Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu le 26 octobre 2009 la plus récente demande de pension d’invalidité de l’appelante au titre du Régime de pensions du Canada (le « RPC »). L’appelante a affirmé qu’elle était invalide en raison d’une grave dépression bipolaire, qu’elle souffre de narcolepsie, de cataplexie, de migraines, d’apnée du sommeil, de fibromyalgie, d’anxiété et du trouble de stress post-traumatique. L’intimé a rejeté la demande au stade initial le 28 juin 2010 et a refusé d’accorder à l’appelante un délai plus long pour présenter sa demande de révision. L’appelante a interjeté appel du refus de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[2] À deux reprises, l’appelante a présenté, sans succès, des demandes de prestations d’invalidité du RPC. La première demande a finalement été portée en appel devant un tribunal de révision. Le tribunal de révision a rejeté son appel le 12 novembre 2001, mais s’est prononcé sur le fait que sa période minimale d’admissibilité (« PMA ») a pris fin le 30 avril 1991. L’intimé a rejeté la deuxième demande au stade initial le 5 février 2004. Ce refus semble avoir été fondé à la fois sur la chose jugée et sur le bien-fondé de l’affaire, puisque la date de fin de la PMA de l’appelante était toujours réputée être le 30 avril 1991. L’appelante n’a pas demandé de révision de ce refus.

[3] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, l’appelante doit être déclarée invalide au sens du RPC à la fin de la PMA ou avant cette date. Le calcul de la PMA est établi en fonction des cotisations de l’appelante au RPC. Le Tribunal conclut que la PMA de l’appelante est le 31 décembre 1999. Il ne s’agit pas de la même PMA que dans les deux demandes antérieures de l’appelante.

[4] Le Tribunal ne se prononce pas sur le bien-fondé du dossier de l’appelante à ce moment-ci. Il lui incombe de déterminer si l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’il a refusé d’accorder à l’appelante un délai plus long pour demander une révision de la décision de l’intimé rendue le 28 juin 2010. Si l’intimé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire, le Tribunal doit également déterminer comment l’intimé aurait dû traiter la demande de prolongation de délai de l’appelante pour demander la révision.

[5]  Le présent appel a été instruit au moyen de questions et de réponses écrites pour les raisons suivantes :

  1. les questions faisant l’objet de l’appel ne sont pas complexes;
  2. il y avait de l’information manquante ou il était nécessaire d’obtenir des précisions;
  3. la crédibilité ne figurait pas au nombre des questions principales;
  4. la façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent;
  5. la question dont est actuellement saisi le Tribunal est de savoir si l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’il a refusé d’accorder à l’appelante un délai plus long pour demander une révision de la décision rendue par l’intimé le 28 juin 2010.

[6] Le Tribunal a statué que l’intimé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire lorsqu’il a refusé d’accorder à l’appelante un délai plus long pour demander la révision de la décision rendue par l’intimé le 28 juin 2010. Compte tenu de cette conclusion, le Tribunal a ensuite examiné la demande de révision de l’appelante et a décidé qu’une prolongation de délai ne pouvait être accordée pour demander la révision.

Preuve

[7] Étant donné que le rôle du Tribunal dans la présente affaire se limite à évaluer l’exercice par l’intimé de son pouvoir discrétionnaire de rejeter la demande de révision, puis probablement de déterminer si une prolongation aurait dû être accordée, seuls les éléments de preuve pertinents à ces questions particulières sont mentionnés expressément dans le présent résumé de la preuve.

Preuve antérieure pertinente

[8] Le 3 novembre 1997, le Dr P. Burra (psychiatre) a rédigé une note de consultation au sujet de l’appelante. La note fait état d’un niveau d’anxiété et de dépression assez grave. Le Dr Burra a conclu qu’elle était « très handicapée ». Elle avait tendance à voir des images effrayantes (ou des « insectes ») du coin de l’œil. Le 24 février 2000, le Dr Burra a rédigé une lettre à l’appui de la demande de prestations d’invalidité du RPC de l’appelante. Il a écrit qu’elle souffrait d’une combinaison récalcitrante d’anxiété et de dépression qu’il tentait de traiter depuis deux ans. Elle souffrait d’un trouble obsessionnel-compulsif, d’une grande anxiété qui la rendait [traduction] « complètement dysfonctionnelle la plupart du temps » et était grandement déprimée. Les nombreux efforts de traitement ont produit des résultats minimes et ne l’ont pas aidée à revenir [traduction] « à un état fonctionnel ».

[9] Le 4 août 2000, le Dr R. Smith (psychiatre) a indiqué que l’appelante souffrait d’un trouble dépressif majeur et d’un trouble anxieux généralisé depuis au moins 1994. Le Dr Smith a fait remarquer qu’elle était essentiellement confinée à la maison en raison d’une anxiété intolérable à l’idée de quitter la maison, qu’elle ne pouvait pas rester seule, qu’elle ne pouvait pas utiliser les transports en commun ou prendre un taxi, et qu’elle ne pouvait pas aller faire des courses. Elle avait manqué de nombreux rendez-vous avec un psychiatre précédent uniquement en raison de son anxiété à l’idée de quitter la maison. Le Dr Smith a également mentionné des migraines non maîtrisées et s’est dit d’avis qu’elle était incapable de détenir un emploi rémunérateur. Le 31 janvier 2001, le Dr Smith a noté qu’elle demeurait confinée à son appartement et qu’elle avait des troubles cognitifs importants.

[10] Dans un rapport médical du 28 juin 2009, la Dre Lynn Stewart (médecin de famille) a posé des diagnostics de narcolepsie, de cataplexie, de dépression réfractaire grave, de fibromyalgie et de migraines. La Dre Stewart a écrit que l’appelante a vraiment fait des efforts pour améliorer sa qualité de vie, mais qu’elle en avait toujours été empêchée par la dépression, la douleur, la pauvreté et l’incapacité de bien fonctionner sur le plan cognitif. La Dre Stewart a déclaré qu'elle n'était pas en mesure de s’occuper des tâches ménagères et de ses soins personnels, et encore moins de travailler pour gagner sa vie. La Dre Stewart l’a décrite comme étant [traduction] « épuisée de façon chronique, atteinte de douleurs chroniques et dans un état lamentable chronique » et a affirmé que ses médicaments avaient une incidence sur ses fonctions cognitives et ses maladies.

[11] Dans le questionnaire du 15 octobre 2009, l’appelante a signalé les limitations fonctionnelles suivantes : elle voyait des insectes, entendait des voix, évitait toute confrontation, avait très peu de mémoire et était incapable de se concentrer. Outre les diagnostics antérieurs posés par la Dre Stewart, elle a énuméré l’apnée du sommeil, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique. Elle avait beaucoup de difficulté à quitter la maison pour quoi que ce soit : son anxiété l’amenait à rester éveillée pendant des jours, puis à dormir pendant des périodes pouvant durer une semaine. Elle a dit qu’elle n’avait pas de mémoire et qu’elle s’endormait dès qu’elle commençait à lire. Elle a ajouté que son père et un frère se sont suicidés à cause de certaines des maladies dont elle souffrait elle-même.

Décisions dans la demande la plus récente

[12] Le 28 juin 2010, l’intimé a rejeté la dernière demande (la « décision de 2010 ») de l’appelante au stade initial. Il a admis que les limitations de l’appelante l’empêchaient de travailler. Toutefois, la demande a été rejetée au motif que son état ne l’avait pas empêchée de travailler de façon continue depuis la fin de sa PMA. Bien que l’intimé semble avoir rejeté la demande sur le fond, il a aussi soulevé la question de la chose jugée. Toutefois, les demandes antérieures de l’appelante ont été tranchées sur le fondement de la PMA du 30 avril 1991 plutôt que de la PMA du 31 décembre 1999, qui s'appliquait maintenant. L’appelante a été informée de son droit de demander une décision de révision dans les 90 jours suivant la réception de la décision de 2010.

[13] Aucune date précise n’a été fournie pour la réception par l’appelante de la décision de 2010, mais il n’y a eu aucune autre communication jusqu’à la lettre du 18 juin 2015 que l’Aide juridique de l’Université Queen’s (« AJQ ») a envoyé à l’intimé. La représentante de l’AJQ a indiqué que l’appelante avait retenu leurs services pour l’aider avec sa demande de prestations d’invalidité et a joint un formulaire de consentement à cette fin. La représentante de l’AJQ a indiqué que l’appelante avait déjà retenu leurs services auparavant dans le cadre d’une demande de partage des crédits qui a été approuvée par l’intimé en juin 2005. L’AJQ a également laissé entendre que l’appelante s’était fait dire à ce moment-là qu’elle était admissible à des prestations d’invalidité et qu’on communiquerait avec elle au sujet du montant auquel elle avait droit dans 4 à 6 mois. Toutefois, lorsque l’appelante a communiqué avec l’intimé, on lui aurait dit qu’il n’y avait aucune trace de ses demandes ou de sa correspondance. Par conséquent, on lui aurait dit de présenter une nouvelle demande.

[14] Il ne semble pas y avoir d’autres preuves documentaires des événements décrits dans la lettre du 18 juin 2015 de l’AJQ, qui se sont conclus par une demande de copies de documents concernant l’intimé. Un accusé de réception de la lettre a également été demandé, mais on ne sait pas exactement pas si l’intimé a pris des mesures à ce moment-là.

[15] Le 8 février 2016, l’AJQ a demandé une révision de la décision de 2010. Il semble que cette demande ait été reçue pour la première fois par l’intimé le 24 février 2016, mais que l’original n’avait pas été signé. Une copie signée aurait été reçue le 29 février 2016.

[16] Dans sa lettre du 8 février 2016, l’AJQ a indiqué que d’autres éléments de preuve et renseignements médicaux étaient en attente et seraient fournis rapidement à l’intimé. L’AJQ a indiqué que l’appelante n’avait pas présenté de demande de révision depuis juin 2010 parce qu’elle avait de graves problèmes de santé et des difficultés familiales. Elle souffrait d’un trouble dépressif majeur et d’un trouble anxieux généralisé depuis 1994. Depuis 2010, elle avait eu des complications causées par ses médicaments et avait eu des difficultés familiales extrêmes qui avaient aggravé ses symptômes d’anxiété. L’AJQ a écrit que l’appelante avait communiqué avec eux en mai 2015, alors qu’elle se sentait suffisamment bien pour solliciter des conseils juridiques. Elle a d’abord demandé de l’aide relativement à sa demande de prestations d’invalidité du RPC manquante de 2005 et a été informée que l’intimé n’avait aucun dossier concernant cette demande. Par conséquent, elle souhaitait interjeter appel de la décision de 2010 au moyen d’une demande de révision. Cette lettre incluait également des renseignements médicaux supplémentaires.

[17] Le 1er avril 2016, l’intimé a communiqué par téléphone avec l’appelante pour obtenir une explication de son retard à interjeter appel. Toutefois, la ligne téléphonique n’était pas en service. L’intimé a alors tenté de communiquer avec la représentante de l’AJQ qui lui avait été assignée, mais elle n’était pas au bureau. Aucun message n’a été laissé aux bureaux de l’AJQ.

[18] Le 6 avril 2016, l’intimé a écrit à l’AJQ en réponse à la demande d’une copie du dossier d’invalidité du RPC de l’appelante. La demande aurait été reçue le 29 février 2016. Toutefois, l’intimé a déclaré qu’il n’avait aucun dossier indiquant que l’appelante avait déjà présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC.

[19] Le 7 avril 2016, l’intimé a écrit à l’appelante, mais non à l’AJQ, pour accuser réception de la demande de révision tardive de la décision de 2010. Cette lettre sera appelée la « Demande de renseignements supplémentaires ». L’intimé a indiqué qu’il avait besoin des renseignements supplémentaires suivants pour rendre la décision : une explication du retard dans l’envoi de la demande de révision, la façon dont elle a tenu l’intimé au courant de son intention de demander une révision et les raisons pour lesquelles elle était en désaccord avec la décision de 2010 (y compris tout nouveau renseignement qu’elle détenait). L’intimé a indiqué qu’il rendrait une décision en se fondant sur l’information au dossier s’il ne recevait aucune réponse dans les 30 jours.

[20] Le 10 mai 2016, dans une lettre envoyée à l’appelante et à l’AJQ (la « décision de refus de prolongation »), l’intimé a rejeté la demande de révision. L’intimé a souligné que l’appelante n’avait pas répondu à la Demande de renseignements supplémentaires et que la demande de révision était rejetée sur la foi des renseignements contenus dans son dossier. L’intimé a également joint un « document de décision » interne daté du 10 mai 2016 qui expliquait les motifs de la décision.

Le document de décision

[21] Conformément à l’article 74.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (le « Règlement sur le RPC »), le document de décision abordait chacun des quatre critères suivants relatifs à la demande de révision tardive : (1) y a-t-il une explication raisonnable du retard; (2) y a-t-il eu intention constante de demander une révision; (3) y a-t-il une chance raisonnable de succès? (4) la prolongation du délai causera-t-elle préjudice à l’intimé ou à une autre partie?

[22] En ce qui concerne l’explication raisonnable du retard, l’intimé a réitéré les observations faites par l’AJQ dans sa lettre du 8 février 2016. Il a ajouté qu’il n’avait reçu aucune réponse à la Demande de renseignements supplémentaires. L’intimé a conclu qu’aucune explication raisonnable du retard n’avait été reçue, car il n’y avait aucune preuve d’un état de santé exceptionnel qui l’avait empêchée de demander une révision en temps opportun et aucune circonstance atténuante n’avait été mentionnée.

[23] En ce qui a trait à l’intention constante de demander une révision, l’intimé a mentionné la correspondance reçue de l’AJQ le 22 juin 2015 et le 24 février 2016. L’intimé a conclu qu’aucune intention constante de demander une révision de la décision de 2010 n’avait été établie, car la première communication avec l’intimé n’a eu lieu que le 22 juin 2015.

[24] Relativement aux chances raisonnables de succès, l’intimé a décrit des documents médicaux de 2000 à 2002 qui ont été reçus bien après le délai de demande de révision de 90 jours. Toutefois, l’intimé n’a pas tiré de conclusion quant à savoir si l’appelante avait une chance raisonnable de succès. Il semble également qu’une partie ou la totalité de ces documents médicaux « tardifs » avait déjà été déposée.

[25] Pour ce qui est de l’iniquité causée par une prolongation, l’intimé a déclaré qu’il n’y avait aucune indication de préjudice pour l’intimé, bien qu’une très longue période se soit écoulée depuis la décision de révision.

[26] L’intimé a ensuite conclu que, selon son évaluation des quatre critères énoncés à l’article 74.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada, il ne prolongerait pas le délai de présentation d’une demande de révision.

Documentation subséquente

[27] Le 18 mai 2016, l’AJQ a informé l’intimé que ni l’AJQ ni l’appelante n’avaient reçu de copie de la Demande de renseignements supplémentaires. L’AJQ a demandé une copie de cette lettre, comme l’a mentionné l’intimé dans sa décision du 10 mai 2016 concernant la demande de révision tardive. Le 3 juin 2016, l’intimé a fourni une copie de la Demande de renseignements supplémentaires à l’AJQ.

[28] Le 22 août 2017, le Tribunal a envoyé aux parties un Avis d’audience indiquant son intention de procéder au moyen de questions et réponses écrites. Les deux questions ont été posées à l’intimé, puisque l’appelante avait déjà déposé des observations exhaustives. La date limite du 29 septembre 2017 a été fixée pour le dépôt d’une réponse.

[29] La réponse de l’intimé aux questions du Tribunal a été reçue le 21 septembre 2017. Premièrement, on a demandé à l’intimé si la Demande de renseignements supplémentaires avait effectivement été envoyée à l’appelante. L’intimé a répondu que la lettre avait été envoyée à l’adresse qu’il avait au dossier à ce moment-là. Il a ajouté que rien n’indiquait que la lettre n’avait pas été livrée, car Postes Canada n’a retourné aucun courrier non distribuable. Deuxièmement, on a demandé à l’intimé pourquoi la Demande de renseignements supplémentaires n’avait pas été envoyée à l’AJQ. L’intimé a simplement répondu que [traduction] « rien n’indique dans le dossier qu’une copie de cette lettre a été envoyée à la représentante de l’appelante ». Aucune véritable explication n'a été donnée.

Observations

[30] L’appelante a présenté des observations exhaustives dans la présente affaire, mais seules les observations les plus pertinentes sont reproduites ici. Elle soutient qu’on doit lui accorder une prolongation du délai pour présenter sa demande de révision pour les motifs suivants :

  1. elle a eu de graves problèmes de santé et des difficultés familiales au moment où elle devait présenter sa demande de révision;
  2. le document de décision n’a pas déterminé si elle avait une chance raisonnable de succès, mais il s’agit d’un facteur auquel on doit accorder un poids élevé;
  3. le fait qu’elle n’ait pas démontré son intention constante de demander une révision ne devrait avoir que peu de poids, étant donné qu’il est lié à ses divers problèmes de santé;
  4. elle a demandé de l’aide juridique en mai 2015, lorsqu’elle s’est sentie suffisamment bien pour poursuivre l’affaire;
  5. elle n’a jamais reçu la Demande de renseignements supplémentaires et celle-ci n’a jamais été envoyée à sa représentante.

[31] L’intimé ne semble pas avoir présenté d’observations précises sur la question dont le Tribunal est saisi. Toutefois, le raisonnement qui sous-tend sa décision de refus de prolongation a été énoncé dans le document de décision qui a été décrit précédemment.

Analyse

Dispositions applicables

[32] Le paragraphe 81(1) du Régime de pensions du Canada prévoit qu’une personne qui n’est pas satisfaite d’une décision concernant le versement de prestations peut, dans les 90 jours suivant la réception de l’avis écrit de la décision ou dans le délai plus long que le ministre peut autoriser, avant ou après l’expiration de ces 90 jours, demander à celui-ci de réviser la décision.

[33] Le paragraphe 74.1(3) du Règlement sur le RPC prévoit que, pour l’application du paragraphe 81(1) du Régime de pensions du Canada et sous réserve du paragraphe 74.1(4) du Règlement sur le RPC, le ministre peut autoriser la prolongation du délai de présentation d’une demande de révision d’une décision s’il est convaincu, d’une part, qu’il existe une explication raisonnable à l’appui de la demande de prolongation du délai et, d’autre part, que l’intéressé a manifesté l’intention constante de demander la révision.

[34] Le paragraphe 74.1(4) du Règlement sur le RPC prévoit que, si la demande de révision est présentée plus d’un an après la date à laquelle la personne a été avisée par écrit de la décision initiale, le ministre doit aussi être convaincu que la demande de révision a des chances raisonnables de succès et que l’autorisation du délai supplémentaire pour présenter la demande ne lui porte pas préjudice ni d’ailleurs à aucune autre partie.

[35] L’article 82 du Régime de pensions du Canada permet à une partie d’interjeter appel de la décision du ministre de refuser un délai supplémentaire pour présenter une demande au Tribunal.

Exercice du pouvoir discrétionnaire

[36] La décision du ministre d’accueillir ou de refuser une demande de révision tardive est considérée comme une décision discrétionnaire. Le pouvoir discrétionnaire du ministre doit être exercé de manière judiciaire ou judicieuse (Canada (Procureur général) c. Uppal, 2008 CAF 388).

[37] Selon la décision Canada (Procureur général) c. Purcell, [1996] 1 RCF 644, un pouvoir discrétionnaire n’est pas exercé « judiciairement » s’il peut être établi que le décideur :

  • a agi de mauvaise foi;
  • a agi dans un but ou pour un motif irrégulier;
  • a pris en compte un facteur non pertinent;
  • a ignoré un facteur pertinent;
  • a agi de manière discriminatoire.

[38] Le rôle du Tribunal à ce stade de son analyse n’est pas de déterminer si l’intimé a pris la bonne décision. Le rôle du Tribunal consiste plutôt à déterminer si l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Il incombe à l’appelante d’établir que l’intimé ne l’a pas fait.

[39] L’appelante a soulevé d’importantes préoccupations au sujet de l’insistance de l’intimé quant à l’absence de réponse à la Demande de renseignements supplémentaires. Dans sa décision de refus de prolongation de délai, l’intimé a mentionné que l’appelante n’avait pas répondu à la Demande de renseignements supplémentaires. Toutefois, dans la décision de refus de prolongation de délai, il indiquait également qu’il s’était fondé sur l’information au dossier pour en arriver à sa décision. Par conséquent, à première vue, la décision de refus de prolongation de délai de l’intimé ne semble pas avoir manqué aux critères énoncés dans la décision Purcell.

[40] Toutefois, la décision de refus de prolongation n’explique pas pourquoi les renseignements au dossier étaient insuffisants pour accorder une prolongation. La justification de la décision de refus de prolongation se trouve en fait dans le document de décision distinct. Tel qu’il est précisé dans le document de décision, l’intimé devait examiner les quatre critères de l’article 74.1 du Règlement sur le RPC pour en arriver à sa décision de refus de prolongation. L’évaluation par l’intimé de chacun de ces critères sera examinée séparément.

Explication raisonnable du retard

[41] L’intimé a reconnu que l’AJQ avait présenté des observations dans sa lettre du 8 février 2016, mais a ajouté qu’aucune réponse n’avait été fournie à la Demande de renseignements supplémentaires et semble avoir accordé un certain poids à cette absence de réponse. Il a conclu qu’aucune explication raisonnable du retard n’avait été reçue, puisqu’il n’y avait aucune preuve de troubles médicaux exceptionnels qui l’avaient empêchée de demander une révision en temps opportun et qu’aucune circonstance atténuante n’avait été mentionnée. Même si la lettre du 8 février 2016 de l’AJQ faisait état de [traduction] « graves problèmes médicaux » et de complications liées aux médicaments durant la période de retard, aucun détail ni aucune preuve objective contemporaine de tels problèmes n’ont été fournis. L’AJQ a également fait mention de [traduction] « difficultés familiales extrêmes » pendant cette période de retard, bien qu’aucune précision n’ait été fournie à ce moment-là. En l’absence de preuve corroborante ou du moins de certains détails, il est peu probable que l’intimé n’ait pas agi de manière judiciaire lorsqu’il a évalué ces explications.

[42] Toutefois, le Tribunal est quelque peu préoccupé par le fait que l’intimé semble s’être fondé sur l’absence de réponse à la Demande de renseignements supplémentaires. Compte tenu de la situation de l’appelante et de son recours aux services d’un représentant, le défaut de l’intimé d’envoyer à l’AJQ la Demande de renseignements supplémentaires devient plus important. Cette omission est plus préoccupante du fait des échanges antérieurs de l’intimé avec l’AJQ et que la décision de refus de prolongation a été envoyée à l’AJQ. Enfin, l’AJQ a indiqué que l’appelante n’a jamais reçu la Demande de renseignements supplémentaires. Le rapport médical du 28 juin 2009 de la Dre Stewart et le questionnaire du 15 octobre 2009 de l’appelante soulèvent des questions sur sa capacité de répondre à la Demande de renseignements supplémentaires même si elle l’avait reçue. Par conséquent, on ne sait pas exactement si l’intimé a appliqué les critères de la décision Purcell en ce qui concerne ce facteur. Toutefois, compte tenu de l’analyse faite par le Tribunal des autres facteurs, il est également inutile de tirer une conclusion sur cette question.

Intention constante de demander la révision

[43] L’intimé a conclu qu’aucune intention constante de demander la révision n’avait été démontrée, car la première communication avec l’intimé n’a eu lieu que le 22 juin 2015. Le Tribunal ne remet pas en question la façon dont l’intimé en est arrivé à cette conclusion, car elle est raisonnablement fondée sur la preuve dont il est saisi. L’intimé n’a pas agi de manière non judiciaire relativement à ce facteur.

Chances raisonnables de succès

[44] L’intimé n’a pas tiré de conclusion sur la question de savoir si l’appelante avait des chances raisonnables de succès. L’intimé a seulement déclaré que les documents médicaux de 2000 à 2002 avaient été reçus bien après le délai de 90 jours prévu pour la révision. Le fait que la preuve ait été présentée tardivement n’est en soi guère pertinent pour déterminer si la demande a des chances raisonnables de succès. Toutefois, le contenu de cette preuve peut s’avérer pertinent. L’intimé ne semble pas avoir tenu compte de ce contenu, même si une partie ou la totalité de cette preuve peut avoir été déposée antérieurement. L’absence d’une conclusion sur ce facteur, de même que le commentaire essentiellement non pertinent qui a été formulé à son sujet, laisse entendre que l’intimé n’a pas correctement déterminé si l’appelante avait des chances raisonnables de succès. Par ailleurs, cela laisse supposer que l’intimé n’a pas tenu compte d’un facteur pertinent, qui est l’un des critères de la décision Purcell.

Préjudice si la prolongation est accordée

[45] L’intimé a admis qu’il ne subirait aucun préjudice si une prolongation était autorisée. Le Tribunal ne remet pas en cause la façon dont l’intimé en est arrivé à cette conclusion et les critères de la décision Purcell ne s’appliquent pas à ce facteur.

Conclusions à l’égard du pouvoir discrétionnaire

[46] L’intimé a été chargé d’évaluer quatre facteurs pour déterminer s’il convient d’accueillir ou de refuser la demande de révision tardive de l’appelante. Toutefois, comme il est indiqué ci-dessus, l’intimé semble seulement être arrivé à une conclusion pleinement motivée et justifiable à l’égard de deux facteurs : l’intention constante de demander une révision (à l’encontre de l’appelante) et l’existence d’un préjudice si une prolongation est autorisée (en faveur de l’appelante). Bien que l’intimé ait tiré une conclusion défavorable à l’appelante au sujet du facteur de l’« explication raisonnable », il a semblé accorder beaucoup de poids à l’absence de réponse de l’appelante à une lettre qui n’a curieusement jamais été envoyée à la représentante de l’appelante et, en rétrospective, n’a peut-être jamais été reçue par l’appelante. Enfin, et surtout, l’intimé n’est arrivé à aucune conclusion sur le facteur des « chances raisonnables de succès  » et, en fait, semble avoir mal interprété ce facteur lorsqu’il a examiné la preuve médicale déposée récemment par l’appelante.

[47] Le défaut de l’intimé de tenir dûment compte du facteur des chances raisonnables de succès constitue un défaut de tenir compte d’un facteur pertinent. Conformément à l’arrêt Purcell, le Tribunal conclut qu’il s’agit d’un défaut d’exercer son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire. Compte tenu de cette conclusion, il n’est pas nécessaire de déterminer si le défaut de l’intimé d’envoyer la Demande de renseignements supplémentaires à l’AJQ (et le fait qu’il semble s’être fondé par la suite sur l’absence de réponse) constitue un manquement semblable.

[48] Il convient de souligner que, dans l’analyse qui précède, le Tribunal ne cherchait pas à substituer son interprétation des facteurs de l’article 74.1 à celle de l’intimé. L’analyse qui précède visait simplement à déterminer si l’intimé a exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire.

[49] Ayant conclu que l’intimé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire, le Tribunal est maintenant tenu de rendre la décision que l’intimé aurait dû rendre. Par conséquent, le Tribunal doit évaluer lui-même les facteurs énoncés à l’article 74.1.

Évaluation par le Tribunal de la demande tardive de révision

Explication raisonnable du retard

[50] Le Tribunal conclut qu’il existait une explication raisonnable du retard entre mai 2015 et février 2016. L’appelante a demandé l’aide de l’AJQ en mai 2015. L’AJQ a ensuite demandé une copie du dossier de l’appelante le 18 juin 2015 et il n’est pas clair si et quand une réponse exacte a été reçue. Toutefois, la lettre de l’intimé datée du 6 avril 2016 indiquait qu’il n’y avait aucun document indiquant que l’appelante avait déjà présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC : il s’agissait manifestement d’une erreur, car l’appelante avait déjà présenté trois demandes de ce genre à cette date, dont une qui a été portée en appel devant le tribunal de révision. Quoi qu’il en soit, l’AJQ a demandé la révision de la décision de 2010 le 8 février 2016. Il semble donc que l’appelante et sa représentante ont tenté de faire progresser l’affaire à compter du mois de mai 2015.

[51] Il est présumé que la décision de 2010 a été communiquée à l’appelante au début de juillet 2010. Il se serait donc écoulé une période de près de cinq ans jusqu’aux premiers signes d’activité en mai 2015. Il n’existe aucun document objectif de cette période : une telle constatation serait normalement incompatible avec une explication raisonnable du retard. Toutefois, les faits et les observations en l’espèce sont uniques et méritent un examen plus approfondi.

[52] Il a été soumis que les divers problèmes de santé de l’appelante et sa situation personnelle l’avaient empêchée d’aller de l’avant avec sa demande de révision. Dans ses observations, l’appelante a mentionné des [traduction] « problèmes médicaux graves », des complications liées aux médicaments et des [traduction] « difficultés familiales extrêmes » (y compris le suicide de plusieurs membres de sa famille au cours de la période de cinq ans allant de 2010 à 2015). Peu de détails et aucune preuve objective n’ont été fournis concernant l’une ou l’autre de ces explications; la mention de suicides multiples ne figurait pas dans les observations initiales de l’appelante à l’intimé.

[53] Néanmoins, il existe des éléments de preuve relativement récents qui portent à croire que l’appelante avait effectivement des limitations et des problèmes de santé très graves. Dans son rapport médical du 28 juin 2009, la Dre Stewart posait des diagnostics de narcolepsie, de cataplexie, de dépression réfractaire grave, de fibromyalgie et de migraines. La Dre Stewart a indiqué que l’appelante avait vraiment fait des efforts pour améliorer sa qualité de vie, mais qu’elle en avait toujours été empêchée par la dépression, la douleur, la pauvreté et l’incapacité de bien fonctionner au plan cognitif. Elle était incapable de s’occuper des tâches ménagères et de ses soins personnels, et encore moins de travailler pour gagner sa vie.

[54] De même, le 15 octobre 2009, l’appelante a indiqué que ses limitations fonctionnelles étaient les suivantes : elle voyait des insectes, entendait des voix, évitait toute confrontation, avait très peu de mémoire et était incapable de se concentrer. En plus des diagnostics de la Dre Stewart, elle a mentionné l’apnée du sommeil, l’anxiété et le trouble de stress post-traumatique. Elle avait beaucoup de difficulté à quitter sa maison pour quoi que ce soit : son anxiété l’amenait à rester éveillée pendant des jours, puis à dormir pendant des périodes pouvant durer une semaine. Elle a dit qu’elle n’avait pas de mémoire et qu’elle s’endormait dès qu’elle commençait à lire.

[55] Les déclarations de l’appelante semblent être étayées par la preuve antérieure du Dr Smith qui a noté le 4 août 2000 qu’elle était essentiellement confinée à la maison en raison de son anxiété intolérable à l’idée de quitter la maison. Elle ne pouvait pas rester seule, ne pouvait pas utiliser les transports en commun ou prendre un taxi, ne pouvait aller faire des courses et avait manqué de nombreux rendez-vous avec son ancien psychiatre uniquement en raison de son anxiété à l’idée de quitter la maison. Le 31 janvier 2001, le Dr Smith a noté qu’elle demeurait confinée à son appartement et qu’elle avait des troubles cognitifs importants.

[56] L’appelante semble donc avoir de la difficulté à accomplir des activités relativement courantes, notamment en raison de la douleur, de problèmes de santé mentale et de limitations cognitives. Cela soulève des questions importantes quant à sa capacité de demander une révision dans le délai de 90 jours alloué. Lorsque l’on combine l’apparente série de suicides qui se sont produits dans sa famille et le fait qu’elle a dit éviter toute confrontation, l’absence de preuves objectives de juillet 2010 à mai 2015 est plus compréhensible. Comme je l’ai déjà mentionné, elle avait aussi tendance à manquer des rendez-vous en raison de la nature profonde de son anxiété.

[57] Les limitations cognitives de l’appelante sont également mentionnées. Elle semble avoir l’impression d’avoir obtenu des prestations d’invalidité en 2005, bien qu’il n’y ait aucune preuve objective à l’appui de cette thèse. Le fait qu’elle a demandé de l’aide à cet égard à l’AJQ en mai 2015, bien qu’elle ait présenté une autre demande de prestations d’invalidité du RPC dans l’intervalle, indique également que les problèmes cognitifs peuvent jouer un rôle.

[58] Le Tribunal conclut que les problèmes de santé et la situation personnelle de l’appelante constituent une explication raisonnable du retard entre juillet 2010 et mai 2015. En plus de l’explication raisonnable au sujet du retard entre mai 2015 et février 2016, le Tribunal conclut par conséquent qu’il existe une explication raisonnable pour la totalité du retard entre la décision de 2010 et l’éventuelle demande de révision de l’appelante.

[59] Le Tribunal souligne que la situation particulière de l’appelante est à l’origine de cette conclusion. Il est difficile de concevoir une autre situation où une explication raisonnable pourrait être fournie pendant près de cinq ans sans documentation objective. Néanmoins, dans ce cas particulier, les observations actuelles et la preuve antérieure concordent avec la conclusion tirée.

Intention constante de demander la révision

[60] L’appelante n’a pas contesté le fait qu’il n’y a eu aucune communication avec l’intimé entre le 28 juin 2010 et la lettre de l’AJQ du 18 juin 2015. Bien qu’elle ait fourni une explication pour le retard, il y a aussi peu ou pas de preuve d’une intention constante de demander une révision. Elle a essentiellement concédé ce point, mais elle a laissé entendre qu’il faut tenir compte de ses graves problèmes personnels et médicaux qui l’ont empêchée de manifester une intention constante. Elle a également demandé que l’on accorde peu de poids à ce facteur.

[61] Bien que le Tribunal comprenne les observations de l’appelante, il doit néanmoins en arriver à une conclusion sur chaque facteur pris séparément. Par conséquent, étant donné l’absence de renseignements quant à son intention de demander une révision, le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas démontré une intention constante de demander la révision de la décision de l’intimé rendue le 28 juin 2010. La position de l’appelante quant à l’appréciation relative des facteurs sera examinée plus en détail ci-après.

Chances raisonnables de succès

[62] L’appelante a présenté une preuve médicale qui se rapportait directement à son état à la fin de la PMA. Celle-ci comprend notamment la lettre du 24 février 2000 du Dr Burra, dans laquelle il était question d’un état grave et d’un dysfonctionnement qui durait depuis deux ans. Le Tribunal est d’avis que cela suffit en soi à établir au moins une cause défendable.

Préjudice si la prolongation est accordée

[63] Dans le document de décision, l’intimé a admis qu’il ne subirait aucun préjudice si la prolongation était accordée. Les demandes antérieures de l’appelante étaient toujours disponibles pour examen. Dans les circonstances, le Tribunal conclut qu’une prolongation de délai ne causerait pas d’injustice à l’intimé ou à une autre partie.

Observations de l’appelante sur l’appréciation et l’évaluation des facteurs

[64] Bien qu’elle ait essentiellement admis qu’il n’existait que peu ou pas de preuve d’une intention constante de demander une révision, l’appelante a présenté des observations détaillées laissant entendre que le Tribunal pouvait accorder peu de poids à ce facteur. L’appelante a également fait valoir qu’il n’était pas nécessaire qu’elle satisfasse à chacun des facteurs énoncés à l’article 74.1 du Règlement sur le RPC.

[65] Pour appuyer sa position, l’appelante a fait valoir que des critères essentiellement identiques à ceux qui sont énoncés à l’article 74.1 du Règlement sur le RPC étaient en cause dans la décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41. L’affaire Hogervorst concernait également une demande de prolongation de délai dans le contexte du RPC. La Cour d’appel a reconnu que le critère à quatre volets est un moyen d’assurer la justice entre les parties. La Cour d’appel a également conclu que le critère pouvait permettre une prolongation de délai même si l’un des volets n’est pas satisfait.

[66] L’appelante a également fait valoir que, dans la décision Canada (Procureur général) c. Pentney, 2008 CF 96, la Cour fédérale a maintenu et élargi la décision rendue dans Hogervorst.Dans l’affaire Pentney, la Cour a statué que le critère était souple. Cela signifie qu’un poids adéquat doit être attribué à chaque facteur selon les circonstances. La Cour a souligné que le critère n’était pas une liste exclusive de facteurs : les faits de l’affaire peuvent constituer un cinquième facteur implicite.

[67] Les observations de l’appelante présentent un certain attrait initial. Les observations laissent entendre que les décisions Hogervorst et Pentney permettraient au Tribunal de ne pas tenir compte du défaut de l’appelante de démontrer une intention constante de demander une révision ou d’y accorder si peu de poids que le défaut ne serait pas déterminant. Toutefois, une analyse plus approfondie des décisions Hogervorst et Pentney révèle qu’elles ne portaient pas sur une évaluation reposant sur l’article 74.1 du Règlement sur le RPC. Ces affaires découlaient de l’évaluation d’un appel tardif à un tribunal de révision, plutôt que d’une demande de révision tardive présentée à l’intimé. Bien que les critères d’évaluation cités dans ces deux affaires soient essentiellement identiques aux critères de l’article 74.1, les critères d’évaluation proviennent de la common law. Les critères d’évaluation cités dans les décisions Hogervorst et Pentney n’ont aucun fondement législatif.

[68]  Par conséquent, le contexte des décisions Hogervorst et Pentney est complètement différent. Les critères en l’espèce sont tirés directement de l’article 74.1 du Règlement sur le RPC. Il était loisible au législateur d’indiquer que des poids variables pouvaient être accordés à chacun des critères. De même, il aurait pu préciser qu’il n’était pas strictement nécessaire de satisfaire à chacun des volets du critère. Toutefois, le législateur a choisi de ne faire ni l’une ni l’autre de ces choses.

[69] Le Tribunal est une création de la loi et, à ce titre, il n’a que les pouvoirs qui lui sont conférés par sa loi habilitante. Le Tribunal est tenu d’interpréter et d’appliquer les dispositions du Régime de pensions du Canada et de ses règlements. Il ne peut pas modifier les exigences qui sont énoncées dans la loi. Plus particulièrement, il ne peut appliquer des principes (comme ceux qui sont énoncés dans Hogervorst et Pentney) qui sont dérivés de la common law pour une situation à une situation différente qui est expressément prévue par la loi applicable. Par conséquent, malgré l’attrait que présente l’argument de l’appelante, le Tribunal ne peut accorder une prolongation en vertu de l’article 74.1 du Règlement sur le RPC si l’un des critères de cette disposition n’est pas respecté. De même, le Tribunal ne peut attribuer des poids différents aux critères énoncés à l’article 74.1 du Règlement sur le RPC. Pour qu’une prolongation soit accordée, il faut que l’appelante ait satisfait à tous les critères.

Conclusion de l’évaluation du Tribunal

[70] Comme le Tribunal a conclu que l’appelante n’a pas démontré qu’elle avait une intention constante de demander une révision, l’appelante n’a pas satisfait à tous les critères énoncés à l’article 74.1 du Règlement sur le RPC. Pour les motifs exposés précédemment, les principes énoncés dans Hogervorst et Pentney ne s’appliquent pas en l’espèce. Par conséquent, une prolongation de délai ne peut être accordée pour la demande de révision de l’appelante.

Conclusions générales

[71] Le Tribunal conclut que l’intimé n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire de manière judiciaire en réponse à la demande de prolongation de délai de l’appelante pour demander une révision de la décision de 2010. Par suite de cette conclusion, le Tribunal a dû tirer lui-même une conclusion sur la demande de prolongation de délai. Toutefois, compte tenu de la preuve et des observations dont il dispose, le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas satisfait à tous les critères énoncés à l’article 74.1 du Règlement sur le RPC et qu’elle ne pouvait donc pas obtenir une prolongation du délai pour demander une révision de la décision.

[72] L’appel est rejeté.

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