Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

Appelante   E. K.
Représentants de l’appelante   Steven Yormak
 Adele Clewlow (observatrice)
Représentants pour l’intimé   Timothy Fairgrieve, ministère de la Justice
 Stephanie Longpré-Gervais (observatrice)

Décision

L’appel est accueilli.

Aperçu

[1] L’appelante a reçu un diagnostic de fibromyalgie et de dépression il y a plus de deux décennies, mais elle a continué à travailler jusqu’en 2013. Elle a présenté une demande de prestations d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), mais l’intimé a rejeté sa demande parce que son invalidité n’était pas « grave » et « prolongée » conformément à la définition de la loi. Dans une décision datée du 25 juillet 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) a rejeté son appel.

[2] Le présent appel soulève la question de savoir si la division générale a bien tenu compte de la preuve subjective de l’appelante par rapport à la douleur chronique et à ses effets sur la capacité fonctionnelle. Après avoir examiné le dossier et entendu les observations des parties, j’ai conclu que la division générale a erré en fait et en droit en accordant une importance démesurée à la preuve médicale objective au détriment du témoignage de l’appelante par rapport à sa douleur débilitante.

Question préliminaire

[3] Le 7 juillet 2017, le représentant de l’appelante a présenté au Tribunal un rapport psychologique daté du 6 juillet 2017. Le 13 septembre 2017, il a déposé des dossiers médicaux récents du Dr Sean Ryan, le médecin de famille de l’appelante. Lors de ces deux occasions, l’intimé s’est opposé par écrit à la présentation des documents, et pour des raisons expliquées en début d’audience, j’ai agréé. Non seulement les documents ont été présentés après la période de dépôt établie, mais ils ont aussi été préparés, la plupart, après la tenue de l’audience devant la division générale. D’après la décision Alves c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 1, un appel devant la division d’appel ne représente pas une occasion de soumettre de nouveaux éléments de preuve, compte tenu des contraintes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), lesquelles n’accordent pas à la division d’appel la compétence pour examiner de nouveaux éléments de preuve ou pour accepter des arguments sur le fond d’une déclaration d’invalidité par un appelant.

Questions en litige

[4] Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

  1. Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard des décisions de la division générale?
  2. La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant incorrectement l’arrêt Martin c. Nouvelle-Écosse et les affaires connexesNote de bas de page 2 qui ont reconnu le syndrome de la douleur chronique (SDC) comme un trouble véritable dont l’existence et la gravité pourraient ne pas être appuyées par des constatations objectives?
  3. La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées en :
    1. ignorant la preuve que l’appelante souffrait de fibromyalgie après 1995?
    2. jugeant que des éléments de preuve démontraient ensuite une amélioration de la fibromyalgie de l’appelante?
  4. Advenant une réponse affirmative à l’une des quatre questions qui précèdent, quelle réparation faut-il accorder?

Analyse

a) Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard de la division générale?

[5] Conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’en appeler à la division d’appel sont les suivants : la division générale a erré en droit, elle n’a pas observé un principe de justice naturelle ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Conformément au paragraphe 59(1) de la LMEDS, la division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen, ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division générale.

[6] Jusqu’à tout récemment, les appels à la division d’appel étaient régis par la norme de contrôle définie par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 3. Pour les affaires qui traitent d’allégations d’erreurs de droit ou de manquements aux principes de justice naturelle, la norme applicable était celle de la décision correcte, laquelle commandait un seuil inférieur de déférence envers un tribunal administratif de première instance. Pour les affaires qui comportent des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable était celle de la décision raisonnable, signifiant une réticence de la Cour à intervenir dans les conclusions de l’entité dont le rôle consistait à évaluer la preuve des faits.

[7] Dans l’arrêt Canada c. HuruglicaNote de bas de page 4, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient se rapporter en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle. Cette prémisse a amené la Cour à déterminer le critère approprié qui découle complètement de la loi habilitante d’un tribunal administratif : « L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur [...]. »

[8] En conséquence, la norme de la décision raisonnable ou de la décision correcte sera inapplicable en l’espèce, à moins que ces mots, ou leurs variantes, soient énoncés de façon précise dans la loi constitutive. À l’application de cette approche à la LMEDS, on peut voir que les alinéas 58(1)a) et b) ne qualifient pas les erreurs de droit ou les manquements à un principe de justice naturelle, ce qui signifie que la division d’appel ne devrait faire preuve d’aucune déférence à l’égard des interprétations de la division générale. Le mot « déraisonnable » est introuvable à l’alinéa 58(1)c), où il est question de conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les qualificatifs « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme on l’a établi dans l’arrêt Huruglica, on doit donner à ces mots leur propre interprétation, mais le libellé suggère que la division d’appel devrait intervenir lorsque la division générale fonde sa décision sur une erreur flagrante ou en contradiction avec le contenu du dossier.

b) La division générale a-t-elle examiné le SDC de l’appelante en conformité avec l’affaire Martin?

[9] L’appelante m’a convaincu que la division générale a erré en droit quand elle a en effet ignoré le témoignage de l’appelante sur la gravité subjective de la douleur et de son effet sur la capacité de travail.

L’arrêt Martin

[10] L’appelante souligne avec raison que la douleur chronique (laquelle j’aborderai de façon interchangeable avec la fibromyalgie) a été reconnue par les tribunaux comme un véritable trouble médical, bien qu’il ne soit pas souvent appuyé par des conclusions objectives. L’arrêt Martin est une affaire qui porte sur les droits à l’égalité dans laquelle la Cour suprême du Canada a statué que la douleur chronique est un trouble médical pouvant véritablement être incapacitant et dans laquelle il a été conclu que l’exclusion générale du régime d’indemnisation des accidentés du travail de la Nouvelle-Écosse enfreignait le paragraphe 15(1) de la Charte canadienne des droits et libertés. Il est vrai que l’affaire Martin ne contenait aucun renseignement précis sur la façon dont la preuve de douleur chronique doit être appréciée pour évaluer l’invalidité et, plus particulièrement, elle n’abordait pas la question de l’importance que le juge des faits doit accorder aux éléments de preuve subjectifs, s’il devait en tenir compte. Cependant, il semble raisonnable de soutenir qu’un trouble de santé dont la caractéristique déterminante représente la manière dont les personnes qui en sont atteintes perçoivent la douleur devrait être évalué, du moins en partie, en tenant compte des éléments de preuve subjectifs relatifs à son intensité et à ses effets débilitants. Alors, une plus grande importance doit être accordée à la question de la crédibilité du requérant. Par conséquent, la division générale a omis d’évaluer des éléments importants associés au trouble de l’appelante, particulièrement son témoignage concernant la subjectivité du niveau de douleur qu’elle ressent et les limitations que la douleur lui cause. La division générale a fondé sa décision de façon pratiquement exclusive sur l’élément de preuve associé aux atteintes organiques de l’appelante et a omis d’évaluer la crédibilité de l’appelante par rapport à l’authenticité et à la gravité de la douleur chronique qu’elle ressent.

[11] Pour la présente affaire, la division générale a cité la décision Martin dans son analyse, mais a simplement reconnu que cette décision ne représente pas une analyse complète dans le cadre d’une demande de pension d’invalidité qui porte sur la douleur chronique. En l’espèce, la division générale a accordé beaucoup d’importance à la preuve objective, car son analyse sur l’examen des rapports médicaux ultérieurs à 2013 représentait de nombreux paragraphes. Elle a entre autres souligné le commentaire du docteur Siddiqi, selon lequel l’IRM montrait que la partie lombaire était [traduction] « raisonnablement intacte », et l’étude de conduction nerveuse subséquente qui montrait une résolution de l’irritation de la racine nerveuse. Je ne suggère pas que ces conclusions n’étaient pas pertinentes; en fait, elles avaient sans doute une valeur probante importante. Toutefois, il aurait fallu en tenir compte, de concert avec la preuve orale de l’appelante, laquelle était après tout l’objet d’une audience d’environ deux heures. Bien que la division générale ait présenté un résumé du témoignage de l’appelante dans sa décision, l’analyse présentait peu d’éléments suggérant que la preuve orale avait joué un rôle important dans son raisonnement. Certainement, la division générale n’avait rien à mentionner quant à la question de savoir si l’appelante était crédible, et précisément, sa description des symptômes de douleur.

Les décisions A. P. et Densmore

[12] La jurisprudenceNote de bas de page 5 a constamment établi que la manière dont chaque requérant perçoit la douleur doit être prise en considération avec d’autres facteurs, incluant l’impact réel que la douleur a sur le fonctionnement du requérant et les efforts qu’il ou elle déploie pour atténuer cette douleur. Le témoignage en soi est insuffisant pour appuyer une déclaration d’invalidité, mais il ne s’agit pas d’un cas exempt de preuve corroborante : le dossier médical démontre que l’appelante a reçu les diagnostics de fibromyalgie et de dépression dans les années 1990, et les plus récents rapports démontrent des changements organiques qui, dans l’ensemble, correspondent aux affirmations de l’appelante par rapport aux douleurs radiculaires.

[13] Grâce à la citation d’une décision de la division d’appel, A. P. c. Ministre de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 6, l’intimé rejette le fait que la division générale avait l’obligation de conclure sur la crédibilité de l’appelante.

[14] J’ai examiné la décision A. P., mais je ne la trouve pas utile. La décision A. P. représente, entre autres, une réflexion sur la portée et l’étendue de la décision MSNBES c. DensmoreNote de bas de page 7, une cause influente de l’ancienne Commission d’appel des pensions (CAP) qui mettait en évidence l’importance de la preuve subjective dans l’évaluation de la douleur chronique. Dans la décision A. P., l’un de mes collègues de la division d’appel a jugé que l’affaire Densmore ne demandait pas nécessairement l’évaluation de la crédibilité pour de tels cas :

Selon la division d’appel, ce qui ressort à la lecture du rapport Densmore est la déclaration selon laquelle, dans les cas de syndrome chronique de la douleur, une évaluation de la crédibilité peut s’avérer nécessaire selon les circonstances de chaque cas[4]. Il semble à la division d’appel que le besoin se fait sentir uniquement en l’absence d’éléments de preuve justificateurs et objectifs tels qu’il est exigé dans l’affaire Villani c. Canada (Procureur général) 2001 CAF 248 (CanLII). Dans l’affaire de l’appelante, la division générale avait des éléments de preuve sur lesquels elle s’est appuyée. Cependant, ces éléments de preuve n’étaient pas à l’appui de la position de l’appelante.

[15] La décision A. P., tout comme l’affaire Densmore et le présent appel, ne concernait pas une affaire où le requérant n’a pas présenté de preuve médicale; pour les trois causes, les requérants ont présenté une preuve médicale, mais leur difficulté concernait le manque de correspondance avec leurs déclarations subjectives sur la douleur. Encore une fois, il s’agit là de la définition même de la douleur chronique, approuvée par la Cour suprême. Dans l’arrêt Densmore, la CAP a jugé qu’une évaluation de la crédibilité pour les affaires de douleur chronique n’était pas seulement désirable, mais essentielle :

La question est difficile parce que la réponse dépend [mis en évidence par le soussigné] de l’opinion que se fait en définitive la Commission quant à l’authenticité de symptômes strictement subjectifs. De fait, la décision rendue, qui ne peut généralement s’appuyer sur des signes cliniques objectifs, revient chaque fois à déterminer si l’intensité des douleurs évoquées est plausible.

Comme elle l’a maintes fois exprimé dans d’autres affaires, la Commission est d’avis qu’il ne suffit pas ici de prouver l’existence d’un syndrome de douleur chronique. La douleur doit être telle qu’elle rend la personne incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Rappelons ici que le requérant doit alors démontrer qu’il a voulu se faire traiter et qu’il a tentée [sic] de surmonter la douleur. Il est donc souhaitable pour celui-ci, mais certes pas essentiel dans tous les cas, et utile pour la Commission, que des témoignages dans le domaine de la psychiatrie, de la psychologie ou de la médecine physique soient obtenus de praticiens qui puissent faire profiter la Commission de leur expérience et de leurs connaissances générales de ce domaine difficile de la médecine.

[16] Bien que je ne sois pas lié par les décisions de la CAP, je juge que les motifs dans l’arrêt Densmore sont contraignants. Le passage précédent semble démontrer que la crédibilité d’un requérant doit comporter une importance d’une plus grande valeur quand la douleur chronique est le locus allégué de l’invalidité. De façon claire, la division générale doit déterminer si un demandeur dit la vérité quand il affirme que l’intensité de sa douleur ne lui permet pas de détenir un emploi véritablement rémunérateur. Il n’est pas indiqué dans la décision Densmore que le juge des faits est déchargé de cette obligation, quoiqu’on établit que l’issue de l’examen variera « chaque fois ». À mon avis, contrairement à l’interprétation faite dans la décision A. P. de l’arrêt Densmore, le juge des faits ne peut pas se soustraire à l’évaluation de la crédibilité d’un requérant, même si la preuve médicale contredit les affirmations de douleur chronique. En fait, une telle preuve médicale fait en sorte qu’une évaluation de la crédibilité est encore plus essentielle. Comme c’est possible, l’argumentation dans la décision A. P. sur cette question peut être superflue, et comme la division d’appel le présente clairement au paragraphe 31, la division générale dans cette affaire a en fait réalisé un examen explicite de la crédibilité du requérant.

Autres éléments de preuve

[17] L’élévation faite dans Densmore de la preuve orale pour les cas de douleur chronique ne changera pas le fait qu’un requérant doit démontrer avoir déployé des efforts raisonnables de recherche pour un autre emploi et pour des options de traitement. L’intimé fait donc valoir qu’il relevait de la division générale de déterminer que l’appelante était capable de travailler sans nécessairement rejeter le témoignage sur la douleur subjective, advenant qu’il avait été déterminé que la preuve dans son ensemble ne démontrait pas que l’invalidité était grave et prolongée. En de telles circonstances, l’intimé soutient que la division générale a simplement accompli son rôle de juge des faits, a reçu et soupesé la preuve orale et documentaire, pour ensuite présenter un avis réfléchi par rapport à une demande de pension d’invalidité au titre du RPC.

[18] L’intimé soutient que, même si la division générale n’a pas tenu compte de la preuve subjective de l’appelante sur la douleur et sur la perte de capacité fonctionnelle concomitante, elle a fondé sa décision sur d’autres facteurs, comme sur l’omission supposée de rechercher un emploi moins difficile et sur le rejet de recommandations de traitements. En conformité avec la décision Densmore, je suis d’accord que la division générale disposait de ces possibilités, advenant que la preuve avait été jugée de façon équitable. La division générale a tiré une conclusion défavorable en lien avec la détermination que l’appelante [traduction] « n’avait pas entrepris de démarches pour retourner à son ancien emploi ou à une autre occupation"Note de bas de page 8, mais n’a pas mentionné le long témoignageNote de bas de page 9 au cours duquel l’appelante décrivait ses efforts pour composer avec ses anciens emplois et expliquait pourquoi elle ne pouvait pas accomplir un rendement fiable pour tout travail.Note de bas de page 10

[19] De façon similaire, l’analyse de la division générale comportait deux allusions à la supposée omission de l’appelante de suivre le traitement médical recommandé, plus particulièrement au fait qu’elle ne se soit pas présentée à la clinique de traitement de la douleur pour subir un blocage nerveux par injectionsNote de bas de page 11. Mais, l’on n’a pas tenté d’associer cette conclusion à la preuve oraleNote de bas de page 12 sur le fait que le médecin de famille de l’appelante ne désirait pas émettre de recommandation. Si les renseignements sont incohérents par rapport à une question principale, la division générale doit présenter des motifs pour préférer un élément de preuve à un autre. Contrairement à l’observation de l’intimé, l’appelante ne demande pas que son témoignage de vive voix soit examiné à nouveau, mais bien qu’il ait été examiné dès le départ.

c) La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées?

[20] Bien que l’appel soit accueilli sur la base d’une erreur de droit, j’aborderai brièvement les allégations de l’appelante quant à une erreur de fait.

(i) Conclusion d’absence de preuve de fibromyalgie après 1995

[21] L’appelante allègue que la division générale a incorrectement jugé, au paragraphe 25 de sa décision, qu’aucune preuve ne démontrait que l’appelante souffrait de fibromyalgie après 1995. Elle a clairement témoigné que sa fibromyalgie perdurait après 1995. L’appelante soutient aussi que la division générale a mal interprété ses observations, dont l’essentiel concernait le fait que la douleur associée à sa fibromyalgie s’était aggravée de manière significative aux environs de février 2013, et que c’est surtout en raison de cette douleur qu’elle ne pouvait plus continuer de travailler.

[22] À vrai dire, je ne constate pas d’erreur sur ce point. Il semble que la division générale a conclu que la fibromyalgie dont souffre l’appelante, dont le diagnostic a été établi dans les années 1990, pouvait être désignée chose du passé sans réserve puisque l’appelante avait travaillé pendant 15 années par la suite. Ce faisant, la division générale semble avoir écarté la possibilité que ce trouble de santé se manifeste à nouveau dans le futur et nuise à la capacité fonctionnelle de l’appelante encore une fois.

[23] Toutefois, la division générale a prudemment déclaré qu’ [traduction] « [a]ucune preuve médicale [mis en évidence par le soussigné] n’a été présentée pour démontrer que sa douleur chronique ou que sa fibromyalgie a persisté après 1995 ou nécessitait un traitement. » Techniquement, cette déclaration semble exacte; aucun document médical d’après 1995 ne mentionne la fibromyalgie ou le SDC, même si l’appelante a présenté un témoignage à ce sujet. Quoique je ne sois pas enclin à infirmer la décision de la division générale sur cet unique fondement, je souligne que ce motif concorde avec la tendance que la division générale n’a pas tenu compte de la preuve orale de l’appelante.

(ii) Conclusion sur le fait que l’état de l’appelante s’est amélioré

[24] L’appelante allègue que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, voulant que son état se soit amélioré.

[25] J’estime que cet argument est fondé, de même qu’il concorde avec l’omission systématique de la division générale à tenir compte de la preuve orale de l’appelante. Au paragraphe 33 de sa décision, la division générale a jugé que l’état de l’appelante s’était [traduction] « grandement amélioré depuis avril 2013 ». Certes, certaines indications dans les rapports médicaux de cette période étaient positives – le Dr Ryan remarquait qu’elle faisait des progrès en physiothérapie, et le rapport d’IRM montrait une certaine guérison – mais elles étaient mixtes, tout au plus. Et, le témoignage de l’appelante précisait que les traitements étaient inefficaces et que la douleur l’immobilisait, ce qui amenuisait ces indications. Aucun élément de cette preuve orale n’a été abordé dans l’analyse de la division générale. Je reconnais qu’un tribunal administratif a la compétence pour accorder le poids qu’il juge pertinent aux éléments de preuve, mais s’il décide de réduire des aspects importants du témoignage d’un requérant, il doit, par obligation d’équité, lui en expliquer la raison. En l’espèce, l’omission de la division générale d’en faire ainsi représente une erreur de justice naturelle.

Conclusion

[26] Pour les motifs exposés précédemment, l’appel est accueilli. L’on peut difficilement imaginer à quel point la décision de la division générale aurait différé si elle avait simplement omis de tenir une audience de vive voix et instruit l’affaire sur la foi d’un examen documentaire. Lorsque l’on invoque précisément la douleur chronique et qu’elle est étayée par un minimum de preuve médicale, il s’agit d’une erreur de droit d’ignorer le témoignage d’un appelant qui porte sur l’intensité de la douleur et de ses effets sur la capacité fonctionnelle. Il s’agissait également d’un manquement à l’équité procédurale pour la division générale de s’appuyer totalement sur la preuve documentaire pour conclure que l’appelante avait omis de chercher un autre emploi et d’étudier ses options de traitement. La division générale a donc ignoré les explications présentées par l’appelante pendant la partie orale de l’audience.

[27] L’article 59 de la LMEDS énonce les réparations que la division d’appel peut accorder en appel. Pour prévenir toute crainte de partialité, il convient en l’espèce de renvoyer l’affaire à la division générale pour qu’une audience de novo soit tenue devant un membre différent de la division générale.

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