Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 14 juin 2016 rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), laquelle concluait qu’elle était inadmissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’en appeler à la division d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[3] L’utilisation du mot « seuls » au paragraphe 58(1) signifie qu’aucun autre moyen d’appel ne peut être accepté : Belo-Alves c. Canada (Procureur général), [2015] 4 RCF 108, 2014 CF 1100, paragraphe 72.

[4] Conformément au paragraphe 56(1) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. L’exigence relative à l’obtention de la permission d’en appeler devant la division d’appel vise à rejeter les appels qui n’ont aucune chance raisonnable de succès : Bossé c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1142, paragraphe 34. Dans ce contexte, une chance raisonnable de succès revient à « soulever des motifs défendables qui pourraient éventuellement donner gain de cause à l’appel » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, paragraphe 12.

Observations

[5] Le représentant de la demanderesse soutient que la division générale [traduction] « a commis une erreur en ne considérant pas l’ensemble de la preuve et des éléments qui dont elle était saisie lorsqu’elle a déterminé que l’appelante [en l’espèce, la demanderesse] n’était pas admissible à une pension d’invaliditéNote de bas de page 1 ». Le représentant soutient que [traduction] « de nombreux rapports indiquaient que l’appelante était incapable de travailler à cause de son problème de santéNote de bas de page 2 ». Si cette allégation s’avère vraie, cela constituerait une erreur au sens de l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

[6] Le représentant soutient également que le membre n’a pas appliqué correctement le contexte « réaliste » décrit par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248 [Villani]Note de bas de page 3. Si cette allégation se révèle vraie, cela pourrait constituer une erreur de droit relevant de l’alinéa 58(1)b) de la LMEDS ou une erreur mixte de fait et de droit relevant de l’alinéa 58(1)c) de la LMEDS.

[7] Finalement, le représentant affirme ce qui suit : [traduction] « Comme le permettent l’équité et la justice naturelle, l’appelante a droit à une audience impartiale pour qu’elle puisse faire la preuve de son invaliditéNote de bas de page 4 ». Si cette allégation s’avère vraie, cela constituerait un manquement à un principe de justice naturelle au titre de l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS.

[8] Le défendeur a reçu une copie de la demande de permission d’en appeler. Il n’a présenté aucune observation relativement à la demande.

Analyse

[9] En ce qui a trait au premier moyen d’appel, le représentant de la demanderesse soutient que le membre de la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve. Il souligne des éléments de preuve de deux des médecins de la demanderesse qui, selon lui, étayait la conclusion selon laquelle l’invalidité de la demanderesse était grave à la date de fin de la période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette dateNote de bas de page 5. Le représentant fait référence à des éléments de preuve vagues provenant du médecin de famille de la demanderesse, le Dr Kular, et aux rapports datant du 6 janvier 2011Note de bas de page 6, du 30 avril 2012Note de bas de page 7, du 29 octobre 2012Note de bas de page 8 et du 30 avril 2014Note de bas de page 9 de la Dre Armitage, une spécialiste en physiatrie et en réadaptation.

[10] Le membre de la division générale a examiné la preuve médicale de façon très détaillée et a mené une enquête approfondie, tenant compte de toutes les possibles détériorations de la demanderesse qui ont influencé son employabilité. Elle a noté que le Dr Kular a énuméré quatre problèmes de santé dans le formulaire daté du 23 janvier 2013Note de bas de page 10, lequel a été présenté à l’appui de la demande de prestations d’invalidité de la demanderesse : reflux gastro-œsophagien pathologique (GERD), trouble de stress post-traumatique (TSPT), douleur au cou et douleur aux épaules.

[11] Le membre a conclu que bien que le Dr Kular avait énuméré le GERD sur le formulaire, aucun autre rapport médical dans le dossier d’audience ne mentionnait cette condition, malgré le fait que le dossier était volumineuxNote de bas de page 11. En ce qui a trait au TSPT, le membre a noté que le psychiatre de la demanderesse n’a pas diagnostiqué chez elle un TSPT, mais plutôt un trouble d’adaptation chronique avec humeur dépressive. En ce qui a trait à cette condition médicale, le membre a noté que la demanderesse prenait une faible dose de Ciraplex, et elle a conclu que la dépression de la demanderesse était gérableNote de bas de page 12. En ce qui a trait à la douleur au cou de la demanderesse, le membre de la division générale a évalué et pesé la preuve médicale concernant cette condition. Elle a noté que l’imagerie diagnostique de la colonne cervicale de la demanderesse n’a rien révélé d’anormal en octobre 2009, en septembre 2014 et en décembre 2014. Elle a conclu que la douleur au cou ressentie par la demanderesse n’était pas grave. En ce qui a trait à la douleur aux épaules, le membre a accepté le fait que la demanderesse éprouvait de la douleur aux deux épaulesNote de bas de page 13. J’estime que les constatations du membre sont appuyées par le dossier et par son analyse de la preuve.

[12] Dans son étude de la preuve, le membre a fait référence à chacun des quatre rapports de la Dre Armitage auxquels le représentant de la demanderesse avait fait référence dans ses observationsNote de bas de page 14, ainsi qu’aux nombreux autres rapports de la Dre Armitage. Dans son analyse, le membre a considéré et pesé les rapports de la Dre ArmitageNote de bas de page 15.

[13] Conformément aux principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47, le membre de la division générale a tenu compte de l’ensemble de la preuve ainsi que de l’effet cumulatif des problèmes de santé de l’appelante. Je conclus que l’argument de la demanderesse selon lequel la division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de la preuve ne soulève pas un moyen d’appel susceptible de conférer à l’appel une chance de succès.

[14] Le représentant de la demanderesse cite l’affaire Romanin c. Ministre du Développement social (18 novembre 2004), CP21597 (CAP), une décision de la Commission d’appel des pensions à l’appui de la thèse volant que la participation à un cours de recyclage n’est pas synonyme de capacité de travail. La division d’appel n’est pas liée par les décisions de la Commission d’appel des pensions, mais quoi qu’il en soit, le membre de la division générale ne s’est pas fié au fait que la demanderesse avait participé à un cours de recyclage avec la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents de travail pour conclure que la demanderesse avait une capacité résiduelle de travail. Plutôt, le membre s’est appuyé sur la preuve médicale énoncée au paragraphe 95 de ses motifs. Elle a fait référence au rapport de la Dre Armitage daté du 3 février 2014, rédigé peu de temps après la date de fin de la PMA, soit peu de temps après le 31 décembre 2013, lequel indiquait ce qui suit :

[traduction]

Maintenant âgée de 42 ans, [la demanderesse] devrait être une travailleuse qui devrait mettre en avant sa personnalité dans le service à la clientèle ou comme réceptionniste, car elle serait efficace pour aider les autres à régler leurs problèmes. [...] Je crois que de réintégrer le marché du travail est important pour elle. Cela pourrait être soit sur le marché du travail en général ou sur le marché du travail communautaire, mais je crois que ses compétences linguistiques en anglais sont acceptables. Elle devrait éviter l’utilisation excessive et répétitive de ses bras au cours de la journée. Une certaine utilisation de ses bras est acceptable, mais rien de constantNote de bas de page 16.

Je suis convaincue que l’appel proposé n’a aucune chance raisonnable de succès en lien avec l’argument selon lequel le membre a commis une erreur en conclut que la demanderesse avait une capacité résiduelle de travail.

[15] En ce qui a trait à l’observation de la demanderesse selon laquelle la division générale n’a pas appliqué le contexte « réaliste », comme cela est exigé dans l’arrêt Villani, le représentant de la demanderesse soutient que les chances de la demanderesse de [traduction] « reprendre un emploi convenable, qui ne soit pas nécessairement son dernier emploi, sont amoindries selon la prépondérance des probabilitésNote de bas de page 17. » Le représentant a souligné, notamment, les [traduction] « difficultés [de la demanderesse] à parler l’anglais de manière efficace ».

[16] Dans l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale a établi que, lors de l’évaluation du caractère grave d’une invalidité, le Tribunal doit adopter une approche « réaliste ». Cette analyse l’oblige à déterminer si un demandeur, dans sa situation particulière et selon ses antécédents médicaux, était régulièrement en mesure de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La Cour a établi que les facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents professionnels et l’expérience de vie sont pertinents à l’enquête (Villani, paragraphe 38).

[17] Dans son analyse, le membre de la division générale a reconnu, et ce en citant l’arrêt Villani, que le caractère grave « doit être évalué dans un contexte réaliste », et elle a tenu compte des facteurs énoncés dans l’arrêt Villani. En ce qui a trait aux aptitudes linguistiques de la demanderesse, elle en a discuté de façon assez détaillée et a conclu que le niveau d’anglais de la demanderesse était d’un [traduction] « niveau fonctionnel » en se fondant sur le fait qu’elle était capable de participer à un cours de recyclage en anglais sans difficulté linguistique et en se fondant également sur l’affirmation de la Dre Armitage dans son rapport de février 2014 selon laquelle les compétences en anglais de la de la demanderesse étaient tout à fait acceptables.Note de bas de page 18 Le membre a accordé de l’importance à l’opinion de la Dre Armitage à ce sujet [traduction] « car la Dre Armitage est une médecin spécialiste que l’appelante a connue de septembre 2006 à avril 2014. Il semblerait également qu’au cours des trois ou quatre dernières années, l’appelante l’a pratiquement vue sur une base bimensuelle »Note de bas de page 19.

[18] Je suis convaincue que l’appel proposé n’a aucune chance raisonnable de succès sur le fondement que la division générale n’aurait pas correctement appliqué les principes énoncés dans l’arrêt Villani.

[19] Le représentant soutient également, de façon générale, que la preuve vient appuyer une conclusion d’invalidité grave. Cependant, le rôle de la division d’appel n’est pas d’apprécier de nouveau la preuve (voir Marcia c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367), et un appel à la division d’appel ne permet pas de plaider une cause à nouveau et de demander un résultat différent.

[20] Finalement, le représentant affirme ce qui suit : [traduction] « Comme le permettent l’équité et la justice naturelle, l’appelante a droit è une audience impartiale pour qu’il [sic] puisse faire la preuve de son invalidité ». Le représentant de la demanderesse n’a fourni aucune observation à ce sujet et aucun fondement pour sa suggestion selon laquelle la demanderesse n’a pas eu d’audience impartiale devant la division générale. Cette observation n’est rien d’autre qu’une allégation indirecte et non précise selon laquelle la demanderesse n’a pas eu droit à une audience impartiale. Je ne suis pas convaincue que cette allégation soulève un moyen d’appel défendable qui pourrait conférer à l’appel proposé une chance de succès.

Décision

[21] Je suis convaincue que l’appel proposé n’a aucune chance raisonnable de succès. Conformément au paragraphe 58(2) de la LMEDS, la permission d’en appeler est refusée.

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