Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 3 septembre 2013. L’appelante affirme être invalide parce qu’elle souffre de fibromyalgie, de dermatite de contact allergique, d’un trouble d’adaptation, de déficiences cognitives, de fatigue et de sommeil non réparateur. L’intimé a accepté la demande de l’appelante et a accordé une pension d’invalidité du RPC avec comme date à laquelle l’invalidité est réputée avoir commencé de juin 2012 et un début de versements en octobre 2012. Toutefois, l’appelante a demandé un réexamen de sa demande, car elle a prétendu qu’elle était invalide depuis février 2011. L’intimé a maintenu sa décision initiale au stade de la révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal).

[2] Le membre de la division générale du Tribunal précédent avait décidé de rejeter sommairement l’appel de l’appelante. L’appelante a ensuite interjeté appel de la décision de rejet sommaire devant la division d’appel du Tribunal. Dans une décision datée du 23 février 2017, la division d’appel a accueilli l’appel relatif au rejet sommaire et a transmis la cause à la division générale pour une audience de novo. La division d’appel a aussi demandé que l’affaire soit attribuée à un autre membre de la division générale et que la décision précédente de la division générale soit retirée du dossier. Ces instructions ont été suivies et le présent membre du Tribunal n’a pas vu la décision du membre du Tribunal précédent.

[3] Comme l’intimé a déjà accepté l’invalidité de l’appelante en vertu du RPC, la seule question en litige de cet appel est la date à laquelle l’invalidité est réputée avoir commencé. À son tour, la réputée date de début d’invalidité va déterminer la date de début des versements.

[4] Le présent appel a été instruit au moyen de « questions et de réponses écrites » pour les raisons suivantes :

  1. Ce mode d’audience offre les mesures d’adaptation requises par les parties ou les participants. Particulièrement, l’appelante a déclaré qu’elle ne pouvait se présenter à une audience en personne, mais qu’elle pouvait répondre par écrit à questions données par écrit.

[5] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal a décidé que l’appelante n’est pas admissible à une date à laquelle l’invalidité est réputée avoir commencé qui soit antérieure à juin 2012.

Preuve

[6] Une quantité importante d’éléments de preuve documentaire a été présentée et s’y ajoute les éléments de preuve recueillis lors du processus de « questions et de réponses écrites ». L’ensemble des éléments de preuve ont été pris en compte; cependant, seuls les plus pertinents sont expressément mentionnés dans ce résumé.

[7] L’appelante est maintenant âgée de 52 ans et réside à X, en Alberta. Son emploi le plus récent était comme agente de perception des impôts pour l’Agence du revenu du Canada. Son dernier jour de travail était le 10 février 2011. À ce moment, Dr Stephen Bell (médecin de famille) a déclaré qu’elle était complètement invalide et il a estimé qu’elle ne pourrait retourner au travail avant quatre mois. Toutefois, elle n’est jamais retournée au travail et elle a finalement présenté une demande de pension d’invalidité du RPC qui a été accueillie. Dans les documents relatifs à sa demande, elle a expliqué qu’elle n’était plus capable, en date du 11 février 2011, de travailler en raison de son état de santé.

[8] Avant d’arrêter de travailler complètement, la dermatite de contact allergique de l’appelante avait été accommodée, car elle pouvait travailler à partir de la maison. Le 11 mai 2011, elle a vu Dr Scott Wilson (neurologie et électromyographie), car elle se plaignait d’engourdissements ou de picotements et elle était inquiète de ses fonctions cognitives. Docteur Wilson a indiqué que les plaintes relatives aux troubles cognitifs étaient vagues : c’était plus lié avec de la fatigue mentale et des problèmes de concentration et d’oublis. Ses études de conduction nerveuse étaient normales.

[9] Le 1er août 2011, Dr Bell a déclaré que l’appelante était incapable de travailler en raison de douleurs musculaires, de fatigue et de problèmes importants de concentration. Ceux-ci l’avaient empêchée de réaliser ses tâches de base, même dans un environnement de travail adapté à la maison. Docteur Bell a noté un diagnostic de fibromyalgie en octobre 2010 : elle attendait toujours un rendez-vous avec un spécialiste, Dr Stein. Elle devait commencer un cours d’orientation à une clinique de douleur chronique. Docteur Bell ne pouvait pas donner une date de retour au travail. Le 1er novembre 2011, Dr Bell a confirmé qu’elle était toujours incapable de travailler et qu’elle devait rester en congé pour au moins les six prochains mois.

[10] Le 15 février 2012, Dr Y. Majeed (Centre de la douleur chronique) a vu l’appelante pour ses douleurs chroniques. Docteur Majeed a listé quelques facteurs aggravant ses douleurs chroniques. Il y avait une contribution importante de ses enfants. Son fils de 15 ans était atteint de TDAH et avait des besoins spéciaux importants : il mouillait son lit chaque jour et il la réveillait souvent au milieu de la nuit pour qu’elle lui prépare de la nourriture quand il avait faim. Elle se sentait aussi dépassée par sa fille de 12 ans et par la gestion des tâches à faire à la maison : ceci incluait l’entretien ménager, préparer les repas et généralement de prendre soin de ses enfants. Récemment, ses symptômes avaient disparu lorsqu’elle n’avait pas été avec ses enfants, mais ils étaient revenus rapidement lorsqu’elle était retournée à la maison. Elle avait été en congé et en « invalidité » pendant un an : ses symptômes s’étaient un peu améliorés, mais n’étaient pas complètement disparus. Elle avait cessé de travailler en raison des problèmes de douleurs dans tout le corps.

[11] Docteur Majeed a noté que la fatigue avait toujours été présente. Le sommeil de l’appelante était mauvais et non réparateur. Elle souffrait d’hypothyroïdie et était en traitement de substitution des hormones thyroïdiennes. Elle avait perdu intérêt dans les activités qui avait déjà été importantes pour elle. Elle se sentait coupable de ce que ses symptômes physiques avaient fait à sa relation avec ses enfants. Ses niveaux d’énergie avaient grandement diminué durant les dernières cinq à sept années. Elle sentait que ses niveaux de concentration avaient diminué dramatiquement. Elle disait qu’elle n’était plus capable de faire plusieurs choses à la fois comme si elle avait subi une quelconque blessure au cerveau. Elle sentait qu’elle ne pouvait plus se concentrer et qu’elle était surmenée depuis les cinq dernières années.

[12] Docteur Majeed a trouvé que les symptômes de l’appelante étaient encore très importants : ils entraînaient beaucoup d’incapacité dans sa vie. Elle semblait souffrir d’une dépression importante et ceci avait une incidence directe sur sa douleur. En particulier, ses éléments stressants à la maison aggravaient sa douleur. Une participation additionnelle aux programmes de groupe de la clinique a été suggérée. Elle avait déjà participé au groupe traitant des « Objectifs » et au groupe d’« Explication de la douleur » : le groupe sur le sommeil et celui sur la relaxation avaient été recommandés. Docteur Majeed a dit qu’elle s’épanouirait dans ces groupes en raison de son attitude agréable et de sa motivation. Une consultation pour voir un psychologue devait aussi être organisée.

[13] Le 15 mars 2012, Dr Majeed a rapporté que le Cymbalta aidait avec les humeurs de l’appelante et ses niveaux d’anxiété. Ses problèmes de douleurs chroniques étaient encore aggravés par les multiples éléments stressants à la maison. Son fils difficile de 15 ans avait un TDAH et des problèmes d’anxiété, mais n’était pas prêt à aller en thérapie et, par conséquent, elle faisait tout son possible pour accommoder ses besoins. Docteur Majeed l’a avisée de faire passer ses intérêts en premier et de s’occuper d’elle-même : elle devait aussi accepter que les choses changeraient pour le mieux. Docteur Majeed pensait que les groupes l’aideraient et il l’avait aussi encouragé à faire de l’exercice régulièrement pendant 30 à 40 minutes chaque jour. Le 14 juin 2012, Dr Majeed a noté que son fils continuait à la réveiller la plupart des nuits, même si elle ressentait une amélioration générale de sa douleur et de ses humeurs. Les groupes aidaient beaucoup et elle devait continuer assister à leurs rencontres.

[14] Le 10 octobre 2012, Dr Majeed a dit que l’appelante semblait aller mieux. Toutefois, elle ressentait des douleurs à l’ensemble de son corps qu’elle évaluait à un niveau de 8/10. Elle avait aussi arrêté de prendre le Cymbalta, car il l’empêchait de dormir et il était remplacé par du Cipralex. La plupart de ses symptômes provenaient des multiples éléments stressants de sa vie. Il y avait eu quelques problèmes au travail et elle devait voir son gestionnaire la semaine suivante. Elle était aussi en procédures de divorce et devait aller en cours encore une fois en novembre. Elle trouvait que les cours de yoga au centre de la douleur chronique étaient utiles. Elle trouvait aussi que la physiothérapeute l’aidait. Elle avait acquis de bonnes compétences pour surmonter les problèmes et employait des techniques pour contrôler son rythme. Elle devait voir un travailleur social et un kinésiologue au centre de la douleur chronique.

[15] Dans l’audience écrite, des questions ont été posées à l’appelante relativement à la réunion au travail et aux procédures de divorce. Elle a dit qu’elle ne se souvenait pas de problème au travail ou de réunion avec son gestionnaire. Elle a aussi dit qu’elle n’était pas allée en cours et qu’elle n’avait pas retenu les services d’un avocat pour ceci. Lorsqu’il a été question de toute comparution ou d’avocats entre le 20 février 2011 et le 3 septembre 2011, elle a simplement répondu « aucune court ».

[16] Le 2 mars 2013, Dr Bell a réalisé une Évaluation d’un professionnel médical, et a déterminé que l’appelante était incapable de réaliser toute fonction liée au travail. Il a déclaré qu’il était impossible de déterminer quand elle pourrait être capable de reprendre des fonctions modifiées, différentes ou régulières. Outre ses problèmes physiques, il a dit qu’elle manquait de concentration et avait de la difficulté à retenir l’information, à l’analyser et à s’en souvenir. Elle prenait beaucoup de temps à réaliser ses tâches quotidiennes. Elle avait été incapable d’accomplir le travail exigé lorsqu’elle avait quitté son emploi et ceci n’avait pas changé.

[17] En lien avec l’évaluation réalisée par Dr Bell, l’appelante a signé un formulaire de consentement d’évaluation médicale le 21 février 2013. En signant le formulaire de consentement, elle a confirmé que les raisons pour l’évaluation lui avaient été expliquées totalement et que des renseignements personnels seraient recueillis durant l’évaluation. Elle a confirmé qu’elle avait lu le texte du formulaire de consentement ou qu’il lui avait été expliqué. Elle a confirmé qu’elle comprenait la nature de l’évaluation et les raisons pour lesquelles ses renseignements personnels seraient recueillis et utilisés par Dr Bell. Elle a confirmé qu’elle avait donné son consentement volontairement pour l’évaluation et qu’elle pouvait cesser d’y consentir à tout moment. Le formulaire de consentement était périmé le 20 août 2013.

[18] Le 14 mars 2013, Dr Majeed a rapporté que l’appelante semblait être très stressée par sa situation financière, car elle éprouvait des problèmes avec son assurance-invalidité et le non-paiement de son ancien mari. Sa douleur augmentait lorsque son stress était élevé, particulièrement lorsqu’elle parlait à son assureur. Les bienfaits des médicaments, de la respiration profonde et du yoga ont été discutés. Elle continuait à voir son physiothérapeute et était contente du plan.

[19] Bien qu’il n’ait pas été présenté à l’intimé avant le 3 septembre 2013, le rapport médical qui accompagnait les documents de la demande de l’appelante avait été rédigés par Dr Bell le 7 avril 2013. Il a noté des déficiences cognitives, des myalgies et de la fatigue qui s’étaient lentement développées depuis 2005. Elle avait de la difficulté à se souvenir ou à apprendre de nouvelles tâches : il lui prenait beaucoup de temps à faire des tâches ordinaires comme de payer des factures. Le pronostic était faible pour ce qui est de toute amélioration importante.

[20] Une longue évaluation a été réalisée par Dr Eleanor Stein (psychiatrie et psychothérapie) le 22 avril 2013, avec des réexamens le 24 mai 2013. Les plaintes de l’appelante incluaient un sommeil non réparateur, peu d’énergie, des allergies/sensitivités, de la douleur (augmentant avec le stress et même avec un effort minimal), des symptômes immunitaires, des symptômes cognitifs, de la basse pression, de la difficulté avec des textes, un mauvais équilibre, peu d’appétit et une sensibilité aux températures extrêmes.

[21] Docteur Stein a indiqué que l’appelante passait ses soirées à aider ses enfants avec leurs devoirs et à se préparer pour le lendemain. Les symptômes cognitifs s’étaient lentement détériorés avec le temps. Elle avait maintenant beaucoup de difficultés à faire plus d’une chose à la fois et la paperasse lui prenait beaucoup plus de temps qu’avant. Elle avait des problèmes à se rappeler où elle avait placé ses listes et son cerveau cessait de fonctionner s’il y avait trop de lumière ou de bruits. Elle perdait sa concentration et oubliait où elle conduisait ou ce qu’elle était en train de faire. Elle ne pouvait pas lire un article de journal au complet, mais elle ne lisait qu’en partie pour avoir une idée de l’histoire. Les symptômes cognitifs étaient aggravés par le stress, les sources multiples de stimuli ou en essayant de résoudre plus d’un problème à la fois.

[22] Bien qu’elle ait initialement dit qu’elle ne s’en tirait pas bien, l’appelante a ensuite dit à Dr Stein qu’elle ne s’en tirait pas si mal, considérant qu’elle avait peu de soutien et qu’elle gérait sa maladie principalement par elle-même. Docteur Stein a dit que l’appelante interagissait facilement, qu’elle se souvenait des évènements de manière raisonnable et qu’elle était capable de présenter ses symptômes d’une façon organisée. Son évaluation de sa maladie, l’aide qu’elle avait reçue jusqu’à maintenant et les revendications qu’elle avait faites pour elle-même suggèrent toutes une lucidité et un jugement intacts. Sa fonction cognitive était manifestement intacte et aucune anomalie dans l’expression ou le contenu de sa pensée n’avait été noté.

[23] Docteur Stein a rendu un diagnostic de l’Axe I de trouble de l’adaptation avec anxiété. L’appelante avait reçu un diagnostic de l’Axe III d’hypothyroïdie, d’allergies respiratoires, d’allergies chimiques, de syndrome de fatigue chronique, de fibromyalgie, de dermatite de contact allergique et de maladie de Raynaud. Il y avait plusieurs éléments de stress psychologiques incluant le comportement et l’incontinence nocturne de son fils, les problèmes financiers, l’incertitude à propos de l’avenir et la comparution à venir relativement aux arriérés de paiement de son mari pour la pension alimentaire. Sur l’Axe V, Dr Stein a accordé à l’évaluation générale du fonctionnement (ÉGF) une note de 50 : son peu d’énergie et son dysfonctionnement cognitif limitait sa capacité à travailler, socialiser et à gérer sa maisonnée. Docteur Stein a déterminé que sa santé physique était le principal symptôme la limitant. Son niveau d’énergie a été évalué comme étant à 50 %.

[24] Le 23 juin 2013, Dr Bell a déclaré que l’appelante était incapable de réaliser des tâches cognitives exigeantes : elle devait répartir les choses sur plusieurs journées pour accomplir les tâches nécessaires au fonctionnement de sa maisonnée. Elle demeurait incapable de gérer les tâches de son ancien emploi ou de tout autre emploi.

[25] Bien que les documents relatifs à la demande de pension d’invalidité du RPC présentée par l’appelante n’aient pas été présentés à l’intimé avant le 3 septembre 2013, la demande était datée du 15 mars 2012 et le questionnaire l’accompagnant était daté du 12 avril 2012. Elle rapportait des troubles cognitifs de la mémoire avec des problèmes de mémoire à long et à court termes. Elle n’avait pas un sommeil réparateur et n’avait pas d’énergie. Elle a donné un certain nombre de limitations fonctionnelles, incluant de se rappeler et de se concentrer. Elle avait des problèmes avec les listes et elle oubliait de payer ses factures ou d’acheter certaines choses à l’épicerie. Elle mettait un temps excessif à réaliser les tâches quotidiennes de base. Elle ne pouvait pas se concentrer longtemps, car elle devenait distraite ou mal à l’aise. Elle ne pouvait plus lire de livres et parcourait seulement des articles. Elle devait relire les choses : elle ne pouvait pas amener son cerveau à se concentrer et à se rappeler ce qu’elle était en train de faire.

[26] Dans l’audience écrite, des questions ont été posées à l’appelante relativement à sa préparation de ces documents. Elle a confirmé qu’elle avait rempli elle-même la demande et le questionnaire. Elle avait commencé à préparer la demande en mars 2012 et l’avait fini le 15 mars 2012. Elle avait commencé à répondre au questionnaire en mars ou en avril 2012 et l’avait terminé le 12 avril 2012. Elle a aussi confirmé qu’elle était principalement responsable du soin de ses enfants entre le 10 février 2011 et le 3 septembre 2013.

[27] Dans l’audience écrite, des questions ont été posées à l’appelante relativement à sa participation à un certain nombre de groupes de traitement mentionnés dans sa documentation médicale. Elle a fourni une liste montrant qu’elle avait assisté aux rencontres des groupes suivants : [traduction] « Orientation » (1 session le 16 mai 2011), « Expliquer la douleur » (1 session le 17 août 2011), « Objectifs » (2 sessions les 16 et 23 septembre 2011), « Traitement autonome » (8 sessions entre le 30 mars et le 25 mai 2012), « Nutrition » (2 sessions le 24 avril et le 1er mai 2012), « Relaxation » (5 sessions entre le 22 mai et le 26 juin 2012), « Tirer profit de sa communauté » (1 session le 2 novembre 2012), « Comprendre l’être social [sic] » (1 session le 16 août 2012), « Yoga » (7 sessions entre le 2 octobre et le 6 novembre 2012), « Éléments déclencheurs » (4 sessions entre le 14 novembre et le 5 décembre 2012) et « Sommeil » (5 sessions entre le 26 mars et le 23 avril 2013). Il lui a été demandé de décrire quelles tâches elle réalisait dans ces groupes et pourquoi elle avait arrêté d’y assister. Elle a dit qu’elle ne se souvenait pas de ce qu’elle avait appris dans ces groupes et elle n’a donné aucun détail expliquant pourquoi elle avait cessé d’y assister.

[28] Le 28 novembre 2013, Dr Bell a rempli une Déclaration d’incapacité en appui à la demande de l’appelante pour une pension d’invalidité. Il n’a pas répondu à la première question : [traduction] « L’état de la demanderesse l’empêche-t-elle de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande? » Toutefois, il a répondu aux questions subséquentes qui pourraient sous-entendre une réponse positive à cette question. Il a dit que l’incapacité avait commencé le 10 février 2011 et qu’elle se continuait. Il a déclaré que l’incapacité était causée par de la fibromyalgie et de la dermatite de contact avec une réaction d’ajustement liée à de la sensibilité aux produits chimiques.

[29] Le 23 décembre 2013, Dr Stein a rapporté que l’appelante s’était plainte de manière répétitive de sa fonction cognitive depuis que ses problèmes de santé avaient commencé en 2005. Ses fonctions cognitives étaient sa principale préoccupation de santé et les symptômes qui limitaient le plus sa capacité à travailler et à fonctionner au quotidien. Pour les évaluations cognitives, elle était au niveau bas ou très bas dans tous les tests réalisés : ces résultats étaient significativement plus bas que ce à quoi on s’attend d’une personne ayant sa scolarité et atteint son niveau professionnel. Ceci indiquait vraisemblablement que son état de santé avait eu une incidence négative sur sa capacité à penser clairement et rapidement. Docteur Stein a indiqué que ses deux dernières évaluations de performances au travail (en 2009 et 2010) avaient identifié plusieurs lacunes, incluant une incapacité à travailler avec un échéancier, une incapacité à prioriser des dossiers et une incapacité à faire les recherches et à analyser les cas correctement. Ces constatations auraient pu être le résultat de sa dysfonction cognitive.

[30] Docteur Stein a conclu que les symptômes cognitifs de l’appelante étaient mesurables et graves. Bien que des mesures d’adaptation au travail aidaient par une diminution de la charge de travail et une augmentation du temps pour accomplir les tâches qui avaient été simplifiées, ceci n’avait pas aidé avec la fatigue mentale qu’elle ressentait après avoir accompli des tâches cognitives exigeant de la concentration durant une heure ou plus.

[31] Le 28 janvier 2014, l’appelante a écrit qu’elle avait plus de problèmes graves de mémoire et cognitifs qui la rendaient incapable de travailler. Elle continuait à avoir ces problèmes : ils touchaient tant son travail que sa vie à la maison. Plus de deux ans s’étaient écoulés avant qu’elle puisse voir Dr Stein qui a réalisé les tests cognitifs. Il avait été difficile de tout (documents, rapports, demande) garder en ordre.

[32] Le 25 novembre 2015, Dr Bell a écrit une lettre à la demande de l’appelante. Il a dit qu’elle souffrait d’un déficit de santé important de ses capacités cognitives depuis février 2011. Il a déclaré que ceci aurait touché sa capacité à remplir ou à comprendre qu’elle devait remplir sa demande de pension d’invalidité du RPC. Il a ajouté qu’elle n’avait pas l’appui réel de personne qui aurait pu remplir sa demande pour elle ou qui aurait su que ça pouvait se faire. À la même date, l’appelante a écrit que précédemment elle était incapable de former l’intention de faire une demande en raison de déficits cognitifs qui précédaient son intention. Elle a aussi dit qu’elle ne pouvait pas former cette intention avant de communiquer.

[33] Dans le Formulaire de renseignements en matière d’audience, daté du 10 mars 2017, l’appelante a indiqué que le seul type d’audience auquel elle pouvait participer était celui de « questions et réponses écrites ». Elle n’aurait pas été capable de participer à une téléconférence, une vidéoconférence ou une audience en personne, car ses déficiences sont liées à la cognition et le traitement d’information. Elle a déclaré qu’une audience orale n’aurait pas été appropriée, car elle aurait eu à analyser de l’information, la traiter et répondre sur-le-champ. Le 30 juin 2017, Dr Bell a écrit que l’appelante était incapable d’assister à une audience en personne en raison de ses restrictions médicales. Toutefois, il a ajouté qu’elle [traduction] « pouvait répondre par écrit à toute question ».

[34] Dans une lettre datée du 6 septembre 2017, le Tribunal a confirmé sa décision de tenir l’audience au moyen de questions et réponses écrites plutôt que par un des types d’audiences orales. Une liste de questions pour l’appelante a été incluse; ses réponses ont été reçues par le Tribunal le 3 octobre 2017. Dans une lettre datée du 6 octobre 2017, l’intimé a eu l’occasion de répondre aux questions fournies par l’appelante le 3 octobre 2017. Cependant, l’intimé n’a présenté aucune réponse.

Observations

[35] L’appelante a soutenu être admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Elle est invalide depuis qu’elle a cessé de travailler le 10 février 2011, et a été gravement limitée durant une période considérable avec cette date.
  2. La date à laquelle elle est réputée être devenue invalide devrait être ajustée de juin 2012 à février 2011, car ses problèmes cognitifs la rendaient incapable de présenter une demande plus tôt qu’à la date actuelle de la demande, le 3 septembre 2013.
  3. Le Tribunal aurait dû tenir compte de la décision de la Commission d’appel des pensions dans l’affaire Weisberg c. Canada (Ministre du Développement social), CAP 21943 : elle savait qu’elle souffrait de certaines déficiences, mais elle était [traduction] « incertaine quant à penser et prendre la décision de présenter une demande au RPC » pour une pension d’invalidité avant qu’elle ne le fasse réellement.

[36] Bien que l’intimé ait présenté des observations durant l’examen précédent de cette affaire par la division générale, l’intimé n’a pas présenté d’observations à cette occasion.

Analyse

[37] Cette affaire concerne exclusivement la rétroactivité maximale pour la pension de l’appelante. La rétroactivité des prestations est basée sur la date de demande de pension d’invalidité du RPC. En l’espèce, l’appelante n’a pas remis en cause le fait que sa demande de pension d’invalidité du RPC a été présentée le 3 septembre 2013. Lorsque les provisions de rétroactivité maximale du RPC sont appliquées à une date de demande, il en résulte que juin 2012 est la date à laquelle l’appelante est réputée être devenue invalide et qu’octobre 2012 est celle du début des versements de prestations. Ceci concorde avec la détermination de l’intimé en l’espèce.

[38] Toutefois, l’appelante soutient que la présentation de sa demande a été retardée en raison de ses limites cognitives. Elle fait valoir que le calcul de la date à laquelle elle est réputée être devenue invalide aurait dû considérer ces limitations cognitives. Si la date à laquelle elle est réputée être devenue invalide était plus tôt, elle serait admissible à une date de début de versements antérieure et recevrait, par conséquent, plus de prestations rétroactives qu’elle n’en a reçues jusqu’à maintenant.

[39] L’alinéa 42(2)b) du RPC confirme qu’une personne n’est réputée être devenue invalide à une date antérieure de plus de 15 mois à la date de la présentation d’une demande. Une demande n’est réputée présentée que lorsqu’elle est reçue par l’intimé. Ceci a été répété dans les décisions comme celle de la Commission d’appel des pensions dans l’affaire Galay c. Ministre du Développement social, CP 21768. Bien que le Tribunal ne soit pas lié par les décisions de la Commission d’appel des pensions, elles peuvent posséder un caractère persuasif et le Tribunal ne voit aucune raison de ne pas suivre son interprétation des dispositions législatives. L’article 69 du RPC précise qu’une pension d’invalidité est payable à compter du quatrième mois qui suit le mois où la requérante devient invalide. Cette disposition a été appliquée par l’intimé lorsqu’il a déterminé que la date à laquelle l’appelante était réputée invalide était juin 2012 et que le commencement des versements était octobre 2012.

[40] La décision de la Commission d’appel des pensions dans l’affaire Proulx c. Ministre du Développement des ressources humaines, CP 07859, indique qu’il existe une seule exception pour le calcul des dates de début réputé de l’invalidité et de début des versements. Cette exception s’applique lorsque l’appelant était mentalement inapte et incapable de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande avant la date actuelle de la demande. Cette exception est énoncée dans l’article 60 du RPC et l’appelante soutient qu’elle devrait s’appliquer en l’espèce.

Est-ce que la provision d’incapacité de l’article 60 s’applique?

[41] Les deux dispositions déterminantes dans les affaires d’incapacité sont énoncées aux paragraphes 60(8) et 60(9) du RPC. Comme indiqué dans la décision de l’affaire Weisberg, le paragraphe 60(8) s’applique lorsqu’une prestataire est atteinte d’une incapacité permanente et que la demande est présentée par quelqu’un d’autre en son nom. Le paragraphe 60(9) s’applique à une prestataire qui était atteinte d’une incapacité, mais qui s’est pas la suite rétablie. Comme l’appelante a elle-même rempli et présenté les documents de sa demande, l’article 60(9) est la provision liée à l’incapacité qui s’applique en l’espèce. Elle ne peut soutenir que son incapacité a continué au-delà de la date de la demande lorsqu’elle a fait la chose qu’elle affirmait être incapable de faire.

[42] L’application précise du paragraphe 60(9) repose sur le moment où la prétendue incapacité a commencé et s’est terminée. L’appelante a continué de travailler jusqu’au 10 février 2011 et elle affirme qu’elle ne pouvait plus travailler en raison de son état de santé le 11 février 2011. Dans sa Déclaration d’incapacité du 28 novembre 2013, Dr Bell a déclaré que son incapacité avait commencé le 10 février 2011. Tandis qu’il y a des questions liées à la Déclaration d’incapacité qui seront discutées ci-après, le Tribunal considérera néanmoins l’interprétation potentielle la plus favorable pour l’appelante : elle peut être devenu incapable conformément au paragraphe 60(9) le 10 février 2011 et que cette incapacité a été continue (comme exigé dans le paragraphe 60(10) jusqu’à ce qu’elle cesse d’être incapable à un certain moment le 3 septembre 2013 ou avant, lorsque sa demande a été reçue.

[43] L’élément clé du paragraphe 60(9) est le critère d’incapacité. Une demanderesse « n’avait pas la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande avant la date à laquelle celle-ci a réellement été faite » [mon soulignement]. Ce paragraphe fait référence seulement à former ou exprimer une intention de faire une demande : il ne fait pas référence à être capable de compléter ou de présenter une demande. Des précisions supplémentaires sur l’interprétation de ce paragraphe peuvent être trouvées dans des décisions récentes de la Cour d’appel fédérale. Bien que le Tribunal ne soit pas lié par les décisions de la Commission d’appel des pensions, le Tribunal est lié par les décisions de la Cour d’appel fédérale.

[44] Dans la décision Canada (Procureur général) c. Danielson 2008 CAF 78, la Cour d’appel fédérale a confirmé que l’article 60 n’exige pas la prise en considération de la capacité de faire, préparer, traiter ou remplir une demande de prestations d’invalidité, mais seulement la capacité de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. Les activités d’une personne en cause durant la période entre la date initiale de versement des prestations et la date de la demande peuvent être pertinentes pour déterminer son incapacité continue de former ou d’exprimer l’intention nécessaire. Dans l’affaire Sedrak c. Canada (Développement social), 2008 CAF 86, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la capacité de former l’intention de faire une demande de prestations n’est pas de nature différente de la capacité de former une intention relativement aux autres possibilités qui s’offrent à un prestataire.

[45] Dans la décision subséquente de la Cour fédérale d’appel de l’affaire Slater c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 375, il est indiqué qu’une analyse conformément au paragraphe 60(9) exigeait d’examiner tant la preuve médicale que les activités pertinentes de la prestataire qui fournissent de l’information sur la capacité de cette personne de former ou d’exprimer une intention durant la période pertinente. Ces décisions exécutoires clarifient que d’autres éléments de preuve, incluant les activités pertinentes de l’appelante, doivent être pris en considération en plus de la Déclaration d’incapacité de Dr Bell du 28 novembre 2013.

[46] Il convient de noter que dans la Déclaration d’incapacité, Dr Bell a omis de répondre à la première question qui est vitale (« L’état de la demanderesse l’empêche-t-elle de former ou d’exprimer l’intention de présenter une demande? »). Comme Dr Bell a répondu à des questions subséquentes qui pourraient sous-entendre une réponse positive à cette question, cette omission de répondre à la question initiale n’est pas en soit fatale pour la déclaration. Ce qui est plus préoccupant toutefois est que sa déclaration affirme que l’incapacité a débuté le 10 février 2011 et qu’elle se continue. Docteur Bell a rempli la Déclaration d’incapacité le 28 novembre 2013, mais l’appelante avait présenté sa demande le 3 septembre 2013. Ceci est, bien entendu, incompatible avec une incapacité continue à former ou exprimer l’intention de faire une demande. Par conséquent, le Tribunal est incapable d’accorder de l’importance à la déclaration de Dr Bell indiquant que l’incapacité persistait.

Pour les mêmes raisons, le Tribunal a de la difficulté avec la lettre de Dr Bell du 25 novembre 2015, dans laquelle il indiquait que l’appelante souffrait de déficit de santé important de ses capacités cognitives depuis février 2011. Il a déclaré que ceci aurait touché sa capacité à remplir ou à comprendre qu’elle devait remplir sa demande de pension d’invalidité du RPC. Toutefois, comme pour la Déclaration d’incapacité, ceci est contredit par le fait que l’appelante a présenté sa demande plus de deux ans avant. En réalité, comme il sera discuté avec plus de détails ci-après, elle avait rempli son formulaire de demande le 15 mars 2012. Bien que Dr Bell ait ajouté qu’elle n’avait pas une personne pour l’appuyer qui aurait pu présenter sa demande pour elle ou qui savait que ça aurait pu être fait, le fait qu’il n’y avait personne pour l’appuyer ou pas de représentant n’est pas pertinent aux dispositions de l’article 60 du RPC. La seule considération pertinente est sa propre capacité, non l’existence d’un réseau d’appui.

[48] Au mieux, le Tribunal pourrait être capable de se fier à la date de début de l’incapacité fournie par Dr Bell dans chacun des deux documents mentionnés précédemment. Toutefois, conformément aux décisions de la Cour d’appel fédérale exposées ci-dessus, le Tribunal aura à examiner les autres éléments de preuve médicale et les activités pertinentes de l’appelante pour déterminer si l’incapacité existait le 10 février 2011 et, si c’est le cas, pendant combien de temps elle a persisté.

[49] Bien que l’intimé ait reçu les documents de la demande le 3 septembre 2013, la preuve révèle qu’ils ont été actuellement initiés et complétés longtemps avec cette date. L’appelante a rempli elle-même tant la demande que le questionnaire qui y est joint. Elle a complété la demande le 15 mars 2012 et le questionnaire le 12 avril 2012. De manière à établir le type d’incapacité visée par le paragraphe 60(9) du RPC, elle aurait à démontrer qu’elle était incapable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande. Toutefois, au 15 mars 2012, elle avait fait beaucoup plus que de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande : elle avait complètement rempli le formulaire de demande exigé. Par conséquent, au 15 mars 2012, il aurait été logiquement impossible pour l’appelante d’être incapable conformément au paragraphe 60(9). Elle avait déjà démontré la capacité nécessaire à cette date. Le fait qu’elle n’ait présenté tous les documents de la demande que beaucoup plus tard n’est pas pertinent.

[50] D’autres éléments de preuve entre le 15 mars 2012 et le 3 septembre 2013 démontrent aussi une capacité supérieure à celle prévue au paragraphe 60(9). Des exemples incluent le 10 octobre 2012 qui mentionne une réunion avec son gestionnaire au travail et une comparution prévue. À la même période, elle a rapporté aller en physiothérapie et à plusieurs cours au Centre de douleur chronique, ainsi que des rendez-vous prévus avec un travailleur social et un kinésiologue. Elle avait acquis de bonnes compétences pour surmonter les problèmes et employait des techniques pour contrôler son rythme. Elle avait signé un formulaire de consentement d’évaluation médicale le 21 février 2013, confirmant qu’elle comprenait la nature de l’évaluation et les raisons pour lesquelles ses renseignements personnels seraient recueillis et utilisés par Dr Bell. Elle avait donné son consentement volontairement et elle pouvait cesser d’y consentir à tout moment : le consentement était valide jusqu’au 20 août 2013. Le 14 mars 2013, elle avait eu des problèmes avec sa compagnie d’assurance-invalidité ainsi qu’avec le non-paiement de son ancien époux, mais elle avait continué de parler directement avec son assureur.

[51] De plus, le 24 mai 2013, Dr Stein a noté qu’elle passait ses soirées à aider ses enfants avec leurs devoirs et se préparer pour le lendemain. Docteur Stein a aussi déclaré qu’elle interagissait facilement, qu’elle se souvenait raisonnablement d’évènements et qu’elle présentait ses symptômes de manière organisée. Son évaluation de sa maladie, l’aide qu’elle avait reçue jusqu’à maintenant et le plaidoyer qu’elle avait fait pour elle-même donnent à penser que son introspection et son jugement n’étaient pas déficients. Docteur Stein a conclu que sa fonction cognitive était largement intacte : aucune anormalité liée à l’expression de sa pensée ou à son contenu n’était observée. Tout ceci confirme un niveau de fonctionnement de base et démontre qu’elle était un moins capable de former ou d’exprimer l’intention de faire une demande de pension d’invalidité du RPC.

[52] L’appelante aurait, au mieux, pu établir une incapacité conformément au paragraphe 60(9) pour une période allant du 10 février 2011 à un moment précédent le 15 mars 2012. Ceci nécessite un examen des activités réalisées par l’appelante durant cette période.

[53] L’élément le plus notable est la confirmation par l’appelante qu’elle était la principale responsable des soins de ses enfants entre le 10 février 2011 et le 3 septembre 2013. Plus particulièrement, le 15 février 2012, Dr Majeed a noté que ses enfants étaient très exigeants. Son fils de 15 ans avait un TDAH, il mouillait son lit tous les jours et il la réveillait fréquemment au milieu de la nuit lorsqu’il avait faim pour qu’elle lui prépare de la nourriture. Elle se sentait aussi dépassée par sa fille de 12 ans et par la gestion des tâches à faire à la maison : ceci incluait l’entretien ménager, préparer les repas et généralement de prendre soin de ses enfants.

[54] Le Tribunal accorde beaucoup d’importance aux éléments de preuve liés aux obligations parentales de l’appelante. Bien que le Tribunal ne suggère pas que c’était facile pour elle, ses responsabilités parentales, considérées seules, nécessitent un niveau de fonctionnement qui lui aurait au moins permis de former ou d’exprimer une intention de faire une demande de pension d’invalidité (même si elle n’avait pas réellement commencé à remplir les documents avant le 15 mars 2012). En effet, le fait qu’elle reconnaisse les responsabilités qu’elle avait en révèle beaucoup. De plus, elle assistait à des sessions de traitement en groupe le 16 mai 2011, le 17 août 2011, le 16 septembre 2011 et le 23 septembre 2011. Elle aurait clairement formé l’intention d’assister à ces sessions.

[55] La décision non exécutoire de la division d’appel du Tribunal dans l’affaire M. H. c. Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences, 2014 TSSDA 152 est aussi instructive. En rejetant l’appel, le Tribunal a estimé la capacité du demandeur à prendre des décisions pour elle-même, prendre des décisions pour ses soins de santé et sa capacité à s’occuper de ses enfants. L’appelante en l’espèce s’est occupée de ses enfants pendant toute la période visée. Il n’y a pas d’élément de preuve qu’un professionnel de la santé ait contesté la capacité de l’appelante à prendre des décisions pour elle-même ou pour ses soins de santé. En fait, le rapport de Dr Majeed du 15 février 2012 commentait que son attitude était très agréable et que sa motivation s’améliorait. Docteur Majeed croyait que ceci lui permettrait de s’épanouir dans d’autres programmes de groupe au Centre de la douleur chronique. Sa participation continue dans les traitements de Dr Bell et Dr Majeed démontre aussi une capacité de former une intention de participer dans des activités liées à son incapacité.

[56] Ayant considéré la preuve, particulièrement les responsabilités parentales continues de l’appelante, le Tribunal n’est pas convaincu qu’elle était incapable de former ou d’exprimer une intention de faire une demande de pension d’invalidité du RPC après avoir arrêté de travailler le 10 février 2011. Elle a pu ne pas être au courant d’une telle pension avant le 15 mars 2012. Il est aussi possible qu’elle ait pu en être au courant, mais qu’elle ait été incapable de rempli les documents nécessaires. Aucune de ces situations ne signifie être incapable de former ou d’exprimer une intention de faire une demande, particulièrement à la lumière de ses responsabilités parentales importantes.

[57] Le principe non exécutoire de la décision dans l’affaire Weisberg énoncé par l’appelante ne vient pas non plus l’appuyer. Dans cette affaire, le demandeur n’avait aucune connaissance cognitive qu’il était invalide. Il savait que quelque chose n’allait pas, mais il était incapable de reconnaître que c’était une maladie invalidante. La Commission a établi que son incapacité à reconnaître ses propres déficiences, même lorsqu’elles lui étaient expliquées, le rendait incapable de former une intention de faire une demande de pension d’invalidité. Toutefois, en l’espèce, l’appelante a reconnu qu’elle était invalide. Elle a obtenu des notes de son médecin de famille le 1er août 2011 et le 1er novembre 2011 qui confirmaient son incapacité à travailler. Le 15 février 2012, elle a dit à Dr Majeed qu’elle avait été en « invalidité » pendant un an. Cette conscience de son état a continué dans le futur, car elle a indiqué que le 14 mars 2013 elle avait eu des problèmes avec son assurance-invalidité.

[58] Le Tribunal a aussi considéré les autres éléments de preuve médicale au dossier. Des mentions fréquentes de la dysfonction cognitive de l’appelante avant la demande sont au dossier et le Tribunal ne suggère aucunement que la fonction cognitive de l’appelante était près d’un niveau optimal. Toutefois, une diminution de la fonction cognitive n’est pas un critère énoncé au paragraphe 60(9). Le critère est de savoir si elle était incapable de former ou d’exprimer une intention de faire une demande de pension d’invalidité. La Déclaration d’incapacité de Dr Bell est déficiente, pour les motifs énoncés précédemment, et les autres éléments de preuve échouent à appuyer de manière raisonnable une conclusion d’incapacité conformément au paragraphe 60(9).

[59] À cet égard, le Tribunal voit un parallèle avec la décision non exécutoire de la Commission d’appel des pensions dans l’affaire Nenshi c. Ministre du Développement social, CP 22251. Dans l’affaire Nenshi, la Commission a rejeté l’appel même si les rapports médicaux montraient que la maladie mentale faisait qu’il était difficile pour le demandeur de prendre des décisions importantes. Sa mémoire était touchée et elle était incapable de cibler son attention ou de se concentrer sur une tâche. Bien qu’elle était clairement invalide conformément au RPC, elle savait toujours qu’elle était malade et elle recevait des traitements pour son état. Elle a pu ne pas être capable de gérer l’acte physique de remplir les formulaires, mais elle pouvait toujours former et exprimer son intention de faire une demande. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de s’appuyer sur la décision dans l’affaire Nenshi, le Tribunal note que cette affaire est assez semblable à la situation de l’appelante en l’espèce.

Conclusion

[60] Le Tribunal conclut que l’appelante n’a pas prouvé une incapacité qui lui permette de profiter des dispositions énoncées au paragraphe 60(9) du RPC. Par conséquent, sa date de demande demeure le 3 septembre 2013 et il n’existe pas de fondement juridique pour établir une invalidité déclarée avant juin 2012. La date de commencement des versements demeure octobre 2012.

[61] L’appel est rejeté.

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