Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelant le 9 juin 2015. L’appelant a affirmé qu’il était invalide parce qu’il souffre d’anxiété grave, d’humeur maussade, de dépression, de trouble de stress post-traumatique (TSPT), de douleurs au genou, à la poitrine et au dos, d’allergies et d’apnée du sommeil. L’intimé a rejeté la demande lors de sa présentation initiale puis après révision. L’appelant a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelant doit répondre aux exigences prévues au RPC. Plus précisément, il doit être déclaré invalide au sens du RPC à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date. Le calcul de la PMA est établi en fonction des cotisations de l’appelante au RPC. Le Tribunal estime que la PMA de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2017.

[3] L’audience a eu lieu par téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. les questions qui font l’objet du présent appel ne sont pas complexes;
  2. le mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[4] L’appelant était présent lors de l’audience, tout comme un interprète farsi, Afshin Nikravesh.

[5] Le Tribunal a décidé que l’appelant est admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les motifs énoncés ci-après.

Questions préliminaires

[6] Initialement, l’appel devait être instruit le 12 septembre 2017. Il a été ajourné en raison de difficultés techniques empêchant l’appelant de se connecter à la téléconférence. Après l’audience, le 27 septembre 2017, le Tribunal a procédé à un ajournement allouant du temps à l’appelant pour qu’il présente des documents qui expliquent ses revenus de 2016 et font une mise à jour de son état de santé depuis mars 2017. L’intimé a aussi eu la chance de répondre à ces documents et il l’a fait. Le Tribunal avait ensuite déterminé qu’aucune autre audience n’était nécessaire.

Preuve

[7] Le Tribunal a examiné tous les éléments de preuve figurant au dossier et présentés en témoignage durant l’audience. Le témoignage de l’appelant était généralement cohérent avec ce qu’il avait rapporté précédemment et ce que les médecins avaient observé. Le Tribunal a déterminé que les différences étaient probablement dues à la barrière linguistique ou la mauvaise mémoire de l’appelant. Toutes les incohérences pertinentes sont discutées ci-après. Ce narratif porte sur la preuve que le Tribunal a considérée comme étant la plus pertinente relativement à l’issue de cet appel.

Contexte et historique de travail

[8] L’appelant a maintenant 51 ans. Il est né en Iran où il est allé à l’école jusqu’à l’âge de 15 ans pour ensuite laisser et se joindre à l’armée pour combattre durant la guerre Iran-Iraq. Il a été au front durant plusieurs années. Lorsque la guerre s’est terminée, il a aidé son père à exploiter un kiosque de journaux. Il a immigré au Canada en 2005 avec son épouse et son fils aîné. Un fils cadet est né au Canada en 2006.

[9] Après l’arrivée au Canada, l’appelant et sa famille ont vécu à Vancouver. Il a travaillé dans une épicerie pour une courte période et ils sont ensuite déménagés à Toronto. L’appelant a suivi des cours d’anglais pendant deux ou trois mois. Il parle, lit, écrit et comprend l’anglais suffisamment pour fonctionner dans un milieu de travail, mais il a de la difficulté avec les affaires importantes et complexes.

[10] L’appelant a travaillé comme messager à pied à Toronto pendant plusieurs mois, et il est ensuite retourné en Iran pendant environ un an et demi, car son père était malade. Il n’a pas travaillé en Iran. Lorsqu’il est retourné à Toronto, il a suivi un cours pour se qualifier comme chauffeur de taxi. En 2008, il a commencé à conduire un taxi à Toronto et il a continué à le faire pendant sept ou huit ans.

[11] L’appelant a cessé de travailler à Toronto en mai 2015. Il est déménagé dans la région de Vancouver un ou deux mois plus tard, car les conditions de météo y sont meilleures et parce que l’arrivée de Uber à Toronto avait réduit son travail considérablement. Il devait conduire au moins 12 heures chaque jour pour faire assez d’argent pour couvrir ses dépenses de conduite et il n’était pas capable de le faire en raison de ses douleurs au dos liées au fait qu’il demeurait assis aussi longtemps. Avec l’escalade de ses difficultés financières, il a eu de la difficulté à contrôler ses émotions. Il ne pouvait pas gérer les passagers désagréables et parfois il se retrouvait dans des altercations physiques.

[12] L’appelant souhaitait obtenir un permis de taxi en Colombie-Britannique (C.-B.), mais il ne pouvait pas comprendre le matériel qu’il devait étudier. Il avait été capable de passer les examens en Ontario, car il avait eu des cours avec présence physique tandis qu’en C.-B. le matériel était écrit. Il craignait aussi qu’Uber commence ses opérations en C.-B. et il aurait alors été incapable de gagner sa vie. Il a décidé de ne pas aller de l’avant avec ce type de travail.

[13] L’appelant a affirmé qu’il avait ensuite essayé de travailler dans le secteur de la construction à travers une annonce qu’il avait trouvé dans un journal en farsi. Le travail était difficile, car il lui causait des douleurs aux genoux et au dos. Il s’était aussi disputé avec ses employeurs et il n’avait pas été payé pour certains travaux.

[14] Le registre des gains de l’appelant a indiqué qu’en 2009, la première année de gains disponibles, son revenu se trouvait en deçà de l’exemption de base qui à ce moment-là était de 4600 $. Dans les trois années suivantes, il a gagné environ 15 000 $ par an. En 2013, 2014 et 2015, il a gagné respectivement 7047 $, 5798 $ et 4020 $. En 2016, il a eu des gains de 11 500 $. Tous ses gains après 2009 provenaient de travail autonome (GD8-7).

[15] L’appelant n’a pas pu expliquer ses revenus de 2016 lors de l’audience. Il ne se souvenait pas avoir travaillé plus de quelques jours en 2016. Après l’audience, le comptable de l’appelant a fourni une déclaration écrite indiquant que lorsque la déclaration du revenu de 2016 avait été préparée, l’appelant lui avait expliqué que [traduction] « son état physique ne lui permettait pas de faire du travail physique et, par conséquent, il recevait son salaire en faisant de la consultation dans le secteur de la construction » (GD10-2).

Problèmes psychologiques

[16] Après son expérience durant la guerre Iran-Iraq, l’appelant a commencé à avoir des problèmes de la maîtrise de sa colère, d’irritabilité, d’agression verbale, de trouble de la mémoire, d’anxiété, de stress, de cauchemars, de sautes d’humeur et plusieurs problèmes somatiques. Ceux-ci ont continué après son déménagement au Canada et ont causé des problèmes avec ses emplois et ses relations familiales. À un moment donné, il a laissé sa famille et a vécu dans son auto pendant six mois.

[17] Le médecin de l’appelant à ce moment-là, Dr Mohammady, avait prescrit différents médicaments pour l’anxiété et son état dépressif; lorsque ceux-ci n’ont pas amélioré son état, elle l’envoya voir un psychiatre, Dr Showraki.

[18] L’appelant a vu Dr Showraki en mai 2011. Docteur Showraki a décrit les antécédents de TSPT et a affirmé qu’il semblait souffrir d’une dépression majeure. Elle a prescrit du Cipralex (escitalopram). Elle a augmenté le dosage plus tard et a ajouté de l’amitriptyline; elle a ensuite réduit les dosages quand l’état de l’appelant s’est amélioré. L’appelant a vu Dr Showraki chaque mois jusqu’en juillet 2012 (GD2-16, 175).

[19] L’appelant a déclaré que lorsqu’il l’avait vu, Dr Showraki était satisfait de ses progrès et qu’elle lui avait dit qu’elle n’avait plus besoin de le voir. Il devait faire le suivi avec son médecin de famille, faire de l’exercice et ne pas regarder les nouvelles ou les films perturbants. Docteur Showraki lui a dit de revenir la voir si son état se détériorait encore. L’appelant a demandé à Dr Mohammady plus tard de l’envoyer encore une fois en consultation, mais elle lui a dit qu’il n’avait pas besoin de voir un psychiatre.

[20] Après avoir déménagé à Vancouver, l’appelant a été dirigé vers un traitement en santé mentale à la Vancouver Coastal Health en décembre 2015. Leurs dossiers montrent qu’il a été vu, mais qu’il a refusé d’autres services, car il n’avait pas les compétences langagières (GD6-49). Son nouveau médecin de famille, Dr Karimirad, l’a envoyé pour une autre évaluation psychiatrique, cette fois-ci avec un interprète farsi, et il a vu Dr Iro en mai 2016.

[21] Le rapport de Dr Iro a décrit son entretien avec l’appelant comme étant un processus ardu et de longue haleine qui était limité par la barrière linguistique et par le fait que l’appelant était arrivé 20 minutes en retard. Il a indiqué la colère de l’appelant envers le clinicien d’admission et son l’accent vif accordé au rejet de sa pension d’invalidité. Docteur Iro a déclaré que ceci [traduction] « éveillait des soupçons d’appât du gain ». Il a observé que la plupart des plaintes de l’appelant étaient celles d’anxiété, de stress, d’irritabilité et de colère ainsi que de douleurs dans différentes parties du corps. L’appelant a nié souffrir d’attaque de panique ou de se sentir déprimé. Ses fonctions générales sont essentiellement normales, incluant le sommeil, l’appétit et les niveaux d’énergie.

[22] Docteur Iro a indiqué que l’appelant ne semblait éprouver aucune souffrance psychologique, qu’il n’était pas déprimé ou particulièrement anxieux. Ses facultés cognitives n’ont pas été testées, mais il semblait avoir une bonne connaissance de son orientation spatiale, personnelle et temporelle, et sa compréhension était adéquate.

[23] Docteur Iro ne pensait pas que l’appelant devrait prendre du bupropion à cause de son trouble de l’anxiété. Il a recommandé de l’arrêter et a suggéré d’autres options de remplacement. Il a aussi encouragé l’appelant à entrer en contact avec des organismes pour obtenir du soutien et du counseling. Il a donné congé à l’appelant et a indiqué que son diagnostic n’était pas clair, mais qu’il allait par défaut à celui de TSPT (GD6-47-48).

[24] Docteur Karimirad a noté que l’appelant n’avait pas cessé de prendre du bupropion et elle a continué de lui en prescrire.

[25] L’appelant a vu Dr Mirmiran, psychiatre, en septembre et novembre 2016. Il avait rapporté des difficultés à conserver ses emplois, car ses employeurs trouvaient que son rythme de travail était trop lent et parce qu’il se disputait avec ses collègues. Il a rapporté des problèmes de concentration et de mémoire, de l’apnée du sommeil et des douleurs aux jambes et au dos. Docteur Mirmiran a indiqué que l’appelant lutte contre un trouble de l’humeur et le TSPT, mais il n’a pas exclu d’autres troubles. Il a observé que l’appelant avait un comportement approprié et que ses pensées n’étaient pas désorganisées. Son humeur était irritable et dépressive, mais il a démontré une bonne gamme d’émotions et il avait une bonne compréhension et un bon jugement. Ses facultés cognitives étaient altérées par l’histoire. Il avait des facteurs de stress liés à ses finances et à ses fils. Docteur Mirmiran a indiqué que l’appelant avait rapporté que ses symptômes de TSPT s’étaient améliorés considérablement.

[26] Docteur Mirmiran a diagnostiqué un TSPT en rémission partielle à l’appelant, des douleurs chroniques au bas du dos, de l’hypertension, de la dyslipidémie, des douleurs arthritiques ainsi que des facteurs de stress psychosociaux modérés principalement liés au travail, à sa situation financière et aux conflits avec son fils. Il a soulevé que le score de l’évaluation globale de fonctionnement de l’appelant (EGF) était de 61 à 70. Il a recommandé que l’appelant continue à suivre un programme en farsi de douze semaines de thérapie de groupe à l’hôpital Général de Vancouver.

[27] Docteur Mirmiran a donné congé à l’appelant en novembre 2016. Il a indiqué que l’appelant prenait actuellement de l’escitalopram, du Wellbutrin (bupropion) et de la quétiapine et qu’il tolérait ces médicaments et que son état s’était notamment amélioré depuis qu’il avait commencé à les prendre. Docteur Mirmiran était d’avis que l’appelant devait continuer la prise de ses médicaments, obtenir des conseils financiers et consulter un thérapeute familial au sujet de ses fils. Il a ajouté que l’appelant avait eu de la difficulté à suivre le programme de thérapie, car c’était à une bonne distance et parce que le programme entrait en conflit avec ses emplois (GD6-34-38).

[28] L’appelant a déclaré qu’il avait dit à Dr Mirmiran qu’il se sentait mieux, car il sentait que son état était plus stable en prenant du Cipralex et du bupropion. Il ne sentait pas que son état général avait changé. Il voulait revoir Dr Mirmiran, mais il n’était plus disponible pour des raisons qui n’avaient pas été expliquées à l’appelant. Docteur Karimirad l’a envoyé voir un autre psychiatre et il a été vu par l’assistant de ce psychiatre pour de la thérapie environ chaque mois depuis mars de cette année.

[29] L’appelant ne pouvait pas se souvenir du nom du psychiatre ou du thérapeute, mais il a décrit cette dernière comme étant une dame iranienne qui l’avait aidé. Il a commencé à prendre de la rispéridone [sic], mais il n’a pas remarqué de grandes différences sur ses symptômes après quatre mois.

Problèmes physiques

[30] Les douleurs au dos de l’appelant ont commencé durant la guerre lorsqu’il avait à transporter de lourdes charges. En mai 2016, il a subi un tomodensitogramme de la colonne vertébrale qui a montré des bombements faibles à modérés, une sténose foraminale bilatérale modérée et de l’arthrose facettaire légère à marquée (GD2-17-18). Il a été vu par une spécialiste à l’Université de la Colombie-Britannique qui lui a prescrit des médicaments et de l’exercice. Il devait retourner la voir, mais il n’a pas encore de rendez-vous. Il se rappelle que le médecin lui a dit de ne pas soulever plus de cinq kilogrammes.

[31] L’appelant a déclaré qu’il avait commencé à avoir de la douleur à ses deux genoux lorsqu’il travaillait comme messager. Le médecin lui avait dit qu’il avait de l’arthrite. En 2014, il est tombé et a subi une déchirure du ménisque au genou gauche. En mars 2015, il a subi une chirurgie arthroscopique pour le réparer. Il n’a plus de douleur maintenant de ce côté, toutefois, il continue à en avoir à son genou droit et il a de la difficulté à monter, faire des rotations ou utiliser les escaliers.

Limitations fonctionnelles

[32] Dans sa demande, l’appelant a déclaré qu’à cause de la douleur, de la dépression et du stress, il ne pouvait pas travailler assez pour payer ses dépenses et qu’il avait des problèmes de sommeil la nuit. Il a affirmé qu’il avait dû arrêter de faire du sport, de lire, de jouer avec ses enfants et de « pratiquer d’autres activités normales ». Il a décrit ses limitations à s’asseoir, être debout et à marcher; à soulever des objets, s’étirer et se pencher; avec sa concentration et sa mémoire; avec sa respiration, son sommeil et à conduire.

[33] L’appelant vit dans une maison avec son épouse et ses deux fils. Il passe ses journées à essayer de lire et de faire de l’exercice. Il n’a pas beaucoup de compétences avec les ordinateurs et, par conséquent, il les utilise peu. Il évite de conduire à cause de ses douleurs au dos et parce qu’il est nerveux. Son sommeil s’est amélioré un peu avec la rispéridone, mais il se réveille toujours deux ou trois fois par nuit. Il continue d’avoir des humeurs dépressives et d’être irritable et il n’a aucun réseau social.

[34] Les médecins de famille de l’appelant, Dr Mohammady à Toronto et Dr Karimirad à Vancouver, parlent le farsi. Ils appuient la demande de pension d’invalidité de l’appelant. Tous deux ont fourni des lettres décrivant ses multiples problèmes médicaux, son besoin de traitement régulier, son échec à prendre du mieux et leurs avis qu’il soit incapable de travailler (GD2-13, 14; GD1-5; GD10-1).

Observations

[35] L’appelant a fait valoir qu’il est admissible à une pension d’invalidité en raison de ses multiples problèmes de santé et parce que les médicaments qu’il prend pour les soigner l’ont laissé incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice pendant plusieurs années.

[36] L’intimé a fait valoir que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité, car la preuve ne permet pas de conclure que ses problèmes de santé sont graves ou prolongés au sens du RPC. En particulier :

  1. Sa situation personnelle difficile et ses problèmes financiers ou autres ne sont pas pertinents à la question de savoir s’il est invalide.
  2. Il conserve la capacité de travailler.
  3. Les rapports psychiatriques de 2015 et 2016 n’indiquent pas que son état de santé était grave et ceux-ci devraient avoir prévalence sur les avis de ses médecins de famille.
  4. Ses problèmes physiques sont maîtrisés ou ils ne sont pas incapacitants au point de l’empêcher de faire tout travail.

Analyse

Critères d’admissibilité à une pension d’invalidité

[37] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou qu’il est plus probable qu’improbable, qu’il était invalide au sens du RPC à la date de fin de sa PMA ou avant.

[38] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à un cotisant qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[39] Au titre de l’alinéa 42(2)a) du RPC, pour être invalide, une personne doit être atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée. Une personne est considérée comme atteinte d’une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Caractère grave

[40] Les problèmes physiques de l’appelant ne correspondent pas à la définition de « gravité », toutefois ses problèmes psychologiques le font.

i. Problèmes physiques

[41] L’apnée du sommeil de l’appelant a été traitée par l’utilisation d’un appareil de ventilation en pression positive continue. Son hypertension et son hyperlipidémie sont aussi contrôlées par des médicaments. Aucun problème cardiaque n’a été identifié pour expliquer les douleurs à la poitrine de l’appelant, et en fait celles-ci ne semblent pas être une préoccupation importante pour lui ou ses médecins. Il n’y a pas d’élément de preuve que ces problèmes aient un effet sur sa capacité à détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[42] La douleur au genou gauche de l’appelant a été réglée. Bien qu’il éprouve de la douleur dans son genou droit et dans son dos, ces problèmes semblent être raisonnablement contrôlés avec des médicaments et un programme d’exercices légers et d’étirements. Aucun type d’activités ne lui a été déconseillé à l’exception d’une limite pour la masse à soulever.

[43] Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La gravité d’une invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité d’une personne d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33).

[44] Le Tribunal accepte le fait que l’appelant a des problèmes dégénératifs au genou et à la colonne vertébrale qui lui occasionnent de la douleur et de l’inconfort. Ceux-ci peuvent l’empêcher de faire du travail exigeant physiquement tel que de travailler dans la construction; toutefois, ces problèmes ne l’empêchent pas de faire du travail plus léger.

ii. Problèmes psychologiques

[45] L’appelant souffre d’un certain nombre de symptômes psychologiques, comme documentés dans les rapports médicaux. Le Tribunal accepte la preuve de l’appelant relative aux difficultés qu’il rencontre régulièrement et avec lesquelles il est impossible pour lui de travailler à un niveau véritablement rémunérateur. En particulier, sa colère et son incapacité à contrôler ses humeurs font qu’il lui est difficile de fonctionner dans un environnement de travail pendant longtemps. Sa série d’emplois depuis le déménagement en Colombie-Britannique en est la preuve.

[46] Docteurs Iro et Mirmiran ont décrit l’appelant comme étant relativement fonctionnel; toutefois, ils n’ont pas déclaré qu’il pouvait travailler. Ils n’ont pas discuté de cette question. Les observations sur son état n’appuient pas nécessairement une conclusion que l’appelant est capable régulièrement de travailler.

[47] De toute façon, le Tribunal préfère les avis des docteurs Mohammady et Larimirad plutôt que ceux des docteurs Iro et Mirmiran. Les médecins de famille l’ont vu régulièrement sur une période beaucoup plus longue. Un examen de leurs notes cliniques depuis 2014 indique que, bien qu’à certains moments il est stable, il a des difficultés répétitives avec ses nombreux symptômes. Ces médecins croient que l’appelant est invalide depuis plusieurs années.

[48] Les intimés ont fait valoir que les difficultés financières et non médicales éprouvées par l’appelant n’étaient pas pertinentes à la question liée à son invalidité. Le Tribunal rejette ceci. Si les facteurs de stress dans la vie de l’appelant ont une incidence sur sa santé mentale, ils sont pertinents.

iii. Considérations de l’arrêt Villani

[49] Le critère de gravité doit être évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248). Cela signifie que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

[50] L’appelant a plus de 50 ans et il a une scolarité limitée et de piètres compétences en anglais. Ceci limite les opportunités d’emploi à une catégorie qu’il a déjà essayée et qu’il est incapable de détenir à un niveau rémunérateur. De manière plus importante, il a passé son adolescence à participer à une guerre et ce qui a entraîné des dommages psychologiques qui ont une incidence sur sa capacité à fonctionner dans tout environnement de travail pendant bien longtemps.

iv. Emploi véritablement rémunérateur

[51] Bien que l’appelant puisse avoir des périodes où il se sent mieux qu’à d’autres temps, et qu’il ait en fait travaillé, il n’a pas été véritablement capable de détenir toute occupation véritablement rémunératrice.

[52] L’article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada indique que « véritablement rémunératrice » se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invalidité. En 2014, le revenu était de 14 836,20 $, de 15 175,08 $ en 2015 et de 15 489,72 $ en 2016.

[53] Les revenus de l’appelant n’ont pas atteint ni dépassé le seuil de revenu véritablement rémunérateur en aucun moment depuis que l’article 68.1 du Règlement sur le régime de pensions du Canada a été promulgué en 2014. Ses revenus dans l’année qui précédait étaient également faibles. Bien que ceci puisse être attribué à l’arrivée d’Uber à Toronto, le Tribunal note que même lorsque l’appelant a cessé de conduire un taxi, qu’il est déménagé à Vancouver et qu’il a tenté de faire un travail moins exigeant, il n’a jamais atteint le seuil de revenu véritablement rémunérateur.

[54] Lorsqu’il existe des preuves de capacité au travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada [P.G]), 2003 CAF 117).

[55] L’appelant a clairement des problèmes depuis plusieurs années. Comme chauffeur de taxi, il travaillait de longues heures malgré ses douleurs au dos et ses problèmes psychologiques. Il a des problèmes financiers graves ce qui empire son état de santé. Le Tribunal est convaincu que s’il avait pu travailler davantage, il l’aurait fait. Il est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice.

Date de l’invalidité

[56] Il est difficile de déterminer précisément quand l’appelant est devenu invalide. En juillet 2012, Dr Showraki pensait que son état s’était grandement amélioré. Le revenu de l’appelant a chuté significativement après 2012, mais c’est possiblement dû, en partie, à des facteurs socio-économiques. Il n’y a pas d’élément de preuve médicale de son état en 2013.

[57] Les notes cliniques de Dr Mohammady indiquent qu’en janvier 2014, et régulièrement après, l’appelant a rapporté avoir des difficultés avec son humeur, le stress et des symptômes psychologiques. En novembre 2014, Dr Mohammady a décrit des symptômes importants qui n’avaient pas répondu au traitement et qu’elle considérait comme étant permanents. Le Tribunal est arrivé à la conclusion, sur la balance des probabilités, que l’état de santé de l’appelant est devenu grave en janvier 2014.

Traitement

[58] Le Tribunal est convaincu qu’en prenant en considération toute sa situation l’appelant a fait des efforts raisonnables pour suivre les traitements suggérés. Bien qu’il ait eu de la difficulté avec ses médicaments, qu’il en ait questionné l’efficacité et se soit plaint des effets secondaires, rien que suggère dans les rapports médicaux qu’il ne les prenait pas de manière générale.

[59] La capacité de l’appelant à avoir accès à une thérapie souhaitable a été limitée par ses compétences langagières, son budget et son humeur. Il est évident à l’examen des rapports médicaux et de son témoignage qu’il devient frustré rapidement ce qui ne joue généralement pas en sa faveur. Il est simplement incapable de profiter de certains des services d’appui qui lui ont été offerts. Depuis son arrivée à Vancouver, il a régulièrement essayé d’avoir accès à des services en santé mentale et il s’en est prévalu autant qu’il le pouvait.

[60] Le rapport de Dr Iro indique que l’appelant a été vu à l’été 2015 et qu’il a refusé le traitement, car il sentait qu’il n’avait pas besoin d’un psychiatre et qu’il ne désirait pas changer ses médicaments. Lors de l’audience, l’appelant a contesté ceci. Il se rappelait qu’il voulait essayer un médicament autre que le Cipralex et il ne se rappelait pas avoir dit à quiconque qu’il ne voulait pas voir un psychiatre. Le Tribunal note que le compte-rendu de Dr Iro n’est pas cohérent avec les notes de visite de l’appelant qui avaient été prises par le thérapeute qui en fait le voyait. Comme décrit précédemment, elle croyait qu’il avait refusé des services à cause de la barrière linguistique.

Caractère prolongé

[61] Les problèmes de santé de l’appelant sont persistants. Il a été incapable de travailler de manière significative en raison de son état depuis plus de trois ans. Il a reçu des traitements régulièrement depuis et il n’a pas bénéficié d’amélioration durable ou véritable. Bien qu’il continue de recevoir des traitements et qu’il espère que son état va s’améliorer, ce qu’il vit jusqu’à maintenant indique que ça sera difficile. Son état devrait donc vraisemblablement durer pendant une période longue et de durée indéfinie.

Conclusion

[62] Le Tribunal conclut que l’appelant était atteint d’une invalidité grave et prolongée en janvier 2014 pour les motifs susmentionnés. Aux fins du paiement, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé n’ait reçu la demande de pension d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en juin 2015; l’appelant est donc réputé être invalide depuis mars 2014. En vertu de l’article 69 du RPC, les versements commencent à compter du quatrième mois qui suit la date prétendue du début de l’invalidité. Les versements prennent donc effet en juillet 2014.

[63] L’appel est accueilli.

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