Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 13 octobre 2015. L’appelante prétendait être invalide en raison de douleurs chroniques au bas du dos. L’intimé a rejeté la demande lors de sa présentation initiale puis après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision de révision devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal) le 22 août 2016.

[2] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit répondre aux exigences prévues au RPC. Plus précisément, elle doit être déclarée invalide au sens du RPC à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) ou avant cette date.

[3] Le calcul de la PMA est établi en fonction des cotisations de l’appelante au RPC. Le Tribunal estime que la PMA de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2016. [Registre des contributions : GD2-23]

[4] Le présent appel a été instruit par vidéoconférence pour les motifs suivants :

  1. plus d’une partie assistera à l’audience;
  2. le service de vidéoconférence est disponible à une distance raisonnable de la région où réside l’appelante;
  3. il manque de l’information au dossier ou il est nécessaire d’obtenir des clarifications;
  4. ce mode d’audience satisfait à l’obligation, énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, de procéder de façon aussi informelle et rapide que possible dans la mesure où les circonstances, l’équité et la justice naturelle le permettent.

[5] Les personnes suivantes ont pris part à l’audience :

A. B. : appelante

[6] Le Tribunal a décidé que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les motifs énoncés ci-après.

Témoignage

Contexte

[7] L’appelante avait 50 ans à la date marquant la fin de sa PMA, soit le X 2006; elle a maintenant 51 ans. Elle vit dans un bungalow avec son mari et ses deux fils âgés de X et X ans. Elle n’a pas d’éducation officielle après sa douzième année et ses antécédents de travail incluent des emplois comme vendeuse dans une chaîne de restauration rapide et à un kiosque de pommes, et finalement comme aide-cuisinière à un hôpital. Elle n’a pas travaillé depuis octobre 2014 et elle touche des prestations pour invalidité de longue durée (ILD) de Manulife.

Les accidents

[8] L’appelante a subi des blessures dans des accidents de travail en mai 2013 et août 2014 ainsi que dans un accident d’automobile en novembre 2016.

[9] Elle a décrit qu’elle avait glissé sur un tapis en mai 2013, s’était cognée sur un comptoir et s’était tordu le bas du dos. Elle s’était sentie « comme si quelqu’un l’avait poignardé dans le bas du dos ». Elle s’est levée le lendemain matin avec « une douleur insupportable » et elle n’a pas été capable d’aller au travail. Elle est retournée à un travail adapté après quelques semaines et elle a complété un programme de réadaptation de niveau III de la Commission des accidents du travail (CAT). En octobre 2013, la CAT l’a forcé à retourner à ses pleines fonctions au travail. Elle ne pouvait pas « tolérer » le travail et manquait deux à trois jours par semaine : elle a utilisé tous ses congés de maladie et ses vacances pour les journées manquées. Elle ne pouvait travailler que 5 à 10 minutes à la fois pour ensuite aller en pause et s’asseoir dans un fauteuil inclinable.

[10] Elle a décrit l’accident d’août 2014 dans lequel elle s’est étiré le dos pendant qu’elle était debout sur un tabouret et s’étirait pour nettoyer le gril. Elle a été amenée aux urgences et après quelques jours elle est retournée à un [traduction] « travail adapté ». Elle a arrêté de travailler en octobre 2014, car la CAT voulait qu’elle retourne à ses pleines fonctions.

[11] La CAT a cessé le versement de ses prestations lorsqu’elle a refusé de faire un programme de niveau III. Elle ne pouvait pas faire ce programme, car elle aurait dû conduire 20 minutes pour un programme physique et ensuite aller au travail. Elle a affirmé qu’elle l’avait fait après sa blessure initiale, et qu’elle avait trouvé ça [traduction] « très stressant et difficile ».

[12] Elle a décrit l’accident d’automobile de novembre 2016 dans lequel l’automobile où elle prenait place comme passagère a été percutée du côté du conducteur. Après cet accident, elle a commencé à ressentir de la douleur du côté gauche de son cou qui irradiait dans son bras gauche et ses maux de tête se sont aggravés. Cet accident a aussi aggravé sa douleur chronique au dos.

Troubles invalidants

[13] L’appelante décrit ses troubles invalidants comme suit :

  • Douleur chronique au bas du dos : elle souffre d’une douleur constante au bas du dos qui irradie vers le bas dans sa jambe gauche. Sa douleur au dos l’empêche de faire les tâches de base quotidiennes, comme de laver la vaisselle et de balayer les planchers. Elle a affirmé qu’elle éprouve de la [traduction] « douleur intolérable » et lorsqu’elle essaie de faire quelque chose elle y met beaucoup plus de temps qu’avant les accidents, et elle doit continuellement arrêter et prendre des pauses.
  • Douleur au cou : son cou est douloureux et inconfortable depuis l’accident d’automobile de novembre 2016. Elle ressent des picotements dans ses avant-bras et il lui a été dit que c’était lié à sa blessure au cou.
  • Limites physiques : en raison de ses douleurs au dos et au cou, elle ne peut rester assise, debout ou elle ne peut marcher pour de longues périodes. Elle a de la difficulté à marcher et ses genoux lâchent... elle est tombée sur les marches à quelques reprises.
  • Maux de tête : Elle souffre de migraines depuis assez longtemps et elle prend du Topamax lorsqu’elle a des maux de tête. Ses maux de tête se sont aggravés depuis l’accident d’automobile de novembre 2016. Elle a déclaré qu’elle a des maux de tête une fois par semaine et ils durent de 10 à 15 minutes.
  • Dépression et anxiété : Docteur Wawer a prescrit du Cymbalta, mais elle a arrêté de le prendre, car ça lui donnait des problèmes d’estomac. Elle prend maintenant de l’Ativan environ trois fois par semaine au besoin. Elle se sent souvent anxieuse et elle est particulièrement anxieuse lorsqu’elle conduit. Elle a été vue par un thérapeute lorsqu’elle avait suivi le traitement de la CAT.
  • Dégénérescence maculaire : elle a commencé à avoir des problèmes avec ses yeux en octobre 2016 et ça a pris sept mois avant qu’elle puisse voir un ophtalmologiste. Elle a vu Dr Sivakumar les 18 juillet et le 3 novembre 2017. Au début de l’audience, elle a lu au Tribunal un rapport de deux pages daté du 26 juillet où Dr Sivakumar 2017 a diagnostiqué de la dégénérescence maculaire aux deux yeux. Elle a de la difficulté à conduire la nuit et Dr Sivakumar lui a dit de ne pas utiliser un iPad ou un ordinateur, car la lumière est mauvaise pour ses yeux. Elle ne peut seulement que lire un peu, car lire est difficile pour ses yeux. L’examen de son œil droit en novembre 2017 a montré une détérioration et elle doit retourner voir Dr Sivakumar en février.
  • Vertige : elle a eu quelques épisodes lorsqu’elle s’est sentie soudainement étourdie. Elle a décrit un incident de l’an passé lorsqu’elle s’est sentie étourdie en débarquant d’une automobile. Elle avait été amenée aux urgences et le médecin lui avait donné une perfusion, avait diagnostiqué du vertige et lui avait dit de ne pas conduire dans les dix prochains jours. Lorsqu’elle a des épisodes d’étourdissement, elle prend du Serc et du Gravol, et elle ne conduit pas. Il n’a jamais été suggéré par ses médecins que son permis de conduire devrait lui être enlevé.
  • Hypothyroïdie : elle prend des médicaments pour ceci, mais ce problème ne compromet pas sa capacité à travailler.

Traitement continu

[14] Elle prend les médicaments prescrits par Dr Waver et Dr Sivakumar, et elle va pour de la physiothérapie et de la massothérapie deux fois par semaine pour son dos et son cou. Elle a ajouté qu’elle trouvait cela bénéfique. Elle utilise un coussin gonflable pour le bas de son dos, un oreiller orthopédique, un neurostimulateur transcutané, un coussin chauffant et des sacs de glace.

Journée habituelle

[15] Elle a décrit sa journée habituelle. Elle essaie de trouver des choses pour se garder [traduction] « l’esprit occupé ». Elle doit prendre son temps et prendre des pauses continuellement. Son époux l’aide avec les tâches ménagères plus exigeantes et elle va avec lui à l’épicerie. Il fait tout le travail dans la cour et pelte la neige (ils avaient l’habitude de partager ces tâches). Elle n’aime pas sortir et rencontrer des gens... elle trouve très difficile de sortir au restaurant ou d’aller voir un spectacle. Elle n’envoie plus de courriels et elle n’utilise plus son compte Facebook, car Dr Sivakumar lui a dit d’éviter d’utiliser les ordinateurs.

Autre emploi

[16] Elle n’a pas cherché un autre emploi, car ses capacités à rester assise, à rester debout et à marcher sont limitées. Elle a déclaré : [traduction] « je ne peux retourner au travail... je ne peux pas faire de simples tâches à la maison... comment est-ce que je pourrais aller travailler... ce n’est pas juste pour mes collègues si je ne peux faire des tâches normales au travail ».

Preuve médicale et documentaire

[17] Le Tribunal a examiné attentivement la preuve médicale et documentaire contenue dans le dossier d’audience. Voici des extraits que le Tribunal juge comme étant les plus pertinents.

Questionnaire relatif à l’invalidité

[18] Dans son questionnaire relatif à l’invalidité, signé le 20 février 2015, l’appelante a inscrit qu’elle avait terminé sa 12e année et que son dernier emploi avait été comme travailleuse utilitaire pour X du 25 octobre 2009 au 29 octobre 2014; elle a déclaré qu’elle avait cessé son travail, car elle ne pouvait plus accomplir ses tâches. Elle n’a pas précisé la date à partir de laquelle elle prétendait être devenue invalide.

[19] Elle a décrit ses problèmes de santé ou déficiences qui l’empêchent de travailler comme suit : [traduction]

Douleur chronique dans le bas de mon dos. Rester debout, marcher et rester assise sont limitant. Chaque pas demande un effort comme recevoir un coup de poignard. La douleur irradie vers le bas dans la jambe gauche. Spasmes musculaires dans le bas du dos.

Je peux seulement rester debout ou marcher pendant 15 à 20 minutes à la fois. Je dois alors m’asseoir ou même m’étendre dans un fauteuil inclinable. Comment c’est ainsi [sic] possible de conserver mon emploi si je ne peux faire le travail?

[20] Elle a déclaré que des migraines chroniques et un problème de thyroïde sont ses autres problèmes de santé ou déficiences (GD2-427 à 429).

Limitations

[21] Elle a décrit des limitations à rester assise/debout, marcher, soulever/porter des objets, s’étirer et se pencher; quelques problèmes avec ses besoins personnels comme de se laver les cheveux et s’habiller; des limitations à cuisiner, faire l’entretien ménager et les courses; des problèmes occasionnels de mémoire et de concentration en raison de la douleur constante; du sommeil interrompu; de ne pouvoir conduire que pendant 15 à 20 minutes (GD2-430).

Rapports médicaux

Docteur Wawer, médecin de famille

[22] Le 11 mai 2015, Dr Wawer a déclaré à Manulife que l’appelante avait fait de son mieux pour collaborer avec le programme de niveau III et atteindre leurs objectifs, mais qu’elle avait été incapable de le faire et qu’elle trouvait que la CAT lui occasionnait de la détresse psychologique et de l’anxiété en raison de l’approche de confrontation qu’ils utilisaient avec elle et qu’ils la retournaient de manière répétitive au même programme qui avait précédemment échoué (GD3-4).

[23] Le 28 mai 2015, Dr Wawer a rapporté à la CAT que l’appelante était incapable de réaliser les tâches nécessaires pour compléter le programme de niveau III (GD2-90).

[24] Le 18 septembre 2015, Dr Jordan a rédigé le rapport médical initial à l’appui de la demande d’invalidité. Il a diagnostiqué de la douleur chronique au bas du dos, a décrit l’accident de travail de l’appelante en mai 2013, a décrit ses tentatives de retour au travail et son autre blessure, a détaillé les examens physiques et les limitations fonctionnelles et a expliqué le traitement complet qu’elle a suivi ainsi que les médicaments qu’elle prend présentement. Son pronostic était pessimiste et il a déclaré que l’appelante [traduction] « éprouve de la douleur et est invalidée depuis 2013 malgré les traitements et les soins maximaux. Je ne crois pas qu’elle puisse retourner sur le marché du travail » (GD2-375 à 381).

[25] Le 13 octobre 2015, Dr Wawer a rapporté à Manulife que l’appelante avait continuellement de la douleur au bas du dos; qu’elle avait de la douleur avec ambulation et en position assise; qu’elle avait une démarche antalgique; qu’elle éprouvait de la difficulté à faire les tâches d’activités de la vie quotidienne; qu’elle ressentait constamment de la douleur; qu’elle trouvait difficile de prendre plaisir à toute forme d’activités physiques (GD3-5).

[26] Le 16 mai 2016, Dr Wawer a rapporté à Service Canada que l’appelante avait été incapable de travailler en raison d’une blessure au bas du dos qu’elle avait subie au travail; qu’elle avait fait plusieurs séances de physiothérapie ainsi que des traitements à [traduction] l’Institut de la colonne et de la douleur d’X; qu’elle avait pris des médicaments à plusieurs occasions sans obtenir d’amélioration importante de ses symptômes; qu’elle avait tenté de retourner au travail dans le passé, mais qu’elle n’avait malheureusement pas réussi à continuer à faire son travail. Il a déclaré qu’elle souffre de douleur chronique au bas du dos aggravée avec l’ambulation et la flexion; qu’elle a aussi des problèmes à rester assise de manière prolongée et qu’elle ne peut demeurer dans la même position pendant trop longtemps; qu’elle souffre de douleur au genou en raison de changements ostéoarthritiques; qu’elle souffre d’anxiété et de dépression en raison de sa douleur chronique continuelle. Il a conclu qu’il n’y avait pas de traitement actif pour l’appelante, car toutes les options de traitements courants avaient été essayées et qu’à son avis [traduction] « elle demeure invalide et incapable de retourner sur le marché du travail et je ne vois pas quand elle sera capable de le faire en aucun moment dans le futur » (GD2-270).

[27] Dans un rapport du médecin de la CAT daté du 26 juin 2016, Dr Wawer a diagnostiqué de la douleur chronique au bas du dos avec une sacro-iliite et de la douleur au genou. Il a indiqué que l’appelante ne travaillait pas; que des tâches transitionnelles n’étaient pas disponibles; qu’elle était présentement capable de faire du travail sédentaire (GD1-8).

[28] Le 30 janvier 2017, Dr Wawer a déclaré au Tribunal que l’appelante continue à être invalide en raison de ses douleurs continues au bas du dos et au cou; que celles-ci sont continuelles depuis son accident de travail; qu’à cause de sa douleur chronique, elle souffre de dépression; que son état s’est aggravé par son diagnostic de dégénérescence maculaire et l’accident d’automobile dans lequel elle a été impliquée et qui a causé d’autres blessures à son cou et au bas de son dos. Il a conclu : [traduction]

Je n’ai aucun doute que c’est un problème prolongé qui ne s’améliore pas et qu’il est peu probable qu’il s’améliore. C’est aussi un problème grave, car il l’empêche de réaliser plusieurs tâches d’activités de la vie quotidienne et il diminue certainement sa jouissance de la vie. Cette douleur chronique et cette invalidité ont des répercussions sur son état de santé mentale et elle est certainement déprimée et a de la difficulté à gérer sa situation.

Je suis convaincu qu’elle satisfait aux critères d’une invalidité grave et prolongée et j’appuie certainement sa demande pour une pension du RPC.

Physiatres et injections

[29] Le 11 septembre 2013, Dr Watt était d’avis que la douleur chronique de l’appelante était principalement un problème lié aux facettes des vertèbres lombaires. Il l’avait envoyé voir Dr Koshi pour des injections dans les facettes articulaires (GD2-217).    

[30] Il y a des rapports de Dr Koshi d’octobre 2013 à septembre 2014. Il a réalisé une série d’injections bilatérales aux facettes L4-5 et L5-S1 ainsi qu’une injection au joint sacro-iliite gauche.

[31] Le 4 novembre 2013, Dr Koshi a déclaré que l’appelante avait une réponse limite aux injections au niveau des facettes des vertèbres lombaires (GD2-229).

[32] Le 6 janvier 2014, Dr koshi a appelé l’appelante pour déterminer l’efficacité des injections faites le 4 décembre 2013. L’appelante a rapporté au moins 80 % de réduction de la douleur et elle était contente du résultat des injections (GD2-25).

[33] Le 9 juillet 2014, Dr Koshi a vu l’appelante pour un suivi, car sa douleur était revenue. Il a recommandé une injection au joint sacro-iliite gauche, car à l’examen sa douleur semblait plus liée au joint sacro-iliite gauche (GD2-105).

[34] Le 15 juillet 2014, Dr Koshi a appelé l’appelante à la maison et elle a déclaré qu’elle ne ressentait qu’une amélioration de 10 % suite à l’injection au joint sacro-iliite (GD2-99).

[35] Le 9 septembre 2014, Dr Koshi a appelé l’appelante à la maison et elle a déclaré qu’elle venait juste de commencer à sentir quelques changements dans sa douleur à la suite de la dénervation par radiofréquence aux facettes articulaires bilatérales L4-5 et L5-S1 faite le 22 août 2014 (GD2-110).

Docteur Bryson, psychologue

[36] Le 3 juin 2014, le Dr Bryson a fait état de son évaluation psychologique de l’appelante. Elle travaillait sur un horaire modifié par le programme de facilitation. Il avait recommandé 12 séances de thérapie cognitivocomportementale et avait indiqué que son pronostic était bon (GD2-91).

[37] Le 18 juin 2014, Dr Bryson a rapporté que l’appelante continuait à limiter ses activités en raison de ses symptômes de douleur qu’elle sentait qu’elle était incapable de gérer efficacement; qu’elle avait été encouragée de faire les activités au meilleur de ses capacités; qu’elle participait activement durant les séances; qu’elle progressait lentement vers un retour au travail (GD2-296).

[38] Le 16 juillet 2014, Dr Bryson a rapporté que l’appelante faisait un progrès passable relativement à la gestion de la douleur, au retour au travail et à son fonctionnement psychologique; qu’elle continuait à porter passablement d’attention à sa douleur et son invalidité; qu’elle parlait de sa douleur comme d’une barrière à un retour au travail à temps plein et à de pleines fonctions. Il a déclaré qu’il avait toujours un pronostic de passable à bon qu’elle atteigne ses objectifs de traitement (GD2-101).

[39] Le 30 juin 2014, Dr Bryson a rapporté que l’appelante continuait d’éprouver des difficultés avec la gestion active de la douleur; qu’elle n’était pas réceptive au traitement dans un programme de niveau III qu’elle décrivait comme ayant été, «  brutal »; qu’elle avait dû retourner au travail sur le programme de facilitation le 29 juillet 2014. Lorsque des questions ont été posées sur les obstacles à son retour au travail, l’appelante a déclaré : « je vais y retourner aussi longtemps que je peux, jusqu’à ce que je ne puisse plus gérer la douleur. Je n’ai aucun plan » (GD2-106).

[40] Le 26 août 2014, Dr Bryson a rapporté que l’appelante s’était blessée une nouvelle fois lorsqu’elle était tombée sur la glace quand elle était dans un congélateur le 15 août. Il a déclaré que l’appelante avait rapporté que ses symptômes existants s’étaient aggravés de manière telle qu’elle avait diminué ses activités. Il a ajouté que considérant [traduction] « sa perception des symptômes qu’elle ressent, le progrès lent autodéclaré lié à son retour au travail à temps plein et à ses pleines fonctions, [et] son accent sur son incapacité et la gestion efficace de la douleur, il est recommandé qu’elle soit envoyée pour une évaluation de niveau III » (GD2-116).

Commission des accidents du travail (CAT)

[41] Un rapport d’évaluation des capacités physiques de la CAT rédigé en septembre 2013 a conclu que l’appelante montrait des tolérances fonctionnelles avec une classification de charge de travail sédentaire et quelques capacités pour des tâches légères (GD-117).

[42] Le 5 mars 2015, Dr Milburn du CBI Rehab, a fait rapport de son évaluation médicale de niveau III de l’appelante. Il a indiqué que l’appelante avait suivi leur programme en 2013 et qu’elle l’avait terminé en octobre 2013, et qu’à ce moment-là elle était réputée apte au travail. L’appelante se plaignait de « douleurs au bas du dos constantes, incessantes et incapacitantes ». Elle se sentait incapacité par la douleur et elle était incapable d’aller travailler. Il a rapporté que l’appelante [traduction] « était partie en claquant la porte » après avoir été en désaccord avec lui. Il a déclaré : [traduction]

En parlant avec elle aujourd’hui, elle a clairement indiqué qu’elle n’a aucune intention de retourner au travail. Elle considère qu’avec sa douleur elle est justifiée de ne pas travailler, qu’elle juge être différente des autres personnes qui souffrent de douleurs de bas de dos. Elle considère que sa douleur est une invalidité spécifique qui ne lui permet pas de retourner au travail d’aucune manière. Elle a dit qu’elle retournerait au travail si sa douleur était réglée.

Cette dame était non seulement résistante à l’idée que sa douleur n’était pas une invalidité et que nous pourrions l’aider à retourner au travail, mais elle était passablement en colère et elle avait quitté le bureau en coup de vent.

Elle n’est clairement pas une candidate raisonnable de niveau 3. Son idée est faite à propos de sa douleur. Elle m’a dit qu’elle avait l’appui de son médecin de famille pour une invalidité en raison de sa douleur non spécifique. Elle n’est pas ouverte à l’idée d’essayer de mieux fonctionner malgré son inconfort.

Par conséquent, il n’y a rien qu’un programme de niveau 3 pourrait lui apporter pour augmenter son fonctionnement ou l’encourager à retourner au travail.

D’un point de vue médical, l’état de cette dame n’a pas de conclusions spécifiques. Elle a une IRM et une scintigraphie osseuse bénignes. Son absence de réponse aux injections n’indique aucune source physiologique spécifique à sa douleur. Au contraire, je crois que la source de son invalidité est plutôt fondée sur son attitude et son approche de la gestion de sa douleur (GD2-56).

[43] Le rapport d’évaluation de la capacité fonctionnelle de la CAT, daté du 9 mars 2015, indique que l’ensemble des résultats des tests, en combinaison avec les observations cliniques, suggèrent que des questions importantes devraient être soulevées sur la fiabilité et l’exactitude des déclarations de l’appelante relativement à sa douleur et son invalidité, et qu’elle démontre en général des tolérances fonctionnelles avec la classification de travail sédentaire. Le rapport a aussi indiqué qu’elle n’est présentement pas compatible au niveau fonctionnel avec son occupation d’aide-cuisinière; qu’elle a présentement une tolérance de la journée de travail estimée à quatre heures selon ses capacités fonctionnelles démontrées; qu’à cause des limites qu’elle s’est données durant l’évaluation de la capacité fonctionnelle en raison de la douleur rapportée, cette évaluation n’est probablement pas un bon indicateur de ses capacités fonctionnelles maximales (GD2-68).

Observations

[44] L’appelante a soutenu être admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. elle souffre d’une invalidité physique grave;
  2. son bien-être familial, mental, financier, physique et social a été gravement atteint;
  3. elle a suivi plusieurs traitements et a tenté sans succès de retourner au travail;
  4. il n’y a pas d’amélioration en vue.

[45] L’intimé fit valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. Bien que l’appelante puisse être incapable de réaliser les tâches de son ancien emploi, elle n’a pas essayé de faire un autre travail moins exigeant.
  2. La preuve médicale ne fait état d’aucune pathologie ou déficience grave l’empêchant de faire un travail lui convenant et dans ses limites.
  3. Le ministre ne conteste pas que l’appelante éprouve de la douleur, mais ce n’est pas à un niveau qui l’empêche d’occuper tout type d’emploi véritablement rémunérateur.
  4. L’appelante a démontré des perceptions erronées de son état de santé et un état d’esprit d’invalidité.
  5. Comme l’appelante éprouve de la douleur mécanique au dos, sans preuve d’une pathologie sous-jacente importante, il n’y a pas de motif de santé qui l’empêche de détenir un emploi véritablement rémunérateur.
  6. Elle n’a pas essayé un autre travail plus léger ou sédentaire qui soit adapté et qui étaierait ou réfuterait sa prétention d’invalidité. De plus, les efforts limités fournis lors du test fonctionnel rendent très difficile une mesure ou une justification juste d’invalidité. Ses limitations autodéclarées, en absence de pathologie, n’étayent pas qu’elle soit invalide au terme de l’exigence du RPC.

Analyse

Critères d’admissibilité à une pension d’invalidité

[46] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou selon le principe qu’il est plus probable que le contraire, qu’elle était invalide au sens du RPC à la date de fin de sa PMA ou avant cette date.

[47] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à une pension d’invalidité du RPC. Une pension d’invalidité doit être payée à une cotisante qui :

  1. a) n’a pas atteint l’âge de 65 ans;
  2. b) ne touche pas une pension de retraite du RPC;
  3. c) est invalide;
  4. d) a versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[48] Le calcul de la PMA est important puisqu’une personne doit établir qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date ou avant la date marquant la fin de sa PMA.

[49] Le Tribunal a établi que la PMA de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2016.

[50] Les exigences auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité figurent au paragraphe 42(2) de la Loi sur le RPC, où il est mentionné qu’une invalidité doit être à la fois « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si la personne concernée est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable de faire son travail habituel, mais en plus, elle doit être incapable de faire tout travail auquel il aurait été raisonnable de s’attendre qu’elle puisse faire. Une invalidité n’est « prolongée » que si on considère qu’elle va vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[51] Le critère de gravité doit être analysé selon une approche réaliste (Villani, 2001 CAF 248). Le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie, au moment de déterminer l’« employabilité » d’une personne à l’égard de son invalidité.

Caractère grave

[52] Le fardeau de la preuve incombe à l’appelante qui doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que le 31 décembre 2016 ou avant cette date, elle était invalide conformément à la définition établie.

[53] Une loi réparatrice comme le RPC doit faire l’objet d’une interprétation libérale qui cadre avec ses objectifs de réparation, et il faut donner un sens et donner effet à chacun des termes du sous-alinéa 42(2)a)(i). Cette disposition, lue de cette façon, prévoit que le législateur a jugé qu’une invalidité est grave si elle rend la requérante incapable de détenir pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice (Villani, précité).

[54] L’appelante a livré son témoignage d’une manière discontinue, elle a demandé plusieurs pauses et elle a démontré des symptômes de douleur en alternant continuellement entre les positions assise et debout. Elle semblait aussi avoir une apparence quelque peu terne et distraite. Le Tribunal a estimé que ceci était sincère et que l’appelante n’avait pas feint ou exagéré ses symptômes. Bien qu’elle ait eu certains problèmes à se souvenir, elle a été une assez bonne historienne. Le Tribunal a conclu que l’appelante était un témoin crédible et a accepté sa preuve orale comme étant sincère et précise.

Multiples troubles invalidants

[55] L’état d’une requérante doit être évalué dans sa totalité. Toutes les déficiences possibles de l’appelante doivent être prises en considération, et non pas seulement les plus importantes déficiences ou la principale déficience (Bungay, 2011 CAF 47). Même si chacun des problèmes de santé de l’appelante, pris séparément, pourrait ne pas entraîner une invalidité grave, l’effet combiné des diverses afflictions peut rendre l’appelante gravement invalide : Barata c. MDRH (17 janvier 2001) CP 15058 (CAP).

[56] Il n’existe aucune définition faisant autorité en matière de douleur chronique. Toutefois, l’on considère généralement qu’il s’agit d’une douleur qui persiste au-delà de la période normale de guérison d’une lésion ou qui lui est disproportionnée, et qui est caractérisée par l’absence, à l’emplacement de la lésion, de signes objectifs permettant d’attester l’existence de cette douleur au moyen des techniques médicales actuelles. Malgré cette absence de symptômes objectifs, il ne fait aucun doute que les personnes éprouvant des douleurs chroniques souffrent physiquement et moralement et que leur incapacité est réelle : Nouvelle-Écosse (Worker’s Compensation Board) c. Martin [2003] CSC 54.

[57] Le problème de santé invalidant principal de l’appelante est la douleur chronique au dos dont elle souffre depuis longtemps, qui a découlé de son accident initial en mai 2013 et qui s’est aggravée avec ses accidents d’août 2014 et de mai 2016. De plus, elle a souffert de douleur chronique au cou depuis son accident d’automobile en novembre 2016. Il est clair que l’appelante a suivi beaucoup de traitements, incluant ceux des programmes de la CAT, de la physiothérapie, de la psychothérapie et des injections, sans succès. Bien qu’il y ait peu de conclusions objectives, le Tribunal est convaincu qu’elle [traduction] « souffre physiquement et moralement », et que l’invalidité qu’elle vit est « réelle ». En raison de sa douleur chronique, elle a des limitations importantes à s’asseoir, à être debout et à marcher.

[58] De plus, en raison de la douleur chronique dont elle souffre depuis longtemps, elle a développé de l’anxiété et de la dépression. Elle a fait de la thérapie par le biais de la CAT et a pris des médicaments antidépressifs et anxiolytiques prescrits par son médecin de famille. Dans son rapport du 30 janvier 2017 (paragraphe 28 susmentionné) qui a été rédigé un mois après la fin de la PMA, Dr Wawer a rapporté à Service Canada que la douleur chronique et l’invalidité de l’appelante « ont des répercussions sur son état de santé mentale et elle est certainement déprimée et a de la difficulté à gérer sa situation ». Ceci concorde avec l’impression que le Tribunal a eue de l’appelante durant l’audience.

[59] Un autre problème de santé invalidant est sa dégénérescence maculaire qui lui cause des problèmes de vue depuis octobre 2016. Ceci crée des obstacles additionnels au travail puisqu’elle a de la difficulté à conduire la nuit, son ophtalmologiste lui a dit de ne pas utiliser de iPad ou d’ordinateur, car la lumière est mauvaise pour ses yeux, et elle est limitée dans sa lecture, car c’est difficile pour ses yeux.

[60] Le Tribunal a tenu compte de l’effet cumulatif de ses multiples problèmes de santé et il est convaincu que lorsqu’ils sont considérés dans leur totalité, ils sont gravement invalidants. Elle n’est pas capable de détenir « pendant une période durable une occupation réellement rémunératrice » (voir Villani, précité) : elle ne peut être une employée régulière et fiable.

Rapports de la CAT

[61] Le Tribunal tient compte des rapports de la CAT qui remettent en question la fiabilité et l’exactitude des déclarations de l’appelante relatives à sa douleur et son invalidité et qui sont critiques à l’égard de son refus à retourner à un programme de niveau III. Toutefois, le Tribunal préfère les rapports de Dr Wawer, son médecin de famille de longue date, qui la connaît le mieux et qui appuie fortement sa demande de pension d’invalidité. Ses rapports confirment ses multiples problèmes de santé, qu’elle a suivi diligemment les traitements, qu’elle a fait des efforts véritables pour continuer de travailler près ses accidents malgré ses douleurs et la dépression, et qu’il est peu probable que son état s’améliore.

[62] Le Tribunal accorde peu de poids au rapport de la CAT de Dr Wawer du 26 juin 2016 (paragraphe 27, susmentionné) dans lequel Dr Wawer indiquait que l’appelante était capable de travail sédentaire : il n’a seulement que coché une boîte sur le formulaire de la CAT et cette mention contredit ses nombreux autres rapports détaillés. En outre, le Tribunal s’appuie sur ses impressions et ses observations de l’appelante durant l’audience durant lequel il la jugea sincère, et sur le fait qu’elle n’exagérait pas et ne feignait pas ses symptômes.

[63] L’appelante croit sincèrement qu’elle a souffert durant le programme de niveau III en 2013 et qu’il n’est pas raisonnable de s’attendre qu’elle suive encore un tel programme. Le Tribunal a tenu compte des rapports de Dr Wawer de mai 2015 (paragraphes 22 et 23, susmentionnés) qui indiquaient qu’elle considérait que la « CAT lui causait de la détresse psychologique et de l’anxiété en raison de l’approche de confrontation qu’ils utilisaient avec elle et qu’ils la retournaient de manière répétitive au même programme qui avait précédemment échoué » et qu’elle « était incapable de réaliser les tâches nécessaires pour compléter le programme de niveau III ».

Détermination de la gravité

[64] Le Tribunal conclut que l’appelante a établi, selon la prépondérance des probabilités, la présence d’une invalidité grave conformément aux critères du RPC.

Caractère prolongé

[65] Ayant conclu que l’invalidité de l’appelante est grave, le Tribunal doit aussi déterminer si elle est prolongée.

[66] Les problèmes invalidants de l’appelante persistent depuis plusieurs années. En dépit de nombreux traitements, il y a eu peu d’amélioration.

[67] L’invalidité dont l’appelante est atteinte est longue et continue et il n’y a aucune perspective raisonnable d’amélioration dans un avenir prévisible.

Conclusion

[68] Le Tribunal conclut que l’appelante était atteinte d’une invalidité grave et prolongée en octobre 2014, lorsqu’elle a cessé de travailler. Aux termes de l’article 69 du RPC, les versements commencent quatre mois après la date de l’invalidité. Les paiements commencent à partir de février 2015.

[69] L’appel est accueilli.

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