’établir la partialité incombe à la personne qui en allègue l’existence. La raison pour laquelle il faut ainsi faire preuve de rigueur est, ainsi que la CSC l’a établi dans Roberts c. R, 2003 CSC 45, que « la norme exige une crainte de partialité fondée sur des motifs sérieux, vu la forte présomption d’impartialité dont jouissent les tribunaux ».

[17] La norme n’est pas différente dans le cas d’un tribunal administratif qui fait face à une allégation de partialité. Dans la décision Arrachch c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 999, la Cour fédérale cite la Cour d’appel fédérale dans sa décision Arthur c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 223, et observe que :

[20] Une allégation de partialité, surtout réelle et non simplement appréhendée, portée à l’encontre d’un tribunal, est une allégation sérieuse. Elle met en doute l’intégrité du tribunal et des membres qui ont participé à la décision attaquée. Elle ne peut être faite à la légère. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures ou encore de simples impressions d’un demandeur ou de son procureur. Elle doit être étayée par une preuve concrète qui fait ressortir un comportement dérogatoire à la norme [...].

[18] Le demandeur a allégué que la division générale a fait preuve de partialité. Ce qui précède établit la norme que le demandeur doit respecter pour que son allégation de partialité soit prouvée.

[19] Le demandeur fait valoir que la division générale a fait preuve de partialité car le renvoi à la preuve au dossier était sélectif. Cependant, il est de jurisprudence constante en droit administratif qu’un tribunal n’est pas tenu de mentionner chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais qu’il est réputé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve (Simpson c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 82). Le demandeur soutient aussi que la division générale a fait preuve de partialité par rapport au poids qu’elle a accordé à certains éléments de preuve médicale, et dans la substitution de son propre avis médical à celui des médecins et des experts.

[20] Le demandeur a fait valoir que les [traduction] « préjugés personnels clairs » du membre de la division générale étaient visibles dans [traduction] « l’interprétation et la présentation sélectives des éléments de preuve médicale et autres, et dans l’utilisation du témoignage oral [du demandeur] dans le cadre du processus décisionnel ». Le demandeur appuie cette déclaration en faisant valoir que le membre de la division générale a omis d’examiner la preuve au dossier dans son ensemble et que le membre l’a [traduction] « accusé » de [traduction] « nuire consciemment à son plan de traitement en omettant de produire sa déclaration de revenus à temps et en continuant de fumer [...] ». Le demandeur soutient également que la division générale avait des préjugés envers le demandeur en raison de son [traduction] « niveau d’instruction, son statut de fumeur et ses antécédents personnels d’impôt non payé ».

[21] Au paragraphe 20 de la décision, la division générale a reconnu que la preuve orale du demandeur concernait le fait qu’  [traduction] « il avait produit sa déclaration de revenus et qu’il est à jour [...] ». De plus, au paragraphe 27 de la décision, la division générale cite un rapport du Dr B. McLeod, un rhumatologue que le demandeur avait rencontré, dans lequel il déclare avoir informé le demandeur que le tabac est un agent causal très important dans le développement de l’arthrite rhumatoïde (GD2-107). Le Dr McLeod était aussi d’avis que le demandeur devrait être conscientisé au fait que la cigarette semble réduire la réponse biologique au méthotrexate et aux médicaments biologiques, qui ont été recommandés comme polythérapie progressive vers une thérapie biologique. Le Dr McLeod a signalé que la cigarette interférerait avec sa réponse au traitement (GD2-108 à 109).

[22] Les demandeurs qui demandent une pension d’invalidité au titre du RPC doivent suivre les conseils de leurs professionnels de la santé traitants quant aux médicaments prescrits et à tout autre type de traitement destiné à estomper les problèmes reliés à leur état de santé problématique, à moins qu’il y ait une explication raisonnable pour ne pas le faire (Kambo c. Canada (Développement des ressources humaines), 2005 CAF 353). La division générale doit aussi considérer quel impact un refus déraisonnable aurait sur son invalidité (Lalonde c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 211).

[23] Du paragraphe 47 à 49 de la décision, la division générale s’appuie sur les recommandations du Dr McLeod, comme susmentionné. Puisque la preuve du demandeur était qu’il n’avait pas cessé de fumer, et qu’il fumait encore 10 à 12 cigarettes par jour, je ne constate pas de quelle façon la conclusion de la division générale sur le fait que le demandeur avait omis de déployer des efforts pour atténuer les effets de sa condition et de présenter une explication raisonnable pour avoir agi ainsi découlait de préjugés personnels. La conclusion logique de l’argument du demandeur correspond donc à un manquement à la justice naturelle, car la division générale s’est appuyée sur les déclarations faites dans le rapport du Dr McLeod et sur le témoignage du demandeur.

[24] En ce qui concerne l’impôt non payé du demandeur, le demandeur a reconnu avoir pris du retard dans la production de ses déclarations de revenus et que, pour avoir la couverture Pharmacare pour certains médicaments, le demandeur devait mettre à jour ses déclarations de revenus. Il l’a fait. Au paragraphe 50 de la décision, la division générale s’appuie sur cette preuve pour conclure que le demandeur bénéficiait d’options de traitement. Il [traduction] « ne suivait pas un traitement complet », mais il s’agissait là du résultat de l’avis du Dr McLeod que l’état de santé du demandeur [traduction] « fluctuait ». Je ne juge pas que la division générale s’est incorrectement appuyée de façon quelconque sur le retard du demandeur dans le paiement de l’impôt. Je ne juge pas que la division générale a mal interprété la preuve du demandeur, ou même fait preuve de préjudice par rapport au niveau d’instruction du demandeur.

[25] Je ne suis pas convaincue qu’une personne bien renseignée qui aurait étudié l’affaire de façon réaliste et pratique et qui y aurait réfléchi pourrait conclure que le membre de la division générale a fait preuve de partialité ou a commis une erreur susceptible de contrôle. De plus, il incombe à la division générale de soupeser la preuve. La décision montre que le membre de la division générale a pris en considération et abordé le témoignage oral du demandeur et la preuve médicale lorsqu’il a tiré ses conclusions. Bien que la division générale ait accordé une grande importance au rapport du Dr McLeod, il est tout aussi vrai qu’elle s’est appuyée de façon significative sur la preuve orale du demandeur.

[26] Compte tenu de ce qui précède, et en application du critère relatif à une « crainte raisonnable de partialité », je ne juge pas que le membre de la division générale a consciemment ou inconsciemment tranché les questions de cette affaire de manière inéquitable. Je ne constate pas de plus que la division générale se serait contredite de quelque façon en substituant ses avis à ceux des professionnels de la santé traitants. Je ne juge pas que la division générale a fait preuve de partialité lorsqu’elle a apprécié la preuve portée à sa connaissance. Ce motif ne constitue pas un moyen d’appel qui présente une chance raisonnable de succès. La permission d’en appeler n’est pas accordée pour ce motif.

La division générale a-t-elle omis de présenter des raisons suffisantes pour la façon dont elle a tranché l’affaire?

[27] Le représentant du demandeur a soutenu que la division générale n’avait pas donné de justifications suffisantes à l’appui de ses conclusions, ce qui constituerait un manquement au principe de justice naturelle conformément à l’alinéa 58(1)a) de la Loi sur le MEDS. Le demandeur soutient que les conclusions de la division générale, à l’égard de plusieurs questions, équivalent à de la spéculation et de la suspicion plutôt qu’à des motifs logiques bien fondés.

[28] Le demandeur appuie son allégation en faisant référence au nombre de fois que la division générale utilise les termes [traduction] « pouvait », « possible » et « pourrait » dans la décision. Le demandeur est d’avis que ce sont des termes de conjecture qui équivalent à de la spéculation et de la suspicion importantes plutôt qu’à des motifs fondés sur des éléments de preuve factuels. Ce que le demandeur prétend représente une décision qui ne reflète pas la façon dont les questions devant la division générale ont été tranchées.

[29] La division générale a le pouvoir discrétionnaire d’examiner la preuve portée à sa connaissance, de l’apprécier et de rendre une décision. La division générale doit présenter des motifs clairs pour justifier la façon et la raison dont elle s’appuie sur certains éléments de preuve et dont elle préfère un élément de preuve à un autre (Canada (Procureur général) c. Fink, 2006 CAF 354). Je juge qu’en l’espèce, la division générale a présenté dans sa décision les motifs pour s’être fondée sur la preuve médicale au dossier.

[30] La question en litige devant la division générale était de déterminer si l’état de santé du demandeur, le 31 décembre 2012, ou avant, le rendait régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Pour trancher cette question, la division générale a évalué si l’un des avis médicaux, appuyé par des tests ou par d’autres éléments de preuve, démontrait que le demandeur souffrait d’une incapacité quelconque à travailler. Il n’y en avait pas. Comme le demandeur a conservé une certaine capacité de travailler, la division générale a aussi évalué si le demandeur avait déployé des efforts pour trouver un emploi qui convient à ses limites ou s’il avait tenté de se recycler, mais qu’il en avait été incapable à cause de son état de santé (Inclima c. Canada (Procureur général), 2003 CAF 117). Il ne l’avait pas fait.

[31] La division générale a jugé ce qui suit au paragraphe 55 [traduction] :

[55] La preuve médicale présentée démontrait que l’appelant avait certaines limitations. Cependant, le Tribunal juge que l’appelant avait une capacité de travailler à la fin de la PMA, ou avant.

[32] Puis, des paragraphes 60 à 63 [traduction] :

[60] Toutefois, le Tribunal juge que l’appelant n’a pas tenté d’occuper une autre occupation sédentaire, même à temps partiel, à la fin de sa PMA le 31 décembre 2012. Si l’appelant ne tente pas d’occuper une alternative d’emploi sédentaire, il ne sait pas s’il serait capable d’accomplir des travaux légers ou pas. Le Tribunal reconnaît que l’appelant a fait valoir qu’il a des problèmes de mobilité qui ne lui permettraient pas de travailler. Toutefois, le Tribunal juge que l’appelant pourrait ne pas être apte à occuper son ancien emploi qui est exigeant physiquement, et le Tribunal a pris en considération et reconnu que les travaux légers au sein de Canfor Forest Products ont été éliminés. Mais, l’appelant n’a pas tenté d’occuper une alternative d’emploi sédentaire, même à temps partiel. Le Tribunal juge que si l’appelant ne tente pas d’occuper une alternative d’emploi sédentaire qui n’est pas trop exigeante physiquement, il ne sait pas s’il serait capable de conserver une alternative d’emploi, même à temps partiel. Les emplois sédentaires permettent les pauses fréquentes pour se lever et s’étirer, tout en ne demeurant pas assis pour de longues périodes. Le Tribunal reconnaît que l’appelant a déclaré avoir tenté de se recycler dans un poste à l’ordinateur et qu’en raison du gonflement de ses mains, il n’a pas pu continuer, mais le Tribunal juge que ce ne sont pas tous les postes sédentaires qui requièrent l’utilisation d’un ordinateur.

[61] Le Tribunal reconnaît que l’appelant a déclaré avoir des troubles de mémoire à court terme, mais le Tribunal juge que ce trouble uniquement ne représente pas un trouble gravement invalidant, et le Dr Markham n’a pas présenté de diagnostic en ce qui concerne des troubles de mémoire à court terme ou des troubles cognitifs. Le Tribunal reconnaît que l’appelant peut avoir certaines limitations, mais la preuve médicale ne démontre pas une incapacité à accomplir tout type de travail.

[62] D’autres plans d’assurance invalidité et de pensions publics et privés autres que le RPC existent et leurs exigences varient. Bien que les normes du RPC soient strictes et inflexibles et que le seuil à atteindre soit élevé et rigoureux, ce seuil n’est pas inatteignable (R. S. v. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, 17 décembre 2013, CP29025).

[63] Le Tribunal juge que la preuve au dossier et qui a été présentée lors de l’audience ne démontre pas que l’appelant était régulièrement incapable de détenir une occupation quelconque véritablement rémunératrice.

[33] Après s’être appuyée sur la preuve pour l’évaluation de l’état de santé du demandeur et pour juger qu’il avait conservé une certaine capacité à travailler, la division générale s’est interrogée sur la question de savoir si le demandeur avait tenté d’obtenir un emploi adapté à ses limites ou de se recycler dans une occupation qui soit plutôt sédentaire. La division générale avait déjà examiné si le demandeur avait déployé des efforts pour améliorer son état de santé. Toutes les conclusions tirées par la division générale se trouvent dans la décision, et les motifs de ces conclusions sont expliqués dans les paragraphes précités et contiennent des références aux éléments de preuve qui ont servi à appuyer ces motifs. Je ne juge pas que les conclusions de la division générale ne soient pas suffisamment justifiées.

[34] Il ne s’agit pas d’un motif pour lequel j’accorderais la permission d’en appeler, car il ne présente pas une chance raisonnable de succès.

La division générale a-t-elle omis de permettre au demandeur de connaître la preuve contre lui?

[35] Le demandeur fait aussi valoir que la division générale, en s’appuyant sur la spéculation et la suspicion, a privé le demandeur de l’occasion de connaître la preuve contre lui. L’argument du demandeur est basé sur sa déclaration qu’il ne savait pas que la division générale alléguait qu’il s’est [traduction] « auto-attribué » un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde. Il soutient que le défendeur avait d’abord rejeté sa demande du RPC sur la base qu’il ne s’était pas conformé aux exigences en matière de cotisation du RPC. Une fois qu’il fut établi qu’il avait en effet contribué de manière suffisante pour établir sa date de PMA, la question a ensuite concerné la gravité de son invalidité. Il soutient ne pas avoir reçu l’ensemble de la preuve, et ne pas avoir été informé des déclarations faites à son égard, donc il ne pouvait pas connaître la preuve contre lui et n’a pas pu préparer sa cause face au défendeur.

[36] Je conclus que cet argument est peu valable. Premièrement, par rapport à son affirmation que la division générale s’est appuyée sur la spéculation et la suspicion, j’ai déjà abordé cette allégation du paragraphe 27 à 34. J’ajouterai que seul le témoignage oral du demandeur, résumé du paragraphe 13 à 22 de la décision, reflète qu’on a questionné le demandeur par rapport aux observations faites par le défendeur, incluant celles sur son état de santé au moment de sa PMA, sur ses tentatives de trouver un emploi sédentaire ou de se recycler et sur son état de santé après la fin de sa PMA. Deuxièmement, le demandeur a présenté tous les renseignements médicaux en question qui ont été présentés au défendeur initialement, ainsi qu’un ensemble de preuve complet, incluant tous les renseignements médicaux et les documents supplémentaires reçus depuis que la décision de révision a été envoyée aux parties par le Tribunal le 6 juillet 2015. L’avis d’audience a été envoyé aux parties le 5 janvier 2016, et après un ajournement, un autre avis d’audience a été envoyé le 31 mars 2016. L’audience a eu lieu le 18 avril 2016. Plus de neuf mois se sont écoulés entre la réception de l’ensemble de la preuve par les parties et la tenue de l’audience. Le demandeur a eu suffisamment de temps pour examiner les pièces dans l’ensemble de la preuve et de préparer sa cause et sa défense avant l’audience.

[37] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité pour établir l’admissibilité à une pension en vertu du RPC. Afin d’être déclarée invalide, l’invalidité d’une personne doit être « grave » et « prolongée ». Une personne souffre d’une invalidité « grave » si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice, et que l’invalidité est « prolongée » si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès. Le critère pour établir l’invalidité au titre du RPC a été articulé par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 :

[50] Cette réaffirmation de la méthode à suivre pour définir l’invalidité ne signifie pas que quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi a droit à une pension d’invalidité. Les requérants sont toujours tenus de démontrer qu’ils souffrent d’une « invalidité grave et prolongée » qui les rend « régulièrement incapables de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Une preuve médicale sera toujours nécessaire, de même qu’une preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence d’occasions d’emploi.

[38] Le demandeur soutient que la division générale a manqué au principe de justice naturelle quand elle a fait de la gravité de l’état de santé du demandeur, et de ses effets débilitants, la question principale de sa décision. Je ne juge pas qu’il s’agisse d’une erreur, en fait, la gravité de l’état de santé du demandeur est toujours la question principale pour établir l’invalidité conformément au RPC. La gravité de l’invalidité est déterminée en référence à l’incidence de l’état de santé sur la capacité de la personne à travailler, et non sur le caractère sérieux du diagnostic.

[39] Le demandeur affirme que la justice naturelle prévoit que les parties doivent avoir l’occasion de remettre en question le décideur si une erreur ou une contradiction existe. Le processus d’appel à la division d’appel accorde cette occasion. Toutefois, des moyens d’appel pour lesquels la permission d’en appeler peut être accordée sont énumérés au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Je ne peux pas accorder la permission d’en appeler sur la base de motifs théoriques (Canada (Procureur général) c. Hines, 2016 CF 112).

[40] Je ne juge pas que la division générale a omis de permettre au demandeur de présenter sa cause entièrement et équitablement. Il a reçu l’ensemble de la preuve sur laquelle le membre de la division générale pouvait fonder sa décision, et rien n’indique que le demandeur a été empêché de rendre un témoignage en ce qui concerne sa réponse à l’encontre de la cause du défendeur lors de l’audience devant la division générale.

[41] Je ne juge pas que l’argument du demandeur représente une chance raisonnable de succès, et la permission d’en appeler n’est pas accordée pour ce motif.

La division générale a-t-elle instruit l’affaire ex parte?

[42] Le demandeur soutient que la division générale a possiblement commis une erreur de droit en omettant de suivre les indications de la CSC et il cite lord Denning par rapport à l’examen de la preuve d’une partie en l’absence d’une autre partie :

... quiconque appelé à rendre une décision ne doit pas recueillir des témoignages ou entendre des arguments d’une partie dans le dos de l’autre. (Selon lord Denning dans Kanda v. Government of the Federation of Malaya, [1962] A.C. 322., p. 337)

[43] Bien qu’il ait été mentionné que ce soit une erreur de droit conformément à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS, examiner la preuve ex parte constitue un manquement au principe de justice naturelle conformément à l’alinéa 58(1)c), puisqu’une iniquité en découle. La partie absente ne bénéficie pas de la divulgation totale de la preuve ou des faits principaux comme à sa participation entière et équitable et la partie n’a-t-elle l’occasion d’être entendue.

[44] Tandis que l’ancienne Commission d’appel des pensions avait la compétence pour assigner des témoins à comparaître, le Tribunal ne possède pas la même compétence. Les parties sont avisées des audiences lorsqu’elles sont prévues, et les parties peuvent s’y présenter ou choisir de ne pas s’y présenter. En l’espèce, le défendeur ne s’est pas présenté. Toutefois, le Tribunal est d’avis que le demandeur était au courant des faits importants de la cause. En fait, on lui avait transmis le dossier de preuve complet avant l’audience. On a transmis au demandeur les observations écrites du défendeur et il a eu l’occasion d’aborder les arguments du défendeur pendant l’audience. Le demandeur avait donc connaissance de la preuve du défendeur au soutien de la conclusion d’inadmissibilité à une pension d’invalidité.

[45] Je souligne que les principes de justice naturelle sont concernés par l’équité procédurale, ce qui inclut d’aviser le demandeur de sa date d’audience et de connaître la preuve réunie contre lui, de lui accorder suffisamment de temps pour préparer sa cause et sa défense, de recevoir une décision et les motifs de l’issue de l’affaire. Le demandeur était représenté, et son représentant l’accompagnait pendant l’audience devant la division générale. J’ai déjà conclu que le demandeur était au courant de la preuve du défendeur avant de se présenter devant la division générale et qu’il a eu amplement le temps de préparer sa cause. La division générale lui a permis de présenter ses arguments au sujet de toute l’affaire dont elle était saisie, et le demandeur a eu l’occasion de contredire la position du défendeur.

[46] L’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (RTSS) prévoit que les audiences peuvent avoir lieu selon quatre modes – par écrit, par téléconférence, par vidéoconférence ou en personne – et que la division générale détient le pouvoir discrétionnaire de décider du mode d’audience (Parchment c. Canada (Procureur général), 2017 CF 354). L’article 3 du RTSS prévoit que le Tribunal veille à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent. Le demandeur n’a pas fait valoir ni a-t-il démontré que la division générale a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon incorrecte.

[47] Je ne juge pas que l’argument du demandeur concernant une erreur de droit susceptible de contrôle commise par la division générale, ou un manquement au principe de justice naturelle dans l’instruction de l’affaire du demandeur en l’absence du défendeur [sic]. La permission d’en appeler n’est pas accordée pour ce motif.

La division générale a-t-elle fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée?

[48] Le demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées, notamment qu’elle a erré en concluant que le demandeur n’avait pas suivi le traitement recommandé car il a continué de fumer; qu’elle a incorrectement tenu compte de la preuve au dossier, incluant l’état général de santé et physique du demandeur par rapport au diagnostic d’un professionnel de la santé et du traitement recommandé; qu’elle a omis de tenir compte des occupations hypothétiques que le demandeur pouvait accomplir.

[49] J’ai déjà abordé la conclusion de la division générale en ce qui concerne l’échec du demandeur d’améliorer son état de santé en continuant de fumer. Je n’ai pas jugé que la division générale a commis une erreur susceptible de contrôle en s’appuyant sur cet élément de preuve, car il s’agit de l’avis de l’un des médecins traitants du demandeur, et il relevait de la division générale d’examiner la preuve et de lui accorder la valeur appropriée.

[50] Le demandeur a fait valoir que la division générale a omis de tenir compte de ce qui suit [traduction] :

La polyarthrite rhumatoïde est diagnostiquée par l’entremise de prises de sang, il n’y a aucune « impression » spéculative comme l’a mentionné l’enquêteur. Que le Dr [sic] impose un traitement de chimiothérapie débilitant physiquement et mentalement à l’appelant pour tenter et éliminer son système immunitaire pendant plusieurs années pour prévenir une immobilité physique absolue causée par la polyarthrite rhumatoïde, démontre clairement les invalidités graves et prolongées qui existent et qui persistent. Les rapports médicaux sur l’appelant de 2009 du Dr Macleod, auxquels l’enquêteur du Tribunal avait accès, démontrent clairement un diagnostic de polyarthrite rhumatoïde et d’un plan de traitement qui inclut la chimiothérapie pour supprimer le système immunitaire de l’appelant. Ce qui signifie que cette suppression comporte un acquis pour la personne qui est admissible à rendre une décision sur ce qui constitue une invalidité grave et prolongée. Le rapport de 2009 du spécialiste précisait aussi que la maladie persistait depuis au moins 2 années avant le diagnostic.

[51] Je constate que la plupart des arguments du demandeur représentent en fait une demande à la division d’appel d’examiner et de soupeser à nouveau la preuve dont la division générale avait été saisie dans l’espoir que la division d’appel en tire une conclusion différente. La division d’appel ne peut pas apprécier de nouveau la preuve que la division générale a déjà examinée. Comme il est mentionné précédemment au paragraphe 6, les moyens pour lesquels la division d’appel peut accorder la permission d’en appeler ne comprennent pas un nouvel examen de la preuve ayant déjà fait l’objet d’une évaluation par la division générale (Tracey c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1300).

[52] Le demandeur peut être en désaccord avec les conclusions de la division générale, mais ce désaccord n’est pas un moyen d’appel prévu au paragraphe 58(1) de la LMEDS. La division d’appel ne jouit pas d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour statuer sur une demande de permission d’en appeler en vertu de la Loi sur le MEDS. De plus, il n’est pas acceptable pour la division d’appel d’évaluer le bien-fondé de la décision de la division générale en déterminant s’il y a lieu d’accorder la permission d’en appeler (Misek c. Canada (Procureur général), 2012 CF 890). Elle exercerait inadéquatement le pouvoir qui lui est conféré si elle accordait la permission d’en appeler d’après des moyens qui ne figurent pas au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS (Canada (Procureur général) c. O’keefe, 2016 CF 503).

[53] Finalement, le demandeur soutient que la division générale a omis de tenir compte des occupations hypothétiques que le demandeur pouvait accomplir.

[54] Conformément à ce qu’a établi la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani, la division générale doit tenir compte de la capacité du demandeur de travailler dans un contexte « réaliste ». Le contexte réaliste signifie que « les occupations hypothétiques qu’un décideur doit prendre en compte ne peuvent être dissociées de la situation particulière du demandeur, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie » (Villani). Le demandeur soutient que l’évaluation de la division générale démontre que les occupations hypothétiques pouvant être accomplies par le demandeur qui ont été prises en considération n’ont pas été dissociées de la situation particulière du demandeur (Garrett c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2005 CAF 84).

[55] La division générale cite les facteurs de Villani dans la décision et déclare ce qui suit [traduction] :

[45] Bien que le Tribunal tienne compte des caractéristiques de Villani, il juge que l’appelant était âgé de 50 ans au moment de sa PMA. Il a un niveau d’instruction d’une 10e année et il maîtrise l’anglais. Il a occupé des emplois physiquement exigeants toute sa vie. Il n’a pas de compétences transférables.

[56] De plus, la division générale conclut ce qui suit au paragraphe 49 de sa décision [traduction] :

L’un des éléments essentiels pour bénéficier d’une pension d’invalidité réside dans la preuve d’efforts sérieux de l’appelant à s’aider lui-même. Cette exigence implique aussi bien l’obligation de chercher activement des traitements que la responsabilité qui incombe à l’appelant d’établir que des efforts raisonnables et réalistes ont été déployés pour trouver et conserver un emploi en tenant compte des caractéristiques personnelles énoncées dans l’arrêt Villani et de son employabilité (A.P. c MRHDC (le 15 décembre 2009) CP 26308 (CAP)).

[57] Finalement, la division générale conclut ce qui suit au paragraphe 52 [traduction] :

Le 27 janvier 2014, le Dr R. Markham, médecin de famille, a mentionné le diagnostic de polyarthrite rhumatoïde dans le rapport médical du RPC. L’appelant souffre de douleur articulaire et d’enflure, surtout dans les mains, les articulations et les chevilles. Le pronostic est stable. Le Tribunal reconnaît que dans le précédent rapport médical du RPC, le Dr Markham a souligné que l’état de l’appelant était étonnamment bien contrôlé et en janvier 2014, il a souligné que le pronostic de l’appelant était stable et s’était amélioré. Ces rapports médicaux confirment que l’appelant souffre de polyarthrite rhumatoïde, mais l’affection n’établit pas une invalidité grave. [Mis en évidence par la soussignée]

[58] Comme il a été jugé que le demandeur ne souffrait pas d’un problème de santé grave, il n’était pas nécessaire pour la division générale d’appliquer l’approche réaliste pour cette affaire. La Cour d’appel fédérale, dans sa décision Giannaros c. Canada (Ministre du Développement social), 2005 CAF 187, aux paragraphes 14 et 15, a établi que lorsqu’une instance n’est pas convaincue de l’existence d’un problème de santé grave, il n’est pas nécessaire qu’elle applique la méthode fondée sur le contexte « réaliste ». À ma lecture de la décision de la Cour, pour que l’arrêt Giannaros s’applique, l’on présume une conclusion différente de l’analyse de la gravité. À la lecture de la décision de la division générale, je juge que la division générale a conclu, sur la base de la preuve médicale et du témoignage du demandeur, que le demandeur avait omis de démontrer qu’il souffrait d’une condition grave à la date de sa PMA, ou avant.

[59] Le demandeur soutient aussi que la division générale avait l’obligation d’identifier les occupations hypothétiques qu’il pouvait accomplir. Je ne suis pas d’accord. Dans la décision Kiraly c. Canada (Procureur général), 2015 CAF 66, le Tribunal a jugé que la demanderesse avait la capacité de travailler et qu’elle avait omis de s’acquitter de son obligation juridique de chercher à obtenir un emploi qui tienne compte de ses limites. La demanderesse a demandé un contrôle judiciaire de la décision du Tribunal, mais la Cour a conclu que la décision du Tribunal était raisonnable. La Cour a conclu dans la cause Kiraly que l’arrêt Villani n’appuie pas la thèse selon laquelle le Tribunal est tenu de préciser les autres emplois que pourrait exercer la demanderesse.

[60] La permission d’en appeler n’est pas accordée au motif que la division générale a omis d’identifier les occupations hypothétiques que le demandeur pouvait accomplir selon ses limites, car je juge que cet argument n’a pas une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[61] La demande est rejetée.

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