Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est accueillie.

Aperçu

[2] La demanderesse, B. S., a occupé l’emploi de manœuvre jusqu’en janvier 2010, moment où elle a été impliquée dans un accident de véhicule. Elle prétend avoir été incapable de travailler depuis ce moment en raison de la douleur chronique, de la dépression, de la nausée, des étourdissements, de l’insomnie, et de problèmes de concentration et de mémoire. Elle prétend que tous ces troubles la rendent incapable de demeurer en position assise ou debout pendant des périodes prolongées ou de se concentrer et d’accomplir des tâches.

[3] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en septembre 2014, mais le défendeur, à savoir le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté sa demande. Elle a interjeté appel de la décision du défendeur, mais la division générale a également conclu que la demanderesse n’était pas admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada après avoir établi qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » à la date de fin de sa période minimale d’admissibilité, qui était le 31 décembre 2011 (la fin de la période minimale d’admissibilité d’un appelant est la date à laquelle cette personne doit être déclarée invalide afin d’être admissible à une pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada).

[4] La demanderesse demande maintenant la permission d’en appeler relativement à la décision de la division générale. Je dois déterminer si l’appel a une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[5] La question que je dois trancher est celle de savoir si l’appel a une chance raisonnable de succès selon l’une des questions soulevées par la demanderesse.

Moyens d’appel

[6] Aux termes du paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), les seuls moyens d’appel sont les suivants :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[7] Pour accorder la permission d’en appeler, il me faut être convaincue que les motifs d’appel se rattachent à l’un ou l’autre des moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS et que l’appel a une chance raisonnable de succès. La Cour fédérale du Canada a approuvé cette approche dans l’arrêt TraceyNote de bas de page 1.

[8] La demanderesse soutient que la division générale a commis une erreur prévue dans chacun de ces moyens d’appel.

Analyse

La division générale a-t-elle omis d’observer un principe de justice naturelle?

[9] La demanderesse n’a pas précisé son allégation selon laquelle la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle, a outrepassé sa compétence ou a refusé de l’exercer. La justice naturelle vise à assurer qu’un appelant bénéficie d’une occasion équitable de présenter sa cause et que l’instance soit équitable et exempte de partialité. La demanderesse n’a pas cerné d’exemples et je ne constate aucun exemple dans lequel le membre de la division générale pourrait l’avoir privée d’une audience équitable ou d’une occasion de présenter sa cause. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès s’il est fondé sur ce motif particulier.

La division générale était-elle tenue de déterminer si la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave en raison d’un diagnostic?

[10] La demanderesse soutient que la division générale n’a pas appliqué adéquatement le critère relatif à l’invalidité grave au titre du paragraphe 42(2) du Régime de pensions du Canada parce qu’elle a conclu que ses médecins avaient fourni des recommandations de traitement. La demanderesse soutient que la division générale aurait plutôt dû déterminer si elle était atteinte d’une invalidité grave en raison du diagnostic de ses troubles médicaux. À cet égard, elle se fonde sur plusieurs rapports médicaux, qui, selon elle, prouvent qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la fin de sa période minimale d’admissibilité.

[11] Dans l’arrêt KlabouchNote de bas de page 2, la Cour d’appel fédérale a déclaré que la capacité du demandeur à travailler « et non le diagnostic de sa maladie qui détermine la gravité de l’invalidité » en vertu du Régime de pensions du Canada. Autrement dit, un diagnostic en soi ne suffit pas pour déterminer la gravité d’une invalidité, car il existe plusieurs facteurs, y compris la question de savoir si un demandeur a suivi les recommandations de traitement. Après tout, la Cour d’appel fédérale a précisé dans l’arrêt LalondeNote de bas de page 3 que le contexte réaliste signifie aussi qu’un décideur doit évaluer si le refus de suivre un traitement est déraisonnable et l’incidence que ce refus pourrait avoir sur l’état d’invalidité d’un demandeur si le refus était considéré comme étant déraisonnable. Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès par rapport à cette question précise.

La division générale a-t-elle omis d’appliquer adéquatement l’arrêt Villani?

[12] La demanderesse soutient que la division générale a omis d’appliquer adéquatement l’arrêt VillaniNote de bas de page 4, à savoir qu’elle a ignoré le contexte réaliste dans lequel elle se trouvait. Par exemple, la demanderesse fait valoir que la division générale a conclu qu’elle était régulièrement capable de détenir un emploi sédentaire, mais qu’elle a omis de tenir compte du fait qu’elle se heurte à d’importants obstacles professionnels, comme son âge, son instruction limitée, ses aptitudes limitées en anglais, ses compétences limitées en informatique, un manque de compétences transférables pertinentes, le fait qu’elle est une mauvaise candidate au recyclage professionnel, son déconditionnement général, une mauvaise apparence et des antécédents d’immigration. La demanderesse souligne qu’un évaluateur des aptitudes professionnelles a cerné ces obstacles dans un rapport daté de mars 2015 (GD1-60 à GD1-100).

[13] La demanderesse souligne également que l’évaluateur des aptitudes professionnelles a déclaré que, d’un point de vue professionnel, la capacité de la demanderesse à réintégrer le marché du travail normal semblait très limitée étant donné les importants obstacles. L’évaluateur a conclu que la demanderesse avait besoin d’un traitement approfondi, qui serait ensuite suivi d’une réadaptation professionnelle afin de faciliter et de soutenir sa réintégration du marché du travail, mais l’évaluateur des aptitudes professionnelles a considéré le pronostic de la demanderesse comme étant très limité d’un point de vue professionnel.

[14] Le membre de la division générale a renvoyé au critère établi dans l’arrêt Villani et a déclaré qu’elle était au courant du fait qu’elle devait tenir compte de facteurs, comme l’âge, le niveau d’instruction, les aptitudes linguistiques, les antécédents de travail et l’expérience de vie. Le membre a ensuite décrit ces facteurs. En effet, le membre a énuméré les mêmes obstacles que l’évaluateur des aptitudes professionnelles a décrit (au paragraphe 46), et ce, même s’il était tenu qu’elle trouve un emploi adapté à ses limitations et qu’elle tente de le conserver. Le membre a souligné que la demanderesse avait participé à un programme interdisciplinaire de traitement de la douleur et que les thérapeutes ont conclu que, même si elle ne satisfaisait pas aux exigences de ses tâches avant sa blessure en tant qu’opératrice de machinerie, elle était capable d’assumer des tâches relatives à la force sédentaire (GD4-16).

[15] Le membre a ensuite tenu compte des facteurs établis dans l’arrêt Villani pour évaluer si la demanderesse était atteinte d’une invalidité grave qui a miné sa capacité de trouver un emploi adapté à ses limitations ou à un niveau sédentaire. Plus particulièrement, elle a tenu compte de l’âge, des aptitudes limitées en anglais, de l’instruction limitée et de ses antécédents de travail de la demanderesse. Le membre a conclu qu’aucune preuve ne démontrait que les efforts de réadaptation ont été infructueux et que les aptitudes linguistiques de la demanderesse pourraient être améliorées au moyen d’un recyclage scolaire avant de tenter de suivre une formation professionnelle.

[16] Dans l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale a déclaré que, en gardant à l’esprit que l’audience (devant la Commission d’appel des pensions dans cette affaire) était une nouvelle audience, tant que le décideur applique le bon critère relatif à la gravité, il doit être en position de juger, d’après les faits, si un demandeur était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. La Cour a conclu qu’une « évaluation de la situation du requérant est une question de jugement sur laquelle la Cour [hésiterait] à intervenir ».

[17] Généralement, je ne verrais aucune raison d’intervenir dans l’évaluation du membre étant donné qu’il était au courant et qu’il a démontré qu’il a tenu compte de la situation particulière de la demanderesse.

[18] Cependant, je souligne que le membre a déclaré (au paragraphe 39) qu’ [traduction] « [a]ucun rapport d’évaluation des aptitudes professionnelles ou de tentative infructueuse de récupération n’a été fourni ». Toutefois, il y a un rapport d’évaluation professionnelle et d’analyse des compétences transférables (GD1-60 à GD1-100). Bien que le membre de la division générale ait cité des parties du rapport (GD1-100) en énumérant des obstacles de la demanderesse sur le plan professionnel, il n’a pas autrement abordé les conclusions ou les avis des évaluateurs d’aptitudes professionnelles ou du consultant en réadaptation.

[19] Les évaluateurs et le consultant avaient évalué la demanderesse bien après la fin de sa période minimale d’admissibilité, mais ses obstacles professionnels sont probablement demeurés les mêmes depuis décembre 2011 et pourraient avoir continué à constituer des facteurs pertinents jusqu’en 2015. Par conséquent, il n’aurait pas été excusable de rejeter nécessairement l’évaluation des aptitudes professionnelles parce qu’elle a été produite après la fin de la période minimale d’admissibilité. Mis à part ce fait, le membre a discuté de plusieurs avis produits après le 31 décembre 2011.

[20] Il n’y aurait aucune analyse concernant le rapport d’évaluation fonctionnelle et d’analyse des compétences transférables. Le rapport pourrait avoir eu une certaine valeur probante et ainsi mérité d’avoir été pris en considération, soit plus qu’une citation de certains obstacles cernés par l’évaluateur. Cependant, le membre de la division générale n’a rien dit au sujet de la valeur probante de ce rapport.

[21] Bien que la division générale ait cité des parties de l’évaluation fonctionnelle de mars 2015, je suis convaincue qu’il existe une cause défendable selon laquelle la division générale n’a pas tenu compte de la question de savoir si le rapport d’évaluation des capacités aptitudes professionnelles et d’analyse des compétences transférables avait une valeur probante et, le cas échéant, si elle pourrait également avoir ignoré le rapport.

Conclusion

[22] Je suis convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès selon la question que j’ai mentionnée précédemment. Par conséquent, la demande de permission d’en appeler est accueillie.

[23] Conformément au paragraphe 58(5) de la LMEDS, la demande de permission d’en appeler est ainsi assimilée à un avis d’appel. Dans les 45 jours suivant la date de cette décision, les parties peuvent soit déposer des observations auprès de la division d’appel, soit déposer un avis auprès de la division d’appel précisant qu’elles n’ont pas d’observations à déposer. Les parties peuvent joindre des observations concernant le mode d’audience à privilégier pour l’instruction de l’appel (p. ex., téléconférence, vidéoconférence, en personne ou basée sur les observations écrites présentées par les parties) avec les observations sur le fond de la cause en appel.

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