Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse a demandé une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) le 28 février 2014. Sa demande a été rejetée au départ et après révision. La décision découlant de la révision a été communiquée à la demanderesse au moyen d’une lettre datée du 1er décembre 2014. Comme il a été mentionné dans l’avis d’appel, la demanderesse a reçu la décision le 10 décembre 2014Note de bas de page 1.

[2] La demanderesse a interjeté appel de la décision découlant de la révision devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 3 septembre 2015. Étant donné que l’appel a été présenté 178 jours après le délai de 90 jours prévu à l’alinéa 52(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), la division générale devait tenir compte de la question relative au pouvoir discrétionnaire d’accorder une prorogation du délai conformément au paragraphe 52(2) de la LMEDS. Dans une décision datée du 15 août 2016, la division générale a refusé d’accorder une prorogation du délai. Dans cette demande, la demanderesse demande la permission d’en appeler relativement à cette décision.

[3] Aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel devant la division d’appel sont les suivants :

  1. (i) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (ii) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (iii) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[4] L’utilisation du mot « seuls » au paragraphe 58(1) signifie qu’aucun autre moyen d’appel ne peut être accepté : Belo-Alves c. Canada (Procureur général), [2015] 4 RCF 108, 2014 CF 1100, au paragraphe 72.

[5] Conformément au paragraphe 56(1) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. L’exigence relative à l’obtention de la permission d’en appeler devant la division d’appel vise à rejeter les appels qui n’ont aucune chance raisonnable de succès : Bossé c. Canada (Procureur général), 2015 CF 1142, paragraphe 34. Dans ce contexte, une chance raisonnable de succès revient à « soulever des motifs défendables qui pourraient éventuellement donner gain de cause à l’appel » : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115, paragraphe 12; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41.

Observations

[6] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou qu’elle a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence parce que le membre aurait dû tenir compte que ce n’est pas [traduction] « la faute du client si les renseignements médicaux requis ne peuvent pas être obtenus de façon opportunNote de bas de page 2 ». Si ce point est établi, cela constituerait une erreur au titre de l’alinéa 58(1)a) de la LMEDS.

Discussion

[7] Il s’agit de déterminer si l’appel proposé a une chance raisonnable de succès. Afin que l’appel proposé soit accueilli, la demanderesse devrait démontrer que la division générale a exercé sa compétence de façon inadéquate lorsqu’elle a refusé de proroger le délai et en commettant ainsi une erreur correspondant à la portée du paragraphe 58(1) de la LMEDS.

[8] La Cour d’appel fédérale a statué qu’il y a exercice inapproprié du pouvoir discrétionnaire lorsque le décideur n’accorde pas suffisamment d’importance à des facteurs pertinents, se fonde sur un mauvais principe de droit ou apprécie mal les faits ou lorsqu’une injustice évidente en résulterait (Oyenuga c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 230).

[9] Dans ses motifs, le membre de la division générale a souligné que la demanderesse a déclaré avoir reçu la décision découlant de la révision le 10 décembre 2014. Le membre a correctement conclu que, au titre de l’alinéa 52(1)b) de la LMEDS, la demanderesse avait jusqu’au 10 mars 2015 pour déposer l’appel. L’appel n’a pas été présenté avant le 3 septembre 2015, et le membre a souligné que l’appel a été déposé 178 jours en retard (c’est-à-dire, 178 jours après l’expiration du délai prévu de 90 jours).

[10] Le membre de la division générale a correctement cité les facteurs pris en considération et soupesés conformément à l’affaire Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Gattellaro, 2005 CF 883. Les facteurs sont les suivants :

  1. 1. la personne qui demande la prorogation démontre une intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel;
  2. 2. la cause est défendable;
  3. 3. le retard a été raisonnablement expliqué par la partie requérante;
  4. 4. la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à la partie intimée.

[11] Le membre était conscient avec raison que, conformément à l’arrêt Canada (Procureur général) c. Larkman, 2012 CAF 204, la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice.

[12] Le membre a conclu qu’il existe une cause défendable en l’espèce et que la prorogation de délai ne causerait aucun préjudice à la défenderesse.

[13] En ce qui concerne la question de savoir si la demanderesse avait l’intention constante de poursuivre l’appel, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit, au paragraphe 23 de l’affaire Grewal c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 2 CF 263 :

[traduction]
Parmi les points à prendre en considération pour résoudre la première de ces questions, il faut déterminer si le demandeur avait l’intention de présenter la demande dans la période de 10 jours et s’il a eu cette intention par la suite de façon continue. Tout abandon de cette intention, tout laxisme ou toute omission de la part du demandeur de poursuivre l’appel avec la diligence dont il est attendu de sa part ne ferait qu’aller à l’encontre de la cause relativement à une prorogation. La durée de la période nécessaire pour la prorogation et la question de savoir s’il existe un préjudice (le cas échéant, quel type) à l’égard d’une partie adverse en raison d’une prorogation du délai sont également des facteurs pertinents. [mis en évidence par la soussignée]

[14] Conformément à l’affaire Grewal, le demandeur avait le fardeau de démontrer une intention diligente et constante de poursuivre l’appel. Le membre a souligné que la demanderesse n’a pris aucune mesure démontrant une intention d’interjeter appel avant le dépôt de l’avis d’appel le 3 septembre 2015. Il s’était écoulé 267 jours depuis la réception de la décision découlant de la révision. Le membre a également fait remarquer que rien ne prouve que la demanderesse avait communiqué avec le Tribunal ou le défendeur dans les mois suivant la réception de la décision découlant de la révision pour démontrer qu’elle avait l’intention constante d’interjeter appel. La conclusion du membre selon laquelle la demanderesse n’a pas démontré l’intention constante d’interjeter appel est bien fondée sur la preuve.

[15] La demanderesse avait également le fardeau de démontrer qu’elle avait donné une explication raisonnable pour son retard. Dans l’arrêt Doray c. Canada, 2014 CAF 87, la Cour d’appel fédérale a refusé la requête de prorogation de délai étant donné qu’il y avait un retard inexpliqué de 57 jours. La Cour a déclaré « qu’un long retard doit être entièrement justifié » (au paragraphe 2).

[16] Dans son analyse de la question de savoir si la demanderesse avait donné une explication raisonnable pour le retard, le membre a souligné que la demanderesse n’avait pas expliqué la raison pour laquelle le congé de maternité de sa médecin a retardé sa capacité à interjeter appel. Le membre a souligné que la demanderesse n’avait pas déclaré qu’elle pensait avoir présenté des éléments de preuve supplémentaires à l’appui de son appel.

[17] Dans la demande de permission d’en appeler, la demanderesse déclare qu’elle attendait de recevoir des rapports de sa médecin de famille, qui était en congé de maternité, et elle déclare également avoir été orientée vers le Women’s College Hospital [Hôpital collégial pour femmes] (WCH) et avoir attendu plusieurs mois pour obtenir un rendez-vous et encore plus de temps pour faire envoyer un rapport à son médecin. Selon elle, une fois sa médecin de famille de retour au travail, les renseignements supplémentaires ont été présentés.

[18] La demanderesse a déposé son avis d’appel le 3 septembre 2015. Même s’il a fait valoir qu’elle était en retard parce qu’elle attendait le rapport de sa médecin de famille. En réalité, elle a déposé l’appel sans joindre un rapport de sa médecin (à savoir, Dre Tracy) ou tout autre document. Ce n’est que le 9 octobre 2015, soit plus d’un mois après avoir déposé son avis d’appel, que la demanderesse a présenté une lettre de Dre TracyNote de bas de page 3.

[19] Le fait que la demanderesse a présenté son avis d’appel sans joindre un rapport de sa médecin sème le doute relativement à son affirmation selon laquelle elle a déposé son appel en retard parce qu’elle attendait un rapport de sa médecinNote de bas de page 4. Je souligne également que, même si la demanderesse soutient, dans sa demande de permission d’en appeler, qu’elle a déposé son appel en retard parce qu’elle attendait un rapport du WCH, il n’y a aucune mention au WCH ou à un rapport du WCH dans la lettre de Dre Tracy. Le membre de la division générale a conclu que la demanderesse n’avait pas fourni une explication raisonnable pour le retard et que, étant donné la preuve dont elle disposait, je ne constate aucun motif pour m’immiscer dans cette conclusion.

[20] Dans son analyse de la question de savoir si une prorogation devrait être accordée, le membre de la division générale a fait remarquer avec raison que la demanderesse n’était pas tenue de satisfaire à tous les facteurs prévus dans l’affaire Gattellaro. Elle a soupesé les quatre facteurs et elle a conclu que la prorogation du délai devrait être refusée dans l’intérêt de la justice.

[21] Comme il a été mentionné précédemment, les tribunaux ont conclu qu’il y a exercice inapproprié du pouvoir discrétionnaire lorsque le décideur n’accorde pas suffisamment d’importance à des facteurs pertinents, se fond sur un mauvais principe de droit ou apprécie mal les faits ou lorsqu’une injustice évidente en résulterait. Après avoir tenu compte de ces facteurs dans le cadre de cette demande, je ne constate aucun motif de conclure que le membre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon inappropriée ou qu’elle a commis une erreur visée au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Je conclus que cela ne présente pas un motif défendable pouvant donner gain de cause à l’appel proposé. J’estime également que les arguments selon lesquels le membre n’a pas observé un principe de justice naturelle ou selon lesquels elle a outrepassé ou refusé d’exercer sa compétence ne confèrent à l’appel aucune chance raisonnable de succès.

Décision

[22] La demanderesse n’a pas invoqué un motif d’appel correspondant à la portée du paragraphe 58(1) de la LMEDS conférant à l’appel une chance raisonnable de succès. Conformément au paragraphe 58(2) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est refusée.

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