Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

Aperçu

[2] Le demandeur, T. P., a travaillé comme superviseur/nettoyeur-travaux légers pendant près de deux ans, de janvier 2006 à avril 2008Note de bas de page 1, moment où il a arrêté de travailler en raison de douleur croissante au niveau de son cou, de son bras et de sa main. Le demandeur s’était blessé au dos, au bras gauche et au poignet gauche en 2004, et il ne s’en est jamais complètement remis. Il n’est pas retourné sur le marché du travail depuis 2008.

[3] Le demandeur a subi une discectomie cervicale antérieure en C5-C6 ainsi qu’une fusion en février 2010, concernant son dos et son cou, mais il prétend que cela l’a laissé avec une force limitée au niveau de son bras gauche et qu’il éprouve de la douleur lorsqu’il utilise ce bras. Il soutient également qu’il n’est pas capable de rester en position assise ou debout pendant des périodes prolongées. Une analyse des compétences transférables menée en 2014 n’a pas permis d’identifier des occupations qui conviendraient à demandeur, et le tribunal d’appel de la Commission des accidents du travail de la Nouvelle-Écosse lui a accordé des prestations intégrales et prolongées visant à remplacer les gains, et ce, avec effet rétroactif jusqu’en août 2013.

[4] Le demandeur a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en avril 2014, mais le défendeur a rejeté sa demande. Il a interjeté appel de la décision du défendeur auprès de la division générale, mais cette dernière a également déterminé qu’il n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, car elle a conclu que son invalidité n’était pas « grave » d’ici la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, soit d’ici le 31 décembre 2005, et qu’elle n’était pas devenue « grave » au cours de la période calculée au prorata du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2006. (La date de fin de la période minimale d’admissibilité est la date d’ici laquelle un demandeur doit être jugé comme étant invalide pour être admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada.)

[5] Le demandeur désire maintenant en appeler de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale a négligé des éléments de preuve essentiels, mais il n’a pas identifié ces éléments de preuve. Il soutient également qu’elle n’a pas tenté de déterminer si son invalidité est prolongée.

Question en litige

[6] L’appel a-t-il une chance raisonnable de succès relativement aux questions à savoir si la division générale n’a pas tenu compte d’éléments de preuve essentiels ou si elle a omis de déterminer si l’invalidité du demandeur est prolongée?

Moyens d’appel

[7] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[8] Avant de pouvoir accorder une permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la LMEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale a confirmé cette approche dans la décision TraceyNote de bas de page 2.

Analyse

Examen effectué par la division générale des dossiers médicaux

[9] Dans ses observations initiales, le demandeur a soutenu que la division générale n’avait pas considéré [traduction] « la situation dans son ensemble » et qu’elle aurait dû avoir reconnu que [traduction] « chaque personne est différente lorsqu’une blessure survient ».

[10] En réponse à une demande de renseignements complémentaires du Tribunal de la sécurité sociale, le demandeur a présenté d’autres observations. Cette fois-ci, il a indiqué que la division générale a fait fi de tous ses documents provenant de médecins et de spécialistes. Cependant, il n’a pas identifié quels dossiers la division générale aurait prétendument négligés, mis à part le fait qu’il a indiqué [traduction] « tous ses documents ». La division générale a noté certains dossiers précis, donc il est inexact de laisser entendre qu’elle a fait fi de [traduction] « tous ses documents » (mis en évidence par la soussignée).

[11] Des documents médicaux très détaillés ont été soumis à la division générale, et la plupart d’entre eux provenaient de sa demande auprès de la Commission des accidents du travail ou portaient sur cette demande. La division générale a examiné les dossiers médicaux de 2004 et de 2005, et a conclu qu’ils ne permettaient pas d’établir que le demandeur n’avait pas la capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice d’ici la date de fin de sa période minimale d’admissibilité.

[12] La division générale a noté qu’un physiothérapeute certifié avait préparé une évaluation fonctionnelle datée du 16 novembre 2005 — près de la date de fin de la période minimale d’admissibilité. Le physiothérapeute avait recommandé que la tolérance de travail quotidienne du demandeur était de huit heures, selon sa tolérance actuelle démontrée pour s’assoir, se tenir debout et marcher. Cette tolérance était conditionnelle à ce que les exigences de l’emploi n’excèdent pas certains [traduction] « paramètres fonctionnels » (GD2-118 à 126). La division générale a conclu que, malgré le fait que le demandeur avait des limitations, notamment lorsqu’il doit lever les bras au-dessus de la tête, il avait quand même la capacité de travailler et avait en fait été encouragé à retourner travailler et à reprendre ses activités.

[13] Après avoir examiné les dossiers médicaux de 2004 et de 2005, la division générale avait conclu en grande partie son analyse.

[14] Je suis d’accord avec le demandeur sur le fait que la division générale semble avoir négligé certains dossiers médicaux. Par exemple, je ne vois aucun examen ou analyse des dossiers médicaux pour l’année 2006, même si, en l’espèce, seulement une opinion avait été préparée au cours de cette période. Un examen des dossiers de 2006 était pertinent, car ils auraient pu porter sur la question à savoir si une invalidité grave avait surgi à un moment situé dans la période calculé au prorata du 1er janvier 2006 au 31 octobre 2006.

[15] Le seul dossier médical produit au cours de cette période était une évaluation de déficience médicale permanente menée en novembre 2006. La conclusion de cette évaluation était que le demandeur avait une déficience médicale permanente à 2 % en ce qui a trait à son membre supérieur. Il était noté que le demandeur avait travaillé jusqu’en janvier 2006, mais qu’il était présentement au chômage. Il était indiqué qu’il avait de la difficulté à effectuer des tâches nécessitant qu’il saisisse des choses à plusieurs reprises, comme laver la vaisselle ou soulever des objets lourds (GD2-222 à 228).

[16] Malgré ses limitations, le demandeur est retourné sur le marché du travail en janvier 2006Note de bas de page 3 et a continué à travailler jusqu’en avril 2008. Il a déclaré avoir travaillé à temps plein comme superviseur/nettoyeur-travaux légers jusqu’à ce qu’il commence à ressentir de la douleur croissante au cou et dans le bras gauche. Si la division générale avait déterminé que le demandeur avait occupé une occupation véritablement rémunératrice à temps plein — sans avoir eu besoin de mesures d’adaptation — de 2006 à avril 2008, cela aurait été fatal pour sa demande de pension d’invalidité, car il aurait ainsi démontré qu’il avait la capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cependant, bien que la division générale ait remarqué que le demandeur a été en mesure de travailler à temps plein de 2006 à 2008 [traduction] « bien après sa [période minimale d’admissibilité] », elle n’a pas tiré de conclusion explicite relativement à la question de savoir si cet emploi représentait une occupation véritablement rémunératrice.

[17]  Le revenu du demandeur pour 2006 et 2007, bien que relativement nominal à environ 3 500 $ et 9 000 $, respectivement, était légèrement inférieur à son revenu moyen de 1999 à 2003 (lorsque son revenu annuel fluctuait d’un faible 4 076 $ à 15 195 $). Cela, cependant, n’est pas pour suggérer que ces revenus se traduisent nécessairement par une occupation véritablement rémunératrice simplement parce qu’ils n’étaient que légèrement inférieurs à ses revenus de 1999 à 2003. En effet, la nature nominale des revenus du demandeur pour 2006 et 2007 contredit toute impression d’emploi à temps plein.

[18] Il n’est pas clair si la division générale a examiné la preuve afin de déterminer si le demandeur avait exercé une occupation véritablement rémunératrice de 2006 à 2007 ou si son emploi au cours de cette période représentait une tentative ratée de travail.

[19] Le revenu du demandeur qui était environ de 9 000 $ pour janvier à avril 2008 était significativement supérieur à celui des années antérieures, mais il n’est pas clair si la division générale a examiné la preuve et analysé la source ou la nature de ces revenus afin de déterminer si l’emploi du demandeur en 2008 pouvait constituer une occupation véritablement rémunératrice. En l’absence d’une telle analyse, il serait difficile de déterminer de manière définitive que le demandeur détenait une occupation véritablement rémunératrice.

[20] La division générale a finalement conclu que le demandeur avait démontré une capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice en se fondant sur deux évaluations de la capacité fonctionnelle qui ont été préparées en 2013 et en 2014. Un ergothérapeute était d’avis que le demandeur était [traduction] « capable d’exercer 8 heures d’activités de travail moyennement à très exigeant physiquement ». L’ergothérapeute a reconnu que le demandeur ne pouvait pas retourner exercer son emploi précédent, mais a conclu qu’il était capable d’exercer un autre type d’emploi à condition que cet emploi respecte les aptitudes actuelles du demandeur, c’est-à-dire qu’il a de la difficulté à soulever son bras gauche au-dessus de ses épaules, il ne peut soulever que quelques charges à quelques reprises à l’aide de son bras gauche et il peut manipuler des objets (GD2-149).

[21] Dans l’évaluation fonctionnelle de janvier 2014, un physiothérapeute certifié a conclu qu’un emploi de nettoyeur-travaux légers ne convenait pas au demandeur, car cela exigerait qu’il utilise de manière répétitive ses extrémités supérieures. Le physiothérapeute a recommandé que [traduction] « l’utilisation occasionnelle du bras gauche dans le cadre de tout emploi futur serait certainement une recommandation raisonnable » (GD2-186).

[22] Le physiothérapeute certifié a abordé la question de la convenance d’un emploi en tant que nettoyeur-travaux légers, mais il n’a pas traité des conclusions de l’ergothérapeute selon lesquelles le demandeur était capable d’exercer un autre type d’emploi pendant huit heures à un niveau moyennement à très exigeant physiquement. Il n’a pas éliminé la possibilité d’un autre type d’emploi ni expressément réfuté les conclusions générales du rapport de 2013 concernant la capacité du demandeur. En effet, dans son rapport de 2014, le physiothérapeute a conclu que le demandeur démontrait des capacités physiques [traduction] « rattachées à des tâches de niveau moyen » (GD2-187).

[23] Je suis d’accord avec le demandeur sur le fait que la division générale n’a pas traité de l’évaluation de la capacité fonctionnelle de 2014. Le physiothérapeute certifié a conclu dans son rapport de 2014 que le demandeur était capable d’exercer des tâches à au moins un niveau moyennement exigeant physiquement, mais il n’est pas clair si la division générale a considéré et accepté que cela signifiait que le demandeur était capable de détenir régulièrement une occupation véritablement rémunératrice. Autrement dit, simplement parce qu’il a démontré qu’il était capable d’exercer des tâches à un nouveau moyennement exigeant physiquement n’établissait pas nécessairement qu’il était capable de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[24] De plus, la division générale n’a pas traité de l’analyse des compétences transférables préparée en août 2014. L’analyse des compétences transférables a tenu compte des antécédents professionnels du demandeur, d’une évaluation pédagogique et des limitations physiques. Compte tenu de ces facteurs, l’évaluateur n’a pas été en mesure d’identifier un emploi potentiel réaliste que le demandeur pourrait considérer. Même si cette analyse n’aurait pas permis d’établir si le demandeur était atteint d’une invalidité rave d’ici la fin de sa période minimale d’admissibilité ou s’il était devenu invalide au cours de la période calculée au prorata (puisque cela a été préparé bien avant ces dates), cela demeure pertinent, car la division générale s’est fondée sur les dossiers médicaux datant d’après 2008 pour établir qu’il avait la capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[25] Plus précisément, la division générale s’est fondée sur l’évaluation de la capacité fonctionnelle de juillet 2013 pour démontrer que le demandeur était capable de travailler pendant huit heures à un niveau de travail moyennement à très exigeant. La division générale avait certainement le droit de se fonder sur l’évaluation de la capacité fonctionnelle de juillet 2013, mais à la lumière d’opinions subséquentes qui visaient à réfuter les conclusions tirées dans l’avis émis en juillet 2013, la division générale aurait dû avoir abordé le fait qu’il y avait des opinions contradictoires entre les rapports. Il n’est pas manifeste que la division générale ait mené une telle analyse.

[26] En résumé, la division générale était obligée d’examiner les dossiers médicaux et les antécédents professionnels du demandeur, du moins pour l’année 2006, sinon pour les années 2007 et 2008 également, et ce, dans un contexte « réaliste ». Il n’est pas manifeste que la division générale ait fait cela. Puisqu’elle a accepté le fait que le demandeur a travaillé à temps plein de 2006 à 2008, elle aurait également dû déterminer si l’un des emplois exercés par le demandeur après décembre 2005 constituait une occupation véritablement rémunératrice. La division générale s’est fondée sur des dossiers médicaux qui avaient été préparés après la période minimale d’admissibilité, peut-être sans traiter des opinons quelque peu divergentes qui avaient été préparées environ au cours de la même période et un peu après. Pour ces motifs, je suis convaincue que la cause du demandeur est défendable et que l’appel a une chance raisonnable de succès.

Invalidité prolongée

[27] Le demandeur suggère également que la division générale n’a pas tenté de déterminer si son invalidité était prolongée. Le demandeur a expliqué qu’il a cru à tort qu’il se rétablirait éventuellement de sa blessure. Il a également expliqué qu’il était retourné travailler à la suggestion de la Commission des accidents du travail, mais qu’il a fini par se blesser à nouveau au bras, et que six mois plus tard, il avait dû subir une spondylodèse. Même si la chirurgie a aidé à soulager certains de ses symptômes, il demeure atteint d’une incapacité fonctionnelle, car il n’est pas capable de lever le bras au-dessus de sa tête et il est limité dans l’utilisation de son bras. Toute utilisation cause de la douleur qui perdure pendant trois jours ou plus.

[28] Le critère relatif à l’invalidité comporte deux volets, et un requérant qui ne satisfait pas à l’un ou l’autre des aspects de ce critère en deux volets n’aura pas satisfait aux exigences relatives à l’invalidité conformément au Régime de pensions du Canada.Comme l’a indiqué la division générale, il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse du caractère prolongé alors que l’appelant n’a pas démontré que son invalidité était grave. Au paragraphe 10 de l’arrêt KlabouchNote de bas de page 4, la Cour d’appel fédérale a affirmé ce qui suit :

[...] Les deux exigences de l’alinéa 42(2)a) du [Régime de pensions du Canada] sont cumulatives, de sorte que si un demandeur ne satisfait pas à l’une ou l’autre condition, sa demande de pension d’invalidité en vertu du [Régime de pensions du Canada] sera rejetée.

[29]   Dans la décision McCannNote de bas de page 5, la Cour fédérale a affirmé que « […] le fait de traiter d’un seul élément du critère et de ne pas rendre de conclusion sur le second […] ne constitue pas une erreur […] ». La Cour fédérale a conclu que l’argument de monsieur McCann, selon lequel la division d’appel aurait dû lui accorder la permission d’en appeler puisque la division générale n’avait pas examiné le caractère « prolongé » faisant partie du critère relatif à l’invalidité, était voué à l’échec.

[30]   Même si la division générale avait déterminé que l’invalidité du demandeur était prolongée, cela n’aurait pas établi son admissibilité à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada, car le demandeur avait encore le devoir de prouver qu’il était atteint d’une invalidité grave d’ici la date de fin de sa période minimale d’admissibilité ou que cela était survenu au cours de sa période calculée au prorata.

[31] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès sur cette question en litige.

Conclusion

[32] Pour les motifs que je viens d’expliquer, je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, la demande de permission d’en appeler est accueillie.

[33] Conformément au paragraphe 58(5) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date à laquelle la permission d’en appeler est accordée, les parties peuvent soit déposer des observations auprès de la division d’appel, soit déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à déposer. Les parties peuvent joindre des observations concernant le mode d’audience à privilégier pour l’instruction de l’appel (ex. téléconférence, vidéoconférence, en personne ou basée sur les observations écrites présentées par les parties) avec les observations sur le fond de la cause en appel.

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