Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] Le 28 décembre 2016, la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) détermina qu’une pension d’invalidité du Régime de pension du Canada n’était pas payable, car le demandeur n’avait pas prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que son état de santé était grave à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, le 31 décembre 2016, ou avant celle-ci.

[2] Le demandeur a présenté une demande de permission d’en appeler (demande) à la division d’appel du Tribunal le 20 janvier 2017.

Question en litige

[3] La division d’appel doit décider si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Droit applicable

Permission d’en appeler

[4] Aux termes des paragr. 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission. La division d’appel accorde ou refuse cette permission d’en appeler.

[5] Le paragr. 58(2) de la LMEDS prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Une cause défendable en droit est une cause qui a une chance raisonnable de succès (voir Fancy c. Canada (Procureur général), 201 CAF 63).

Moyens d’appel

[6] Conformément au paragr. 58(1) de la LMEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. (a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. (b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. (c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[7] Le demandeur déclare généralement que la division générale a commis des erreurs prévues aux al. 58(1)b) et 58(1)c) de la LMEDS, et aussi qu’il avait de nouveaux éléments de preuve pour considération par la division d’appel.

Erreurs alléguées

a) Une conclusion de non-respect est une erreur de fait

[8] Le demandeur fait valoir, entre autre, que la division générale erra en concluant qu’il n’avait pas « optimisé ses options de traitements » (paragr. 30) en omettant de faire le changement de médication. Le demandeur prétend que la division générale ignora, lors de l’audience, les éléments de preuve de son épouse liés à sa capacité de prendre les décisions les plus simples (comme de choisir quels vêtements porter chaque jour) qui découle de son invalidité. Le demandeur ajoute que la division générale commit une erreur de fait en supposant qu’il avait la responsabilité de faire les changements de médication que Dr De Jesus avait recommandés dans son rapport à Dr Kirstine. Le demandeur soutient que la conclusion qu’il n’avait pas suivi le traitement était une erreur.

b) Nouveaux éléments de preuve

[9] Le demandeur souhaite présenter des éléments de preuve à la division d’appel qui n’avaient pas été déposés devant la division générale. Le demandeur a joint une série de documents médicaux à la demande datée de 1995, l’année durant laquelle il a été blessé dans une explosion. Le représentant du demandeur alla chercher et déposa devant la division d’appel plusieurs nouveaux éléments de preuve, après avoir présenté la demande, qui n’avaient pas été portés à la connaissance de la division générale. Le représentant du demandeur prétend que ces éléments de preuve indiquent que depuis le début, il aurait « eu un TSPT [trouble de stress post-traumatique] non diagnostiqué et non traité. » Le représentant du demandeur soutient que, devant la division générale, le demandeur n’était pas représenté, qu’il n’était pas conscient qu’il devait présenter des éléments de preuve médicale et, qu’à l’audience, la division générale n’avait pas questionné le demandeur relativement au fait qu’il puisse avoir un TSPT non diagnostiqué.

[10] Le demandeur fait valoir que la division générale erra en omettant de tenir compte de l’incidence de l’explosion sur le demandeur, et qu’elle omit de considérer si le demandeur avait une maladie mentale remontant à 1995 qui pourrait ne pas avoir été diagnostiquée.

Analyse

a) Une conclusion de non-respect pourrait être une erreur de fait

[11] La division générale jugea que le demandeur n’avait pas suivi son traitement et qu’il n’avait pas d’explication raisonnable pour ce non-respect (voir Bulger c. Ministre du Développement des ressources humaines (18 mai 2000), CP 9164 (CAP)). Cette conclusion pourrait être une erreur de fait conformément à l’al. 58(1)c) de la LMEDS, tirée de manière abusive ou arbitraire par la division générale sans tenir compte de la preuve mise à sa connaissance.

[12] La décision de la division générale indique que Dr De Jesus du Centre de toxicomanie et de santé mentale (CTSM) avait recommandé un ajustement de médication pour le demandeur le 16 octobre 2015, et que [traduction] l’« appelant affirma qu’il considérait ces changements, mais qu’il ne les avait pas encore faits. » (paragr. 30) La division générale conclut que le demandeur ne suivait pas la recommandation de Dr De Jesus, qu’il n’avait pas établi le bien-fondé de son non-respect et, par conséquent, il n’avait pas fait d’efforts raisonnables pour améliorer sa santé (paragr. 30).

[13] Docteur Kristine traite le demandeur en psychothérapie de soutien et en évaluation de pharmacothérapie (paragr. 19). L’objectif indiqué de la consultation avec Dr De Jesus et du rapport était d’évaluer le demandeur et de [traduction] « [...] faire des recommandations de traitement dans le contexte des symptômes d’anxiété et de dépression. » (GD3-1) La demande questionne pourquoi, dans l’analyse de la division générale, il semble que le fardeau est placé sur le demandeur (plutôt que sur son médecin traitant qui avait reçu la recommandation du CTSM) de changer ses médicaments. Étant donné : (i) le rôle reconnu de Dr Kristine dans la gestion de la médication du demandeur; (ii) le fait que Dr Kristine demanda une consultation avec Dr De Jesus pour le demandeur; et (iii) le fait que le demandeur indique maintenant qu’il ne sait pas pourquoi la division générale place sur lui le fardeau de la décision liée à la médication, il est du moins défendable que la division générale erra en concluant que le demandeur ne respectait pas la médication. Dans ce contexte, le fait que le changement de médication était considéré et n’avait pas été adopté jusqu’à ce moment n’explique pas la question liée au manque d’information au sujet du non-respect et du rôle que le médecin traitant du demandeur (Dr Kristine) joua dans la considération du demandeur. La décision ne mentionne rien sur le rôle de Dr Kristine dans la mise en œuvre des recommandations du CTMS. Le demandeur fait valoir qu’il n’était pas non respectueux et que la division a fait une erreur. C’est une position défendable.

[14] Le demandeur soutient aussi que la preuve au sujet de ses limites avait été ignorée dans le contexte de l’analyse sur son non-respect du traitement, ce qui a entraîné une erreur de fait conformément à l’al. 58(1)c) de la LMEDS. La division générale reconnaît ailleurs dans la décision que son épouse affirma qu’il ne pouvait pas se vêtir selon la température, prendre une douche par lui-même ou être laissé sans surveillance (paragr. 16). Ces éléments de preuve n’ont pas été expressément considérés pour déterminer si le fait que le demandeur n’avait pas encore changé ses médicaments constituait un non-respect.

[15] La division générale est présumée avoir examiné l’ensemble de la preuve qui lui a été présenté, mais cette présomption sera écartée si la valeur probante des éléments de preuve qui n’ont pas été expressément analysés est d’un degré qui aurait dû commander une analyse [voir Lee Villeneuve c. Canada (Procureur général), 2013 CF 498; Kellar c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 2002 CAF 204; Litke c. Canada (Ressources humaines et Développement social), 2008 CAF 366]. Il est défendable de prétendre que la division générale devait considérer expressément la preuve liée au manque grave de prise de décision indépendante du demandeur (comme ne pas être capable de décider quels vêtements porter le matin sans avoir de l’aide), lorsqu’elle détermina si le fait que le demandeur n’avait pas encore changé ses médicaments constituait un non-respect de traitement.

b) La division d’appel n’entendra pas ou ne considérera pas de nouveaux éléments de preuve

[16] La division d’appel n’accorde pas de nouvelle (de novo) audience, et elle n’accorde généralement pas de permission d’en appeler au motif de nouveaux éléments de preuve (voir Mette c. Canada (Procureur général), 2016 CAF 276). Par conséquent, elle ne considérera pas les nouveaux éléments de preuve ou les nouveaux arguments fondés sur les nouveaux éléments de preuve en l’espèce.

[17] Étant donné qu’il y ait une erreur possible en l’espèce selon le paragr. 58(1) de la LMEDS, la division d’appel n’a pas à considérer, à cette étape, aucun des autres moyens que le demandeur a soulevés. Conformément au paragr. 58(2) de la LMEDS, il n’est pas nécessaire d’examiner individuellement chaque motif d’appel pour les accepter ou les refuser (voir Mette, ci-dessus). Toutefois, en considérant l’argument du demandeur relativement au TSPT non diagnostiqué, la division d’appel n’examinera pas les nouveaux éléments de preuve que le demandeur a déposé (qui n’avaient pas été présentés à la division générale).

[18] En appel, la division d’appel profiterait des observations relatives aux conclusions de la division générale liées à l’évaluation indépendante faite par Dr Elmpak, ainsi que de savoir si la manière avec laquelle ce rapport a été examiné constituait une erreur conformément au paragr. 58(1) de la LMEDS. La division générale décrivit les résultats du test comme « essentiellement invalides et exagérés ». Toutefois, le rapport recommande que dans le futur le demandeur [traduction] « [...] soit supervisé et guidé durant toutes les étapes d’évaluation de manière à obtenir des résultats valides. Il est possible que l’invalidité des résultats du test soit causée par son incapacité à adéquatement participer et à comprendre les éléments du test. » (GD8-13) L’évaluation neuropsychologique à laquelle la division générale référa (paragr. 14) pourrait avoir été soulevée par les commentaires de Dr Elmpak relativement aux raisons possibles de l’invalidité des résultats (GD8-13).

Conclusion

[19] La demande est accueillie. La présente décision d’accorder la permission d’en appeler ne présume aucunement du résultat de l’appel sur le fond du litige.

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