Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] La demanderesse a été impliquée dans un accident de véhicule en juin 2013, puis elle a glissé et elle est tombée sur la glace en novembre 2013. Elle n’a pas travaillé depuis l’accident de véhicule en raison d’une blessure au cou, de maux de tête, d’une fracture du coude avec un nerf coincé, d’une perte de l’usage de la main et du bras du côté droit, de douleurs à l’épaule droite et de limitations concernant la flexion, la torsion et la portée (GD2R-69). Elle a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada en janvier 2015. Sa demande a été rejetée par le défendeur, à savoir le ministre de l’Emploi et du Développement social, tout comme sa demande de révision. Elle a ensuite interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, qui a tenu une audience en mars 2017, mais il a ultérieurement rejeté l’appel.

[2] En juin 2017, la demanderesse a présenté cette demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal. Pour les motifs décrits ci-dessous, j’ai décidé d’accorder la permission d’en appeler.

Cadre juridique

[3] Le Tribunal est créé et régi par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). La Loi sur le MEDS établit un certain nombre de différences importantes entre la division générale du Tribunal et la division d’appel de celui‑ci.

[4] Tout d’abord, la division générale est tenue d’examiner et d’apprécier l’ensemble de la preuve présentée, y compris les nouveaux éléments de preuve qui n’ont pas été pris en considération par le ministre au moment où il a rendu ses décisions antérieures. En revanche, la division d’appel est plus axée sur les erreurs particulières que la division générale aurait pu commettre. Plus particulièrement, la division d’appel peut intervenir dans une décision de la division générale seulement si l’une des erreurs prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS a été établie, soit que :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[5] Une deuxième différence importante établie par la Loi sur le MEDS est que la plupart des appels instruits devant la division d’appel doivent suivre un processus en deux étapes :

  1. La première étape est connue comme étant l’étape de la permission d’en appeler. Il s’agit d’une étape préliminaire ayant pour but de filtrer les causes n’ayant aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Le critère juridique que les demandeurs doivent respecter à cette étape est minime  : existe-t-il un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appelNote de bas de page 2?
  2. Si la permission d’en appeler est accueillie, le dossier se rend à la seconde étape, qui est connue comme étant celle de l’examen sur le fond. C’est à l’étape de l’examen sur le fond que les appelants doivent démontrer qu’il est plus probable que le contraire que la division générale ait commis au moins une des trois erreurs possibles prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. L’expression « plus probable que le contraire » signifie que les appelants ont un critère juridique supérieur à satisfaire à la seconde étape par rapport au critère juridique de la première étape.
[6] L’appel est maintenant à l’étape de la permission d’en appeler, ce qui signifie que la question que je dois me poser est celle de savoir s’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel. Il incombe à la demanderesse de démontrer que ce critère juridique a été satisfait Note de bas de page 3.

Analyse

[7] Dans sa demande de permission d’en appeler, la demanderesse soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées. En ce qui concerne les erreurs de droit, la demanderesse prétend que la division générale n’a pas tenu compte des autorités obligatoires, comme les arrêts Villani c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 4, D’Errico c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 5 et Inclima c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 6, plus particulièrement en ce qui concerne sa capacité à régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice et les efforts qu’elle a déployés pour obtenir un autre emploi.

[8] La demanderesse fait également valoir que la division générale a commis d’importantes erreurs de fait (AD1-13 et AD1-14) :

  1. elle a déclaré au paragraphe 15 qu’il n’y avait aucun rapport sur certains traitements;
  2. elle a tiré des conclusions contradictoires aux paragraphes 29 et 32 relativement aux fractures au bras droit (coude et poignet);
  3. elle a conclu aux paragraphes 46 et 52 qu’elle n’était pas atteinte d’une trouble mental ou psychologique;
  4. elle a déclaré au paragraphe 51 qu’ [traduction] « il n’y avait aucune pathologie importante révélée dans les rapports d’enquête »;
  5. elle a souligné au paragraphe 52 qu’ [traduction] « il n’existe aucune preuve de compression du nerf ».

[9] Il vaut la peine de noter que les citations aux sous-paragraphes d) et e) ci-dessus proviennent de la demande de permission d’en appeler (à la page AD1-14) et qu’elles ne correspondent pas précisément à la décision de la division générale.

Erreurs de droit alléguées

[10] La demanderesse critique la division générale d’avoir fondé sa décision, du moins en partie, sur sa capacité d’occuper un emploi qui n’existait plus et pour lequel elle avait des limitations fonctionnelles. Elle dit que la division générale n’a pas tenu compte des décisions de la Cour d’appel fédérale dans les arrêts Villani et D’Errico, qui soulignaient que le critère juridique n’exige pas que les demandeurs soient incapables d’effectuer tout type d’emploi. Dans l’arrêt D’Errico, la Cour a expliqué le critère juridique de la façon suivante (au paragraphe 4) :

Aux termes du sous-alinéa 42(2)a)(i) du Régime, une personne est atteinte d’une invalidité « grave » si elle rend la personne «  régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice  ». Selon la jurisprudence de notre Cour, cela suppose que la personne concernée est incapable de détenir « pendant une période durable » ou « régulièrement » une « occupation réellement rémunératrice » : Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, [2002] 1 C.F. 130, aux paragraphes 38 et 42. Ce critère juridique, utilisé pour déterminer la gravité d’une invalidité, doit être « appliqué en conservant un certain rapport avec le “monde réel” » en vue d’examiner l’employabilité du demandeur en fonction de sa formation scolaire, de son expérience de travail et de ses activités habituelles : Villani, aux paragraphes 38 et 39. Lorsqu’il est établi que le demandeur est en mesure de travailler, il doit démontrer que les efforts qu’il a déployés pour se trouver un emploi et pour le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé : Canada (Procureur général) c. Ryall, 2008 CAF 164, au paragraphe 5.

[11] La division générale a cité l’exigence relative à la gravité au paragraphe 5 de sa décision ainsi que l’arrêt Villani au paragraphe 48 de celle-ci. La division générale a ensuite continué au paragraphe 49 en déclarant ce qui suit :

Le critère permettant d’évaluer si une invalidité est « grave » ne consiste pas à déterminer si la personne souffre de graves affections, mais plutôt à déterminer si son invalidité l’empêche de gagner sa vie. La gravité d’une invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité d’une personne à occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité à occuper n’importe quel type d’emploi (Klabouch c. Canada (Développement social), 2008 CAF 33). [mis en évidence par le soussigné]

[12] En fait, voici ce qu’a déclaré la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt KlabouchNote de bas de page 7 :

Deuxièmement, le principe susmentionné a pour corollaire que la détermination de la gravité de l’invalidité n’est pas fondée sur l’incapacité du demandeur d’occuper son emploi régulier, mais plutôt sur son incapacité d’effectuer un travail, c’est-à-dire « une occupation véritablement rémunératrice » (voir : Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Scott, 2003 CAF 34, aux paragraphes 7 et 8).

[13] À mon avis, le renvoi de la division générale à l’ « incapacité à occuper n’importe quel type d’emploi » de la demanderesse sans mentionner le passage « une occupation véritablement rémunératrice » soulève un motif défendable selon lequel la division générale pourrait avoir commis une erreur de droit au titre de l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS. Par conséquent, la permission d’en appeler est accordée.

[14] Étant donné que j’accorde la permission d’en appeler pour ce moyen, il n’est pas nécessaire pour moi de tenir compte de toutes les autres questions soulevées par la demanderesse, mais toutes ces questions peuvent être défendues à la deuxième étape de la procédure (à savoir l’étape de l’examen sur le fond)Note de bas de page 8.

[15] Il convient de souligner à ce stade que rien dans cette décision ne présume du résultat de l’appel sur le fond. C’est à l’étape de l’examen sur le fond que la demanderesse devra démontrer qu’il est plus probable que le contraire que la division générale ait commis au moins une des trois erreurs prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[16] Pour poursuivre, il est souligné que la demande de permission d’en appeler de la demanderesse renvoie à son témoignage devant la division générale. Si cela est jugé nécessaire, il est possible de demander au Tribunal l’enregistrement de l’audience. Si une partie souhaite se fonder sur l’enregistrement de l’audience, les observations doivent comprendre des renvois à l’estampille temporelle afin que toutes les parties puissent facilement consulter les parties pertinentes de l’enregistrement.

Conclusion

[17] La demande de permission d’en appeler est accordée. J’invite les parties, dans le cadre de leurs observations, à tenir compte de la question de savoir si une audience est nécessaire et, le cas échéant, du mode d’audience approprié (par téléconférence, par vidéoconférence ou en personne).

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