Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

[1] La demanderesse souhaite obtenir la permission d’en appeler de la décision datée du 9 décembre 2016 rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), laquelle concluait qu’elle était inadmissible à une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

[2] Conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel à la division d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Le paragraphe 58(2) prévoit que la demande de permission d’en appeler est rejetée si la division d’appel est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[3] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à un appel sur le fond. Elle représente un obstacle différent et considérablement moins difficile à franchir que l’étape de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission d’en appeler, la demanderesse doit présenter au moins un moyen d’en appeler prévu au paragraphe 58(1) de la LMEDS qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès, tandis qu’à l’étape de l’appel, la demanderesse doit prouver sa cause selon la prépondérance des probabilités : Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), 1999 CanLII 8630 (CF). Dans le contexte de la demande de permission d’en appeler, une chance raisonnable de succès signifie que l’appel proposé pourrait avoir gain de cause sur la base de certains motifs défendables : Osaj c. Canada (Procureur général), 2016 CF 115; Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Hogervorst, 2007 CAF 41.

Nouveaux documents et renseignements

[4] La demanderesse a inclus quatre documents à sa demande qui n’avaient pas été présentés à la division générale : (i) le rapport de Dr J. Shu de l’hôpital Toronto Western, daté du 10 janvier 2017Note de bas de page 1; (ii) une note de consultation psychiatrique de Dr R. Rizman, datée du 13 janvier 2017Note de bas de page 2; (iii) la demande de crédit d’impôt pour personnes handicapées de l’Agence du revenu du Canada de la demanderesse, datée du 9 mars 2017Note de bas de page 3; (iv) la documentation relative aux procédures devant la Commission d’indemnisation des victimes d’actes criminels (Ontario), datée du 16 et 26 mai 2017Note de bas de page 4. Elle fit aussi un certain nombre de déclarations concernant l’évolution de son état de santé depuis l’audience devant la division générale. Par exemple, elle décrivit un diagnostic récent, reçu 13 janvier 2017, de trouble de la personnalité limite et de trouble somatoforme, ainsi que les thérapies qui leur sont associées et qu’elle suit présentementNote de bas de page 5.

[5] La division d’appel n’a que des pouvoirs limités conformément à la LMEDS. Son rôle est d’examiner la décision de la division générale pour déterminer si le membre qui a instruit l’appel a commis une erreur qui cadre avec l’un ou l’autre des trois moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS. La présentation de nouveaux éléments de preuve n’est pas un moyen d’en appeler en vertu de la LMEDS, voir l’arrêt Belo-Alves au paragr. 108. De plus, un appel devant la division d’appel ne représente pas une audience de novo (Marcia c. Canada (Procureur général), 2016 CF 1367). En conséquence, il s’agit d’une règle générale qui a été confirmée par l’arrêt Parchment v. (Procureur général), 2017 CF 354 voulant que la preuve documentaire devant la division d’appel est limitée à la preuve au dossier qui était devant la division générale. Par conséquent, de nouveaux documents et de nouveaux renseignements relatifs au diagnostic et aux traitements subséquents à l’audience de la division générale sont inadmissibles et je n’ai pas tenu compte de cette information en l’espèce.

Décision de la division générale

[6] En l’espèce, comme conclut par la division générale, la période minimale d’admissibilité (PMA) se termina le 31 décembre 2015. Le membre de la division générale considéra si la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave et prolongée le 31 décembre 2015 ou avant cette date.

[7] Dans sa décision, le membre consacra 36 paragraphes à l’examen de la preuve et des observations de la demanderesse sur l’appel. Ces paragraphes incluaient une longue énumération des éléments de preuve médicale et du témoignage oral présenté par la demanderesse et son époux lors de l’audience.

[8] Dans son analyse, le membre de la division générale reconnaissait que la demanderesse avait présenté plusieurs symptômes durant les quelques années précédentes et qu’à la fin de la PMA ses symptômes avaient une incidence sur son fonctionnementNote de bas de page 6.

[9] Le membre indiqua, en référence à la preuve médicale, qu’aucun des médecins de la demanderesse n’avait affirmé qu’elle était incapable de détenir quelque emploi. Le membre considéra aussi les antécédents de travail de la demanderesse entourant la date de fin de la PMA. Elle déclara :

[traduction]

[46] Il est notable que de septembre 2015 à avril 2016 (quelques mois avant et quelques mois après la PMA de la demanderesse), la demanderesse travaillait et, par moment, avait deux emplois. Par exemple, la lettre de l’appelante du 26 septembre 2015 indiquait qu’elle avait deux emplois à temps partiel à ce moment-là. De plus, la demanderesse a déclaré que durant la période où elle travaillait comme femme de ménage, de janvier à avril 2016, elle travaillait aussi deux jours par semaine dans un poste de secrétariat. Il est aussi notable que, bien que la demanderesse reconnaissait que son emploi de bureau était facile physiquement, elle continuait néanmoins de détenir, durant et vers la fin de sa PMA, des emplois qui étaient plus exigeants comme l’emploi au Shoppers Drug Mart qui nécessitait d’être debout longtemps et l’emploi d’entretien qui impliquait du travail physique.

[10] Le membre indiqua que la preuve ne suggérait pas que des employeurs de la demanderesse de septembre 2015 à avril 2016 aient été bienveillants ou aient offert des adaptations au travail, qui suggéreraient que la demanderesse était capable de continuer de travailler, incluant le travail physiquement exigeant, dans les mois précédant et suivant la fin de la PMANote de bas de page 7.

[11] Le membre a tenu compte des composantes physiques et mentales de l’état de santé de la demanderesse. Elle examina la preuve et conclut que l’état de santé mentale de la demanderesse n’avait pas d’incidence sur sa capacité à travailler au 31 décembre 2015.

[12] Le membre considéra les facteurs identifiés par la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 RCF 130, 2001 CAF 248, et indiqua :

[51] LeTribunal considéra l’arrêt Villani et il est conscient que pour déterminer si l’invalidité d’une personne est grave, le Tribunal doit tenir compte de facteurs tels que l’âge, le niveau de scolarité, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie.

La considération de ces facteurs assure que le critère de gravité est évalué dans un contexte réaliste (Villani c. Canada (Procureur général), [2002] 1 RCF 130, 2001 CAF 248).

[52] En l’espèce, l’employabilité à la fin de la PMA ne pourrait pas être déclarée ayant été atteinte défavorablement par les facteurs de l’arrêt Villani. Elle n’avait que 42 ans à la date de fin de la PMA, avait terminé une onzième année et maîtrisait au moins une des deux langues officielles du Canada. Elle avait aussi occupé différents types d’emploi qui lui avaient donné la possibilité d’acquérir un éventail de compétences transférables. Ses emplois avaient inclus du travail comme aide-soignante, assistante administrative (secrétaire), superviseure à un Shoppers Drug Mart et photographe.

[13] Le membre avait conclu que l’invalidité de la demanderesse n’était pas grave au 31 décembre 2015.

Analyse

[14] Dans les observations présentées en appui à sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse affirme son désaccord avec la décision de la division générale et déclare qu’elle est incorrecte, car elle souffre d’une invalidité qui l’empêche de travailler. Elle indique son désaccord avec les conclusions tirées par le membre de la division générale, qui selon elle ne reflète pas l’incidence de son état de santé sur sa vie et sa capacité à travailler. Elle fournit une description de son état de santé durant la période allant d’octobre à décembre 2016 ainsi qu’actuellement (à la date de la demande de permission d’en appeler), et elle affirme que son état se détériore.

[15] La demanderesse prétend que la liste des symptômes détaillée au paragr. 11 de la décision n’inclut pas tous les symptômes qu’elle présente. Ceci est exact. Toutefois, la description de la division générale des symptômes de la demanderesse et de la preuve se continue aux paragr. 12 à 36, et est contenue dans quelques 13 pages. Le membre de la division générale a examiné en détail la preuve documentaire et orale relative à l’ensemble des problèmes de santé de la demanderesse.

[16] Dans ses observations, la demanderesse prétend aussi que ses symptômes se sont aggravés en 2016 jusqu’au moment de présenter sa demande de permission d’en appeler. Toutefois, la question, dont le Tribunal était saisi, était de savoir si la demanderesse avait démontré, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au sens du RPC à la date de fin de la PMA ou avant le 31 décembre 2015. L’état de santé de la demanderesse à la fin de 2016 et à la date de sa demande de permission d’en appeler n’est pas pertinente à cette question en litige.

[17] En appui à son argument voulant qu’elle soit admissible à une pension d’invalidité, la demanderesse soutient qu’elle n’est pas capable de conserver un emploi à temps plein. Elle soutient aussi qu’elle travaillait seulement à cause de pressions financières.

[18] En tirant une conclusion que l’invalidité de la demanderesse n’était pas grave à la date de fin de la PMA, le membre de la division générale a tenu compte, en partie, du fait que la demanderesse travaillait, et à certains moments détenait deux emplois à temps partiel, durant la période précédant et suivant la date de fin de la PMANote de bas de page 8. Le membre a aussi tenu compte de la preuve médicale pour appuyer sa conclusion voulant que l’invalidité de la demanderesse n’était pas grave à la date de fin de la PMA.

[19] La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé dans l’arrêt Miceli-Riggins c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 158, 2013 CAF 158, que de détenir un emploi à temps partiel peut démontrer qu’une prestataire est capable de travailler et, par conséquent, inadmissible à une pension d’invalidité du RPC. La Cour s’est exprimée comme suit :

Comme on le sait, il est difficile de satisfaire au critère de l’alinéa 42(2)a) du Régime [RPC]. Une invalidité n’est « grave » que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La gravité se juge non pas par la gravité de la maladie dont souffre le demandeur, mais plutôt en déterminant si le demandeur est capable ou non de travailler.

Or, le critère de « l’incapacité de travailler » est des plus difficiles à satisfaire. Pour ce faire, le demandeur doit démontrer davantage qu’une simple incapacité d’exécuter les fonctions de son ancien emploi. Il doit plutôt démontrer qu’il est « incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice », ce qui comprend les activités modifiées au lieu de travail habituel du demandeur, le travail à temps partiel, que ce soit au lieu de travail habituel du demandeur ou ailleurs, ou le travail sédentaire. [mis en évidence par la soussignée]

[20] Comme la Cour l’a indiqué dans l’arrêt Klabouch c. Ministre du Développement social, 2008 CAF 33, au paragr. 14, c’est la capacité de la demanderesse à travailler et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité selon le RPC. En l’espèce, le membre de la division générale était en droit de tenir compte des activités de travail durant la période directement avant et après la date de fin de la PMA. Que la demanderesse travailla à cause de pressions financières ou pour toute autre raison n’est pas pertinent à la question de savoir si elle avait la capacité de travailler. Je juge que la demanderesse n’a pas soulevé un argument qui confère à l’appel proposé une chance raisonnable de succès.

[21] Dans sa demande, la demanderesse essentiellement refait son plaidoyer et demande qu’une décision différente soit rendue, plutôt que d’alléguer une erreur relevant du paragr. 58(1) de la LMEDS. La Cour fédérale a récemment confirmé, dans l’arrêt Canada (Procureur général) v. Tsagbey, 2017 CF 356, qu’une demande de permission d’en appeler est justement rejetée lorsqu’une demanderesse souhaite seulement rebattre à nouveau sa position ou que la preuve présentée à la division générale soit appréciée à nouveau.

[22] Je garde à l’esprit la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Griffin c. Canada (Procureur général), 2016 CF 874, où le juge Boswell a fourni quelque indication quant à la manière avec laquelle la division générale devrait traiter les demandes de permission d’en appeler aux termes du paragraphe 58(1) de la LMEDS :

[20] Il est bien établi que c’est à la partie demandant l’autorisation d’interjeter appel qu’il incombe de produire l’ensemble des éléments de preuve et des arguments requis pour satisfaire aux exigences du paragraphe 58(1) : voir, par exemple, Tracey, précitée, au paragraphe 31; voir aussi Auch c. Canada (Procureur général), 2016 CF 199 (CanLII), au paragraphe 52, [2016] ACF no 155. Malgré tout, les exigences du paragraphe 58(1) ne doivent pas être appliquées de façon mécanique ou superficielle. Au contraire, la division d’appel devrait examiner les rapports sous-jacents et déterminer si la décision ne tenait pas compte des éléments de preuve : Karadeolian c. Canada (Procureur général), 2016 CF 615, au paragr. 10, [2016] ACF No 615. [mis en évidence par la soussignée]

[23] J’ai examiné le dossier sous-jacent et je n’ai relevé aucun élément indiquant où le membre de la division générale n’aurait pas tenu compte correctement d’éléments de preuve.

[24] Dans ses motifs, le membre de la division générale refusa d’accepter un document présenté par la demanderesse le 14 octobre 2016, car il avait été déposé en retard et parce que le défendeur n’avait pas eu la chance de l’examiner avant le début de l’audience. Le membre a aussi indiqué que la journée suivant l’audience, le Tribunal avait reçu de la part du défendeur une annexe à ses observations qui semblait avoir été préparée en réponse aux documents déposés par la demanderesse le 14 octobre 2016. Je note que le document du 14 octobre 2016, auquel le membre de la division générale faisait référence, consistait en une feuille d’envoi par télécopieur et une feuille contenant des observationsNote de bas de page 9.

[25] Le refus du Tribunal d’accepter les observations pourrait constituer un manquement à un principe de justice naturelle. En l’espèce, bien qu’il aurait pu être préférable pour le membre d’accepter le document tardif de la demanderesse ainsi que l’annexe du défendeur en réponse aux observations de celle-ci, j’ai conclu que le refus du membre de considérer les observations de la demanderesse du 14 octobre ne constituait pas un manquement à un principe de justice naturelle. J’ai examiné en détail les observations du 14 octobre. Elles ne font que répéter des observations déjà faites par la demanderesse dans d’autres documents déposés précédemment devant le Tribunal et qui font partie du dossier dont disposait le membre de la division générale. Par conséquent, même si le membre n’a pas accepté le dépôt du 14 octobre, elle avait en sa possession toute la preuve et les observations déposées par la demanderesse sur lesquelles elle avait fondé sa décision.

Décision

[26] Après avoir examiné les points soulevés dans les plaidoiries de la demanderesse, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès à aucun des moyens prévus par la loi. Conformément au paragraphe 58(2) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

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