Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 6 novembre 2015. L’appelante a prétendu être invalide en raison de douleurs lombaires chroniques, d’une discopathie dégénérative, d’une bronchopneumopathie chronique obstructive et d’une diverticulite. L’intimé a rejeté cette demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit répondre aux exigences prévues par le RPC. Plus précisément, elle doit être déclarée invalide au sens du RPC à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date. Le calcul de la PMA est établi en fonction des cotisations de l’appelante au RPC. Le Tribunal estime que la PMA de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2016.

[3] L’audience a eu lieu par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. il manque des renseignements au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  2. ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] Les personnes suivantes ont pris part à l’audience :

Appelante : R. D.

Représentant de l’appelante : David Little

[5] Le Tribunal a décidé que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les motifs énoncés ci-après.

Preuve

[6] L’appelante est actuellement âgée de 56 ans et elle vit dans une maison avec son époux à X, en Ontario. Elle a terminé sa 8e année. Le dernier emploi de l’appelante était à titre de conditionneuse de viande à temps plein chez l’entreprise de services d’alimentation X, d’août 2007 au 18 février 2014. Dans sa demande initiale de prestations d’invalidité du RPC, l’appelante a déclaré ne plus être capable de travailler à partir de cette date en raison d’une douleur dorsale chronique, d’une douleur au cou, d’une douleur abdominale chronique, de nausées fréquentes, de vomissements, de constipation, de douleurs constantes causées par une chirurgie visant à traiter une occlusion intestinale, d’une diverticulite et d’une bronchopneumopathie chronique obstructive. L’appelante n’a pas cherché un emploi ou tenté de se recycler d’une manière quelconque depuis qu’elle a cessé de travailler chez X.

[7] L’appelante a soutenu avoir toujours eu de la difficulté à l’école. Même si elle avançait d’une année à l’autre dans une classe d’études spécialisées dans laquelle elle avait été placée, l’appelante a déclaré avoir progressé d’une année à l’autre sans apprendre quoi que ce soit en réalité. Elle a tenté d’étudier dans des classes d’études secondaires, mais elle a abandonné rapidement parce que ses camarades de classe se moquaient d’elle parce qu’elle ne savait pas comment accomplir le travail. Selon l’appelante, elle est toujours incapable de lire ou d’épeler. Elle a soutenu que sa demande de prestations d’invalidité du RPC a été remplie par son représentant et que la correspondance ultérieure avec le Tribunal a été rédigée par l’appelante, son représentant ou un ami qui transcrivait ce qu’elle dictait.

[8] L’appelante a soutenu avoir touché des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées jusqu’à la mi-quarantaine. Ces prestations ont été suspendues lorsque l’appelante a été accusée de fraude par chèque. C’est à ce moment que l’appelante est retournée en 2004. Elle a trouvé un emploi de conditionneuse de viande, par l’intermédiaire d’une agence de placement temporaire initialement, chez X. L’appelante a décrit son travail comme un emploi très physique demandant de pousser des chariots de viande de manière répétitive, et de soulever des charges et d’atteindre des objets à répétition afin de décrocher la viande suspendue.

[9] Après avoir travaillé chez X pendant environ un an, l’appelante a été embauchée à temps plein. Lorsqu’elle est devenue employée à temps plein, le personnel de la supervision lui a demandé d’effectuer des tâches de bureau et d’opérer les détecteurs de métal. Lorsque l’appelante a essayé de discuter avec son employeur au sujet de ses difficultés avec ces tâches de bureau, elle aurait été ridiculisée. Elle aurait subi ce traitement de façon régulière dans le cadre de son emploi chez X. Elle a soutenu que ses collègues et le personnel de la supervision se moquaient d’elle jusqu’au point où elle devait courir aux toilettes pour pleurer. Si elle avait mal au dos pendant le travail et qu’elle en informait son superviseur, celui‑ci lui disait, en théorie, qu’elle pouvait prendre une pause et qu’une autre personne prendrait le relai, mais on ne l’a jamais fait. L’appelante avait également de la difficulté à opérer et à continuer d’utiliser la machinerie qu’on lui demandait d’utiliser. Cependant, si elle demandait un transfert dans un autre poste, les superviseurs lui criaient après, selon ses dires.

[10] Tout en continuant de travailler, l’appelante a décrit avoir des problèmes d’estomac. À un moment donné, elle a été transportée à l’hôpital et elle y est demeurée pendant trois semaines. Elle a ensuite subi une chirurgie et elle est retournée travailler en août 2013. Sur le plan médical, on lui a conseillé de retourner assumer des tâches légères seulement, mais, selon l’appelant, au deuxième jour de son retour, elle devait assumer son rôle habituel sans avoir droit à des mesures d’adaptation. L’appelante a persévéré pendant six mois chez X jusqu’à ce qu’elle commence à souffrir d’une importante douleur dorsale irradiant jusque dans la jambe en plus d’une douleur abdominale progressive.

[11] L’appelante a déclaré ne pas avoir cherché un emploi depuis février 2014. Cela est en raison d’une douleur abdominale constante, d’une douleur dorsale irradiante et d’étourdissements périodes qui ont causé des chutes. L’appelante a fait l’essai de nombreux médicaments afin de traiter ses symptômes, y compris la morphine, mais ces médicaments ont été peu fructueux. Sa liste actuelle de médicaments comprend le Zantac, l’Apo Amilzide, le Crestor, le Ventolin, le Percocet, le naproxène, le Lyrica, le lactulose, le Serc, le Zoloft et le Breezahalin. Elle a soutenu ne pas avoir été dirigée vers une clinique de traitement de la douleur et ne pas être actuellement traitée par un médecin spécialiste pour ses troubles dorsaux et abdominaux. Selon l’appelante, elle n’a jamais vraiment suivi un traitement pour son dos, à l’exception des médicaments. Elle continue de fumer un demi-paquet de cigarettes par jour.

[12] L’appelante a décrit sa douleur abdominale comme étant une douleur exquise et centrale par intermittence, mais qui dure généralement environ une heure. Sa douleur lombaire a été décrite comme une douleur pongitive traversant le bas du dos et s’irradiant jusqu’au genou droit. La douleur est accentuée en position assise ou debout pendant une période prolongée et elle se produit de façon presque quotidienne. L’appelante peut seulement marcher pendant 10 minutes avant de devoir s’asseoir et elle change constamment de position afin d’essayer d’être confortable. En ce qui concerne ses étourdissements, l’appelante a soutenu que sa médication actuelle a permis d’atténuer ses symptômes. Elle aurait été informée que sa perte d’ouïe est un facteur de ses étourdissements. L’appelante a également décrit des symptômes de dépression continue. Sa dépression a été aggravée par ses ruminations concernant les autres personnes qui se moquaient d’elle, sa mauvaise situation financière et de récents décès dans sa famille. Son médecin de famille lui a prescrit du Zoloft pour traiter sa dépression il y a environ un an, et l’appelante ne pouvait se souvenir si on lui avait prescrit d’autres antidépresseurs avant ce moment-là. Elle n’a pas été dirigée vers des services psychiatriques jusqu’à maintenant.

[13] L’appelante n’a jamais possédé un permis de conduire valide parce qu’elle est incapable de comprendre l’évaluation écrite. Elle fait l’épicerie avec son époux et elle met son poids sur le chariot à ce moment-là. Elle transporte l’épicerie et elle fait la majorité des travaux d’entretien. L’appelante a déclaré être incapable de pousser un aspirateur en raison de son dos. Elle a bel et bien déclaré avoir cessé de travailler en février 2014, principalement en raison de ses douleurs qui s’aggravaient au dos et à l’estomac.

[14] Le dossier d’audience comporte plusieurs rapports médicaux qui ont tous été examinés en détail par le Tribunal.

[15] Le 2 juillet 2014, le Dr Davis, chirurgien généraliste, a déclaré que l’appelante avait subi un transit du grêle dans le passé qui n’avait démontré aucun signe d’obstruction. En concomitance avec un tomodensitogramme, il n’existait aucun moyen de corriger l’inconfort intestinal de l’appelante au moyen d’une chirurgie. Le Dr Davis a recommandé de diriger l’appelante vers une clinique de traitement de la douleur.

[16] Le 16 juillet 2015, le Dr Soric, physiatre, a mené un examen médical indépendant pendant lequel il a souligné que l’appelante se plaignait d’une douleur constante à l’estomac et d’une douleur lombaire secondaire. Elle a souligné que ses symptômes avaient évolué en raison d’une chirurgie intestinale. Jusqu’à ce moment-là, elle n’avait jamais reçu un traitement physique et elle avait plutôt été traitée au moyen de différents médicaments. Le Dr Soric a souligné que l’appelante avait de la difficulté à décrire ses antécédents. Selon son évaluation, il ne pouvait pas recommander des limitations fonctionnelles particulières, mais il a souligné qu’elle était devenue très déconditionnée. L’appelante se considérait comme une personne très invalide. Le Dr Soric ne pouvait pas constater une pathologie physique ou une invalidité physique pouvant empêcher l’appelante d’assumer une occupation. Même si le Dr Soric était d’avis que l’appelante n’avait besoin d’aucun traitement pour sa douleur lombaire, il ne pouvait pas formuler de commentaires sur ses symptômes abdominaux.

[17] Le 26 juin 2016, un examen par IRM de la colonne lombaire n’a pas permis de révéler l’existence d’une discopathie dégénérative grave. Il y avait un léger rétrécissement du foramen intervertébral bilatéral au niveau L5-S1 secondaire à un antélisthésis mineur et à des anomalies bilatérales.

[18] Le 21 décembre 2016, le Dr Maraj, médecin de famille, a déclaré que l’appelante avait été suivie par le Dr Shipley jusqu’en 2015. Elle n’avait pas été dirigée vers un spécialiste en ce qui concerne ses douleurs dorsales parce que le Dr Shipley croyait qu’elle n’en tirerait aucun bénéfice. Étant donné que la cause de l’appelante était maintenant de nature juridique, le Dr Maraj a accepté d’ordonner un examen par IRM de la colonne et de diriger l’appelante vers des spécialistes comme bon lui semble.

[19] Le 23 mai 2017, le Dr Boulton, psychologue, a effectué une évaluation psychoéducationnelle à la demande du représentant de l’appelante. Le Dr Boulton a souligné que l’appelante a abandonné ses études après la huitième année. Elle répondait également aux critères d’une déficience mentale légère et elle était atteinte d’une légère déficience intellectuelle et fonctionnelle. Elle a également répondu aux critères de trouble dépressif majeur et d’anxiété grave. Le Dr Boulton a souligné que la capacité cognitive générale de l’appelante était extrêmement faible en matière de fonctionnement intellectuel.

Observations

[20] L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Selon le Dr Boulton, l’appelante souffre de dépression majeure, d’une déficience intellectuelle légère et de faibles fonctions intellectuelles. Certains des problèmes de validité soulignés pourraient en effet être le résultat des déficiences intellectuelles de l’appelante en ce que concerne sa capacité à s’exprimer, et non manifestement de son effort.
  2. Même si le Dr Davis a dirigé l’appelante vers les services d’une clinique de traitement de la douleur, les médecins de famille de l’appelante, Drs Shipley et Maraj, n’ont pas donné suite à cette recommandation.
  3. Le dossier d’audience renvoie au vertige de l’appelante. Même s’il y a eu un examen médical, ce trouble n’a pas été complètement résolu.
  4. Il existe des antécédents documentés de douleur abdominale qui n’a pas encore été résolue.
  5. Des conclusions objectives ont été soulignées relativement à la colonne lombaire au moyen de radiographies et d’un examen par IRM.
  6. La dépression de l’appelante est probablement de longue date et elle a été soulignée par le Dr Maraj. L’appelante prenait des médicaments pour ce trouble en 2016.
  7. Tous les troubles physiques de l’appelante devraient être pris en considération à la lumière des conclusions du Dr Boulton.
  8. L’appelante a seulement occupé des emplois exigeants sur le plan physique. Elle ne possède aucune capacité de lecture et d’écriture et elle se heurte à de grands obstacles en matière d’emploi.

[21] L’intimé a soutenu que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité, pour les raisons suivantes :

  1. L’appelante a des problèmes de longue date relativement à la douleur abdominale, y compris les interventions chirurgicales. Même si elle avait besoin d’une période de récupération prolongée en 2013, elle a pleinement récupéré sans avoir de problèmes résiduels en raison de la chirurgie.
  2. L’examen par IRM de la colonne lombaire effectué en juin 2016 n’a pas permis de révéler la présence d’une discopathie dégénérative grave. Rien ne preuve qu’elle a eu besoin d’un traitement ou d’un suivi relativement à sa douleur dorsale.
  3. En ce qui concerne la bronchopneumopathie chronique obstructive de l’appelante, les radiographies révèlent un surgonflement léger, mais aucune maladie pulmonaire active.
  4. L’évaluation psychoéducationnelle effectuée par le Dr Boulton était à la demande du représentant de l’appelante. Bien que le rapport soit informatif, les rapports cumulatifs versés au dossier n’appuient pas la présence d’un trouble physique ou mental grave qui empêcherait l’appelante de détenir n’importe quel emploi.
  5. En juillet 2015, un physiatre était d’avis que l’appelante pouvait occuper son emploi ou en détenir un autre.
  6. L’appelante ne suit aucun traitement actif, à l’exception des analgésiques, et il lui a été suggéré de fréquenter une clinique de traitement de la douleur.

Analyse

Critères d’admissibilité à une pension d’invalidité

[22] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou selon le principe qu’il est plus probable que le contraire, qu’elle était invalide au sens du RPC à la date de fin de sa PMA ou avant cette date.

[23] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne reçoit pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[24] Aux termes de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour qu’une personne soit considérée comme invalide, elle doit être déclarée atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une invalidité n’est grave que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

Caractère grave

[25] Le Tribunal estime que l’appelante est crédible. Elle a témoigné de façon directe et a répondu aux questions liées à ses antécédents en matière d’emploi et de santé, et elle a expliqué l’incidence que ses problèmes avaient sur sa vie quotidienne.

[26] Le critère de gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. L’appelante est actuellement âgée de 56 ans. Elle a terminé sa huitième année dans un programme d’éducation spécialisée en raison de troubles d’apprentissage. Bien que l’appelante parle couramment l’anglais, sa capacité de lecture ou d’écriture est très limitée. De plus, elle ne possède pas de compétences transférables en raison de l’uniformité de son emploi en tant que travailleuse non qualifiée. Compte tenu de l’âge, de l’absence de compétences transférables, de l’instruction très limitée, des déficiences intellectuelles diagnostiquées et des limitations fonctionnelles de l’appelante, le Tribunal estime que celle-ci ne serait pas une bonne candidate en vue d’un recyclage professionnel ou d’un emploi sédentaire.

[27] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité d’une personne d’accomplir son travail régulier, mais plutôt sur son incapacité d’accomplir un travail, c’est-à-dire une occupation véritablement rémunératrice (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33). Le Tribunal a accordé beaucoup d’importance au témoignage de vive voix et à l’évaluation psychoéducationnelle récente du Dr Boulton étant donné que ceux-ci sont éloquents quant à l’état de santé global de l’appelante.

[28] Le Tribunal ne pénalise pas l’appelante en soi en raison de l’absence de conclusions objectives manifestes jusqu’à maintenant au moyen de tests de diagnostic traditionnels. Selon le médecin de famille de l’appelante, à la date de fin de sa PMA, elle avait reçu le diagnostic de discopathie dégénérative légère dans la colonne lombaire, de douleur abdominale et de nausées. L’origine n’avait pas été déterminée malgré l’examen. Étant donné ces conclusions objectives limitées et parce que l’appelante a signalé de façon uniforme la douleur dorsale et la douleur abdominale comme étant les principaux troubles minant sa capacité de travailler, le Tribunal a attentivement tenu compte de l’incidence des symptômes de douleur chronique de l’appelante sur sa vie quotidienne.

[29] Le Tribunal estime que l’appelante se heurte à une myriade d’obstacles limitant la possibilité d’un emploi réaliste. Elle doit se fier sur son époux pour effectuer les tâches ménagères et d’entretien, car elle est incapable de pousser ou de tirer des objets, même un aspirateur. L’appelante ne possède aucun permis de conduire valide parce qu’elle est incapable de lire ou de comprendre les questions formulées dans un examen écrit. Cette compréhension de lecture et cette capacité de lecture limitée ont été davantage mises en exemple dans le cadre du témoignage de vive voix, qui a permis de révéler que l’appelante se fiait sur son représentant et des amis pour produire les communications écrites au Tribunal, ce qui comprend sa demande initiale de prestations d’invalidité du RPC. L’appelante a démontré une difficulté à accomplir des tâches complexes et les tâches exigeant une communication écrite ou une capacité de compréhension de lecture dans son milieu de travail. Même si le Tribunal reconnait que l’examen effectué par le Dr Boulton était à la demande du représentant de l’appelante, le Tribunal estime que le rapport était éloquent en ce qui concerne l’incidence du léger trouble mental et de la légère incapacité mentale et fonctionnelle de l’appelante sur ses symptômes physiques associés.

[30] Le Tribunal estime que l’appelante s’est conformée au traitement. Même s’il lui a été recommandé une fois de se présenter à une clinique de traitement de la douleur, le médecin de famille de l’appelante n’a fait aucun suivi de manière délibérée. Le Tribunal ne pénalise pas l’appelante en raison d’une absence de renvois vers des spécialistes pour ses troubles physiques ou psychologiques ou en raison de l’absence de recommandation d’options de traitement physique. Les médecins de famille de l’appelante ont jugé qu’il était adéquat de traiter ces troubles au moyen de grandes quantités de médicaments et de nombreux essais, ce qui a eu un succès limité.

[31] En ce qui concerne le rapport produit par le Dr Soric en 2015 selon lequel l’appelante pouvait retourner assumer ses tâches régulières de travail, le Dr Soric a fondé son avis seulement sur son examen du dos de l’appelante. Il n’a pas tenu compte de sa capacité intellectuelle, de son trouble abdominal, de ses étourdissements ou de sa dépression. Par conséquent, le Tribunal a accordé peu d’importance à ce rapport pour apprécier la capacité de l’appelante à régulièrement détenir un emploi véritablement rémunérateur.

[32] Lorsqu’il existe des preuves de capacité au travail, l’appelante doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (P.G)), 2003 CAF 117). Le témoignage de vive voix a permis de révéler que l’appelante a seulement occupé des emplois de travailleuse non qualifiée dans des rôles exigeants sur le plan physique, et plus récemment à titre de conditionneuse de viande à temps plein. Peu après avoir été embauchée à temps plein chez X, elle a tenté d’effectuer un emploi de bureau subalterne. L’appelante a été dépassée par les tâches simples et sédentaires en raison de ses capacités intellectuelles et de ses aptitudes de compréhension limitées. En 2013, elle a été hospitalisée et elle a subi une chirurgie intestinale qui a nécessité une absence prolongée du milieu de travail. Elle a tenté de retourner occuper des tâches légères, mais son employeur n’a pas respecté cette recommandation, et en raison de symptômes qui s’aggravaient, l’appelante a dû quitter le milieu de travail en février 2014. Même si l’appelante n’a pas cherché à obtenir un autre emploi, le Tribunal accepte le témoignage de vive voix selon laquelle l’état de santé de l’appelante ne s’est pas amélioré au point de lui permettre d’être en mesure de le faire. Elle a continué d’occuper le seul rôle pour lequel elle était qualifiée selon ses études et son expérience aussi longtemps qu’elle le pouvait, probablement à son propre détriment sur le plan psychologique et physique. En se fondant sur les efforts infructueux de l’appelante pour conserver son rôle de travailleuse physique et assumer des tâches administratives et sédentaires de niveau élémentaire, le Tribunal estime que l’état de santé global de l’appelante, ce qui comprend ses fonctions psychologiques, intellectuelles et physiques, l’empêche d’obtenir et de conserver un emploi.

[33] L’état d’une partie requérante doit être apprécié dans son ensemble. Il faut tenir compte de tous les handicaps possibles, et non seulement des plus gros handicaps ou du handicap principal (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47). Les troubles individuels de l’appelante ne pourraient pas rendre son état grave au sens du RPC au cours d’une appréciation distincte. Cependant, si on tient compte de la douleur dorsale irradiante, de la dépression majeure, de la douleur abdominale chronique et idiopathique, des étourdissements et de la déficience intellectuelle légère de façon cumulative, le Tribunal estime que l’appelante est incapable de détenir un emploi régulier et véritablement rémunérateur, et ce, de manière convaincante.

[34] En tenant compte de la preuve présentée, le Tribunal estime que, selon la prépondérance des probabilités, l’appelante est atteinte d’une invalidité grave au sens du RPC.

Caractère prolongé

[35] Le Tribunal estime également que l’invalidité de l’appelante est prolongée. Elle souffre de douleurs chroniques à l’abdomen et au dos depuis au moins 2013. Ses déficiences intellectuelles et ses troubles d’apprentissage ont toujours été présents. Malgré de nombreux essais de médicaments et une intervention chirurgicale afin d’atténuer ses principaux troubles, il y a eu peu d’améliorations jusqu’à maintenant. Étant donné le caractère chronique des symptômes de l’appelante et l’absence d’améliorations importantes, le Tribunal estime qu’il est peu possible que son état de santé global s’améliore au point où elle pourrait détenir à nouveau et régulièrement un emploi véritablement rémunérateur.

Conclusion

[36] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en février 2014, lorsqu’elle a cessé de travailler. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (RPC, al. 42(2)b)). Comme la demande a été reçue en novembre 2015, l’appelante est réputée être devenue invalide en août 2014. Selon l’article 69 du RPC, la pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité réputée. Les paiements doivent donc commencer en décembre 2014.

[37] L’appel est accueilli.

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