Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Introduction

[1] Le défunt G. F., un cotisant au Régime de pension du Canada (RPC), est décédé en avril 2015. La demanderesse en l’espèce est sa succession qui est représentée par sa veuve, L. F. Elle souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Après avoir examiné le dossier documentaire, la division générale détermina que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité parce qu’elle a jugé que l’invalidité du cotisant décédé n’était pas « grave » avant le 1er décembre 2013, date à laquelle il commença à recevoir sa pension de retraite du RPC.

[2] Le 3 avril 2017, dans les délais prescrits, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal qui détaillait de prétendus moyens d’appel.

Aperçu

[3] Monsieur G. F., le cotisant décédé, était né en novembre 1953 et avait de longs antécédents de travail, avec plus de 40 années de gains ouvrant droit à pension et de cotisations valides au titre du RPC. Le dossier d’audience indique qu’il a commencé à recevoir une pension de retraite anticipée du RPC en décembre 2013, juste après qu’il ait eu 60 ans. Le 5 novembre 2014, il fit la demande pour une pension d’invalidité du RPC. Il affirma qu’il était devenu incapable de faire son travail comme conducteur-propriétaire d’un camion de transport en juillet 2014 lorsqu’il avait commencé à avoir des douleurs graves au dos et au bassin. Il avait ensuite reçu un diagnostic de cancer métastatique. Par la suite, il demanda une cessation de sa pension de retraite pour qu’elle soit remplacée par une pension d’invalidité du RPC.

[4] Dans sa lettre de refus initiale datée du 14 novembre 2014, le défendeur avisa le cotisant décédé qu’il n’était pas admissible à une pension d’invalidité, car le RPC ne permet pas à une personne de recevoir une pension de retraite anticipée ainsi qu’une pension d’invalidité au même moment. Le défendeur a aussi mentionné le manque d’éléments de preuve indiquant qu’il souffrait qu’une invalidité grave et prolongée avant le 1er décembre 2013.

[5] Le 30 janvier 2015, le cotisant décédé fit la demande d’une révision, mais le défendeur refusa encore la demande dans une lettre datée du 13 avril 2015. La demanderesse a interjeté appel de cette décision auprès de la division générale le 26 janvier 2016.

[6] Dans une décision datée du 10 janvier 2017, la division générale a rejeté l’appel de la demanderesse. Après avoir examiné la preuve médicale, la division générale n’était pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que le cotisant décédé souffrait d’une invalidité grave selon les critères du RPC en novembre 2013 ou avant.

Droit applicable

Régime de pensions du Canada

[7] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une telle pension, un requérant doit :

  1. (a) avoir moins de soixante-cinq ans;
  2. (b) ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
  3. (c) être invalide;
  4. (d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[8] L’exigence selon laquelle la demanderesse ne doit pas toucher une pension de retraite du RPC figure aussi au paragraphe 70(3) du RPC, où il est énoncé qu’une fois qu’une personne commence à recevoir une pension de retraite du RPC, elle ne peut en aucun temps demander ni redemander une pension d’invalidité. Il y a une exception à cette disposition à l’article 66.1 du RPC.

[9] L’article 66.1 du RPC et l’article 46.2 du Règlement sur le Régime de pension du Canada (Règlement sur le RPC) autorisent un bénéficiaire à demander la cessation d’une prestation déjà versée, si la demande de cessation de la prestation est présentée par écrit, dans les six mois suivants le début du paiement de la prestation.

[10] Si une personne ne demande pas la cessation d’une prestation dans les six mois suivants le début du paiement, la seule façon de remplacer une pension de retraite par une prestation d’invalidité est dans le cas où la personne est réputée être devenue invalide avant le mois où elle a commencé à toucher sa pension de retraite (paragraphe 66.1(1.1) du RPC).

[11] Le paragraphe 66.1(1.1) du RPC doit être lu en parallèle avec l’alinéa 42(2)b) de cette même loi, lequel prévoit qu’une personne ne peut être réputée invalide à une date antérieure de plus de quinze mois à la date à laquelle le défendeur a reçu la demande de pension d’invalidité. En vertu de l’article 69 du RPC, les versements commencent à compter du quatrième mois qui suit la date du début de l’invalidité.

[12] Ces dispositions ont pour conséquence que le RPC ne permet pas de remplacer une pension de retraite par une pension d’invalidité lorsque la demande de pension d’invalidité est présentée quinze mois ou plus après le moment où la pension de retraite a commencé à être payée.

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[13] Conformément aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission.

[14] Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[15] Selon le paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[16] Pour que la permission d’en appeler soit accordée, il faut qu’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel : Kerth c. CanadaNote de bas de page 1. Par ailleurs, la Cour d’appel fédérale a conclu que la question de savoir une cause défendable en droit revient à se demander si un appel une chance raisonnable de succès sur le plan juridique : Fancy c. CanadaNote de bas de page 2.

[17] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est un premier obstacle que la demanderesse doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse n’a pas à prouver sa thèse.

Question en litige

[18] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès?

Observations

[19] La demanderesse est représentée par la veuve du cotisant décédé. Dans la demande de permission d’en appeler, madame L. F. soutient que la division générale ne suivit pas les règles présentées sur le site internet du RPC traitant d’invaliditéNote de bas de page 3, et qui se lisent comme suit :

[traduction]

Si vous êtes âgé de 60 à 64 ans et que vous pensez pouvoir être admissible à une pension d’invalidité du RPC, vous pourriez aussi vouloir faire la demande d’une pension de retraite du RPC. Bien que vous ne pouvez pas bénéficier des deux pensions au même moment, vous pourriez être admissible à la pension de retraite pendant que vous attendez pour que votre demande de pension d’invalidité soit examinée, ce qui prend généralement plus de temps.

Si vous recevez déjà une pension de retraire du RPC lorsque votre demande de pension d’invalidité est approuvée, nous transférerons votre pension de retraite à une pension d’invalidité si :

  • vous avez encore moins de 65 ans;
  • vous étiez toujours réputé invalide, comme défini par le RPC, avant la date réelle de votre retraite;
  • vous receviez votre pension de retraite depuis moins de 15 mois au moment où vous avez fait la demande de pension d’invalidité;
  • vous satisfaites aux exigences minimales de cotisations.

[20] La demanderesse voit une contradiction entre les renseignements donnés au public et l’alinéa 44(1)b) du RPC :

[traduction]

[S]elon le site internet, vous pouvez toucher une pension de retraite du RPC et une pension d’invalidité du RPC particulièrement si vous faites la demande pour les deux pensions au même moment... Mon mari avait moins de 65 ans et il était invalide. Mon mari avait un cancer des os, du cerveau et du poumon (il ne pensait pas qu’il pouvait être admissible) et il avait reçu un diagnostic d’un chirurgien après avoir passé un examen par IRM le 7 octobre 2014.

[21] La demanderesse indique que le cotisant décédé satisfaisait aux exigences de minimales relatives aux cotisations et qu’il recevait sa pension de retraite depuis moins de 15 mois au moment où il a fait la demande d’une pension d’invalidité. Il n’était pas malade en novembre 2013 lorsqu’il a fait la demande d’une pension de retraite du RPC. Lorsqu’il a fait une demande de pension d’invalidité en novembre 2014, il dit qu’il ne pouvait plus travailler depuis le 28 juillet 2014. Toutefois à cette date, il ne savait pas qu’il avait le cancer pour lequel il ne reçut un diagnostic que le 7 octobre 2014. Cependant, en juillet 2004, il avait des douleurs graves dans son bassin et il pouvait à peine marcher, s’asseoir ou s’étendre. La division générale commit une erreur en laissant sous-entendre que, puisqu’il n’était pas malade avant novembre 2013, son invalidité n’était pas grave.

[22] La demanderesse fait aussi valoir que le RPC fait preuve de discrimination envers les personnes âgées qui demandent leur pension de retraite à 60 ans. Madame L. F. ajoute que le RPC devrait être modifié pour permettre aux bénéficiaires de transférer rétrospectivement leur pension de retraite anticipée à une pension d’invalidité s’ils deviennent gravement malades.

Analyse

[23] Bien que je reconnaisse que les motifs de la division générale étaient brefs et qu’ils n’associaient pas de façon explicite la décision de rejet à toutes les dispositions législatives applicables, je suis convaincu que l’issue qui en découle était correcte. La division générale rejeta l’appel de la demanderesse essentiellement parce que le cotisant décédé travaillait encore à temps plein comme conducteur de camion en décembre 2013, soit le mois avant qu’il commence à recevoir sa pension de retraite. Dans sa demande de pension d’invalidité, le défunt monsieur G. F. déclara qu’il avait été capable de travailler jusqu’en juillet 2014, lorsque les symptômes de son cancer, non diagnostiqué à ce moment-là, l’avaient forcé à abandonner son emploi.

[24] J’ai examiné la décision pour déterminer si elle renferme un moyen qui pourrait avoir un succès en appel et je ne constate pas que la division générale a manqué à un principe de justice naturelle ou a commis une erreur de fait ou de droit. La division générale avait examiné les éléments de preuve disponibles et ne trouva rien qui ait empêché le cotisant décédé à travailler durant sa période d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC, période qui prit fin le 30 novembre 2013. Par ailleurs, rien n’indique que le cotisant décédé annula sa pension de retraite en faveur d’une pension d’invalidité dans le délai de 6 mois prévu par les articles 66.1 du RPC et 46.2 du Règlement du RPC.

[25] Conformément au paragraphe 66.1(1.1), le cotisant décédé aurait pu être admissible à une pension d’invalidité seulement s’il avait été réputé invalide avant décembre 2013, soit le mois où sa pension de retraite a commencé à être payée. Comme discuté, la division générale ne trouva aucun élément de preuve indiquant que le cotisant décédé était invalide à cette période. À mon avis, considérant les éléments de preuve médicale et les antécédents de travail de monsieur G. F., cette conclusion est défendable, et je ne vois aucune chance raisonnable de succès à l’appel selon les motifs soulevés par la demanderesse.

[26] De surcroît, conformément à l’alinéa 42(2)b), août 2013 était le moment le plus tôt où le cotisant décédé aurait pu être réputé invalide, soit 15 mois avant que sa demande de pension d’invalidité soit présentée. Par conséquent, selon l’article 69 du RPC, la date la plus hâtive de paiement potentiel pour une pension d’invalidité aurait été décembre 2013, soit quatre mois après la réputée date de l’invalidité. Il se trouve que décembre 2013 était aussi la première date de paiement de la pension de retraite anticipée du cotisant décédé.

[27] La demanderesse ajoute que l’information sur le site du gouvernement contredit les dispositions législatives relatives au recoupement entre les pensions de retraite et d’invalidité du RPC. Il s’avère que je ne suis pas du même avis. Toutefois, je reconnais que le site internet ne rend pas totalement la complexité de la loi, omettant par exemple toute mention du délai de 6 mois prévu à l’article 66.1 du RPC pour annuler une pension de retraite et la remplacer par une pension d’invalidité. Le site internet indique que le gouvernement [traduction] « transférera votre pension de retraite à une pension d’invalidité si [...] vous êtes réputé invalide comme défini par le RPC avant la date réelle de votre retraite. » En l’espèce, le défendeur et ensuite la division générale ne trouvèrent pas d’éléments de preuve permettant de reconnaître que le cotisant décédé était invalide avant la date réelle de sa retraite. De toute manière, peu importe ce que le site internet contient, ce texte n’est pas la loi, mais un guide informel pour le public qui ne peut servir d’appui à un processus de négociations de demande faite auprès RPC.

[28] La demanderesse insista sur le fait que le cotisant décédé satisfaisait aux critères d’invalidité de la loi et elle indiqua qu’il était finalement décédé de sa maladie terminale. La demanderesse est clairement en désaccord avec les dispositions du RPC qui limitent la possibilité d’un bénéficiaire d’une pension de retraite anticipée à l’annuler en faveur d’une pension d’invalidité. Toutefois, le Tribunal, tant la division générale et que la division d’appel, est tenu d’appliquer la loi comme elle est formulée, peu importe si ça semble injuste. Si la demanderesse me demande d’appliquer le critère d’équité et d’infirmer la décision de la division générale, je dois souligner que je ne dispose pas du pouvoir discrétionnaire pour le faire et je ne peux qu’exercer les compétences qui me sont conférées par la loi constitutive de la division d’appel. Un appui à cette position se retrouve, entre autres, dans l’arrêt Pincombe c. CanadaNote de bas de page 4 qui établit qu’un tribunal administratif n’est pas une cour, mais un décideur prévu par la loi, et par conséquent qu’il n’a pas la compétence d’accorder une quelconque forme de réparation équitable.

Conclusion

[29] Le paragraphe 66.1(1.1) du RPC prévoit que la cessation d’une prestation de retraite et son remplacement par une pension d’invalidité est possible seulement lorsque le demandeur est réputé être devenu invalide avant qu’il ait commencé à toucher sa prestation de retraite. La demanderesse n’a pas contesté que la loi exige qu’elle démontre que son défunt mari était devenu invalide avant le 1er décembre 2013 et elle n’a pas présenté des éléments de preuve pour démontrer qu’il avait annulé sa prestation de retraite anticipée pendant les six mois prescrits.

[30] Par conséquent, la demande de permission d’interjeter appel est rejetée.

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