Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La prorogation du délai pour interjeter appel et la demande de permission d’en appeler sont refusées.

Introduction

[1] Le demandeur souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) le 21 novembre 2016. La division générale a rendu sa décision sur l’appel en se fondant sur la preuve documentaire, en concluant que le demandeur n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) parce que son invalidité n’était pas « grave » durant sa période minimale d’admissibilité (PMA). La division générale détermina que les gains ouvrant droit à pension et les cotisations du demandeur établissaient, en appliquant la disposition de calcul au prorata du RPC, la fin de la PMA au 30 septembre 1996.

[2] Le 29 mars 2017, après le délai prévu à l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), le demandeur a présenté une demande incomplète de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal. Après avoir reçu une demande de renseignements supplémentaires, le demandeur a complété sa demande de permission d’en appeler le 26 avril 2017.

Question en litige

[3] La division d’appel doit déterminer s’il convient de proroger le délai de présentation de la demande de permission d’en appeler.

Droit applicable

Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social

[4] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la LMEDS, une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date à laquelle le demandeur reçoit communication de la décision. Au titre du paragraphe 57(2), la division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[5] En décidant si elle accorde la prorogation de délai pour présenter la demande de permission d’en appeler, la division d’appel doit examiner et apprécier les critères établis dans la jurisprudence. Voici les critères énoncés par la Cour fédérale dans l’affaire Canada c. GattellaroNote de bas de page 1 :

  1. (a) le demandeur démontre une intention persistante de poursuivre l’appel;
  2. (b) le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. (c) la prorogation du délai ne cause pas de préjudice à l’autre partie;
  4. (d) la cause est défendable.

[6] La prépondérance qu’il faut accorder à chacun des facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro variera selon les circonstances et, dans certains cas, d’autres facteurs seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation de délai serait dans l’intérêt de la justice : Canada c. LarkmanNote de bas de page 2.

[7] Selon les paragraphes 56(1) et 58(3) de la LMEDS, il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. La division d’appel accorde ou refuse cette permission d’en appeler. Le paragraphe 58(2) de la LMEDS prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[8] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[9] Une demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit du premier obstacle qu’un demandeur doit franchir, mais il est inférieur à celui auquel il devra faire face lors de l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, un demandeur n’a pas à prouver ses arguments.

[10] La Cour d’appel fédérale a conclu, dans les arrêts Canada c. HogervorstNote de bas de page 3 et Fancy c. CanadaNote de bas de page 4, que la question de savoir si une cause est défendable en droit revient à se demander si cette partie a une chance raisonnable de succès sur le plan juridique.

Régime de pensions du Canada

[11] Au titre de l’alinéa 42(2)a) du RPC, l’invalidité est définie comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est réputée être atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou doit entraîner vraisemblablement le décès.

[12] L’alinéa 44(1)b) établit les critères d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à une pension d’invalidité, un demandeur doit :

  1. (a) avoir moins de soixante-cinq ans;
  2. (b) ne pas recevoir de pension de retraite du RPC;
  3. (c) être invalide;
  4. (d) avoir versé des cotisations valables au RPC pendant au moins la PMA.

[13] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA ou avant cette date.

[14] L’alinéa 44(2)a) indique qu’un demandeur doit satisfaire aux exigences liées aux cotisations, si durant la période de cotisation il a :

  1. (a) cotisé au RPC pendant au moins quatre des six dernières années civiles;
  2. (b) versé des cotisations valides au RPC pendant au moins 25 années civiles, dont au moins trois dans les six dernières années civiles; ou
  3. (c) cotisé au RPC pour chaque année subséquente au mois de la cessation de la pension d’invalidité.

[15] Au titre du sous-alinéa 44(1)b)(ii) du RPC, il est permis à un « requérant tardif » de satisfaire les exigences minimales relatives aux cotisations en tout temps durant sa période de cotisation. Selon les règles en place entre 1987 et 1997, une exigence minimale relative aux cotisations a été établie par des cotisations valides dans deux des trois années précédentes.

[16] Le paragraphe 44(2.1) prévoit la possibilité qu’une PMA soit calculée au prorata en fonction des cotisations :

Pour le calcul de la période minimale d’admissibilité du cotisant visé au sous-alinéa (1)b)(ii), à l’égard de l’année au cours de laquelle il aurait été considéré comme étant devenu invalide et où ses gains non ajustés ouvrant droit à pension sont inférieurs à l’exemption de base de l’année pertinente pour cette année, le montant de son exemption de base est égal à la proportion du montant de l’exemption de base de l’année que représente, par rapport à douze, le nombre de mois dans l’année qui, en raison d’une invalidité, n’auraient pas été exclus de la période cotisable.

[17] L’article 95 prévoit que le défendeur doit conserver un registre des gains pour chaque cotisant au RPC pour permettre de déterminer le montant de toute pension qui peut être payée par le RPC à tout cotisant.

[18] Le paragraphe 97(1) prévoit qu’une inscription au registre des gains d’un cotisant fait l’objet d’une présomption irréfragable voulant qu’elle soit exacte et qu’elle ne peut être contestée lorsque quatre ans se sont écoulés depuis la fin de l’année au cours de laquelle l’inscription a été faite.

Observations du demandeur

[19] Dans cette demande de permission d’en appeler datée du 17 mars 2017, le demandeur affirma qu’il souffrait d’une dépression grave et d’un trouble bipolaire. Il fait valoir que, comme il avait vécu et travaillé au Canada durant 27 ans, il avait droit à une pension d’invalidité. Après avoir attendu pendant plus d’un an la décision de la division générale, il était déçu qu’elle ne l’ait pas traité équitablement.

[20] Le demandeur, qui réside maintenant en Pologne, ajouta qu’il n’avait pas reçu la décision de la division générale avant le 17 décembre 2016. Il reconnaît que son appel peut être en retard et il demande au Tribunal de l’accepter, car la décision de la division générale le ravagea et contribua à aggraver son état de santé.

[21] Le 3 avril 2017, le Tribunal a informé le demandeur que sa demande présentait des motifs insuffisants. Dans une réponse écrite datée du 21 avril 2017, le demandeur contesta la conclusion de la division générale qu’il n’y a pas d’éléments de preuve médicale indiquant que sa maladie mentale était demeurée grave depuis 1996. Il renchérit en affirmant que les rapports des médecins canadiens et polonais prouveraient la gravité de son trouble bipolaire.

Analyse

[22] Je constate que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai prescrit de 90 jours. Le dossier indique que la division générale a rendu sa décision le 21 novembre 2016 et que le Tribunal reçut la demande incomplète de permission d’en appeler à la division d’appel du demandeur le 29 mars 2017. La demande n’a pas été complétée avant le 26 avril 2017, soit 156 jours après la mise à la poste de la décision de la division générale, dépassant largement le délai pour le dépôt de 90 jours prévu au paragraphe 57(1) de la LMEDS.

[23] Pour déterminer s’il faut accorder un délai supplémentaire pour interjeter appel, j’ai examiné et apprécié les facteurs énoncés dans l’affaire Gattellaro.

Intention constante de poursuivre l’appel

[24] Bien que le demandeur ait présenté une demande de permission d’en appeler complète plus de deux mois après l’expiration du délai prévu par la loi, je suis prêt à présumer qu’il avait l’intention continue de poursuivre l’appel, mais que le dépôt de sa demande a été retardé par sa maladie et les impondérables de la poste internationale.

Explication raisonnable du retard

[25] Le demandeur soutient qu’il a soumis sa demande de permission d’en appeler en retard à cause d’une soudaine détérioration de son état de santé. Je suis prêt à donner le bénéfice du doute au demandeur sur cette question et j’accepte cette explication concernant le retard.

Préjudice à l’autre partie

[26] Il est peu probable que la prorogation du délai pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis l’expiration du délai prévu par la loi. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, serait indûment amoindrie si la prorogation de délai était accordée.

Cause défendable

[27] En somme, les observations du demandeur réitèrent la preuve et les arguments qui ont déjà été présentés à la division générale. Malheureusement, la division d’appel n’a pas comme mandat d’instruire de nouveau des demandes de pension invalidité sur le fond. Bien que les demandeurs ne sont pas tenus de prouver les moyens d’appel qu’ils invoquent à l’étape de la demande de permission d’en appel, ils doivent néanmoins décrire certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Il ne suffit pas à un demandeur de simplement déclarer qu’il n’est pas d’accord avec la décision de la division générale, pas plus qu’il ne lui suffit d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[28] En l’absence d’une allégation précise d’erreur, je dois conclure que les moyens d’appel prétendus du demandeur sont si généraux qu’ils correspondent à une demande de statuer de nouveau la demande complète. S’il demande que je révise et évalue à nouveau la preuve pour substituer ma décision à celle de la division générale, et cela, en sa faveur, je suis dans l’impossibilité de le faire. Je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache aux moyens d’appel admissibles du paragraphe 58(1) et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[29] Abstraction faite des allégations du demandeur, j’ai examiné la décision de la division générale ainsi que le dossier de preuve et je n’ai trouvé aucune erreur. Comme la division générale le nota, le relevé d’emploi du demandeur révèle des cotisations valides et des gains ouvrant droit à pension au titre du RPC dans les années 1990, 1995, 2011, 2012 et 2013. Selon les règles, et sans tenir compte de savoir si ces règles s’appliquaient avant ou après le 1er janvier 1998, le demandeur n’avait pas le nombre d’années requises pour obtenir une PMA à moins qu’il n’ait été capable de se prévaloir de la disposition relative au calcul au prorata. Le dossier révèle qu’il avait des gains inférieurs au seuil en 1996 (atteignant le niveau requis la troisième année selon les règles d’avant 1998), mais pas en 2014 (la quatrième année selon les règles d’après 1997). Par conséquent, en appliquant la formule prévue au paragraphe 44(2.1) du RPC, le défendeur détermina qu’une PMA se terminant le 30 septembre 1996 avait été établie. Toutefois, il aurait été nécessaire que le demandeur démontre qu’il était devenu invalide durant les neuf premiers mois de cette année-là.

[30] La division générale est en accord avec cette PMA et je ne vois aucune erreur dans la manière avec laquelle elle a été calculée. Le défi pour le demandeur était qu’il devait fournir des éléments de preuve démontrant que ses problèmes de santé avaient mené à une invalidité qui devint « grave et prolongée » durant la période relativement brève entre le 1er janvier et le 30 septembre 1996. Toutefois, comme la division générale nota, aucun des éléments de preuve médicale au dossier n’est daté avant 2014, et les relevés de revenus montrent qu’il gagna au moins 50 000 $ par année en 2011, 2012 et 2013. La division générale jugea que ceci était une preuve convaincante que le demandeur n’avait pas continuellement été incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice après septembre 1996, et je ne vois aucune raison d’intervenir dans cette conclusion. En tant que juge de fait, la division générale a le pouvoir discrétionnaire d’apprécier la preuve comme il convient pourvu qu’elle ne commette pas d’erreur de fait qui soit faite « de façon abusive, arbitraire ou sans tenir compte des éléments. » Rien n’indique que ça s’est produit en l’espèce.

Conclusion

[31] Après avoir apprécié les facteurs susmentionnés, j’ai déterminé que ce n’est pas une affaire où il convient d’accorder une prorogation du délai de 90 jours pour faire appel. J’ai conclu que l’explication du demandeur concernant sa demande tardive de permission d’en appeler est raisonnable et j’ai présumé qu’il avait l’intention continue de poursuivre son appel. J’ai également estimé qu’il était peu probable qu’une prorogation du délai cause préjudice aux intérêts du défendeur. Cependant, je ne peux pas trouver une cause défendable en appel, et c’est ce dernier facteur qui a été déterminant; je ne vois pas comment il serait dans l’intérêt de la justice d’aller de l’avant avec un appel voué à l’échec.

[32] Compte tenu des facteurs de l’affaire Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je refuse la prorogation du délai pour interjeter appel au titre du paragraphe 57(2) de la LMEDS.

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