Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, J. R., interjette appel de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal) de rejeter sommairement sa demande de prestations d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada (RPC).

[3] Madame J. R. travaillait comme commis-vendeuse en commerce de détail lorsqu’elle s’est blessée au travail, blessure qui a entraîné de la douleur au dos, aux épaules et au cou. Elle a quitté son emploi en novembre 2014 et a présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC. L’intimé, soit le ministère de l’Emploi et du Développement social, a rejeté sa demande après avoir déterminé qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » au cours de sa période minimale d’admissibilité (PMA) qui a pris fin le 31 décembre 2005, ou le 30 avril 2006 si la disposition relative au calcul au prorata s’applique.

[4] Dans une décision datée du 1er mars 2017, la division générale a rejeté sommairement l’appel après avoir conclu que puisque madame J. R. n’avait fourni aucun élément de preuve à l’appui de son état médical au cours de la PMA ou de la date calculée au prorata, l’appel n’avait aucune chance raisonnable de succès. La division générale a également cité le fait qu’elle a travaillé en 2014.

[5] Le 13 mars 2017, madame J. R. a interjeté appel auprès de la division d’appel du Tribunal, réitérant ses observations antérieures selon lesquelles elle souffrait d’une douleur grave qui faisait en sorte qu’il lui était impossible de travailler. Dans une lettre datée du 18 septembre 2017, le Tribunal a rappelé à madame J. R. les moyens d’appel précis qui sont prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) et a demandé qu’elle fournisse, dans un délai raisonnable, les motifs détaillés à l’appui de son appel. À la demande de madame J. R., le Tribunal lui a ensuite accordé deux prorogations de délai afin qu’elle puisse présenter des observations supplémentaires, mais elle ne l’a pas fait en date du délai le plus récent, soit en date du 10 novembre 2017 ni en date de la décision en l’espèce.

[6] Compte tenu de l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent, j’ai décidé de dispenser les parties d’une audience de vive voix et de trancher l’appel sur la foi du dossier documentaire existant. Pour les motifs qui suivent, j’ai conclu que la décision de la division générale doit être maintenue.

Questions en litige

[7] Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

Question en litige no 1 : Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard des décisions de la division générale?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle appliqué le bon critère pour un rejet sommaire?

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis des erreurs en rendant sa décision?

Analyse

Question en litige no 1 : Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard de la division générale?

[8] Les seuls moyens d’appel devant la division d’appel sont les suivants : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 1. La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division généraleNote de bas de page 2.

[9] Jusqu’à tout récemment, il était convenu que les appels à la division générale étaient régis par la norme de contrôle établie par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 3. Dans les affaires où sont allégués des erreurs de droit ou des manquements aux principes de justice naturelle, la norme applicable était celle de la décision correcte, qui commandait un degré inférieur de déférence envers un tribunal administratif de première instance. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable était celle de la décision raisonnable, témoignant d’une réticence à toucher à des conclusions tirées par l’organe chargé d’instruire la preuve factuelle.

[10] Dans l’arrêt Canada c. HuruglicaNote de bas de page 4, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se rapporter en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle. Cette prémisse a amené la Cour à déterminer que le critère indiqué découle entièrement de la loi constitutive d’un tribunal administratif : « L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur […]. »

[11] En conséquence, ni la norme de la décision raisonnable ni celle de la décision correcte ne s’appliquera en l’espèce, à moins que ces mots, ou leurs variantes ne figurent explicitement dans la loi constitutive du tribunal. Si cette approche est appliquée à la LMEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et 58(1)b) ne qualifient pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui laisse entendre que la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la division générale. Le terme « déraisonnable » n’apparaît nulle part à l’alinéa 58(1)c), qui traite des conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les qualificatifs « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme on le suggère dans l’arrêt Huruglica, on doit donner à ces mots leur propre interprétation, mais le libellé indique que la division d’appel devrait intervenir lorsque la division générale fonde sa décision sur une erreur flagrante ou en contradiction avec le contenu du dossier.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle appliqué le bon critère pour un rejet sommaire?

[12] Je suis convaincu que la division générale a utilisé le mécanisme adéquat pour trancher l’appel de madame J. R. Au paragraphe 3 de sa décision, et au paragraphe 13 également, la division générale a invoqué le paragraphe 53(1) de la LMEDS, énonçant correctement la disposition qui lui permet de rejeter sommairement un appel qui n’a aucune chance raisonnable de succès. Toutefois, je reconnais qu’il n’est pas suffisant de tout simplement citer la loi sans l’appliquer correctement aux faits.

[13] La décision de rejeter sommairement un appel se fonde sur un critère préliminaire. Il ne convient pas d’examiner l’affaire sur le fond en l’absence des parties, puis de conclure que l’appel ne peut pas réussir. Dans l’arrêt Fancy c. CanadaNote de bas de page 5, la Cour d’appel fédérale a déterminé qu’une chance raisonnable de succès est comparable à une cause défendable en droit. La Cour s’est également penchée sur la question du rejet sommaire dans le contexte de son propre cadre législatif, et conclu que le seuil relatif au rejet sommaire est élevéNote de bas de page 6. La question qu’il faut se poser est de savoir s’il est évident et manifeste sur la foi du dossier que l’appel est voué à l’échec. Il ne s’agit pas de déterminer si l’appel doit être rejeté après un examen des faits, de la jurisprudence et des arguments des parties. La question est plutôt de savoir si l’appel est voué à l’échec indépendamment de la preuve et des arguments qui pourraient être avancés durant l’audience.

[14] En l’espèce, madame J. R. a admis qu’elle a été capable de travailler au cours de la dernière période pendant laquelle elle était admissible à des prestations d’invalidité du RPC. De plus, la division générale a conclu qu’aucun de ses éléments de preuve médicale ne provenait de la période pertinente de 2005-2006. Mon examen du dossier confirme que le premier rapport disponible datait de 2014. Conformément au Règlement sur le Régime de pensions du Canada, au moins certains éléments de preuve pertinents et objectifs doivent être présentés à l’appui d’une demande de prestations d’invaliditéNote de bas de page 7, un principe qui a été appuyé à maintes reprises dans la jurisprudenceNote de bas de page 8.

[15] En l’absence de tout recours en matière d’équité, la division générale avait compétence pour rejeter l’appel de façon sommaire. Selon moi, il était évident et manifeste sur la foi du dossier que les arguments de madame J. R. étaient voués à l’échec.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle commis des erreurs en rendant sa décision?

[16] Les observations de madame J. R. n’équivalaient qu’à une synthèse de l’affaire qu’elle avait déjà présentée à la division générale. Essentiellement, elle faisait valoir qu’elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée, mais la division d’appel n’a pas la compétence, en vertu de la LMEDS, pour instruire de nouveau la preuve sur le fond et elle ne peut qu’évaluer les motifs qui se rattachent aux moyens indiqués au paragraphe 58(1).

[17] Il convient de se rappeler que le fardeau de la preuve dans le cadre des demandes de pension d’invalidité du RPC incombe au requérant. En l’espèce, il revenait à l’appelante de démontrer qu’elle était admissible à des prestations d’invalidité du RPC. Selon mon examen du dossier, j’en conclus que la division générale a évalué la preuve disponible de manière équitable et l’a correctement appliqué à la loi. Finalement, la division générale a jugé qu’aucun élément ne se rapportait à la période pertinente, qui date maintenant de près d’une décennie, alors que l’appelante était couverte pour la dernière fois.

[18] Bien que madame J. R. puisse juger que cette issue est injuste, la division d’appel ne peut qu’exercer la compétence qui lui est conférée par la LMEDS. Cette position est notamment appuyée par l’arrêt Canada c. Tucker Note de bas de page 9, qui a confirmé qu’un tribunal administratif n’est pas une cour de justice, mais plutôt un décideur prévu par la loi, qui n’a ainsi pas compétence pour accorder une quelconque réparation équitable.

Conclusion

[19] L’appelante n’a pas réussi à démontrer de quelle façon la division générale a commis une erreur en rejetant de façon sommaire son appel. L’appel est donc rejeté.

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