Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[1] Le demandeur, W. J., qui est maintenant âgé de 60 ans, souffre de mobilité réduite due à l’arthrite. Il a occupé des emplois variés au cours de sa vie, et a travaillé le plus récemment comme conducteur saisonnier, jusqu’à sa mise à pied en octobre 2011. Le défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté sa demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC) puisqu’il avait conclu que rien ne révélait que son état de santé l’empêchait d’occuper des types d’emplois moins exigeants.

[2] Monsieur W. J. a interjeté appel du refus du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). Elle a conclu que, même s’il était atteint de nombreuses affections, celles-ci ne donnaient pas lieu à une invalidité « grave et prolongée » à l’échéance de sa période minimale d’admissibilité (PMA), le 31 décembre 2012.

[3] Le 2 mai 2017, monsieur W. J. a présenté une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal. Dans une lettre datée du 4 mai 2017, le Tribunal a informé monsieur W. J. que sa demande ne présentait pas des motifs suffisants, et il lui a demandé d’expliquer ses motifs d’appel de manière plus détaillée. Le 5 juin 2017, il a soumis une lettre avançant les points suivants :

  • Il avait souffert de douleur aiguë en 2011-2012, et en souffre toujours, ce qui le rend incapable d’occuper tout type d’emploi;
  • Les rapports signés par la docteure Angela Mailis du Centre de mieux-être antidouleur doivent être ignorés puisque ce sont ses employés, et non elle, qui ont effectué l’examen médical, et ils se sont trompés sur des faits importants au cours du processus;
  • La division générale a ignoré la première partie du rapport du 5 février 2017 du docteur Dammerman;
  • Il a essayé d’occuper un emploi modifié à temps partiel au Canadian Tire, mais sa douleur au bas du dos et au pied droit l’avait empêché de continuer;
  • Même s’il avait demandé une audience en personne, la division générale a injustement décidé de l’interviewer par téléconférence.

[4] Monsieur W. J. a également soumis plusieurs rapports médicaux, lesquels semblent tous avoir déjà été présentés à la division générale. J’ai examiné la décision en fonction du dossier et conclu que monsieur W. J. n’a pas invoqué des motifs qui conféreraient à son appel une chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[5] Conformément à l’article 58 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), les seuls moyens d’appel sont les trois suivants : (i) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle; (ii) a commis une erreur de droit; ou (iii) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Il ne peut être interjeté d’appel sans que la division d’appel en accorde la permissionNote de bas de page 1, et la division d’appel doit d’abord être convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.Note de bas de page 2 La Cour d’appel fédérale a établi qu’une chance raisonnable de succès correspond à une cause défendable du point de vue du droit.Note de bas de page 3

[6] Je dois déterminer si monsieur W. J. dispose d’une cause défendable quant aux questions suivantes :

Question 1: La division générale a-t-elle ignoré des preuves de douleur grave ou de toute autre affection invalidante?
Question 2:

La division générale a-t-elle mal interprété le rapport de la docteure Mailis?

Question 3: La division générale a-t-elle ignoré une partie importante du rapport du docteur Dammerman?
Question 4: La division générale a-t-elle mal interprété la tentative de monsieur W. J. de travailler au Canadien Tire?
Question 5:

La division générale a-t-elle agi injustement en tenant une audience par téléconférence plutôt que par comparution en personne?

Analyse

Question 1 : La division générale a-t-elle ignoré des éléments de preuve pertinents?

[7] Monsieur W. J. laisse entendre que la division générale, en rejetant son appel, n’aurait pas tenu compte de certains aspects de la preuve, mais j’estime qu’il n’existe pas une cause défendable à cet égard.

[8] Dans l’arrêt Simpson c. CanadaNote de bas de page 4, la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’un tribunal administratif n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais qu’il il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve. La Cour d’appel fédérale a également précisé que le poids accordé à la preuve, qu’elle soit orale ou écrite, relève du juge des faits.

[9] Monsieur W. J. me demande essentiellement d’apprécier la preuve dont disposait la division générale sur le fond une nouvelle fois, dans l’espoir que je parvienne à une autre conclusion. Cette requête dépasse la portée d’un appel à la division d’appel, qui ne peut pas substituer son opinion de la preuve à celle du juge des faits. La Loi sur le MEDS ne prévoit pas une réévaluation de la preuve au stade de la demande de permission d’en appeler. Elle oblige cependant le demandeur à convaincre la division d’appel qu’il existe au moins une erreur susceptible de révision qui a une chance raisonnable de succès, ce que le demandeur n’a pas fait à cet égard.

Question 2 : La division générale a-t-elle mal interprété le rapport de la docteure Mailis?

[10] J’estime que ce motif ne confère pas une chance raisonnable de succès à l’appel.

[11] La docteure Mailis a rédigé deux rapports sur monsieur W. J., un en date du 28 octobre 2016, et l’autre, en date du 25 janvier 2017. Même si la division générale a résumé les deux rapports dans sa décision, elle semble ne pas avoir accordé beaucoup de poids aux deux rapports pour conclure que monsieur W. J. n’était pas invalide. Dans son analyse, la division générale a uniquement fait référence à la docteure Mailis au paragraphe 69 :

[…] [L]a Dre Mailis a affirmé que l’appelant était atteint d’une [traduction] « pathologie biomédicale importante depuis sa fracture survenue en 2012 au niveau du gros orteil droit ». Cette information était fondée sur une évaluation personnelle faite par l’appelant, qui n’a pas fracturé son gros orteil en 2012, mais bien l’année suivante. Le Tribunal n’est pas convaincu par l’avis de la Dre Mailis parce qu’il est fondé sur une information inexacte.

[12] Monsieur W. J. soutient que la division générale aurait dû ignorer les rapports de la docteure Mailis, mais, à vrai dire, c’est exactement ce qu’elle semble avoir fait – bien que pour des raisons différentes de celles suggérées par le demandeur. Étrangement, même si monsieur W. J. la critique, la docteure Mailis paraît avoir été largement en faveur de sa demande de pension d’invalidité. Il est vrai, comme l’a laissé entendre monsieur W. J., que la docteure Mailis semble s’être trompée quant à certains faits (elle a écrit qu’il s’était cassé l’orteil en 2012 plutôt qu’en 2013); cela dit, la division générale a expressément noté cette erreur et l’a utilisée comme raison pour écarter sa preuve en entier. On pourrait se demander si son choix de procéder ainsi était justifié mais, compte tenu de ses observations, monsieur W. J. ne devrait pas y voir de problème.

Question 3 : La division générale a-t-elle ignoré une partie importante du rapport du docteur Dammerman?

[13] Monsieur W. J. soutient que la division générale a ignoré la première partie (intitulée [traduction] « Arthrose – gros orteil droit ») du rapport du 5 février 2017 du docteur Dammerman, et qu’elle a seulement fait référence, dans sa décision, à la seconde partie de son rapport ([traduction] « Douleur lombaire chronique de nature mécanique et sciatique »).

[14] Je ne suis pas convaincu que ce motif constitue une cause défendable. Comme je l’ai déjà mentionné, la division générale est présumée avoir tenu compte de l’ensemble de la preuve, ce qui comprendrait toutes les parties du rapport du docteur Dammerman. De plus, contrairement à ce que prétend monsieur W. J., la division générale a résumé en détail le rapport de février 2017 du docteur Dammerman (aux paragraphes 48 et 49 de sa décision) et a explicitement fait référence aux conclusions du médecin de famille concernant son orteil sous la rubrique [traduction] « Douleur au pied droit ». La division générale a fait remarquer qu’il n’y avait aucune note de consultation sur ce problème datant de la PMA et que, même si le docteur Dammerman avait écrit plus tard que monsieur W. J. éprouvait une douleur chronique au pied depuis 2011, il n’avait pas « mentionné que la douleur était constamment grave depuis ce moment ». En faisant référence au rapport de février 2017 du docteur Dammerman, la division générale a ajouté ce qui suit :

Le Dr Dammermann a écrit en février 2017 que l’appelant était atteint d’une invalidité grave depuis décembre 2012, l’empêchant de détenir un emploi rémunérateur quelconque. Cet avis a été donné plusieurs années après les événements en cause, et il entre en contradiction avec la preuve médicale récente. Le Tribunal y accorde donc très peu de poids.

[15] Bien que monsieur W. J. ne soit pas nécessairement d’accord avec la décision d’écarter l’opinion du docteur Dammerman concernant l’effet invalidant de sa blessure à l’orteil, il n’y a aucun doute que la division générale l’a à tout le moins considéré. Monsieur W. J. affirme essentiellement que la division générale n’a pas apprécié la preuve comme il l’aurait souhaité, mais cela ne représente pas un moyen d’appel en vertu du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Je ne vois aucune raison de toucher à une conclusion de la division générale lorsqu’elle exerce sa compétence de juge des faits en évaluant la preuve disponible et arrive à une conclusion défendable.

Question 4 : La division générale s’est-elle fait une fausse idée de l’emploi de monsieur W. J. chez Canadian Tire?

[16] Durant l’audience, monsieur W. J. a témoigné sur le dernier emploi qu’il avait essayé d’occuper, dont la division générale a parlé comme suit :

[54] […] En 2016, il a tenté de travailler à temps partiel comme préposé aux services au Canadian Tire, où il a reçu de nombreuses mesures d’adaptation, telles une chaise spéciale et des tâches limitées de transport de charges. Il a travaillé de janvier à avril 2016, mais une grave douleur au dos et au pied l’a forcé à cesser de travailler. Ces tentatives de retour au travail n’ont pas compromis ses paiements du POSPH. Il a déclaré que, bien qu’il utilisait un ordinateur dans le cadre de son travail au Canadian Tire, il ne pourrait pas exécuter un travail sédentaire parce qu’il ne peut pas demeurer assis pendant de longues périodes.

[17] Monsieur W. J. reproche à la division générale de ne pas avoir reconnu que sa douleur au bas du dos et au pied l’avait forcé à quitter son emploi au Canadian Tire. Cependant, la division générale a noté dans ses motifs qu’elle reconnaissait que le dernier emploi de monsieur W. J. était une tentative infructueuse de retour au travail :

[81] Les efforts déployés par l’appelant pour se trouver un emploi en 2015 et en 2016 peuvent être considérés comme des échecs, car ils n’ont pas duré longtemps et n’étaient pas vraiment rémunérateurs. Cependant, son état de santé s’était évidemment détérioré à ce moment, et les résultats de ces tentatives ne peuvent pas être associés à la fin de la PMA. De plus, le Dr Dammermann [sic] a écrit que ce sont les maux de dos de l’appelant qui ont engendré son départ du Canadian Tire, pas ses problèmes de pied. Certes, il se peut que l’appelant n’ait pas pu conserver son poste au Canadian Tire en raison d’une affection, mais il ne s’agissait pas d’une affection grave au moment de la PMA.

[18] En jugeant que la tentative de travail infructueuse était trop éloignée de la PMA pour avoir une valeur probante, la division générale a donné une raison défendable pour avoir accordé moins de poids à cet événement.

Question 5 : La division générale a-t-elle agi injustement en instruisant l’appel par téléconférence?

[19] Conformément à l’article 21 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale, la division générale peut tenir une audience selon plusieurs modes, y compris au moyen de questions et réponses écrites, par téléconférence, par vidéoconférence ou par comparution en personne des parties. Le terme « peut » dans le texte, employé sans qualificatif ni condition, donne à penser que la division générale a le pouvoir discrétionnaire de prendre cette décision. Je n’irais pas jusqu’à dire que la discrétion de la division générale à l’égard d’une telle décision puisse aller entièrement à l’encontre de la raison. La Cour d’appel fédérale a confirmé qu’un appelant doit démontrer, pour que soit infirmée une ordonnance discrétionnaire, que le décideur a commis une « erreur manifeste et dominante »Note de bas de page 5, mais je juge que ce n’est pas le cas en l’espèce.

[20] La Cour suprême du Canada a abordé la question de l’équité procédurale dans l’arrêt Baker c. CanadaNote de bas de page 6, qui a établi qu’une décision qui touche les droits, les privilèges ou les biens d’une personne suffit pour entraîner l’application de l’obligation d’équité. Cependant, le concept d’équité procédurale est variable et tributaire du contexte particulier de chaque cas. L’arrêt Baker énumère ensuite un certain nombre de facteurs dont il faut tenir compte pour décider de la nature de l’obligation d’équité qui s’applique dans un cas particulier, y compris l’importance de la décision pour la personne visée, les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision et les choix de procédure que l’organisme fait lui-même, particulièrement quand la loi laisse au décideur la possibilité de choisir ses propres procédures.

[21] Je reconnais que les questions en litige sont importantes pour monsieur W. J., mais j’accorde aussi de l’importance à la nature du régime législatif qui régit la division générale. Le Tribunal a été établi pour régler les différends dont il est saisi de la manière la plus expéditive et économique possible. Même si la division générale disposait d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour statuer sur cette affaire, sa décision d’instruire l’appel par téléconférence n’a pas été prise à la hâte, mais bien pour les motifs qu’elle a expliqués dans sa décision. Monsieur W. J. soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle en décidant de tenir l’audience par téléconférence. Il a dit qu’il trouvait ce mode d’audience intimidant et a laissé entendre que sa mémoire était affectée par ses médicaments, bien qu’il n’ait pas expliqué en quoi une audience en personne lui aurait permis d’avoir une meilleure mémoire. Cependant, je note que l’avocat alors au service de monsieur W. J. avait renvoyé auparavant un formulaireNote de bas de page 7 dans lequel il affirmait que son client ne s’opposait à aucun mode d’audience, et peu importe son mode éventuel, monsieur W. J. a eu l’occasion de plaider sa cause à l’oral et de répondre au ministre.

[22] Le pouvoir discrétionnaire dont dispose la division générale pour décider du mode d’audience des appels ne devrait pas être restreint indûment. J’estime que ce motif d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Nouveaux documents

[23] Enfin, je note que la demande de permission d’en appeler de monsieur W. J. était accompagnée de plusieurs rapports médicaux, dont certains avaient déjà été présentés à la division générale.

[24] Comme je l’ai précisé précédemment, la division d’appel n’instruit pas la preuve sur le fond une seconde fois, vu les contraintes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS, et elle n’examine pas non plus de nouveaux éléments de preuve. Après la tenue d’une audience, très peu de raisons justifient d’avancer des renseignements nouveaux ou supplémentaires. Un demandeur pourrait envisager de présenter à la division générale une demande d’annulation ou de modification de sa décision. Cependant, dans un tel cas, le demandeur doit se conformer aux exigences prévues à l’article 66 de la Loi sur le MEDS et aux articles 45 et 46 du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale. Pour avoir gain de cause dans une telle demande, le demandeur doit respecter des exigences et des échéances strictes, et également démontrer que les faits nouveaux sont essentiels et qu’ils n’auraient pu être connus au moment de l’audience malgré l’exercice d’une diligence raisonnable.

Conclusion

[25] Comme monsieur W. J. n’a invoqué aucun moyen d’appel qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.