Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu la demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) de l’appelante le 18 août 2013. L’appelante prétend qu’elle est invalide à cause de douleurs chroniques diffuses, de problèmes cardiaques, d’une sténose spinale, d’une radiculopathie C7 et d’une compression de la racine nerveuse S1. L’intimé a rejeté la demande initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Il s’agit de la troisième demande de prestations d’invalidité du RPC de l’appelante.

[3] Au départ, l’appelante avait présenté une demande de prestations d’invalidité du RPC en décembre 1990. Sa demande avait été accueillie en février 1991. Elle avait reçu des prestations d’invalidité jusqu’à la fin de juillet 1991 parce qu’elle était retournée au travail.

[4] Sa deuxième demande de prestations d’invalidité a été reçue le 13 septembre 2005. Cette demande a été rejetée initialement et après révision. L’appelante a interjeté appel de la décision découlant de la révision auprès du Bureau du Commissaire des tribunaux de révision (BCTR). Son appel a été instruit par un tribunal de révision le 21 mars 2007 et a été rejeté le 5 juillet 2007 (GD2-218).

[5] La demande de permission d’en appeler que l’appelante a présentée à la Commission d’appel des pensions (CAP) a été rejetée en août 2007. L’appel de l’appelante de la décision de la CAP devant la Cour fédérale a été rejeté.

[6] La demande de prestations de retraite anticipée du RPC de l’appelante a été accueillie le 7 juin 2014 avec des versements commençant en juin 2014 (GD1-121).

[7] Le 1er juin 2017, le Tribunal a rendu une décision interlocutoire en rejetant la demande apparente de l’appelante selon laquelle le membre du Tribunal se récuse; en déterminant que l’appelante n’a pas le droit de soulever des questions constitutionnelles pendant le processus d’appel; en rejetant la demande de l’appelante pour atteinte aux droits à la vie privée; et en déterminant que la question d’invalidité sera abordée par vidéoconférence (GD65).

[8] Le 1er juin 2017, le Tribunal a émis un avis selon lequel la question d’invalidité serait abordée par vidéoconférence pour les motifs suivants :

  1. le service de vidéoconférence est disponible à une distance raisonnable de la région où réside l’appelante;
  2. ce mode d’instruction respecte l’exigence prévue par le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le TSS) voulant qu’il faille procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent;
  3. cette façon de procéder est la plus rentable et la plus efficace, et elle est conforme aux articles 2 et 3(1)(a) du Règlement sur le TSS, qui stipulent que le Tribunal interprète le Règlement sur le TSS de façon à permettre d’apporter une solution à l’appel ou à la demande qui soit juste et la plus expéditive et économique possible, et en veillant à ce que l’instance se déroule de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[9] Les personnes suivantes ont participé à l’audience :

Janet Zepotoczny Berger : appelante

Sylvie Doire : avocate de l’intimé

Louise Filiatrault : représentante du ministre

Emma Skowron : stagiaire en droit accompagnant Mme Doire

[9] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal a décidé que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC.

Critère d’admissibilité

[10] Les exigences auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité figurent à l’article 42(2) du RPC, où il est mentionné qu’une invalidité doit être à la fois « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si la personne concernée est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable de faire son travail habituel, mais en plus, elle doit être incapable de faire tout travail auquel il aurait été raisonnable de s’attendre qu’elle puisse faire. Une invalidité est « prolongée » si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

[11] L’appelante a commencé à toucher ses prestations de retraite du RPC en juin 2014. Pour que son appel soit accueilli, elle doit établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée conformément aux critères du RPC le 31 mai 2014 ou avant cette date, et de façon continue par la suite.

Chose jugée

[12] L’audience devant le tribunal de révision s’est tenue le 21 mars 2007, et la décision a été rendue le 25 juillet 2007 (GD2-218).

[13] Il a été déterminé que la date de fin de la période minimale d’admissibilité était en décembre 2007. L’appelante a déposé de nombreux documents médicaux et a comparu en personne devant le tribunal : elle a témoigné et a présenté des observations.

[14] Le tribunal de révision a noté ce qui suit : l’appelante était âgée de 52 ans, et avant le 14 juillet 1999, elle avait travaillé comme infirmière autorisée pendant 25 ans; bien qu’elle ait été brièvement sans emploi au début des années 1990, elle avait généralement un travail et un bilan de santé excellents; le 14 juillet 1999, [traduction] « sa vie a changé pour toujours » lorsqu’elle a été blessée dans un accident d’autobus de la Commission de transport de Toronto (CTT), lors duquel elle a été projetée vers l’avant et [traduction] « a terminé sa course autour d’un poteau »; et elle a subi des blessures aux tissus mous qui lui ont causé bien des soucis.

[15] Le tribunal de révision a également noté que depuis l’accident, l’appelante a continué d’occuper différents emplois, car [traduction] « elle doit mettre du pain sur la table », et que, selon elle, elle travaille en dépit de son invalidité. L’appelante a déclaré qu’elle avait des douleurs chroniques au dos, au genou et aux jambes, qu’elle ne pouvait pas rester debout longtemps, et qu’elle éprouve de la douleur lorsqu’elle s’assoit.

[16] Le tribunal de révision a fait référence à une lettre datée du 9 janvier 2007 que l’appelante a adressée au BCTR, faisant état de ce qui suit :

[traduction]
Le 13 décembre, j’ai signé un contrat de travail officiel pour un poste d’assistante en anesthésie dans une clinique de parodontie locale, où je travaillerai à compter du 19 décembre et où je serai en mesure de respecter mes restrictions médicales. Comme je travaillerai toujours le mardi et le jeudi, je demande à ce que vous modifiiez ma demande originale de sorte qu’une date d’audience ne soit pas fixée ces jours-là. Je ne peux pas me permettre de manquer ces journées de travail […].

[17] Lors de l’audience, qui s’est tenue un mercredi, l’appelante a précisé qu’elle était au travail la veille et qu’elle travaillait le lendemain. Le tribunal de révision a conclu ce qui suit :

[traduction]
[...] Il était évident qu’elle ne comprenait pas à ce moment-là la contradiction entre le fait de présenter une demande de pension d’invalidité du RPC et le fait d’occuper un emploi rémunérateur. Sa compréhension des termes « invalidité [...] grave et prolongée » ne concordait pas avec la définition législative. Le Tribunal a expliqué les critères de la loi en détail. Pour être admissible à une pension, une personne doit être atteinte d’une invalidité grave et prolongée qui l’empêche d’occuper un emploi véritablement rémunérateur. Comme l’appelante en l’espèce occupe actuellement un emploi véritablement rémunérateur, par définition, elle n’est pas admissible à une pension.

L’appelante a présenté de nombreux éléments de preuve au sujet de l’étendue de ses invalidités et de ses limitations. Nous admettons le fait qu’elle a subi des blessures dans un accident d’autobus en juillet 1999 et qu’elle éprouve de grandes difficultés depuis. L’appelante a expliqué qu’elle estime que ses blessures sont graves. Nous comprenons son point de vue. L’appelante a expliqué que ses blessures l’empêchent de travailler à temps plein. Nous comprenons cela. Le Tribunal souhaite souligner les efforts considérables que l’appelante a déployés ainsi que l’attitude remarquable dont elle a fait preuve en retournant au travail en dépit de ses limitations physiques et des difficultés qu’elle éprouve. Toutefois, comme l’appelante occupe actuellement un emploi, elle n’est pas, aux termes du RPC, atteinte d’une invalidité grave et prolongée.

[18] Si une affaire est chose jugée, cela empêche qu’une nouvelle audience soit tenue ou que des questions déjà tranchées soient remises en litige. En l’espèce, le tribunal de révision a déterminé que l’appelante n’était pas atteinte d’une invalidité grave conformément aux exigences du RPC en date du 21 mars 2007.

[19] La doctrine de la chose jugée peut s’appliquer si les trois conditions préalables suivantes sont remplies :

  1. la question doit être la même que celle qui a été décidée dans la décision antérieure;
  2. la décision antérieure doit être définitive;
  3. les parties doivent être les mêmes dans les deux instances.

[20] En appliquant ces éléments en l’espèce :

  1. La question à trancher dans la deuxième demande de prestations d’invalidité de l’appelante était de savoir si celle-ci était atteinte d’une invalidité grave conformément aux critères du RPC le 21 mars 2007 ou avant cette date. La question à trancher dans la présente demande est de savoir si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave conformément aux critères du RPC le 31 mai 2014 ou avant cette date.
  2. La décision du tribunal de révision était définitive, selon l’article 84(1) du RPC en vigueur au moment où la décision antérieure a été rendue.
  3. L’appelante et le ministre du Développement social du Canada étaient les parties à la décision antérieure. Le ministre de l’Emploi et du Développement social, l’intimé dans le cas qui nous occupe, a succédé au ministre du Développement social du Canada. Les parties sont les mêmes dans les deux instances.

[21] Le Tribunal estime que les trois conditions préalables de la chose jugée ont été remplies en ce qui a trait à la question de savoir si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave le 21 mars 2007.

Circonstances spéciales

[22] Dans Danyluk c Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460, la Cour suprême du Canada a statué que si les trois conditions préalables sont remplies, la Cour doit encore déterminer, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, si cette forme de préclusion (une forme de chose jugée) devrait être appliquée.

[23] Dans l’arrêt Danyluk, la Cour a déclaré qu’elle devait tenir compte d’une vaste liste d’éléments discrétionnaires au moment de déterminer si oui ou non elle devait exercer sa discrétion. Parmi eux :

  1. le libellé du texte de loi accordant le pouvoir de rendre l’ordonnance administrative;
  2. l’objet du texte de la loi;
  3. l’existence d’un droit d’appel;
  4. les garanties offertes aux parties dans le cadre de l’instance administrative;
  5. l’expertise du décideur initial;
  6. les circonstances ayant donné naissance à l’instance initiale;
  7. toute injustice potentielle.

[24] La Cour a déclaré que l’objectif de l’exercice du pouvoir discrétionnaire « est de faire en sorte que l’application de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée favorise l’administration ordonnée de la justice, mais pas au prix d’une injustice dans une affaire donnée ».

[25] Le RPC prévoit une procédure claire grâce à laquelle l’appelante pourrait demander une révision de la décision rendue au sujet de sa demande de prestations d’invalidité. L’appelante a déposé des documents médicaux et a présenté son témoignage oral au tribunal de révision. Après que son appel a été rejeté, elle a présenté, sans succès, une demande de permission d’en appeler à la CAP, puis a interjeté appel, en vain, de la décision de la CAP au sujet de la permission refusée auprès de la Cour fédérale. Lorsqu’il a rendu sa décision, le tribunal de révision a dû interpréter sa loi habilitante dont il avait une connaissance approfondie, et il s’agissait des mêmes prestations que celles demandées en l’espèce.

[26] Rien dans la demande ou dans les autres documents déposés ultérieurement par l’appelante ne laisse croire à une injustice potentielle en empêchant l’appelante de reproduire le processus décisionnel et la procédure d’appel dont elle s’était prévalue dans sa demande antérieure. Le caractère définitif des décisions rendues par un tribunal après une audience complète et équitable favorise l’administration ordonnée de la justice. Il existe un intérêt politique important selon lequel les décisions rendues par un tribunal sont définitives et que les questions ne sont pas remises en litige.

[27] Le Tribunal estime qu’il n’y a pas de circonstances particulières qui feraient en sorte que l’appel fasse exception à la doctrine de la chose jugée.

[28] En tenant compte de ce qui précède, le Tribunal a déterminé que le principe de la chose jugée s’applique à la question relative aux caractères grave et prolongé en date du 21 mars 2007, et qu’il faut, aux fins de cet appel, prendre en considération que l’appelante n’a pas été jugée invalide le 21 mars 2007, selon la définition du RPC.

[29] Toutefois, cela ne permet pas de déterminer si l’appelante était atteinte d’une invalidité grave le 31 mai 2014, et le Tribunal doit déterminer si l’appelante est devenue gravement invalide entre le 21 mars 2007 et 31 mai 2014 (période visée).

[30] Par conséquent, il incombe à l’appelante de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que pendant la période visée, entre le 21 mars 2007 et le 31 mai 2014, il y a eu une modification et une détérioration considérables de son état, ce qui permet d’établir, bien qu’elle n’était pas gravement invalide en date du 21 mars 2007, qu’elle était atteinte d’une invalidité grave en date du 31 mai 2014.

Preuve documentaire

[31] Le Tribunal a examiné attentivement la preuve documentaire volumineuse dans le dossier d’audience (GD1 à GD73). Compte tenu de l’application de la chose jugée, le Tribunal a mis un accent particulier sur les documents concernant la période visée. Voici des extraits que le Tribunal a jugés comme étant les plus pertinents.

Correspondance de l’appelante

[32] Dans une lettre adressée au BCTR, datée du 21 juillet 2007, l’appelante a déclaré que depuis octobre 2006, elle fait l’objet d’examens médicaux, et que les résultats d’un ECG réalisé le 4 juillet 2007 ont révélé un [traduction] « bloc de branche droite au cœur », ce qui est un nouvel élément. Elle a également déclaré avoir l’impression que les membres lors de l’audience du 21 mars 2007 [traduction] « étaient extrêmement perspicaces et équitables dans leur évaluation de sa situation, bien que leur décision ne tienne pas compte de sa réalité actuelle en matière de limitations professionnelles permanentes et de son invalidité [...] du fait qu’elle a finalement retrouvé son emploi chez l’un de ses anciens employeurs, mais qu’elle éprouve tout de même des difficultés financières persistantes [...] et que personne ne devrait avoir à vivre ce qu’elle a vécu en raison de la rigidité des lois en vigueur ou de leur défaut de créer un pont permettant aux personnes de se remettre de leur maladie ou de leur blessure » (GD1-15).

[33] Dans une lettre adressée à Service Canada, datée du 10 août 2013, l’appelante a joint une copie d’un rapport daté du 5 novembre 2007, de la part du Dr Spears, neurochirurgien, qu’elle n’avait pas été autorisée à présenter dans la procédure d’appel relativement à la décision du tribunal de révision (GD1-166).

[34] Dans une lettre adressée à Service Canada, datée du 19 mars 2014, l’appelante a précisé ce qui suit : elle travaille à la pige, principalement comme assistante en anesthésie [traduction] « au besoin », car elle est capable de s’asseoir de façon intermittente pour effectuer son travail compte tenu de ses limitations; elle travaille dans sept cliniques différentes, qui sont ses propres contacts et à qui elle facture directement ses services; elle cherche son propre travail, mais a de la difficulté à trouver et à conserver un emploi en raison de ses blessures et de ses limitations physiques permanentes prescrites; elle travaille des demi-journées, des journées complètes et, à l’occasion, des heures prolongées, et ces longues heures exacerbent sa douleur (GD1-149).

[35] En réponse à une lettre datée du 13 juin 2014 de Service Canada, l’appelante a noté ce qui suit : elle travaille principalement selon [traduction] « les besoins » en tenant compte de ses limitations prescrites; elle travaille entre 0 et 15 heures par semaine, selon les rendez‑vous des patients; elle continue d’aider les dentistes et les chirurgiens buccaux avec l’anesthésie [traduction] « au besoin »; ses quarts de travail varient de deux aux six heures de travail maximales habituelles, et à de très rares occasions, elle travaille plus de six heures (GD1‑97).

[36] Dans une lettre adressée au Tribunal, datée du 6 décembre 2014, qui accompagnait son appel, l’appelante a précisé ce qui suit : les décisions rejetant sa deuxième demande de prestations d’invalidité avaient été rendues en dépit du fait qu’en 2001, ses blessures à la suite de l’accident de la CTT avaient été jugées permanentes et qu’elle a été atteinte d’une invalidité partielle pendant plusieurs années; le ministre, au moment de rejeter la demande de l’appelante, s’était appuyé sur des renseignements provenant d’un rapport de consultation de la Dre Alleyne, daté de juin 2014, qui étaient [traduction] « inexacts » et sur une fausse déclaration de son état de santé et de l’état de ses blessures; en février 2014, elle s’était blessée à nouveau au genou droit, à la jambe et à la hanche en tombant; elle avait de plus en plus de difficulté à marcher; le stress lié à son litige avec la banque et à l’ingérence de la banque dans sa propriété interféreront avec le seul travail qu’elle est en mesure d’accomplir, qui consiste le plus souvent en un travail à la pige effectué [traduction] « au besoin » en tant qu’infirmière autorisée, où elle peut travailler entre [traduction] « trois et six heures par jour dans la mesure du possible, en tenant compte des limitations prescrites, en aidant les dentistes et les chirurgiens buccaux avec l’anesthésie »; le fardeau supplémentaire de devoir se tenir debout pendant de longues heures pour présenter des documents à la Cour supérieure de justice de l’Ontario, située à Brampton, ainsi que la route qu’elle a dû parcourir pendant quatre mois pour s’y rendre, ont exacerbé sa douleur chronique et ses blessures (GD1-1).

[37] Dans une lettre adressée au Tribunal, datée du 10 octobre 2015, l’appelante a précisé ce qui suit : son invalidité actuelle était survenue le 14 juillet 1999, lorsqu’elle a subi des blessures permanentes et qu’elle est devenue partiellement invalide de façon permanente dans un accident de la CTT; et de nouveaux renseignements concernant les blessures qu’elle a subies à la suite d’une chute en février 2014 et l’obligation de conduire régulièrement jusqu’à Brampton en raison de son litige avec la banque ont aggravé ses douleurs au dos et à la jambe et ont contribué à ses problèmes de santé liés au stress. Elle a également fait état de ce qui suit :

[traduction]
J’ai toujours des limitations professionnelles, et à titre d’exemple, je n’ai travaillé que neuf heures la semaine dernière, comme il s’agissait des seules heures qui étaient à ma disposition selon mes limitations professionnelles prescrites qui m’interdisent de soulever des objets lourds et de demeurer debout et de marcher pendant de longues périodes. La fatigue et la douleur chronique continuent d’interférer avec la quantité et le type de travail que je suis capable de faire, tout comme d’autres facteurs contributifs. À l’heure actuelle, il n’y a aucun changement dans mes activités professionnelles, et bien que des quarts de travail de deux (2) à six (6) heures en moyenne sont disponibles, je demeure limitée à aider les dentistes et les chirurgiens buccaux avec l’anesthésie puisque je peux m’asseoir et faire généralement mon travail. Toutes mes autres activités professionnelles sont actuellement en attente et ont été freinées par le fait que je me représente moi‑même dans des procédures judiciaires qui durent depuis maintenant trois ans. J’ai passé des heures à préparer et à déposer des documents, à demander des conseils juridiques gratuitement et à rester assise pendant de longues périodes pour présenter des documents afin d’essayer d’obtenir l’équité et la justice, ainsi que l’accès à la justice et à la transparence des procédures (GD4‑1).

[38] Dans une lettre adressée au Tribunal, datée du 11 juin 2017, l’appelante a précisé que les 1er et 2 mai 2017, elle a vécu un événement potentiellement mortel lorsque sa pression artérielle systolique a dépassé 200 et a grimpé jusqu’à 230/177 au service d’urgence de l’hôpital St. Michael. Son médecin l’avait envoyée au service d’urgence en demandant à ce qu’un accident ischémique transitoire ou toute autre cause possible soit écarté. Elle a mentionné avoir déjà vécu des situations d’urgence semblables en 2001 et en 2014 (GD66-2).

[39] Dans une lettre adressée au Tribunal, datée du 3 août 2017, l’appelante a fourni une mise à jour sur son état de santé et a précisé ce qui suit : elle cherche tous ses emplois à partir de la maison; elle demeure une travailleuse indépendante sans modification importante à sa situation; elle travaille [traduction] « au besoin »; elle a été embauchée comme assistante dans des cliniques de vaccination contre la grippe d’octobre à la fin décembre; le contrat stipule clairement que les heures ne sont pas garanties; en remplissant les formulaires requis, elle devait divulguer son statut d’invalidité; elle continue à externaliser pour effectuer plus de travail; il n’y a eu aucune modification importante dans sa capacité de se trouver un emploi en tenant compte de ses limitations prescrites (GD67).

[40] Dans une lettre adressée au Tribunal après l’audience, datée du 12 septembre 2017, l’appelante a joint des documents médicaux supplémentaires, y compris des rapports d’étape datés du 6 juin 2017 et du 19 juillet 2017 du Dr Gilbert, cardiologue. Le rapport d’étape du 6 juin 2017 (GD71-8) fait état que lors de la dernière visite de l’appelante, son état était stable, même si le balayage par rayonnement nucléaire a révélé une ischémie latérale légère, et que depuis l’accident de 1999, l’appelante a de vives douleurs aux jambes, au cou, aux épaules et au dos. Le Dr Gilbert a décrit l’incident du 1er mai et a déclaré que l’état de l’appelante semble stable pour le moment. Selon le rapport d’étape du 9 juillet 2017 (GD71-6), [traduction] « sur le plan cardiaque, l’appelante est plutôt stable ».

[41] Dans une lettre adressée au Tribunal après l’audience, datée du 3 octobre 2017, l’appelante a joint les résultats d’une échographie de son genou droit, réalisée le 26 septembre 2017, qui révélaient un petit kyste méniscal antéromédial dans le genou droit pouvant avoir été causé par une déchirure méniscale sous-jacente. Le genou droit ne présentait aucune autre anomalie échographique. L’appelante a déclaré que ces résultats étaient pertinents parce qu’il reste des traces de kystes méniscaux qui exacerbent sa douleur lorsqu’elle marche ou se tient debout. Cela est lié à l’autre blessure qu’elle a subie le 17 février 2014, qui exigeait qu’elle soit traitée au service d’urgence (GD73).

Questionnaire relatif à l’invalidité

[42] Dans son questionnaire relatif à l’invalidité, signé le 5 août 2013, l’appelante a indiqué qu’elle détient un diplôme universitaire ainsi que des diplômes de deuxième cycle. Elle a précisé qu’elle était une travailleuse indépendante et qu’elle travaillait de trois à huit heures par jour, et ce, de deux à trois jours par semaine. Elle a également mentionné qu’elle avait arrêté d’aider les dentistes et les chirurgiennes ou chirurgiens à titre d’infirmière autorisée le 2 août 2013 en raison d’une blessure permanente qu’elle a subie lors d’un accident en 1999. Elle a affirmé être invalide depuis le 14 juillet 1999 (questionnaire relatif à l’invalidité : GD2-193 à GD2-195).

[43] Elle a décrit ses difficultés et ses limitations fonctionnelles comme étant les suivantes : elle peut seulement s’asseoir ou se tenir debout pendant une demi-heure, et le fait de rester debout pendant une longue période est douloureux; sa douleur empire lorsqu’elle marche rapidement, et lorsqu’elle marche lentement, elle doit généralement s’asseoir après une demi‑heure; elle doit éviter de transporter des objets lourds parce que cela aggrave sa douleur; elle doit faire preuve de prudence lorsqu’elle tend la main pour prendre un objet; sa hanche droite a une flexion limitée; elle a de la difficulté à subvenir à ses besoins personnels; elle a besoin de plus de temps pour faire des tâches ménagères en raison de ses limitations; elle a des troubles de mémoire occasionnels et de la difficulté à se concentrer lorsqu’elle est fatiguée; elle doit faire du Pilates ou d’autres exercices avant de dormir, sinon elle ne sera pas confortable une fois couchée; elle a parfois de la difficulté à avaler; elle doit utiliser un support dorsal lorsqu’elle conduit; et elle ne peut pas prendre le métro, car elle est incapable de monter les escaliers; elle prend plutôt l’autobus et le tramway, si possible (GD2-196).

Documents médicaux datés d’après le 21 mars 2007

[44] Le 5 novembre 2007, le Dr Spears, neurochirurgien, a noté que l’appelante était une travailleuse indépendante et qu’elle travaillait avec un parodontiste en tant qu’assistante en anesthésie. Il a expliqué que l’appelante avait une spondylose lombaire légère à modérée et qu’une intervention chirurgicale ne serait pas appropriée. Il a plutôt recommandé des mesures contre la douleur chronique et d’autres mesures conservatrices (GD1-171).

[45] Le 23 janvier 2009, le Dr So, le médecin de famille de l’appelante, a produit un rapport sur son évaluation de l’appelante avant que celle-ci ne parte en voyage. Il a déclaré qu’elle remplissait deux conditions préalables : le bloc de branche droite au cœur, qui est stable depuis plus d’un an, et la douleur chronique, qui est stable sans modification importante. Il était d’avis que l’appelante était apte à voyager sans aucun problème (GD1-59).

[46] Le 22 mai 2009, le Dr Gilbert, cardiologue, a rapporté les faits suivants : l’appelante est une travailleuse indépendante qui occupe un poste d’assistante en anesthésie dans une clinique de parodontie; elle ne présente aucun symptôme cardiaque; elle éprouve des douleurs constantes. Il a mentionné qu’elle pourrait ou non avoir une maladie coronarienne, mais que dans tous les cas, elle était assez stable et elle ne souhaitait surtout pas avoir l’heure juste (GD1-109).

[47] Le 11 septembre 2011, en réponse à une demande que l’appelante a présentée à la Ville de Toronto pour réduire ses taxes en raison de sa maladie, le Dr So a déclaré ce qui suit : l’appelante a une capacité de travail restreinte depuis le 30 janvier 2000; elle a des restrictions musculaires continues au travail en raison d’un accident de la CTT survenu en 1999; elle n’est pas incapable de travailler pour cause de maladie; elle peut travailler en tenant compte de ses limitations prescrites (GD35-36).

[48] Le 6 août 2013, le Dr So a rempli le rapport médical initial à l’appui de la demande de prestations d’invalidité actuelle. Il a diagnostiqué des douleurs chroniques et a déclaré que le pronostic était [traduction] « sombre à bon ». Il a déclaré que l’appelante a des limitations professionnelles permanentes pour des tâches légères (GD2-175).

[49] Selon une note du Dr So datée du 7 janvier 2014, l’appelante a des douleurs chroniques, qui ont été exacerbées par sa comparution en cour à Brampton (GD4-33).

[50] Une radiographie du genou droit de l’appelante, réalisée le 17 février 2014, n’a révélé aucune trace de fracture (GD2-94).

[51] Une échographie du genou droit de l’appelante, réalisée le 31 mars 2014, a révélé une légère bursite infrapatellaire profonde droite et un petit kyste dans la fosse poplitée droite (GD4‑25).

[52] Le 23 mai 2014, le Dr So a dirigé l’appelante vers le Toronto Rehabilitation Institute [institut de réadaptation de Toronto] pour une évaluation de la douleur de son genou droit et un diagnostic de bursite infrapatellaire. Selon la recommandation, l’appelante a de la douleur au genou droit depuis qu’elle a fait une chute (GD1-102).

[53] Le 4 juin 2014, la Dre Alleyne, du Toronto Rehabilitation Institute, a rapporté les faits suivants au Dr So : l’appelante a fait une chute le 17 février 2014 qui, selon la Dre Alleyne, pourrait avoir été une syncope; elle est tombée sur ses deux genoux, ce qui a empiré la blessure de son genou droit; au cours des trois derniers mois et demi, elle a constaté que ses nouveaux symptômes s’étaient atténués; elle a mentionné que cela avait intensifié ses douleurs chroniques préexistantes; ses douleurs au dos, à la hanche droite et à la fesse se sont intensifiées depuis sa chute; et elle a mentionné qu’elle marchait fréquemment de petites distances tous les jours et qu’elle continuait à respecter ses limitations préexistantes qui étaient de ne pas marcher pendant de longues périodes et de marcher selon sa tolérance. La Dre Alleyne a encouragé l’appelante à poursuivre ses activités y compris les exercices et le Pilates (GD2-89).

[54] Le 27 août 2014, l’appelante a écrit à la Dre Alleyne pour exprimer son désaccord avec son évaluation et le refus de couverture pour la physiothérapie. Elle a également souligné ce qu’elle pensait être des fausses déclarations dans le rapport de la Dre Alleyne (GD1-16).

[55] L’échographie du genou droit de l’appelante, réalisée le 5 juin 2015, a révélé ce qui suit : une légère bursite infrapatellaire profonde droite, qui n’a pas changé de façon significative depuis l’échographie du 1er mars 2014; un petit kyste para-méniscal antéromédial dans le genou droit pouvant avoir été causé par une déchirure méniscale sous-jacente; aucune trace claire d’un kyste dans la fosse poplitée; et de l’arthrose bicomportementale précoce dans le genou droit (GD4-23).

[56] Une demande d’IRM du genou droit, présentée le 8 septembre 2015, révèle une douleur au genou droit et une possible déchirure méniscale (GD4-8).

[57] Selon une télécopie de la part de l’appelante au service d’IRM de l’hôpital St. Michael, datée du 5 octobre 2015, l’appelante doit être au travail le 19 octobre de 7 h 30 à 16 h (GD4-20).

[58] L’appelante a par la suite déposé des rapports dont la plupart portent sur des problèmes cardiaques, d’hypertension artérielle et de glaucome; toutefois, elle a présenté ces rapports bien après le 31 mai 2014, date limite à laquelle l’appelante était admissible à des prestations d’invalidité du RPC. Ces rapports ne sont pertinents que si l’appelante établit qu’elle était atteinte d’une invalidité grave le 31 mai 2014.

Réponses aux questions

[59] Lors de l’audience, l’appelante a confirmé que ses réponses aux questions du Tribunal à GD55 et GD56 étaient vraies et exactes autant qu'elle sache.

[60] Dans ses réponses, l’appelante a déclaré que le 14 juillet 1999 (date de l’accident de la CTT) est la date réputée de déclaration d’invalidité, et que le 14 février 2014 (date de sa chute) est la deuxième date. Elle a énuméré et décrit ses problèmes d’invalidité en incluant ce qui suit : migraines; coup de fouet cervical; blessures et douleurs lombaires; faiblesse et blessure à la jambe droite; douleur à la hanche droite et mouvements limités; problèmes cardiaques; problèmes dentaires liés à une tension des muscles du visage; stress post-traumatique et anxiété; problèmes de vision faisant présentement l’objet d’un examen; problèmes gynécologiques.

[61] L’appelante a déclaré que, entre le 21 mars 2007 et le 31 mai 2014, la plus grande modification et détérioration de son état de santé étaient le fait qu’elle s’était blessée à nouveau au genou droit, à la jambe et à la hanche lors de sa chute du 17 février 2014, et que les autres modifications importantes sont le diagnostic du bloc de branche droite au cœur en 2007. Elle a déclaré que son traitement continu comprenait ce qui suit : de la physiothérapie; de la massothérapie; de la chiropractie; de la pédicurie, notamment des massages des pieds et du bas des jambes; des soins du visage. Parmi ses appareils de soutien, l’appelante utilise un coussin d’air spécial pour le dos au cours des longs trajets en voiture, un stabilisateur de la rotule pour le genou droit et des supports extensibles pour le genou droit.

[62] L’appelante a déclaré qu’elle travaille principalement à la pige [traduction] « au besoin » et qu’elle travaille à trois différentes cliniques. Elle a également mentionné qu’elle est soumise à des limitations permanentes l’interdisant de soulever des objets lourds, et de se tenir debout et de marcher pendant de longues périodes. Selon elle, elle est capable de faire partie intégrante d’une équipe même si elle est fatiguée à la fin de quarts de travail plus longs et qu’elle doit prendre des pauses. Elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « J’essaie de travailler selon mes capacités pour vivre une expérience enrichissante et partager mes compétences comme je le peux ».

Témoignage oral de l’appelante

[63] L’appelante a déclaré qu’elle a des limitations permanentes à respecter depuis 2000 : ne pas soulever d’objets lourds, et ne pas marcher et se tenir debout pendant de longues périodes. Elle a déclaré que l’accident de la TTC en 1999, lors duquel le chauffeur d’autobus a freiné brusquement pour contourner un camion arrêté, l’a fait tourner et chuter : son bassin, sa hanche et sa jambe droite ont été projetés contre un poteau. Deux semaines après l’accident, elle avait une faiblesse permanente et sa jambe droite n’avait toujours pas retrouvé sa force.

[64] Avant l’accident, l’appelante travaillait en tant qu’infirmière autorisée sans aucune limitation. Après l’accident, elle ne pouvait plus travailler comme infirmière autorisée, et en 2002, elle est devenue assistante dentaire parce que cela lui permettait de s’asseoir. Elle travaille [traduction] « au besoin », de trois à quatre heures par jour, et parfois jusqu’à six heures par jour. Elle a affirmé ce qui suit : [traduction] « Je ne peux pas vivre comme cela ».

[65] L’appelante a fait référence à ses nouveaux problèmes cardiaques du bloc de branche droite diagnostiqués en 2007, à des examens de conduction nerveuse de sa jambe droite, menés en 2007, qui ont révélé une radiculopathie, et à l’évaluation du Dr Spears en novembre 2007, qui a éliminé l’intervention chirurgicale des solutions possibles. Elle a déclaré que le bloc de branche droite pourrait avoir été un facteur ayant contribué à l’incident de mai 2017, lorsque sa pression artérielle a grimpé, et qu’il aurait pu également avoir contribué à sa chute de février 2014 puisqu’elle pourrait avoir fait une syncope. Elle a également décrit le stress [traduction] « immense » qu’elle subissait en raison de son litige avec la banque, ce qui a exacerbé ses douleurs. Elle a affirmé qu’à mesure qu’elle vieillit, [traduction] « elle fait de son mieux pour faire de l’exercice et mener une vie active », et que même si elle a dépensé plus de 12 000 dollars pour suivre un traitement, elle éprouve de la douleur en travaillant depuis 17 ans, et cela est [traduction] « un combat au quotidien ».

[66] L’appelante se rend au travail et accomplit les tâches qu’elle est capable de faire en respectant ses limitations. En mai 2014, elle était capable de travailler sur une base occasionnelle : elle travaillait principalement [traduction] « au besoin » et ses heures fluctuaient. Elle n’a pas l’impression qu’elle pourrait en accomplir plus que ce qu’elle fait déjà : elle s’est toujours dépassée. Elle a déclaré que pour les six premiers mois de cette année, elle a seulement gagné un revenu brut d’environ 6 000 $, ce qui correspond approximativement à 160 heures de travail en fonction d’un taux horaire. En 2014, son revenu brut était de 26 387 $, ce qui représente environ 703 heures de travail. Cela correspond à 13,5 heures de travail par semaine à un taux horaire de 37,50 $.

Observations

[67] Voici les observations de l’appelante :

  1. elle s’appuie sur ses réponses qui figurent dans GD55 et GD56, ainsi que sur ses autres observations écrites dans le dossier d’audience;
  2. Revenu Canada a approuvé un crédit d’impôt pour invalidité de l’appelante en 2009 et celle-ci craint que les politiques entre les ministères gouvernementaux soient incohérentes;
  3. ses problèmes de santé, en plus de la poursuite judiciaire par la banque, lui ont fait perdre son foyer, un endroit abordable pour vivre, et le stress de la vente de sa propriété a contribué à empirer ses problèmes de santé;
  4. il y a eu d’importants changements médicaux pendant la période visée, dont certains sont irréversibles, ce qui a contribué à sa plus récente urgence médicale liée à une hypertension artérielle extrême;
  5. elle est atteinte d’une invalidité partielle permanente et elle n’accepte pas le fait qu’il n’y a pas de programme gouvernemental qui peut répondre à ses besoins.

[68] Voici les observations de Mme Dorie au nom de l’intimé :

  1. Elle s’appuie sur les observations énoncées dans GD6, 38, 43 et 58.
  2. La décision de Revenu Canada au sujet du crédit d’impôt pour invalidité est fondée sur des critères totalement différents de ceux liés à l’invalidité du RPC et ne lie pas le Tribunal.
  3. Le revenu brut de l’appelante devrait être pris en considération, car le nombre d’heures qu’elle a travaillées démontrait clairement une capacité de détenir régulièrement un emploi véritablement rémunérateur : la rémunération et les heures de travail sont une bonne indication de la capacité de travail, et un revenu net très bas avec un revenu brut élevé, ainsi que des avantages personnels qui profitent à un particulier par le biais de déductions peuvent indiquer une implication dans une entreprise véritablement rémunératrice.
  4. Elle fait preuve d’une [traduction] « grande compassion » envers l’état de santé de l’appelante et elle ne conteste pas ses limitations ni ses défis physiques; toutefois, la preuve démontre qu’elle avait la capacité de détenir régulièrement un emploi véritablement rémunérateur pendant la période visée, même si elle n’était pas capable de détenir un emploi à temps plein.

Analyse

[69] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou selon le principe qu’il est plus probable qu’improbable, qu’elle est devenue gravement invalide au sens du RPC pendant la période visée du 21 mars 2007 au 31 mai 2014.

[70] Les exigences auxquelles il faut satisfaire pour obtenir une pension d’invalidité figurent à l’article 42(2) du RPC, où il est mentionné qu’une invalidité doit être à la fois « grave » et « prolongée ». Une invalidité n’est « grave » que si la personne concernée est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La personne doit non seulement être incapable de faire son travail habituel, mais en plus, elle doit être incapable de faire tout travail auquel il aurait été raisonnable de s’attendre qu’elle puisse faire. Une invalidité est « prolongée » si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Caractère grave

[71] L’appelante était une témoin crédible, et sa preuve était cohérente avec la preuve documentaire volumineuse. Il est admis de part et d’autre que l’appelante a subi d’importantes blessures lors de l’accident de la TTC en 1999 et qu’elle a des limitations permanentes en raison de ces blessures : elle est atteinte de douleurs chroniques au dos, au genou droit, à la jambe et à la hanche; elle a une faiblesse permanente à la jambe droite; et elle doit respecter ses limitations permanentes prescrites qui l’interdisent de soulever des objets lourds, et de se tenir debout et de marcher pendant de longues périodes. Avant l’accident de la TTC, elle travaillait comme infirmière autorisée sans aucune limitation. Il semblerait qu’elle a tenté en vain de continuer à travailler en tant qu’infirmière autorisée pour une courte période de temps après l’accident, et qu’elle a ensuite commencé à travailler comme assistance dentaire à temps partiel de façon indépendante puisque cet emploi lui permet de s’asseoir tout en travaillant. Elle continue d’occuper cet emploi.

[72] Il ne suffit pas de constater qu’il y a une douleur chronique; la douleur doit être telle qu’elle empêche la personne atteinte de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice : MSN c Densmore (2 juin 1993), CP 2389 (CAP). La question principale dans cette affaire est de savoir si nonobstant la douleur chronique et les autres problèmes de santé de l’appelante, celle-ci a continué à être régulièrement en mesure de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Le Tribunal doit se concentrer sur le 31 mai 2014, c’est-à-dire la dernière date à laquelle l’appelante était admissible aux prestations d’invalidité du RPC.

[73] En plus de sa douleur chronique, l’appelante s’appuie sur son diagnostic de 2007 du bloc de branche droite comme étant un grave problème de santé survenu pendant la période visée. La preuve, toutefois, démontre que ce problème de santé n’est pas symptomatique et que celui-ci n’a donc pas influencé la capacité de l’appelante à travailler. C’est la capacité de l’appelante à travailler, et non le diagnostic de sa maladie, qui détermine la gravité de son invalidité en vertu du RPC : Klabouch c Canada (MDS), [2008] CAF 33.Dans son rapport de mai 2009 (paragraphe 46 ci-dessus), le Dr Gilbert a mentionné que l’appelante ne présente aucun symptôme cardiaque, et dans son rapport de juillet 2017 (paragraphe 40 ci-dessus), il a déclaré que sur le plan cardiaque, l’appelante est plutôt stable.

[74] Le Tribunal est convaincu que la douleur chronique de l’appelante a progressé pendant la période visée. Cela est dû à l’aggravation de sa douleur à la suite de sa chute en février 2014, à la progression naturelle de ses problèmes de santé à mesure qu’elle vieillit et au stress découlant de son litige prolongé avec la banque. Cependant, pour les motifs énoncés ci-dessous, le Tribunal n’est pas convaincu que cette progression ait atteint le niveau de gravité conformément aux critères du RPC en date de mai 2014.

[75] La preuve démontre que pendant la période visée, l’appelante a continué de travailler à la pige comme assistante dentaire à temps partiel en respectant ses limitations. Dans sa demande de prestations d’invalidité d’août 2013 (paragraphe 42 ci-dessus), l’appelante a déclaré qu’elle était une travailleuse indépendante et qu’elle travaillait de trois à huit heures par jour, et ce, de deux à trois jours par semaine. Dans sa lettre de juin 2014 (paragraphe 35 ci-dessus), elle a mentionné ce qui suit : elle travaille principalement selon [traduction] « les besoins » en tenant compte de ses limitations prescrites; elle travaille entre 0 et 15 heures par semaine, selon les rendez-vous des patients; elle continue d’aider les dentistes et les chirurgiens buccaux avec l’anesthésie [traduction] « au besoin »; et ses quarts de travail varient de deux aux six heures de travail maximales habituelles, et à de très rares occasions, elle travaille plus de six heures. Cette lettre coïncide avec la date limite du 31 mai 2014, lorsque l’appelante était encore admissible à des prestations d’invalidité du RPC. Dans sa lettre d’août 2017 (paragraphe 39 ci-dessus), l’appelante a mentionné qu’elle demeure une travailleuse indépendante sans modification importante à sa situation et qu’il n’y a eu aucune modification importante dans sa capacité de se trouver un emploi en tenant compte de ses limitations prescrites.

[76] Le nombre d’emplois véritablement rémunérateurs ne peut être déterminé par un chiffre unique. Des commentaires décrivant le terme « véritable » comme « authentique, qui existe réellement, non illusoire, dont l’importance ou la valeur est réelle, pratique » et le terme « rémunérateur » comme « lucratif, emploi rémunéré » sont d’une certaine utilité pour déterminer à quel montent se chiffre une occupation véritablement rémunératrice, mais cela nécessite au bout du compte une évaluation appréciative, ce qui pourrait impliquer de tenir compte des niveaux de revenus locaux et du coût de la vie, en plus des autres conditions particulières de l’appelante : MDS c Nicholson (17 avril 2007), CP 24143 (CAP).

[77] Dans l’affaire Miceli-Riggins c Procureur général du Canada, 2013 CAF 158, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit aux paragraphes 14 et 15 :

Comme on le sait, il est difficile de satisfaire au critère de l’alinéa 42(2)a) du Régime. Une invalidité n’est “grave” que si elle rend la personne régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La gravité se juge non pas par la gravité de la maladie dont souffre le demandeur, mais plutôt en déterminant si le demandeur est capable ou non de travailler.

Or, le critère de “l’incapacité de travailler” est des plus difficiles à satisfaire. Pour ce faire, le demandeur doit démontrer davantage qu’une simple incapacité d’exécuter les fonctions de son ancien emploi. Il doit plutôt démontrer qu’il est “incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice”, ce qui comprend les activités modifiées au lieu de travail habituel du demandeur, le travail à temps partiel, que ce soit au lieu de travail habituel du demandeur ou ailleurs, ou le travail sédentaire.

[78] Lorsque ce principe juridique est appliqué aux faits de l’espèce, le Tribunal est d’avis que le revenu brut de l’appelante est un guide pour l’aider à prouver que son invalidité n’est pas grave, car elle est capable de travailler et elle détient un emploi véritablement rémunérateur. Son niveau de revenu, quelle que soit sa rentabilité nette, est un bon indice de son niveau d’activités professionnelles.

[79] Pendant la période visée, ses revenus bruts entre 2007 et 2014, comme l’a confirmé Revenu Canada (GD36-2), étaient les suivants :

  • 2007 – 33 777 $;
  • 2008 – 34 348 $;
  • 2009 – 30 294 $;
  • 2010 – 21 650 $;
  • 2011 – 27 449 $;
  • 2012 – 32 725 $;
  • 2013 – 28 503 $;
  • 2014 – 26 397 $.

[80] Lors de son témoignage, l’appelante a déclaré que son taux horaire était de 37,50 $ en moyenne. Ce taux concorde avec le fait que l’appelante travaille entre 12 et 15 heures par semaine. Pour 2014, son revenu brut de 26 387 $ correspond environ à 703 heures de travail à un taux horaire de 37,50 $, ce qui représente 13,5 heures par semaine.

[81] Le Tribunal est convaincu que l’emploi de l’appelante pendant la période visée, et plus particulièrement en 2014, remplit le critère d’emploi véritablement rémunérateur même si cet emploi a été exercé à temps partiel. L’appelante était régulièrement capable de se présenter au travail [traduction] « au besoin » et elle effectuait un travail à la fois productif et rentable.

[82] Le Tribunal a également tenu compte de l’article 68.1 du Règlement sur le Régime de pensions du Canada (Règlement sur le RPC) qui prévoit que « véritablement rémunératrice » se dit d’une occupation qui procure un traitement ou un salaire égal ou supérieur à la somme annuelle maximale qu’une personne pourrait recevoir à titre de pension d’invalidité. Pour l’année 2014, cette somme était de 14 836 $.

[83] La question fondamentale est de savoir si l’appelante était régulièrement capable de détenir un emploi véritablement rémunérateur en mai 2014. L’article 68.1 du Règlement sur le RPC ne traite pas complètement de la question.Pour trancher cette question, il faut procéder à une évaluation globale des circonstances particulières de l’appelante, pour lequel l’article 68.1 du Règlement sur le RPC n’est qu’un des outils utilisés. En l’espèce, le Tribunal est d’avis que parce que l’appelante est une travailleuse indépendante, son revenu brut de 26 387 $ et ses 13,5 heures de travail par semaine sont un bon indice de sa capacité de détenir régulièrement un emploi véritablement rémunérateur en 2014.

[84] Le critère de gravité doit être analysé dans un contexte « réaliste » (Villani, 2001 CAF 248). Le Tribunal doit tenir compte de facteurs comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de la vie, au moment de déterminer l’« employabilité » d’une personne à l’égard de son invalidité.

[85] L’appelante avait 60 ans la dernière fois qu’elle était admissible à des prestations d’invalidité du RPC. Elle a une très bonne instruction et possède des diplômes de deuxième cycle. Il est évident qu’elle possède d’excellentes compétences en communications orales et écrites. En dépit de ses limitations, elle a été en mesure de passer d’infirmière autorisée à assistante en anesthésie dentaire, un emploi indépendant régulier, bien qu’il soit à temps partiel. Ses efforts méritent d’être soulignés; cependant, le fait qu’elle a continué à détenir un emploi véritablement rémunérateur est la meilleure preuve concernant sa capacité régulière d’y arriver.

[86] Le fardeau de la preuve revient à l’appelante, et bien qu’elle éprouve des difficultés à cause de sa douleur chronique, elle n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle est invalide selon les critères du RPC.

Caractère prolongé

[87] Comme le Tribunal a conclu que l’invalidité n’était pas grave, il n’est pas nécessaire de déterminer si elle était de nature prolongée.

Conclusion

[88] L’appel est rejeté.

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