Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est accueilli et l’affaire est renvoyée à la division générale pour révision conformément aux motifs et aux directives présentées dans cette décision.

Aperçu

[2] L’intimée, D. B., souhaite obtenir une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC). Elle soutient que la douleur chronique, l’hypertension et la fibromyalgie l’empêchent de travailler. Elle a travaillé pour la dernière fois en 2008.

[3] La division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) a conclu que l’intimée était atteinte d’une invalidité grave et prolongée avant la fin de da période minimale d’admissibilité, et lui a par conséquent accordé une pension d’invalidité.

[4] L’appelant, soit le ministre de l’Emploi et du Développement social, chercher à interjeter appel de cette décision en se fondant sur de prétendues erreurs de droit et graves erreurs dans les conclusions de fait. La division d’appel du Tribunal a accordé la permission d’en appeler sur le fondement que l’appel avait une chance raisonnable de succès. L’audience de l’appel a eu lieu par téléconférence, et les deux parties y ont participé.

[5] La division d’appel estime que la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

Questions en litige

[6] La division d’appel a-t-elle commis une erreur de droit a) en ne tenant pas compte de la jurisprudence contraignante; ou b) en n’expliquant pas ses motifs pour avoir décidé le poids à accorder à la preuve contradictoire?

[7] Si c’est le cas, la division d’appel devrait-elle renvoyer l’affaire à la division générale pour révision, ou la division d’appel est-elle en mesure de rendre la décision que la division générale aurait dû rendre?

Analyse

[8] Les seuls moyens d’appel devant la division d’appel sont les suivants : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 1. Parce qu’il se pourrait que la division générale ait commis une erreur de droit en rendant sa décision, la division d’appel a accordé la permission d’en appeler.

[9] La division d’appel ne doit aucune déférence à l’égard des conclusions de la division générale portant sur des questions de droitNote de bas de page 2. De plus, la division d’appel pourrait trouver une erreur de droit, qu’elle ressorte ou non à la lecture du dossierNote de bas de page 3.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la jurisprudence contraignante?

[10] La division générale n’a pas tenu compte de plusieurs décisions de la Cour d’appel fédérale qui sont pertinentes aux questions en litige en l’espèce et qui lient le Tribunal.

[11] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’intimée doit avoir été atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2011Note de bas de page 4 ou avant cette date. Les termes « grave » et « prolongée » sont définis par le RPC et ont été abondamment interprétés dans la jurisprudence.

[12] Dans son analyse de la question à savoir si l’intimée était atteinte d’une invalidité au sens du RPC, la division générale n’a fait aucune référence à de la jurisprudence. La décision de la division générale n’est pas nécessairement erronée simplement parce qu’elle ne cite pas l’ensemble de la jurisprudence possiblement applicable. Cependant, elle pourrait être erronée si la division générale n’a pas appliqué la jurisprudence contraignante.

[13] L’intimée a travaillé pour la dernière fois en 2008. Elle a travaillé pour Postes Canada pendant des années et a occupé plusieurs postes, notamment celui de camionneuse, factrice et trieuse de courrierNote de bas de page 5. Son dernier poste en tant que trieuse de courrier pendant un quart de nuit était un emploi en position assise. Sa demande d’invalidité de longue durée a été accueillie par le biais du régime de son employeur, et elle n’a pas tenté de travailler ou de se recycler depuis 2008.

[14] La division générale était tenue de mener une évaluation du caractère « grave » dans un contexte réalisteNote de bas de page 6. Cela signifie de garder à l’esprit des facteurs comme l’âge, le niveau de scolarité, la maîtrise de la langue et l’expérience de travail et de vie, lorsque vient le temps de déterminer si une personne est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cette évaluation cherchait à déterminer le lien d’attachement au marché du travail d’un prestataire à la lumière de sa condition médicale et de ses limitations découlant de cette condition. Si la division générale a omis de déterminer raisonnablement le lien d’attachement au marché du travail de l’intimée, alors l’évaluation réaliste prévue dans l’arrêt Villani est incomplèteNote de bas de page 7.

[15] J’estime que l’évaluation de la division générale est incomplète. Elle a tenu compte de ses postes précédents pour un employeur et de ses limitations de mobilité, puis a conclu qu’ [traduction] « il serait déraisonnable de croire que [...] la [prestataire] serait embauchée par un employeur raisonnable. » Essentiellement, la division générale a conclu que l’intimée est incapable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice, car elle est atteinte de douleur chronique et elle a des limitations de mobilité, mais la division générale n’a pas tenu compte de principes de droit pertinents établis dans la jurisprudence.

[16] Contrairement à la jurisprudence contraignante, la division générale n’a pas tenu compte de ce qui suit :

  1. Si la preuve médicale objective appuie la preuve subjective de l’intimée selon laquelle elle souffre de douleur et d’inconfort qui l’empêchent de travaillerNote de bas de page 8. La division générale a fait référence à un rapport médical qui indiquait que les conditions de l’appelante l’empêchaient de se mouvoir et faisaient en sorte qu’elle était incapable de marcher. Cependant, les autres éléments de preuve médicale étaient [traduction] « peu utilesNote de bas de page 9 ».
  2. Si l’intimée avait la capacité, avant la fin de sa période minimale d’admissibilité, de s’acquitter de fonctions modifiées, d’occuper un emploi sédentaire ou quelque chose de similaireNote de bas de page 10. Au lieu d’évaluer la capacité résiduelle de travail de l’intimée, le cas échéant, la division générale a accepté le fait que son dernier emploi était [traduction] « essentiellement » sédentaire et n’a pas davantage analysé ce point.
  3. Si l’intimée avait une certaine capacité de travail avant la fin de sa période minimale d’admissibilité, elle doit alors démontrer que les efforts qu’elle a déployés pour se trouver et conserver un emploi ont été infructueux en raison de son état de santéNote de bas de page 11. La division générale a noté que l’intimée n’a pas postulé pour aucun emploi et a accepté le témoignage de l’intimée selon lequel son médecin [traduction] « sait qu’elle ne peut effectuer tout type de travail ». La division générale n’a pas tenté de déterminer si l’intimée avait déployé des efforts pour se trouver et conserver un emploi et si ces efforts ont été infructueux en raison de son état de santé.

[17] Par conséquent, j’estime que la division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision.

La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en n’expliquant pas ses motifs pour avoir déterminé le poids à accorder à la preuve contradictoire?

[18] Puisque j’ai déjà conclu que la division générale avait commis une erreur de droit en omettant de tenir compte de la jurisprudence contraignante, il n’est pas nécessaire que je tranche cette question en litige. Cependant, je présenterai certaines observations.

[19] L’appelant soutient qu’en concluant que l’intimée était atteinte d’une invalidité grave, la division générale a [traduction] « sauté à une conclusion », conclusion qui n’était pas étayée par la preuve. L’appelant soutient également qu’il y avait des éléments de preuve contradictoires.

[20] Si la division générale décide que les éléments de preuve contradictoires devraient être rejetés ou se voir accorder moins d’importance ou encore aucune importance, elle doit expliquer ses motifs pour en arriver à cette décisionNote de bas de page 12.

[21] J’ai examiné la preuve à laquelle les parties ont fait référence, et je n’ai trouvé aucun élément de preuve directement contradictoire. Cependant, je note que les motifs servent entre autres à expliquer aux parties les fondements de la décision et que cela nécessite certaines explications de la part de la division générale à savoir la façon dont la preuve a été évaluée et étayée. De plus, les motifs de la division générale doivent fournir un fondement intelligible pour sa décision, permettant à la division d’appel d’en faire un examen significatif.

La division d’appel doit-elle renvoyer l’affaire à la division générale pour une révision?

[22] Afin de rendre une décision sur la question à savoir si l’intimée était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2011 ou avant cette date, décision qui doit tenir compte de la jurisprudence pertinente et appliquer celle-ci, il est nécessaire d’examiner en détail les faits et d’apprécier la preuve.

[23] Il incombe à la division générale de tenir compte de la preuve et de la soupeser (et non à la division d’appel). L’affaire sera donc renvoyée à la division générale à des fins de révision. Une audience de novo devant un membre différent de la division générale est appropriée.

Conclusion

[24] L’appel est accueilli. L’affaire est renvoyée à la division générale pour révision.

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