Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1 La prorogation du délai et la permission d’en appeler sont refusées.

Aperçu

[2] La demanderesse a travaillé comme gardienne d’école jusqu’en 2013, moment où elle a pris un congé à cause de son anxiété et d’une dépression. Le défendeur a rejeté sa demande de prestations d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC), car il a déterminé qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » au cours de sa période minimale d’admissibilité (PMA) qui a pris fin le 31 décembre 2015.

[3] La demanderesse a interjeté appel à l’encontre de cette décision à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). La division générale a prévu une audience par téléconférence, bien que ni la demanderesse ni le défendeur ne s’y soient présentés à la date et à l’heure qui avaient été fixées. Étant convaincue que les parties avaient reçu un avis d’audience, la division générale a décidé de procéder sur le fond du dossier documentaire existant. Dans une décision datant du 7 avril 2016, la division générale a rejeté l’appel, concluant qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve médicale à l’appui du traitement et du progrès de la demanderesse après 2013.

[4] Le 17 mars 2017, soit au-delà du délai de 90 jours prescrit par la loi, la demanderesse a présenté une demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal, soutenant que la division générale n’avait pas tenu compte de manière adéquate de la preuve médicale dont elle disposait. Dans une lettre datée du 5 septembre 2017 et envoyée à sa dernière adresse connue, la division d’appel a avisé la demanderesse qu’elle ne soulevait pas suffisamment de moyens d’appel dans sa demande et lui a accordé un délai raisonnable pour qu’elle puisse présenter des observations supplémentaires. À ce jour, la demanderesse n’a pas répondu à cette lettre.

[5] J’ai examiné le dossier et conclu que puisque les moyens d’appel de la demanderesse ne confèrent pas à l’appel une chance raisonne de succès, il ne s’agit pas d’une affaire où il est approprié d’accorder une prorogation de délai.

Questions en litige

[6] Je suis saisie de trois questions en litige connexes :

  1. La demande de permission d’en appeler de la demanderesse a-t-elle été présentée en retard?
  2. Si tel est le cas, une prorogation du délai pour que la demanderesse présente sa demande de permission d’en appeler devrait-elle lui être accordée?
  3. La demanderesse a-t-elle une cause défendable selon laquelle la division générale a commis une erreur en faisant fi de la preuve médicale?

Analyse

(a) La demande de permission d’en appeler de la demanderesse a-t-elle été présentée en retard?

[7] Aux termes de l’alinéa 57(1)b) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), une demande de permission d’en appeler doit être présentée à la division d’appel dans les 90 jours suivant la date où un appelant reçoit la communication de la décision faisant l’objet de l’appel. Conformément au paragraphe 57(2), la division d’appel peut proroger d’au plus un an le délai pour présenter la demande de permission d’en appeler.

[8] J’estime que la demande de permission d’en appeler a été présentée après le délai prescrit de 90 jours. Le dossier révèle que la division générale a rendu sa décision le 7 avril 2015 et que le Tribunal a reçu la demande de permission d’en appeler de la demanderesse auprès de la division d’appel le 17 mars 2107, soit plus de 11 mois après que la décision de la division d’appel ait été envoyée par la poste, et bien au-delà du délai prévu par la LMEDS.

(b) Une prorogation du délai pour que la demanderesse présente sa demande de permission d’en appeler devrait-elle lui être accordée?

[9] Dans l’affaire Canada c. GattellaroNote de bas de page 1, la Cour fédérale a établi quatre facteurs qui devraient être pris en considération pour déterminer si un délai supplémentaire pour interjeter appel devrait être accordé :

  1. (i) si le demandeur fait preuve d’une intention persistante de poursuivre l’appel;
  2. (ii) si le retard a été raisonnablement expliqué;
  3. (iii) si la prorogation du délai cause un préjudice à l’autre partie;
  4. (iv) si la cause est défendable.

[10] Le poids qu’il convient d’accorder à chacun des facteurs énoncés dans la décision Gattellaro peut varier selon le cas et, parfois, d’autres facteurs peuvent aussi s’avérer pertinents. Cependant, la considération primordiale doit être de servir l’intérêt de la justiceNote de bas de page 2.

(i) Intention persistante de poursuivre l’appel

[11] Même si la demanderesse a seulement présenté une demande de permission d’en appeler complète près d’un an après l’expiration du délai prévu par la loi, je suis prêt à présumer qu’elle avait l’intention continue de poursuivre l’appel, mais qu’elle en a été empêchée en raison de ses problèmes de santé mentale.

(ii)  Explication raisonnable du retard

[12] La demanderesse s’est excusée pour ne pas s’être présentée à l’audience devant la division générale, expliquant qu’elle a mélangé la date et l’heure, et qu’elle a manqué un appel du Tribunal. Elle demande une [traduction] « prorogation ou une autre chance ».

[13] Même si la demanderesse ne fournit pas de motif précis pour expliquer ce long retard à présenter sa demande d’appel, je suis prêt, encore une fois, à donne le bénéfice du doute à la demanderesse sur cette question, et je suppose que des symptômes souvent associés à la dépression et à l’anxiété ont bloqué ses initiatives à aller de l’avant avec les prochaines étapes du processus d’appel.

(iii) Préjudice à l’autre partie

[14] Il est peu probable que la prorogation du délai pour interjeter appel cause préjudice aux intérêts du défendeur étant donné la période de temps relativement courte qui s’est écoulée depuis l’expiration du délai prévu par la loi. Je ne crois pas que la capacité du défendeur à se défendre, vu ses ressources, serait indûment amoindrie si la prorogation du délai était accordée.

(iv) Cause défendable

[15] Pour les motifs qui suivent, j’estime que l’affaire de la demanderesse n’a aucune chance raisonnable de succès en appel.

(c) La demanderesse a-t-elle une cause défendable sur la base que la division générale a commis une erreur?

[16] La demanderesse soutient que ce ne sont pas tous les faits qui ont été pris en considération dans son appel. Elle soutient qu’elle n’était pas capable de travailler ni de quitter la maison en raison de sa dépression, de son anxiété et de ses crises de panique graves. Elle a fourni plus de 30 pages de dossiers médicaux, dont un rapport provenant de son psychiatre et conseiller, le Dr Momi.

[17] Il n ’existe que trois moyens d’appel à la division d’appel : (i) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle; (ii) elle a commis une erreur de droit; (iii) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel que si la permission d’en appeler est d’abord accordéeNote de bas de page 3. La division d’appel accorde la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 4. Comme l’a déterminé la Cour d’appel fédérale, une chance raisonnable de succès revient à déterminer si cette partie à une cause défendable en droitNote de bas de page 5.

[18] Essentiellement, les observations de la demanderesse consistent en une récapitulation des arguments qui ont déjà été présentés à la division générale. Malheureusement, la division d’appel n’a pas comme mandat d’instruire de nouveau des demandes de pension invalidité sur le fond. Bien que les demandeurs ne sont pas tenus de prouver les moyens d’appel qu’ils invoquent à l’étape de la demande de permission d’en appeler, ils doivent néanmoins décrire certains fondements rationnels qui cadrent avec les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Il ne suffit pas à un demandeur de simplement déclarer qu’il est n’est pas d’accord avec la décision de la division générale, pas plus qu’il ne lui suffit d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé le rendent invalide au sens du RPC.

[19] En l’absence d’erreurs spécifiques prétendues, je dois conclure que les prétendus moyens d’appel de la demanderesse sont si vastes qu’ils correspondent à une demande de trancher de nouveau l’ensemble de la demande. Si elle demande que je révise et évalue à nouveau la preuve pour substituer ma décision à celle de la division générale, et cela, en sa faveur, je suis dans l’impossibilité de le faire. Je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel se rattache aux moyens d’appel admissibles et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[20] La demanderesse a également présenté un certain nombre de rapports médicaux avec sa demande de permission d’en appeler. Tous ces rapports semblent avoir été préparés après que la division générale ait rendu sa décision. Je ne suis pas en mesure de tenir compte de ces rapports étant donné les limitations prévues dans la LMEDS, qui ne confère aucun pouvoir d’évaluation des demandes de pension d’invalidité sur le fond de la part de la division d’appel. Une fois qu’une audience a pris fin, il y a très peu de raisons qui justifieraient de soulever d’autres points ou des points nouveaux. Un demandeur pourrait envisager de présenter à la division générale une demande d’annulation ou de modification de sa décision. Cependant, il faudrait que ce demandeur se conforme aux exigences de l’article 66 de la LMEDS et des articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale.Non seulement un demandeur doit-il respecter des échéances et des exigences strictes pour obtenir gain de cause dans le cadre d’une demande d’annulation ou de modification, mais aussi doit-il démontrer que chacun des faits nouveaux est essentiel et qu’il n’aurait pu être connu au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

Conclusion

[21] Après avoir soupesé les facteurs susmentionnés, j’ai déterminé que la présente affaire n’est pas un cas où il convient d’accorder une prorogation du délai de 90 jours pour faire appel. J’ai conclu que l’explication de la demanderesse concernant sa demande tardive de permission d’en appeler est raisonnable et j’ai présumé qu’elle avait l’intention continue de poursuivre l’appel. J’ai également considéré qu’il était peu probable qu’une prorogation du délai cause préjudice aux intérêts du défendeur. Cependant, j’ai estimé que l’appel n’avait pas de chance raisonnable de succès, et c’est ce dernier facteur qui a été déterminant; j’estime qu’il ne sert à rien d’accueillir cette demande afin de présenter un appel complet puisque celui-ci est voué à l’échec.

[22] En tenant compte des facteurs prévus dans la décision Gattellaro et dans l’intérêt de la justice, je refuse d’accorder une prorogation du délai pour que la demanderesse puisse interjeter appel.

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