Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] L’appelante, C. M., a subi plusieurs blessures dans un accident de la route qui s’est produit le 19 janvier 2009. Elle a commencé à avoir des maux de tête, de la douleur et de la rigidité au niveau du haut du dos, ainsi qu’une exacerbation de sa fibromyalgie préexistante. Des médecins praticiens ont ensuite diagnostiqué chez elle un trouble dépressif grave et chronique, une phobie liée à la conduite et de la douleur chronique. L’appelante a fait l’objet d’une enquête et d’un traitement approfondies, y compris de physiothérapie, d’orthophonie et de consultation psychologique, mais, à l’exception d’un bref retour au travail en juin 2009, elle n’a pas travaillé depuis son accident en raison de la douleur persistante et des troubles cognitifs.

[3] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en mars 2013, mais l’intimé a rejeté sa demande. L’appelante a interjeté appel de la décision de l’intimé devant la division générale, qui, à son tour, a conclu que l’appelante n’était pas admissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, après avoir établi que son invalidité n’était pas « grave » à la fin de sa période minimale d’admissibilité qui se terminait le 31 décembre 2012. (La date de fin de la période minimale d’admissibilité de l’appelante est la date à laquelle elle doit être jugée invalide.) L’appelante a demandé une permission d’en appeler de la décision de la division générale.

[4] J’ai accueilli la demande de permission d’en appeler de la décision de la division générale de l’appelante, car j’étais convaincue que l’appel avait une chance raisonnable de succès, puisqu’il est possible que la division générale ait mal interprété ou déformé la preuve concernant ses déficits cognitifs et elle a peut-être ainsi omis d’appliquer correctement le critère prévu dans l’arrêt VillaniNote de bas de page 1. L’appelante a soulevé plusieurs moyens d’appel, mais j’ai estimé qu’ils étaient interdépendants, car chacun d’eux portait sur le prétendu trouble cognitif de l’appelante. Je dois maintenant déterminer si la division générale a mal interprété ou déformé les éléments de preuve concernant les déficits cognitifs de l’appelante, et si tel est le cas, je dois déterminer si elle a donc mal appliqué le critère prévu dans l’arrêt Villani.

Questions en litige

[5] Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

Première question en litige : La division générale a-t-elle mal interprété ou déformé les éléments de preuve relatifs à la portée du trouble cognitif de l’appelante?

Deuxième question en litige : La division générale a-t-elle mal appliqué le critère prévu dans l’arrêt Villani?

Analyse

Première question en litige : La division générale a-t-elle mal interprété ou déformé les éléments de preuve relatifs à la portée du trouble cognitif de l’appelante?

[6] L’appelante soutient que la division générale a mal interprété les éléments de preuve médicale relatifs à la portée de son trouble cognitif actuel? Elle soutient que la division générale a confondu une atténuation de ses symptômes avec un rétablissement important. Elle soutient que si la division générale avait tenu compte du fait qu’elle continuait de souffrir de troubles importants de concentration, de mémoire et de compréhension de base, elle aurait nécessairement accepté le fait qu’elle est atteinte d’une invalidité grave en vertu du Régime de pensions du Canada.

[7] L’intimé nie le fait que la division générale a mal interprété la preuve et soutient que l’appelante demande essentiellement qu’il y ait une nouvelle évaluation. L’intimé soutient que je devrais m’en remettre aux conclusions de la division générale.

[8] Compte tenu de l’ampleur présumée des blessures de l’appelante, la division générale était saisie de relativement peu de dossiers médicaux, bien que la majeure partie des dossiers portait sur la fin de la période minimale d’admissibilité. L’audience devant la division générale a eu lieu en décembre 2015. Pourtant, il y a avait une absence flagrante de dossiers médicaux pour 2013, 2014 et 2015, à l’exception du rapport médical rudimentaire du Régime de pensions du Canada, lequel a été rédigé en mars 2013.

[9] Si la division générale avait dû évaluer si l’invalidité de l’appelante pouvait être considérée comme étant prolongée selon le Régime de pensions du Canada, il aurait été difficile de tirer toute conclusion définitive uniquement à partir des dossiers médicaux. Il se voyait clairement que l’appelante avait des problèmes actuels, et un psychologue était d’avis que le pronostic était réservé. Pourtant, l’appelante participait à différentes formes de thérapie avec comme objectif d’améliorer plusieurs de ses capacités cognitives et communicatives, son attention, sa concentration, sa mémoire, ses compétences orales, sa compréhension auditive et son fonctionnement exécutif. Elle n’a pas encore atteint la limite de son rétablissement médical. Autrement dit, l’on s’attendait à ce qu’elle constate une certaine atténuation de ses symptômes, possiblement à un point tel qu’elle pourrait considérer de retourner sur le marché du travail dans une certaine mesure, bien qu’elle ne pourrait pas reprendre son ancien emploi en tant que gestionnaire principale des programmes internationaux où elle menait des activités de marketing et de communications.

[10] L’intimé n’a pas demandé, et la division générale n’a pas tiré de conclusion défavorable à partir du fait qu’elle était saisie de relativement peu de dossiers. Les dossiers dont était saisie la division générale comportaient ce qui suit :

2010

29 octobre Le rapport d’évaluation initial d’un ergothérapeute et l’évaluation des besoins en matière de soins auxiliaires préparés par Amber Yantzi, ergothérapeute (GD3-53 à 73/GD3-74 à 80)

2011

29 août L’évaluation initiale de l’unité de gestion des douleurs chroniques préparée par Antoinette Leone, RSW (GD3-46 à 52)

2012

22 mars Une évaluation professionnelle préparée par Amber Yantzi, OT (GD3-81 à 101)

13 avril Le rapport du Dr J. MacCallum, physiatre (GD3-102 à 123)

20 avril Une évaluation et un plan de traitement psychologiques préparés par le Dr J. Cole, psychologue (GD3-165 à 176)

20 juillet Un rapport d’évaluation en orthophonie préparé par Sarah Gillespie, orthophoniste, et Danielle Randall, directrice des services en réadaptation (GD3-144 to 163)

27 septembre Un rapport sur l’évolution du traitement psychologique et un nouveau plan de traitement péparés par le Dr Cole (GD3-139 à 143)

4 octobre  Un rapport sur l’évolution du traitement psychologique préparé par le Dr Cole (cité à GD3-136, bien qu’il puisse s’agir du rapport du 27 septembre)

30 octobre Un rapport d’étape en orthophonie préparé par Sarah Gillespie et Adrienne Trevisonn, directrice de pratique clinique (GD3-127 à 137)

2013

5 mars Un rapport médical du Régime de pensions du Canada préparé par le Dr Cole (GD3-38 à 41/GD3-42 à 45)

[11] La division générale a noté le diagnostic du Dr McCallum qui était que l’appelante avait des maux de tête, de la douleur généralisée, ainsi que des difficultés sur le plan cognitif, des difficultés de concentration, de mémoire, d’articulation et de la difficulté à faire preuve de créativité. La division générale a également fait référence au rapport du psychologue daté d’avril 2012 dans lequel il a noté que l’appelante avait signalé d’importants problèmes cognitifs. Dans son rapport de mars 2013, il a dressé un diagnostic d’un possible trouble cognitif chez elle, entre autres. La division générale a également noté le rapport de 2012 de l’orthophoniste dans lequel elle avait signalé qu’une augmentation des exigences cognitives avait des répercussions défavorables sur la mise en œuvre de stratégies par l’appelante.

[12] La division générale a noté le témoignage de l’appelante selon lequel elle s’est heurtée aux mêmes troubles cognitifs qu’elle avait signalés au Dr McCallum. De la douleur, du stress et des troubles du sommeil ont exacerbé ses troubles cognitifs.

[13] La division générale a accepté le fait que l’appelante avait des problèmes médicaux, mais elle a conclu que ses [traduction] « symptômes ont considérablement diminué avec le traitement ». La division générale a conclu que l’attention, la concentration et la mémoire de travail de l’appelante se sont améliorées après avoir suivi un programme de réadaptation cognitive. La division générale a conclu que l’appelante avait considérablement amélioré sa conduite. La division générale a également suggéré que ses symptômes n’étaient pas graves, compte tenu du fait que l’appelante semblait être en mesure de gérer ses symptômes à l’aide d’un traitement conservateur et que, mis à part un traitement d’ostéopathie, elle n’a pas tenté de suivre un autre traitement.

[14] Finalement, la division générale a conclu qu’on ne pouvait pas s’attendre à ce que l’appelante travaille de nouveau en tant que gestionnaire principale des programmes internationaux en raison de ses troubles physiques et cognitifs. Cela était en partie parce qu’un tel poste nécessitait plusieurs compétences cognitives, y compris une pensée critique, de la planification, de l’organisation, de la mémoire, de l’attention, des compétences en communication et de la motivation. La division générale a suggéré que l’appelante pourrait occuper un emploi régulier à temps partiel, effectuer des tâches modifiées ou détenir des occupations sédentaires, à la condition qu’elle n’ait pas à rester assise longtemps et que cela ne soit pas exigeant sur le plan cognitif, comme c’était le cas dans le cadre de son précédent emploi.

[15] L’appelante soutient que la division générale a négligé les évaluations en orthophonie qui ont été effectuées en juillet 2012 et en octobre 2012. Le rapport le plus ancien des deux indiquait que l’appelante avait de la difficulté à comprendre les phrases de plus de sept mots, et ce, lors de conversations élémentaires en tête-à-tête dans un environnement silencieux. L’appelante affirme que l’évaluation de juillet 2012 établit également qu’elle a de la difficulté en matière de capacité de raisonnement verbal, ce qui est considérable, compte tenu de ses capacités avant l’accident. L’appelante souligne également que l’évaluation révèle qu’elle manifestait des difficultés d’attention, de concentration de compréhension de l’oral, d’expression orale, de mémoire, de compréhension écrite, d’expression écrite et de fonctionnement exécutif. Elle soutient que la division générale a mal interprété la preuve lorsqu’elle a négligé ces aspects de l’évaluation d’orthophonie.

[16] L’appelante soutient que la division générale a également mal interprété les rapports du Dr Cole, lorsqu’elle a suggéré que toute amélioration de son fonctionnement cognitif a restauré son niveau fonctionnel, alors qu’en fait, il a conclu qu’elle n’a pas fait de progrès importants sur le plan cognitif et qu’elle était toujours au-dessous du niveau cognitif qu’elle atteignait avant l’accident de la route.

[17] De même, bien que la division générale ait fait référence au rapport médical de mars 2013 du psychologue, l’appelante soutient que la division générale a négligé de mentionner le pronostic. Le Dr Cole avait noté que les symptômes de l’appelante, notamment de la fatigue cognitive et une lenteur cérébrale, persistaient sur une base quotidienne. Il a inscrit les limitations fonctionnelles pertinentes comme étant [traduction] « des problèmes de traitement cognitif et des antécédents comprenant plusieurs commotions cérébrales. » L’appelante soutient que l’opinion du Dr Cole au sujet du pronostic et des limitations fonctionnelles pertinentes démontre que ses symptômes cognitifs ne se sont pas améliorés considérablement.

[18] L’appelante note également qu’elle a témoigné de manière exhaustive au sujet de ses problèmes cognitifs, notamment [traduction] « la compréhension, le rappel d’information, des problèmes de mémoire, de concentration, de rétention et d’expression, de la difficulté lors de conversations, où elle a besoin de temps supplémentaire pour traiter l’information avant de parler, et de la difficulté à planifier, à résoudre des problèmes et à prioriser » (2:55 à 4:20 de la partie 1 de l’enregistrement audio devant la division générale). L’appelante soutient qu’elle a énuméré d’autres difficultés, mais qu’elles sont inaudibles sur l’enregistrement audio. Elle note également avoir témoigné que toute amélioration qu’elle a remarquée à la suite du programme de réadaptation cognitive a été de courte durée et que ses symptômes se sont aggravés avec le temps (1:00 de la partie 2 de l’enregistrement audio). Il n’y avait aucun élément de preuve documentaire permettant de corroborer les allégations de l’appelante selon lesquelles ses symptômes se sont aggravés avec le temps, mais l’appelante insiste sur le fait que la division générale n’aurait pas dû accepter le témoignage oral de toute façon. L’appelante soutient que la division générale a omis de faire référence à toute partie de son témoignage oral.

[19] L’appelante reconnait qu’un décideur n’est pas tenu de mentionner tous les éléments de preuve dont il est saisi, mais que ces passages en particulier dans les rapports médicaux et au cours de son témoignage oral ont une valeur probante, et que de faire fi de ceux-ci dénature l’état véritable de ses troubles cognitifs, et ce, à la fin de sa période minimale d’admissibilité, et par la suite.

[20] Dans son rapport du 27 septembre 2012, le Dr Cole a noté que l’appelante avait fait [traduction] « d’importants progrès » en ce qui a trait à son humeur et son anxiété, son sommeil et sa gestion de la douleur. Cependant, elle souffrait toujours de maux de tête quotidiennement, ainsi que d’épisodes d’exacerbation de la douleur liées à un niveau élevé d’anxiété. Le Dr Cole a recommandé à l’appelante de participer au programme de formation Cogmed de cinq semaines portant sur la mémoire et la concentration au travail. Il croyait que le programme [traduction] « serait d’une grande aide », permettant de gérer ses maux de tête intenses. Il a écrit ce qui suit :

[traduction]

Compte tenu des éléments de preuve scientifique éprouvés à l’appui du programme Cogmed, j’ai bon espoir qu’en peu de temps, ce programme aidera considérablement [l’appelante] à améliorer son attention et sa mémoire de travail, puis que cela l’aidera ensuite à fonctionner à un niveau comparable à son état préaccident, et que cela l’aidera même à se préparer à un retour possible sur le marché du travail. [Mis en évidence par la soussignée]

[21] Le Dr Cole était d’avis que les symptômes liés aux maux de tête de l’appelante pourraient persister même à la suite du traitement psychologique. Il a indiqué qu’elle pourrait avoir besoin d’une consultation neurologique et possiblement des analyses d’imageries de sa tête et de son cou afin d’examiner les symptômes liés à ses maux de tête.

[22] Dans son dernier rapport daté de mars 2013, le Dr Cole a noté que l’appelante a démontré une [traduction] « amélioration du rendement » au cours d’une période de cinq semaines, et pourtant, il a également écrit qu’elle continuait d’être lente mentalement et d’avoir de la fatigue cognitive. Cependant, le Dr Cole ne s’est pas penché sur la question à savoir si l’appelante avait répondu aux attentes qu’il a eues vers la fin du mois de septembre 2012 selon lesquelles le programme Cogmed aiderait considérablement l’appelante [traduction] « à fonctionner à un niveau comparable à son état préaccident, et que cela l’aidera même à se préparer à un retour possible sur le marché du travail. » Cependant, il a indiqué que le traitement psychologique était en cours et que la thérapie orthophonique pourrait recommencer. Il est évident que l’appelante a continué de voir le Dr Cole après le mois de septembre 2012, mais l’appelante n’a fourni aucun rapport de progrès qu’il aurait préparé et qui aurait pu venir en aide à la division générale.

[23] L’appelante soutient que la division générale a négligé le rapport d’orthophonie de juillet 2012. Le rapport de juillet 20012 était une évaluation initiale et formulait des recommandations. Ainsi, le rapport de progrès en orthophonie subséquent daté d’octobre 2012 a fourni une image plus fidèle de l’état médical de l’appelante, et ce, plus près de la date de fin de sa période minimale d’admissibilité. Il en est ainsi, car d’ici le mois d’octobre 2012, l’appelante avait suivi un traitement en orthophonie afin de résoudre les problèmes et les préoccupations que les cliniciens avaient identifiés dans leur évaluation initiale. Les séances ont été conçues de manière a fournir à l’appelante une éducation, des exercices et des stratégies pour renforcer ses compétences en communication cognitive afin d’améliorer son fonctionnement lors d’activités quotidiennes. L’appelante a également reçu certains conseils en ce qui a trait au transfert de compétences et aux stratégies apprises en thérapie permettant de fonctionner dans la vie de tous les jours.

[24] Le rapport de progrès en orthophonie daté du 30 octobre 2012 n’a pas fait référence au programme de formation Cogmed. Les cliniciens ont documenté des améliorations dans divers secteurs, mais ils ont noté que la douleur, la fatigue, l’état émotionnel subséquent, ainsi que l’augmentation des exigences cognitives ont eu des répercussions défavorables sur les capacités de l’appelante à mettre en œuvre des stratégies de manière constante et indépendante. Par conséquent, les cliniciens ont recommandé que l’appelante continue la thérapie en orthophonie, ainsi que les séances de thérapie supplémentaires en communication cognitive. D’autres séances de thérapie continueraient à sensibiliser davantage l’appelante à ses symptômes ainsi qu’à leurs répercussions sur ses compétences cognitives, ainsi qu’à faciliter sa capacité de mise en œuvre de stratégies de manière indépendante. Les cliniciens étaient d’avis que l’appelante continuerait de bénéficier de la thérapie. Il n’est pas clair si l’appelante a participé à des séances de thérapie supplémentaire en orthophonie ou en communication cognitive, et si tel est le cas, si cela lui a apporté des bienfaits, car elle n’a fourni aucun rapport définitif de progrès.

[25] Les avis des cliniciens sont conformes au rapport du psychologue daté de septembre 2012. Le psychologue a conclu que l’appelante avait réalisé des progrès importants en ce sens qu’elle se sentait moins anxieuse, avait amélioré son sommeil, estimait qu’elle était en mesure de gérer sa douleur chronique et avait considérablement amélioré sa capacité de conduite. L’intensité et l’ampleur de sa dépression avaient également diminué. Pourtant, le psychologue a noté que l’appelante avait le sentiment que son cerveau ne fonctionnait pas comme il fonctionnait avant l’accident. Et, malgré des améliorations au niveau de son sommeil, de la gestion de la douleur et de l’anxiété, l’appelante estimait qu’elle n’a pas constaté d’importants progrès au niveau de ses fonctions cognitives. Le psychologue a recommandé une autre série de traitements qui consistait en seulement 10 séances de thérapie d’une heure, ainsi que la participation au programme de formation Cogmed portant sur la mémoire de travail.

[26] Malgré les améliorations, il est clair que, d’ici septembre et octobre 2012, l’appelante ne s’était pas améliorée au point où ses fournisseurs de soins seraient convaincus qu’elle avait une certaine capacité pour régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Il n’y a pas eu de discussion par les thérapeutes ou par le psychologue à ce stade selon laquelle l’appelante serait prête à retourner sur le marché du travail. Ils ont recommandé un traitement continu et de la thérapie, y compris le programme de formation Cogmed portant sur la mémoire de travail, afin d’améliorer sa mémoire de travail et sa capacité à prêter attention et à se concentrer sur des tâches.

[27] À ce sujet, la division générale a mal interprété la preuve. Elle a suggéré que si l’appelante avait des problèmes cognitifs continus, ces derniers n’étaient que mineurs. La division générale a fait référence aux améliorations cognitives observées d’ici septembre 2012, mais elle n’a pas mentionné le besoin continu de l’appelante de continuer à participer à des séances de thérapie et de traitement, y compris le programme de formation Cogmed sur la mémoire de travail, ou les difficultés signalées et décrites dans le rapport d’orthophonie d’octobre 2012. Bien que l’appelante ne soit plus au niveau où elle n’était pas en mesure de comprendre les phrases de plus de sept mots, la nature des traitements recommandés, les autodéclarations de l’appelante et les observations des cliniciens ont laissé entendre que l’appelante continuait de présenter des troubles cognitifs de mémoire, d’attention et de traitement.

[28] En interprétant de manière erronée la preuve de cette manière et en confondant d’importantes améliorations avec un rétablissement cognitif (ou quelque chose qui se rapproche de cela), la division générale n’a pas été en mesure de déterminer si l’appelante avait été capable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice d’ici la fin de sa période minimale d’admissibilité. Pour ce motif, j’accueillerai l’appel.

[29] Même si j’accueille l’appel, je ferai certaines remarques supplémentaires. Je tiens à souligner que les fournisseurs de soins de l’appelante étaient d’avis que ses maux de tête contribuaient à ses troubles cognitifs, et malgré une certaine discussion selon laquelle il y aurait une consultation auprès d’un neurologue, au bout du compte, cela ne s’est pas concrétisé. Je ne sais pas si l’on peut nécessairement en déduire que les maux de tête de l’appelante se sont dissipés et que ses facultés cognitives se sont améliorées davantage, mais cela aurait été une conclusion raisonnable à tirer en l’absence de dossiers mis à jour portant sur cette question.

[30] Il y avait un manque de dossiers médicaux devant la division générale. Il n’y avait aucun rapport de progrès ou rapport définitif en orthophonie ou provenant du psychologue à la suite du programme de formation Cogmed de cinq semaines ou de tout autre traitement suivi par l’appelante. Sans antécédents médicaux plus détaillés, je ne vois pas comment un décideur peut déterminer correctement si l’appelante avait de tels troubles cognitifs, même après la fin de la formation Cogmed et d’autres traitements, ainsi que d’autres problèmes médicaux qui faisaient en sorte qu’elle était atteinte d’une invalidité grave d’ici la fin de sa période minimale d’admissibilité. Bien que le Dr Cole ait préparé un rapport en mars 2013, la partie narrative et l’analyse contenues dans ce rapport étaient peu détaillées et donnaient peu d’indications. L’appelante soutient également que son état de santé s’était aggravé, et pourtant, il n’y avait aucun élément de preuve médical permettant de corroborer ses affirmations.

[31] Je renvoie cette affaire à la division générale pour qu’une nouvelle décision soit rendue, mais sans antécédents médicaux plus détaillés, la division générale pourrait très bien conclure qu’une conclusion défavorable devrait être tirée. Un point de départ utile pour l’appelante serait donc d’obtenir et de fournir une copie de son historique de réclamations personnelles afin de déterminer quels traitements elle a suivis, et à quel moment elle les a suivis.

Deuxième question en litige : La division générale a-t-elle mal appliqué le critère prévu dans l’arrêt Villani?

[32] Puisque j’accueille l’appel, je n’ai pas besoin d’examiner cette question en litige, mais je fournirai cependant quelques brèves remarques.

[33] Bien que la division générale ait cité le critère prévu dans l’arrêt Villani et ait ensuite tenu compte de la situation particulière de l’appelante, notamment, son âge, son niveau d’éducation, ses aptitudes linguistiques et ses antécédents de travail, l’appelante soutient que la division générale a quand même omis d’appliquer correctement le critère prévu dans l’arrêt Villani.

[34] L’appelante soutient que la division générale a commis une erreur à ce sujet, car elle n’a pas tenu compte du fait que ses troubles cognitifs modifiaient manifestement la pertinence de son éducation et de ses antécédents de travail dans le cadre de toute évaluation « réaliste ». L’appelante reconnait qu’elle a un bon niveau d’éducation — elle a obtenu un baccalauréat en arts et a participé à un programme de maîtrise pendant un an dans le domaine de l’administration des affaires — qu’elle a d’excellents antécédents de travail et qu’elle a également géré avec succès sa propre entreprise de consultation de 1992 à 2008. Cependant, elle soutient que depuis son accident, elle continue d’avoir des problèmes d’attention, de concentration, de compréhension auditive, d’expression orale, de mémoire, de compréhension écrite, d’expression écrite et de fonctionnement exécutif. Elle se fonde sur une évaluation en orthophonie qui a été menée en juillet 2012, qui a conclu qu’elle avait de la difficulté à comprendre des phrases de plus de sept mots lors de conversations élémentaires en tête-à-tête dans un environnement silencieux.

[35] La division générale a déterminé que les symptômes de l’appelante s’étaient atténués considérablement et qu’il existait peu de troubles cognitifs d’ici la fin de sa période minimale d’admissibilité. Sur cette base, la division générale a conclu que l’éducation et les antécédents de travail de l’appelante étaient pertinents. Cependant, compte tenu de sa mauvaise interprétation de la preuve concernant la portée de ses troubles cognitifs, l’on ne peut pas affirmer qu’elle a appliqué correctement le critère prévu dans l’arrêt Villani. Ce critère comprend un aspect « réaliste » qui, en l’espèce, signifie qu’on doit être réaliste en ce qui a trait à l’applicabilité de la situation personnelle de l’appelante au moment de déterminer la gravité de son invalidité.   Le niveau d’éducation et les antécédents de travail de l’appelante n’étaient pas très pertinents, compte tenu de l’état de ses troubles cognitifs en septembre et en octobre 2012.

Conclusion

[36] Compte tenu des motifs susmentionnés, l’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée à un membre différent de la division générale pour une révision.

Comparutions (par vidéoconférence)

Appelante C. M.
Représentante de l’appelante Jillian Deley (avocate)
Représentantes de l’intimé

Emma Skowron (stagiaire en droit)
Dale Randell (avocatre)

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