Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est accordée.

Aperçu

[1] La demanderesse, L. J., a 59 ans et a vécu des complications chirurgicales après une réparation herniaire et une hystérectomie. Elle était employée comme conductrice de grand routier, un emploi qu’elle a quitté en novembre 2011 en raison d’une douleur grandissante au pelvis et d’une déchirure d’un tendon à l’épaule droite. Le défendeur a rejeté sa demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC), parce qu’il ne semble pas que ses problèmes de santé l’empêchaient d’accomplir un type d’emplois moins ardus.

[2] La demanderesse a interjeté appel à l’encontre du refus du défendeur devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). Il a été jugé que, certes la demanderesse souffrait de plusieurs troubles, mais ceux-ci ne représentaient pas une invalidité « grave et prolongée » pendant sa période minimale d’admissibilité (PMA), laquelle a pris fin le 31 décembre 2014.

[3] J’ai examiné le dossier et j’ai conclu que cet appel a une chance raisonnable de succès parce que la division générale pourrait avoir : (i) omis d’évaluer la gravité de l’invalidité présumée de la demanderesse dans un « contexte réaliste »; (ii) ignoré les éléments de preuve qui touchaient l’inaptitude au travail de la demanderesse.

Questions en litige

[4] Je dois répondre aux questions suivantes. La demanderesse a-t-elle une cause défendable sur le fait que la division générale :

  1. a erré en droit en omettant d’évaluer la gravité de l’invalidité présumée de la demanderesse dans un « contexte réaliste » comme le prévoit l’arrêt Villani c. CanadaNote de bas de page 1?
  2. a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée en ignorant les éléments de preuve sur l’inaptitude au travail de la demanderesse?

Analyse

[5] Conformément à l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les trois moyens d’en appeler à la division d’appel sont les suivants : la division générale (i) n’a pas observé un principe de justice naturelle; (ii) a commis une erreur de droit; (iii) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Un appel peut être instruit seulement si la division d’appel accorde d’abord la permission d’en appelerNote de bas de page 2, mais la division d’appel doit être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 3. La Cour d’appel fédérale a établi qu’une chance raisonnable de succès équivaut à une cause défendable en droit.Note de bas de page 4

a) La division générale a-t-elle omis d’appliquer le critère de l’approche réaliste?

[6] Je constate une cause défendable sur le fait que la division générale a omis de bien prendre en considération la situation de la demanderesse en décidant que celle-ci était encore capable d’accomplir un travail véritablement rémunérateur.

[7] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas correctement appliqué le critère du contexte « réaliste » de Villani, lequel commande au décideur de tenir compte des facteurs personnels comme l’âge, le niveau de scolarité et les antécédents professionnels de la demanderesse à l’évaluation de l’invalidité. Le simple fait de citer la jurisprudence ne suffit pas. La division générale devait non seulement mentionner l’arrêt Villani, mais également l’appliquer en analysant la gravité de l’invalidité de la demanderesse.

[8] Malgré le fait que la division générale a bien résumé dans sa décision les principes établis par l’arrêt Villani, il n’est pas clair qu’une application rigoureuse a été faite à la situation particulière de la demanderesse. La division générale a souligné que la demanderesse avait 58 ans au moment de l’audienceNote de bas de page 5, qu’elle a obtenu un diplôme en formation générale à l’âge adulte et que ses antécédents relèvent entièrement du domaine des « cols bleus », dont un emploi de serveuse, de camionneuse et d’aide-soignante. La division générale a ensuite conclu ce qui suit [traduction] :

Ces antécédents de travail démontrent au Tribunal que l’appelante approche la fin de sa carrière. Ils démontrent aussi que l’appelante a des expériences limitées dans le domaine du travail sédentaire. Toutefois, malgré ces observations, le Tribunal juge que l’appelante possède des compétences transférables qui lui permettraient de trouver un autre emploi dans un environnement sédentaire, si elle le désirait.

[9] Une occupation sédentaire, contrairement à un travail impliquant des tâches légères, signifie généralement d’être assis ou d’accomplir des tâches administratives et d’utiliser un téléphone ou un ordinateur dans un environnement de bureau. La division générale a reconnu que la demanderesse avait passé sa vie professionnelle à occuper des emplois actifs, mais n’a pas expliqué en quoi elle avait acquis des « compétences transférables » qui permettraient à une femme qui a presque 60 ans à accomplir une transition dans le domaine des « cols blancs ».

[10] Bien que la division générale a tenté d’aborder les exigences établies dans l’arrêt Villani, elle peut avoir eu un raisonnement fallacieux qui n’était pas appuyé par les faits et infondé par la loi. À mon avis, ce motif confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

b) La division générale a-t-elle ignoré les éléments de preuve sur l’inaptitude au travail de la demanderesse?

[11] Puisque la capacité de travail d’un requérant est intimement liée à ses caractéristiques personnelles (voir ce qui précède), j’accorderai aussi la permission d’en appeler sur cette question évidemment vaste, quoiqu’avec certaines réserves.

[12] En tant que juge des faits, la division générale a la compétence de soupeser la preuve comme elle l’entend, pour autant qu’elle le fasse de la manière prévue au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Bien que la demanderesse conteste la conclusion de la division générale sur l’absence de preuve médicale pour étayer le fait que la demanderesse ne pouvait pas détenir un emploi véritablement rémunérateur, elle ne cite pas un rapport précis pour contredire cette déclaration. Cependant, je crois que ce point doit être étudié davantage et je souhaite entendre davantage les parties sur la question de savoir si les déclarations catégoriques de la division générale étaient entièrement appuyées par la preuve médicale documentaire sous-jacente.

[13] Même si la demanderesse n’a pas présenté cet argument, je me demande si une cause peut être fondée sur le fait que la division générale a commis une erreur au paragraphe 54 quand elle a écrit que le rapport du Dr Glasgow du 6 mai 2015 [traduction] « indiquait que l’opération à l’épaule de [la demanderesse] était un succès, et que celle-ci pouvait retourner à son ancien emploi si elle le désirait ». Or, le rapport en soiNote de bas de page 6 indique que le Dr Glasgow a en fait jugé que la demanderesse pouvait retourner à son emploi de camionneuse, avec des restrictions, et avec un traitement de physiothérapie de 20 semaines. La question est de savoir si la division générale a résumé avec exactitude et équité le rapport de Glasgow.

[14] La demanderesse mentionne aussi que la division générale a omis de prendre en considération son témoignage qui s’opposait à la conclusion quant au « succès » de ses opérations. Je constate une chance raisonnable de succès sur ce moyen d’appel, si ce n’est que pour la raison que la division générale s’est exclusivement appuyée sur la preuve médicale documentaire dans son analyse. Bien que la demanderesse a présenté un témoignage exhaustif par rapport à ses déficiences et à sa perte de capacité fonctionnelle, sa preuve orale ne semble pas avoir joué un rôle dans les motifs de la division générale.

Conclusion

[15] J’accorde la permission d’en appeler conformément à tous les motifs présentés par la demanderesse. Si les parties décident de présenter des observations supplémentaires, elles sont libres de formuler leur opinion sur la question de savoir si une nouvelle audience s’avère nécessaire, et si tel est le cas, sur le mode d’audience approprié.

[16] La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.
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