Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

L’appel est accueilli.

Introduction

[1] L’appel porte sur une décision rendue le 18 octobre 2016 par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), dans laquelle on statuait que l’appelante n’était pas admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), puisqu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » durant sa période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle a pris fin le 31 décembre 2015.

[2] La permission d’en appeler a été accordée le 9 juin 2017, au motif que la division générale pourrait avoir commis une erreur en rendant sa décision.

Aperçu

[3] L’appelante a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC le 14 février 2014. Dans sa demande, elle a affirmé être âgée de 53 ans et avoir terminé ses études secondaires à l’Île Maurice, son pays d’origine. Elle est arrivée au Canada en 1981 et a principalement travaillé comme couturière. Elle a travaillé pour la dernière fois au sein du Somali Women’s and Children’s Support Network (SWCSN) [Réseau de soutien pour femmes et enfants de Somalie], mais a quitté son emploi en janvier 2014 en raison d’une douleur accrue à l’épaule.

[4] L’intimé a refusé la demande initialement et après révision au motif que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave à la date de fin de la PMA. Le 1er décembre 2014, l’appelante a interjeté appel de ces refus devant la division générale.

[5] À l’audience devant la division générale tenue le 21 juillet 2016, l’appelante a témoigné avoir souffert de douleur au dos et à l’épaule, conséquence de blessures au travail suite à des mouvements répétitifs. À partir de 2012, et par la suite, elle demandait moins d’heures de travail en raison de ses troubles de santé. Après avoir quitté le SWCSN, elle a tenté de travailler dans un magasin de vêtements, mais elle n’a pu faire qu’une journée. Elle était incapable d’atteindre les tablettes en raison de la douleur et d’une amplitude de mouvement limitée des bras et des épaules. Elle n’a pas cherché de travail depuis.

[6] Dans sa décision du 18 octobre 2016, la division générale a rejeté l’appel formé par l’appelante en concluant qu’elle était capable, selon la prépondérance des probabilités, de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date de fin de sa PMA. La division générale a noté que la preuve démontrait que le SWCSN l’avait mise à pied pour manque de travail. La division générale a aussi jugé que travailler une journée pour l’entreprise d’un ami ne représente pas un effort suffisant de recherche d’alternative d’emploi.

[7] Le 18 novembre 2016, le représentant de l’appelante a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal et alléguait plusieurs erreurs commises par la division générale. Dans ma décision du 8 juin 2017, j’ai accordé la permission d’en appeler au motif que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées.

[8] Le 21 juillet 2017, l’intimé a soumis une lettre dans laquelle il consentait à ce que l’affaire soit renvoyée à la division générale pour qu’une nouvelle audience soit tenue par un autre membre.

[9] J’ai décidé qu’il n’était pas nécessaire de tenir une audience de vive voix et que l’appel pouvait être instruit sur le fondement du dossier documentaire pour les raisons suivantes :

  • a) l’intimé a accepté que la demande de pension d’invalidité de l’appelante soit instruite de nouveau sur le fond;
  • b) le dossier est complet et ne nécessite aucune clarification;
  • c) Ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[10] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. a) ne pas avoir atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher une pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[11] Le calcul de la PMA est important, car une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date où sa PMA a pris fin, ou avant.

[12] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[13] Conformément au paragraphe 59(1) de la LMEDS, la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

Observations

[14] Dans une lettre datée du 6 décembre 2016, l’époux de l’appelante, son représentant autorisé, a allégué que la division générale a commis plusieurs erreurs en rendant sa décision. J’ai accordé la permission d’en appeler à raison de deux motifs, ayant jugé qu’une cause défendable existait quant au fait que la division générale a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées en :

  1. a) jugeant que l’appelante avait demandé des prestations régulières d’assurance-emploi (AE) plutôt que des prestations de maladie;
  2. b) ayant ignoré le fait que l’appelante avait été congédiée parce qu’elle avait dit à son employeur qu’elle comptait présenter une demande d’indemnité pour accident du travail.

[15] Comme mentionné, l’intimé a maintenant reconnu les motifs pour lesquels la permission d’en appeler a été accordée. Il consent à ce que la division d’appel renvoie cette affaire à la division générale.

Analyse

[16] Je suis d’accord pour dire que l’instance devant la division générale a été entachée, et que la meilleure réparation est de statuer de nouveau sur le fond quant à la demande de pension d’invalidité du RPC présentée par l’appelante.

Prestations régulières et prestations de maladie

[17] Il est clair que la division générale a fondé sa décision, du moins en partie, sur la conclusion que l’appelante a fait une demande de prestations régulières d’assurance-emploi, plutôt que de prestations de maladie, après avoir mis un terme à son emploi [traduction] :

[27] Des preuves contradictoires ont été présentées concernant la raison pour laquelle l’appelante a cessé de travailler en janvier 2014. Selon les documents fournis par l’employeur de l’appelante, elle a été mise à pied en raison d’un manque de travail. L’appelante a cependant témoigné avoir cessé de travailler en raison de la détérioration de son état de santé. L’appelante a présenté une demande de prestations régulières d’assurance-emploi en janvier 2014. L’appelante a elle-même précisé dans le questionnaire du RPC qu’elle comptait retourner travailler lorsqu’elle se sentirait mieux, dans quelques mois. Le Tribunal n’a pas conclu que la demanderesse avait cessé de travailler uniquement en raison de son état de santé. Dans sa demande de prestations d’assurance-emploi, la demanderesse a déclaré qu’elle était apte à retourner travailler, et elle a précisé dans le questionnaire du RPC qu’elle comptait réintégrer le marché du travail. Le Tribunal, après avoir apprécié la preuve, conclut que l’appelante a cessé de travailler le 13 janvier 2014 parce qu’elle a été mise à pied par le SWCSN, et non parce qu’elle était incapable de travailler.

[18] D’après mon examen de la preuve au dossier, contrairement à l’affirmation de la division générale, l’appelante a déclaré dans sa demande de prestation d’invalidité du RPC de février 2014 qu’elle n’avait pas demandé de prestations régulières de l’AE (GD3-67). J’ai également écouté l’enregistrement audio de l’audience, et j’estime que rien ne contredit cette déclaration.

[19] La division générale a déduit que l’appelante devait avoir la capacité de travailler puisqu’elle recevait prétendument des prestations régulières d’AE, et ce faisant, elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Raisons de la mise à pied

[20] Au paragraphe 27, la division générale a aussi trouvé des [traduction] « preuves contradictoires » en ce qui concerne la raison de l’arrêt de travail de l’appelante, particulièrement par rapport à la question de savoir si elle a quitté son emploi en raison d’une blessure, ou comme le mentionne le relevé d’emploi (RE) du 28 janvier 2014 du SWCSN, en raison d’un [traduction] « manque de travail ou de la fin du contrat ». La division générale a finalement conclu que l’appelante a cessé de travailler pour des raisons autres qu’un manque de capacité. L’appelante a cependant fait valoir qu’en tirant cette conclusion, la division générale a ignoré la preuve importante que (i) le SWCSN l’a congédiée après qu’elle ait déposé une demande auprès de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT), et que (ii) la raison de sa mise à pied dans le RE était fausse.

[21] Il ne fait aucun doute que la preuve au dossier documente plusieurs occurrences (GD2-17 et GD2-55) où l’appelante prétend que son ancien employeur a communiqué de faux renseignements. Après avoir écouté l’enregistrement audio de l’audience, je constate que l’appelante a déclaré que son invalidité et le déclin de son rendement l’ont incitée à présenter une demande d’indemnité pour accident du travail, ce qui a ensuite entraîné son congédiement déguisé par le SWCSN. À l’audience, l’ancien représentant de l’appelante a précisé que le SWCSN avait un incitatif financier à nier qu’une de ses employées avait subi une blessure en milieu de travail. Bien que la division générale ait mentionné dans sa décision la demande que l’appelante a présentée à la CSPAAT, elle n’a pas abordé la tentative de l’appelante d’expliquer pourquoi son ancien employeur pourrait avoir attribué sa mise à pied à des facteurs non médicaux.

[22] Il semblerait plutôt que la division générale a tenu pour acquis que les renseignements présentés dans le RE étaient exacts et qu’elle les a utilisés comme fondement dans sa décision de refuser des prestations d’invalidité du RPC à l’appelante. Je juge qu’une cause défendable est soulevée du fait que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en ignorant la valeur de la preuve présentée par l’appelante par rapport aux blessures qui ont mené à son congédiement.

Conclusion

[23] Pour les motifs exposés précédemment, l’appel est accueilli.

[24] L’article 59 de la LMEDS énonce la réparation que la division d’appel peut accorder en appel. Pour prévenir toute crainte de partialité, il convient en l’espèce de renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’une audience de novo soit tenue devant un membre différent de la division générale.

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