Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 20 octobre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada n’était pas payable à la demanderesse. La demanderesse a déposé une demande de permission d’en appeler (demande) auprès de la division d’appel du Tribunal le 30 novembre 2016. La division générale a conclu que la demanderesse n’a pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était [traduction] « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice à la date de l’audience ». La période minimale d’admissibilité (PMA) de la demanderesse prend fin le 31 décembre 2017.

Question en litige

[2] La division d’appel doit déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

Permission d’en appeler

[3] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), « il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission », et la division d’appel « accorde ou refuse cette permission ».

[4] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Moyens d’appel

[5] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[6] La demanderesse soutient que la division générale a tiré une série de conclusions de fait erronées de façon abusive et arbitraire et sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, et que la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

[7] La demanderesse fait valoir, entre autres, que la division générale a écarté de manière inadéquate tous les rapports d’examens médicaux indépendants versés au dossier qui avaient permis de conclure que la demanderesse était incapable de détenir toute occupation. L’observation de la demanderesse désigne l’omission d’accorder une importance quelconque à ces rapports comme une inobservation des principes d’équité procédurale et une erreur de droit.

Contexte

[8] La demanderesse a été impliquée dans un accident de voiture et elle a cessé de travailler en avril 2012. La date de fin de la PMA est le 31 décembre 2017. La division générale a donc examiné la preuve médicale documentaire pour déterminer si la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave à la date de l’audience en octobre 2016. La décision de la division générale donne lieu à un examen de la preuve médicale documentaire, y compris des rapports de médecins traitants et d’évaluateurs indépendants.

[9] Voici les rapports des médecins traitants :

  • Dr Martino (médecin de famille), note médicale, 6 juin 2013 (paragraphe 8);
  • Dre McMaster (psychologue), rapport à l’assureur, 23 septembre 2013 et autres notes cliniques brèves allant jusqu’en juin 2015 et contenant [traduction] « des renseignements de mise à jour très limités » (paragraphe 9);
  • Dr Martino, orientation vers une clinique de traitement de la douleur, octobre 2013 (paragraphe 10);
  • Dr Martino, rapport médical, 14 avril 2014 (paragraphe 12);
  • Dr Olisa, rapport de suivi, 10 avril 2015 et un autre rapport en mai 2015 (paragraphe 17).

[10] Voici les évaluations :

  • Dr Garber (psychologue), examen psychologique clinique à la demande du représentant de la demanderesse le 1er avril 2014. La décision a souligné que Dr Garber a déclaré que la demanderesse était [traduction] « totalement incapable de détenir toute forme d’emploi ou de suivre toute forme de recyclage professionnelle maintenant ou dans l’avenir » (paragraphe 11).
  • Dr Gnam (psychiatre), examen à l’intention de la compagnie d’assurance-invalidité prolongée, 29 mai 2014 (paragraphe 13). Selon la décision, Dr Gnam a conclu que les déficiences mentales de la demanderesse étaient [traduction] « à un niveau modéré ou modéré-grave et qu’elle n’était pas capable de détenir un emploi qui convient à son instruction, à sa formation ou à son expérience » (paragraphe 13).
  • Évaluation de la capacité fonctionnelle, produite à l’intention de l’assureur, 11 juin 2014 (paragraphe 14).
  • Évaluation de la déficience invalide à la demande du représentant de la demanderesse, datée du 2 septembre 2014 (paragraphe 15).
  • Dr Berbrayer (physiatre), évaluation psychiatrique médicolégale, 27 octobre 2014. Selon la décision, Dr Berbrayer a conclu que la demanderesse était [traduction] « limitée dans l’exécution de tâches ménagères exigeantes et répétitives et que ses blessures avaient une influence sur sa capacité de gagner sa vie dans sa profession choisie » (paragraphe 16).
  • Dr Soric (physiatre), rapport d’évaluation indépendante en physiatrie produit à l’intention de la compagnie d’assurance-invalidité prolongée, 29 septembre 2015. Selon la décision, Dr Soric soupçonnait l’existence [traduction] « d’importants problèmes émotifs et psychologiques, mais il s’en est remis à l’avis des autres. Il avait l’impression qu’elle n’était pas capable de retourner travailler; toutefois, cela n’était pas causé principalement par des facteurs physiques, mais par des problèmes psychologiques et émotifs. Le pronostic relativement à ses symptômes physiques était favorable, mais il ne pouvait pas formuler de commentaires sur les difficultés psychologiques et émotives » (paragraphe 18).
  • Dre Clewes (psychologue, évaluation psychologique indépendante effectuée le 10 novembre 2015 à l’intention de l’assureur. Selon la décision, Dre Clewes a conclu [traduction] « que, à ce moment-là, l’appelante était atteinte d’une totale incapacité de détenir un emploi. Elle a souligné qu’il était difficile de prédire si ses symptômes psychologiques allaient se résoudre et impossible de prédire s’ils sont de nature temporaire ou permanente » (paragraphe 19).

[11] Dans son analyse, la division générale a déclaré (au paragraphe 42) que la demanderesse s’est fondée sur [traduction] « un certain nombre d’évaluations psychologiques qui permettent de conclure qu’elle est incapable de retourner travailler, y compris la plus récente effectuée en novembre 2015 par Dre Clewes ».

[12] Voici le paragraphe 43 de la décision de la division générale :

[traduction]

Bien que les évaluations puissent être utiles, elles sont généralement le produit d’une consultation ponctuelle visant à déterminer l’admissibilité à un régime d’assurance particulier et elles ne sont pas aussi importantes pour le Tribunal que les rapports de médecins la traitant sur une base régulière. Le dernier rapport de Dre McMaster a été produit il y a maintenant trois ans et il faisait état, à ce moment-là, qu’il n’y avait que deux questions restantes, qu’il n’y avait aucun rapport récent de Dre McMaster sur lequel se fonder et que l’appelante a également déclaré qu’elle avait choisi de continuer à consulter son psychiatre il y a environ un an.

[13] La division générale a ensuite fourni des motifs pour justifier la raison pour laquelle elle a conclu que le témoignage de la demanderesse était [traduction] « quelque peu fiable » (paragraphe 44).

[14] Selon la division générale, [traduction] « la plus récente preuve médicale fournie laisse entendre que l’appelante a une certaine capacité physique de travailler, car les seules limitations physiques semblent être des mesures d’adaptation pour la position assise » (paragraphe 48). La division générale a renvoyé au témoignage de la demanderesse sur ses activités quotidiennes et elle a ensuite déclaré ce qui suit : [traduction] « L’appelante ne reçoit plus de soins psychiatriques depuis plus d’an et il n’y a aucun rapport récent de son psychologue qui laisse entendre autrement. Le Tribunal estime que ce manque de preuve médicale est important dans sa décision » (paragraphe 48).

Analyse

[15] La demanderesse a soulevé un motif prévu à l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[16] La demanderesse prétend que la division générale a fait abstraction d’évaluations médicales indépendantes selon lesquelles la demanderesse était incapable de détenir toute occupation. L’omission d’éléments de preuve pertinents qui sont au cœur de la demande d’un demandeur (preuve médicale appuyant l’existence d’une invalidité grave) soulève une cause défendable relativement à la question de savoir si la division générale a tiré des conclusions de fait de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (voir Joseph v. Canada (Procureur général), 2017 CF 391, paragraphes 48 et 72).

[17] Dans la section des motifs relative à la preuve, la division générale a décrit le contenu de plusieurs évaluations médicales indépendantes qui étaient au cœur de la demande de la demanderesse et qui décrivaient son fonctionnement psychologique, psychiatrique et physique. Ces rapports exprimaient des avis sur la capacité de la demanderesse à travailler à la lumière de limitations (à savoir les rapports de Dr Garber, Dr Gnam, Dr Berbrayer, Dr Soric et Dre Clewes). Chaque rapport était daté de 2014 ou de 2015. La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité en juillet 2015, l’audience a été tenue en octobre 2016, et la date de fin de la PMA est le 31 décembre 2017.

[18] Dans son analyse, la division générale déclare, dans une manière qui semble générale, que les évaluations indépendantes [traduction] « peuvent être utiles », elle les décrit comme provenant généralement de consultations ponctuelles, affirme qu’ils sont produits pour les besoins de l’admissibilité à des régimes d’assurance et conclut qu’ils ne sont pas [traduction] « aussi importants » pour le Tribunal que les rapports de médecins traitants.

[19] Selon la division générale, les évaluations peuvent être utiles, mais elles ne mentionnent pas si elles ont été prises en considération dans l’évaluation de l’invalidité. La division générale ne fournit ni une analyse du degré d’utilité d’un grand nombre des évaluations particulières à la demanderesse dans sa cause ni une justification à cet égard. La division générale n’explique pas clairement la raison pour laquelle, dans le cas de la demanderesse plus particulièrement, ces évaluations n’auraient pas été aussi importantes que les rapports de médecins traitants.

[20] La division générale ne précise pas clairement la façon dont le but original des évaluations a une influence sur l’utilité ou la valeur, ou la raison à cet égard, que ce soit en général ou dans ce cas précis. Par exemple, il n’est pas évident de connaître la raison pour laquelle les évaluations indépendantes produites pour une compagnie d’assurance-invalidité prolongée afin de déterminer si un demandeur peut détenir toute occupation (après la période initiale de deux ans de prestations d’invalidité prolongée) sont moins utiles que les rapports de médecins traitants. La demanderesse soutient dans la demande de permission d’en appeler que les critères relatifs à ces deux prestations sont semblables.

[21] Selon la conclusion de la division générale au paragraphe 48, [traduction] « la plus récente preuve médicale fournie laisse entendre que l’appelante a une certaine capacité physique de travailler, car les seules limitations physiques semblent être des mesures d’adaptation pour la position assise » (paragraphe 48). Cela pourrait être un renvoi à l’évaluation indépendante de Dr Soric de septembre 2015, qui semble être l’une des évaluations originalement produites aux fins d’assurance. La demanderesse avait des antécédents de renseignements médicaux sur sa santé psychiatrique/psychologique qui comprenaient une évaluation de Dre Clewes datée de novembre 2015, soit un mois après celle de Dr Soric. Le rapport de novembre 2015 de Dr Soric a permis de conclure que la demanderesse était atteinte d’une [traduction] « incapacité complète de détenir un emploi ». Étant donné que Dr Soric et Dre Clewes ont tous deux écrit des rapports à l’automne 2015, il n’est pas évident de savoir la raison pour laquelle le rapport de Dr Soric était suffisamment récent pour que la division générale se fonde sur celui-ci, mais il semble que le rapport de Dre Clewes ne l’était pas.

[22] Il est défendable de soutenir que la division générale a ignoré la preuve médicale sur l’état de santé psychiatrique/psychologique de la demanderesse produit par des évaluateurs en 2014 et en 2015 qui sont au cœur de la cause de la demanderesse. Il n’y a aucun renvoi au contenu des évaluations de Dr Garber, de Dr Gnam et de Dr Berbayer dans la partie de la décision relative à l’analyse, mais ils sont au cœur de la cause de la demanderesse. La division générale a bel et bien exprimé une préférence générale pour la preuve de médecins traitants dont la date était plus près de celle de l’audience. Cette preuve n’a pas été mise à la disposition du Tribunal. Cela ne semble être une situation dans laquelle la division générale a soupesé la preuve de médecins traitants et les évaluations et dans laquelle elle a conclu que la preuve des évaluations en soi était insuffisante d’une manière quelconque (une telle appréciation donnerait lieu à une déférence de la part de la division d’appel, voir Bellefeuille c. Canada (Procureur général), 2014 CF 963, et Hussein c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1417).

[22] La demanderesse est seulement tenue de démontrer l’existence d’une cause défendable afin qu’une permission d’en appeler soit accordée. La demanderesse a une cause défendable selon laquelle la preuve relative à son fonctionnement psychiatrique/psychologique de 2014 et 2015 qui était au cœur de sa cause a été ignorée et selon laquelle la conclusion de fait de la division générale sur sa capacité de travaillait a été ainsi tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des documents qu’elle a présentés.

[23] La division d’appel n’est pas tenue de tenir compte de toute autre observation ou motif soulevé par la demanderesse à ce stade-ci. Conformément au paragraphe 58(2), il n’est pas nécessaire d’examiner individuellement chaque motif d’appel pour les accepter ou les refuser (voir Mette v. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276).

Conclusion

[24] La demande est accueillie. La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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