Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

La prorogation du délai est accordée, mais la permission d’en appeler de la décision de la division générale est refusée.

Aperçu

[1] Le demandeur souhaite en appeler de la décision rendue par la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal), décision qui déterminait que le demandeur était admissible à une pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC). La division générale a conclu que le demandeur était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA), ou avant, qui était du 31 décembre 1997. La PMA est établie en fonction des cotisations versées au RPC par le demandeur.

[2] Le demandeur a fait une demande de pension d’invalidité en octobre 2014, près de dix-sept ans après la fin de sa PMA. La division générale a déterminé qu’il ne pouvait pas être réputé être invalide plus de 15 mois avant la date à laquelle il avait présenté sa demande de pension d’invalidité. Le demandeur est réputé être devenu invalide en juillet 2013. Les paiements d’une pension d’invalidité entrent en vigueur quatre mois après la date réputée de l’invalidité, alors les paiements ont été faits au demandeur à compter de novembre 2013.

[3] Le demandeur souhaite en appeler de la date de début des paiements, parce que la preuve au dossier et les conclusions de la division générale démontrent qu’il était invalide à la date de fin de sa PMA en décembre 1997.

[4] Devant la division d’appel, les demandeurs bénéficient de 90 jours à compter de la date à laquelle la décision est communiquée au dossier pour faire une demande de permission d’en appeler d’une décision de la division générale. En l’espèce, le demandeur avait jusqu’au 17 juillet 2017 pour présenter sa demande. Il a présenté une demande incomplète le 24 juillet 2017 et il l’a complétée le 13 octobre 2107 [sic]. Afin de poursuivre avec son appel, il doit d’abord obtenir une prorogation du délai, car sa demande a été présentée au-delà de la limite établie pour le faire.

Questions en litige

[5] Une prorogation du délai devrait-elle être accordée pour permettre au demandeur de présenter sa demande de permission d’en appeler?

[6] L’appel du demandeur concernant la date de début des paiements de sa pension d’invalidité a-t-il une chance raisonnable de succès?

Critère juridique

[7] Un appel à l’encontre d’une décision de révision doit être déposé à la division générale du Tribunal dans les 90 jours qui suivent la date de communication de la décision. Une prorogation du délai peut être accordée, mais en aucun cas un appel ne peut-il être déposé plus d’une année après la date de communication de la décision.Note de bas de page 1

[8] Pour déterminer si une prorogation du délai devrait être accordée, les membres du Tribunal doivent considérer et soupeser les critères établis dans la jurisprudence. Les critères pertinents sont établis dans la décision GattellaroNote de bas de page 2 et ils incluent : la preuve d’une intention persistante de poursuivre la demande ou l’appel, la présence d’une cause défendable, l’existence d’une explication raisonnable du retard, l’absence de préjudice causé à l’autre partie si la prorogation est accordée. La prépondérance qu’il convient d’accorder à chacun des critères variera selon les circonstances et, dans certains cas, d’autres facteurs seront pertinents. La considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation du délai serait dans l’intérêt de la justice.Note de bas de page 3

[9] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Observations

[10] Le représentant du demandeur fait valoir que le demandeur a été lent à s’exécuter au cours du processus d’appel parce que sa compréhension de l’anglais est limitée et qu’il nécessite l’aide d’un représentant pour communiquer et pour comprendre toute la correspondance qu’il a reçue et qu’il a envoyée.

[11] Le représentant du demandeur fait aussi valoir que le demandeur aurait présenté une demande de pension d’invalidité bien des années auparavant, mais qu’en raison de sa compréhension limitée de la culture canadienne et de l’anglais, et que du fait qu’il ne connaissait pas l’accessibilité à une pension d’invalidité du RPC, sa demande a été retardée jusqu’en 2014, malgré son invalidité existante depuis 1997.

Analyse

Une prorogation du délai devrait-elle être accordée pour permettre au demandeur de présenter sa demande de permission d’en appeler?

[12] Dans la décision GattellaroNote de bas de page 4, la Cour fédérale a établi les questions qui doivent être considérées et soupesées pour déterminer s’il faut accorder une prorogation du délai. Les quatre questions établies dans la décision Gattellaro que je dois considérer sont énumérées au paragraphe 8, et je souligne que ce ne sont pas toutes les quatre questions qui doivent être tranchées en faveur de la partie qui désire obtenir une prorogation du délai. Sur le fondement de l’information que le représentant du demandeur a fournie, j’accorde la prorogation du délai pour la présentation de la demande pour les raisons qui suivent.

i. Est-ce que le demandeur a démontré une intention persistante de poursuivre l’appel?

[13] Je juge qu’il a démontré une intention persistante de poursuivre l’appel. La limite pour déposer la demande était établie au 17 juillet 2017, et le demandeur a présenté une demande incomplète avec trois jours de retard. Il s’agit d’une période considérablement courte. Le Tribunal a informé le demandeur des renseignements manquants dans sa demande par l’entremise d’une lettre datée du 27 juillet 2017. Le demandeur a présenté une partie de l’information manquante, mais son représentant a indiqué qu’il est difficile pour le demandeur de répondre aux demandes d’information en raison de sa compréhension limitée de l’anglais. J’accepte cette déclaration comme véridique.

[14] Une deuxième lettre d’avis incomplet a été envoyée le 19 septembre 2017; elle a été envoyée au demandeur et à son représentant. Lors d’une conversation téléphonique qui a eu lieu le 11 octobre 2017, le demandeur a été informé de l’information qui demeurait manquante. La demande a été complétée le 13 octobre 2017.

[15] J’estime que le demandeur a démontré l’intention persistante de poursuivre l’appel.

ii. Le retard a-t-il été raisonnablement expliqué?

[16] J’ai déjà accepté que le demandeur a de la difficulté à communiquer en anglais, encore plus par écrit. Le représentant du demandeur a aidé le demandeur à remplir sa demande et à la présenter au Tribunal. Le représentant a aussi présenté toutes les observations au nom du demandeur. Il est clair que le demandeur a besoin de l’aide de son représentant. Le représentant du demandeur est aussi son médecin de famille. Dans une lettre datée du 15 novembre 2017, le représentant mentionne au Tribunal qu’il rencontre le demandeur une fois toutes les trois à sept semaines pour lui administrer des injections. Au cours de ces rencontres avec le demandeur, son représentant lui lit la correspondance envoyée et interprète ce qu’elle signifie. Il explique ensuite au demandeur les étapes qu’il doit entreprendre pour poursuivre son appel.

[17] Donc, comme toute l’information concernant la demande doit être présentée par écrit, et comme le demandeur dépend grandement de l’aide de son représentant, je juge que le délai ordinaire de trois à sept semaines pour obtenir l’aide de son représentant est une explication raisonnable pour avoir complété la demande après le délai prévu.

iii. Un préjudice serait-il causé si une prorogation était accordée?

[18] J’ai déjà jugé que le bref retard de trois jours dans la présentation de la demande initiale incomplète était une période très courte. La demande a été complétée dans un délai relativement court. Aucune raison ne me permet d’établir que le défendeur subirait un préjudice si une prorogation était accordée.

iv. La cause est-elle défendable en appel?

[19] J’ai gardé cette question pour la fin parce qu’elle représente le plus grand obstacle auquel le demandeur doit faire face dans le cadre de son appel. Le représentant du demandeur a fait valoir que la compréhension limitée du demandeur de la langue anglaise et de la culture a retardé sa demande de pension d’invalidité. Le demandeur allègue avoir d’abord fait une demande de pension en mai 2007, mais celle-ci a été rejetée. Le demandeur n’a pas interjeté appel de cette décision. Sa deuxième demande, présentée en octobre 2014, fait l’objet de cet appel. Le représentant soutient que le demandeur a injustement été privé des prestations d’une pension entre 1997, quand il est devenu invalide, et 2014, quand il a réussi à faire la demande. Le représentant du demandeur soutient que par équité envers le demandeur, ce dernier devrait être admissible aux paiements de la pension d’invalidité à compter de 2007, moment de la présentation de sa première demande. Le représentant allègue que le demandeur a reçu un appel après avoir présenté sa première demande, et on lui avait dit que sa demande avait été accueillie. Après cet appel, le demandeur a été avisé que sa demande avait en fait été rejetée. La division générale a jugé que le demandeur était devenu invalide en 1997. Par conséquent, sa première demande n’aurait pas dû être rejetée, et les paiements auraient dû débuter à ce moment.

[20] Dans le cadre de cette décision relative à une demande de permission d’en appeler, je dois déterminer si la première demande faite par le demandeur est toujours [traduction] « en traitement », ce qui pourrait engendrer des paiements à compter de juin 2006. Pour les raisons suivantes, je ne peux pas rendre une telle décision.

[21] La première demande a été présentée, selon le représentant du demandeur, en mai 2007. Cette demande a été rejetée et il n’est pas indiqué que le demandeur a demandé une révision au défendeur, conformément à l’article 81 du RPC. L’article 82 du RPC concerne les appels devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal), et cet article permet les appels après qu’une décision de révision eut été rendue.Note de bas de page 5 Je reconnais que les détails qui touchent l’appel téléphonique allégué au cours duquel il a été mentionné au demandeur que sa demande avait été accueillie ne sont pas clairs. Toutefois, le représentant du demandeur a confirmé que le demandeur était conscient, bien avant qu’il présente sa deuxième demande en 2014, que sa première demande avait été rejetée. La division générale souligne, au paragraphe 2 de la décision, que la première demande a seulement fait l’objet de l’examen initial du défendeur.

[22] Je ne juge pas que la division générale a tiré une conclusion de fait erronée en ce qui concerne la preuve relative à la première demande.

[23] Bien que le représentant du demandeur souhaite que la première demande soit considérée à ce stade, en plus de la détermination de l’entrée en vigueur des paiements, aucun fondement légal ne permet d’accueillir cette demande. Lorsque la première demande avait été rejetée, le demandeur aurait dû demander une révision d’après le délai établi pour le faire. Je peux reconnaître qu’il est difficile de se renseigner sur le processus d’appel devant le Tribunal pour une personne qui a un bagage culturel différent et une langue maternelle autre que l’anglais. Toutefois, après l’expiration du délai pour en appeler de la décision qui concerne la première demande, la demande en soi est devenue prescrite de toute autre instruction. Par ailleurs, le demandeur devait présenter une deuxième demande en 2014.

[24] La jurisprudence appuie mes conclusions. Dans la décision Sarrazin c. CanadaNote de bas de page 6, l’ancienne Commission d’appel des pensions a établi que l’alinéa 42(2)b) du RPC [traduction] « restreint la période de rétroactivité à une période de quinze mois précédant le dernier en date des jours suivants : i) la date d’approbation d’une demande de prestations d’invalidité [...] ».

[25] La division générale a déterminé que les paiements doivent entrer en vigueur quatre mois après la date à laquelle le demandeur est réputé être devenu invalide, et le demandeur ne peut pas être réputé être devenu invalide plus de 15 mois avant le jour de présentation de la demande du 27 octobre 2014. Je ne juge pas que la division générale a commis une erreur en établissant la date la plus antérieure à laquelle le demandeur pouvait commencer à toucher les paiements de la pension d’invalidité.

[26] Malheureusement, le demandeur n’a pas identifié un motif pour lequel cet appel aurait une chance raisonnable de succès. Je comprends que le représentant du demandeur a demandé que cet appel soit instruit sur des motifs de compassion. Toutefois, accorder la permission d’en appeler sur des motifs de compassion ou de reconnaissance de la persévérance du demandeur ne relève pas de ma compétence d’accorder la permission d’en appeler, conformément au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

Conclusion

[27] La demande de prorogation du délai est accueillie, malgré ma conclusion que la cause du demandeur n’est pas une cause défendable, et celui-ci a démontré une intention persistante de poursuivre l’appel, il a présenté une explication raisonnable pour le retard et aucun préjudice apparent ne serait causé par l’accord de la prorogation. À l’examen des quatre facteurs indépendants desquels on doit tenir compte dans le cadre d’une demande de prorogation du délai, je juge que le demandeur est admissible à une prorogation du délai, car j’accorde beaucoup d’importance à son explication plausible pour avoir retardé le dépôt, de même qu’à son intention persistante de poursuivre l’appel.

[28] La demande est cependant rejetée. Pour décider s’il convient d’accorder la permission d’en appeler, j’ai conclu, sur la base de l’analyse qui précède, que la cause du demandeur n’est pas une cause défendable. Dans la décision Larkman, la Cour a établi que la considération primordiale est celle de savoir si l’octroi d’une prorogation serait dans l’intérêt de la justice. Or, je ne juge pas que d’accueillir la demande sur le fondement de motifs qui n’ont aucune chance raisonnable de succès serait dans l’intérêt de la justice.

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