Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1]Le 23 décembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu qu’une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) n’était pas payable.

[2] La demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) incomplète à la division d’appel du Tribunal et cette demande a été reçue le 7 mars 2017. Le Tribunal a reçu une observation additionnelle de la demanderesse en réponse à sa lettre datée du 16 juin 2017. Par conséquent, la demande a été présentée après le délai de 90 jours.

Question en litige

[3] La division d’appel doit décider si elle accorde une prorogation du délai pour le dépôt de la demande de permission d’en appeler, et si la prorogation est accordée, elle doit aussi décider si l’appel a une chance raisonnable de succès dans le but d’accorder ou non la permission d’interjeter appel.

Droit applicable

Respect des délais

[4] Pour les décisions du RPC, l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) établit qu’une demanderesse doit présenter une demande de permission d’en appeler à la division d’appel dans les 90 jours suivants la date à laquelle le Tribunal a communiqué la décision à la demanderesse (délai de 90 jours). Selon le paragraphe 57(2) de la LMEDS, la division d’appel peut proroger le délai pour qu’une demanderesse puisse déposer une demande de permission d’en appeler, mais en aucun cas une demande ne peut être présentée plus d’un an après la date à laquelle le Tribunal communiqua sa décision à la demanderesse (délai d’un an).

[5] La division d’appel peut accorder une prorogation du délai pour une demande qui a été présentée après le délai de 90 jours, mais avant que celui d’un an soit écoulé comme prévu dans la LMEDS. Il existe quatre critères qui devraient être pris en considération (voir Canada (Ministre du Développement des Ressources Humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883) :

  • il y a une intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  • la cause est défendable;
  • le retard a été raisonnablement expliqué;
  • la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie.

[6] La prépondérance qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’arrêt Gattellaro variera selon les circonstances et, dans certains cas, d’autres facteurs seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice (voir Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204).

Permission d’en appeler

[7] Au titre des paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[8] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Une cause défendable en droit en est une qui a une chance raisonnable de succès (voir Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[9] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

Respect des délais

[10] La demanderesse soutient que son application était en retard parce que le Tribunal lui avait envoyé le mauvais formulaire et la documentation incorrecte.

Permission d’en appeler

a) Allégations d’erreur pour ne pas avoir observé les principes de justice naturelle lors de l’audience téléphonique

[11]  La demanderesse fait valoir que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle conformément à l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS. Elle indiqua qu’elle avait [traduction] « été jugée injustement et traitée de manière horrible par la personne [elle] qui lui avait parlé au téléphone le 20 décembre 2016. » La demanderesse indiqua que durant l’audience téléphonique, le membre de la division générale [traduction] « était extrêmement impoli, l’interrompait continuellement et criait après elle. » [Elle] était tellement bouleversée et avait été en pleurs durant la majeure partie de l’appel téléphonique. »

b) Preuve liée à l’invalidité

[12] La demanderesse a aussi présenté un document qui semble avoir été complété par Dr Ibrahim (un urologue). Le document, une attestation liée au crédit d’impôt pour invalidité, n’est pas daté. La demanderesse soutient que ce document contribue à établir une invalidité qui la rend admissible à une pension d’invalidité.

Analyse

Respect des délais

[13] La demande de permission d’en appeler de la demanderesse a été présentée en retard. La demanderesse n’est pas représentée et a déposé initialement sa demande de permission d’interjeter appel le 7 mars 2017, ce qui est clairement dans le délai de 90 jours prévu par la LMEDS. Toutefois, la demande initiale était incomplète et lorsque le Tribunal lui demanda des renseignements additionnels dans une lettre intitulée « Demande de permission d’en appeler incomplète — Mauvais formulaire/Motifs d’appel insuffisants » (lettre de demande incomplète), la demanderesse ne fournit pas d’autre information avant le 16 juin 2017, ce qui est au-delà du délai de 90 jours, mais à l’intérieur du délai d’un an. C’était aussi au-delà du délai de 30 jours que le Tribunal alloue aux demandeurs pour qu’ils répondent aux lettres de demande de renseignements.

[14] La division d’appel est convaincue que la demanderesse avait une intention constante de poursuivre l’appel, comme l’indiqué sa demande initiale présentée à temps et sa tentative de répondre dans un délai raisonnable à la lettre du Tribunal signalant la demande incomplète.

[15] Il semble y avoir une explication raisonnable pour au moins une partie du retard en l’espèce. La demanderesse n’est pas représentée et elle soutient que le retard était dû au fait que le Tribunal lui avait fourni le mauvais formulaire. La demanderesse a reçu la lettre, car le Tribunal avait besoin de plus de renseignements sur les moyens d’appel et sur son observation de savoir si elle avait ou non une chance raisonnable de succès, et parce qu’elle avait utilisé le mauvais formulaire lorsqu’elle a présenté sa demande incomplète. À partir des observations initiales et incomplètes de la demanderesse présentées au Tribunal, la division générale en déduit que celle-ci n’avait pas toujours compris tout ce que le Tribunal lui communiquait. Par conséquent et à un certain point, cette confusion fournit une explication raisonnable pour le retard en l’espèce.

[16] Le Tribunal n’a pas identifié de préjudice qu’une prorogation du délai entraînerait pour le défendeur. Le délai n’est pas si important en durée pour qu’il puisse nuire à la capacité du défendeur de réagir à l’appel si la permission d’en appeler était accordée. De toute manière, la participation du défendeur dans un éventuel appel, déterminant s’il y avait eu ou non manquement à la justice naturelle lors de l’audience, se traduirait probablement par des observations plutôt que par des éléments de preuve (car le défendeur n’était pas présent à l’audience de la division générale).

[17] La question soulève une cause défendable du fait qu’il y a une chance raisonnable qu’un manquement à la justice naturelle puisse survenir à une audience par téléconférence si une demanderesse qui n’est pas représentée est interrompue suffisamment durant son témoignage pour entraîner une violation de son droit d’être entendue. La Cour d’appel fédérale a déterminé que la question de savoir si une partie dispose d’une cause défendable en droit revient à se demander si cette partie a une chance raisonnable de succès d’un point de vue juridique (voir Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41; Fancy c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 63).

[18] En considérant chacun de ces quatre facteurs, la division d’appel accorde une prorogation du délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

Permission d’en appeler

a) Allégations d’erreur pour ne pas avoir observé les principes de justice naturelle lors de l’audience téléphonique

[19] La demanderesse prétend que la division générale n’a pas observé les principes de justice naturelle lors de son audience téléphonique, et par conséquent elle demande une permission d’interjeter appel selon l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS. Plus précisément, la demanderesse fait valoir que le membre de la division générale était impoli, avait crié après elle, l’avait interrompue et qu’elle pleurait durant l’audience.

[20] Le droit d’être entendue est un principe essentiel de justice naturelle et la demanderesse avait le droit durant son audience téléphonique de livrer son témoignage sur les questions pertinentes. Elle avait aussi droit à un décideur indépendant qui est impartial et autonome par rapport aux questions et aux parties à l’appel. La Cour suprême du Canada a indiqué qu’une partie de l’obligation d’agir équitablement est d’assurer le droit d’être entendu (voir Therrien (Re), 2001 SCC 35). Le droit d’être entendu donne à une personne a la chance de répondre aux questions qui lui sont posées et de livrer un témoignage sur chacun des faits ou des facteurs qui peuvent avoir une incidence sur la décision (voir le paragraphe 15 de l’arrêt Kouama c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 9008 (CF)).

[20] Si l’impolitesse ou les interruptions desquelles la demanderesse dit avoir été victime ont eu une incidence sur sa capacité à livrer un témoignage ou en quelque sorte ont camouflé un manque de neutralité de la part du membre de la division générale, alors ceci peut soulever une cause défendable pour une erreur conformément à l’alinéa 58(1)b).

b) Preuve liée à l’invalidité

[22] La demanderesse n’a pas invoqué de moyen d’appel prévu au paragraphe 58(1) de la LMEDS en lien avec son témoignage. La division d’appel a examiné le dossier et elle conclut que le document de crédit d’impôt pour invalidité sur lequel la demanderesse veut s’appuyer est nouveau et n’avait pas été présenté à la division générale. Généralement, la division d’appel n’examine pas de nouveaux éléments de preuve (voir Mette c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276) et elle n’instruit pas à nouveau sur le fond une affaire non fondée sur un moyen d’appel. Le document de la demanderesse concernant le crédit d’impôt ne sera pas considéré, car c’est un nouvel élément de preuve qui ne relève d’aucune exception qui permettrait à la division d’appel de le prendre en considération. L’observation générale, présentant la demanderesse comme étant une personne ayant une invalidité, n’est pas reliée à aucun moyen d’appel prévu au paragraphe 58(1) de la LMEDS et ne peut appuyer une demande de permission d’en appeler.

Conclusion

[23] La demande de prorogation du délai pour interjeter appel et la demande de permission d’en appeler sont toutes deux accueillies.

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