Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Comparutions

Appelante

Représentante de l’appelante

Représentante de l’intimé

J. F.

Monica Machado

Faiza Ahmed-Hassan, ministère de la Justice

L. G., la sœur de Mme J. F., et Matthew Vens, un représentant du ministre de l’Emploi et du Développement social, ont observé l’audience.

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appel porte sur une bénéficiaire de prestations qui souffre de maux divers, y compris de paralysie cérébrale (PC). La question principale est de déterminer s’il y a présomption qu’un requérant à la compétence de se représenter devant le Tribunal de la sécurité sociale (Tribunal). Si une telle présomption est inexistante, quelles étapes, s’il y en a, le Tribunal doit-il suivre pour être convaincu qu’un requérant a la capacité de présenter sa cause?

[3] L’appelante, J. F., qui a maintenant 64 ans, était femme de ménage à son compte pendant plusieurs années, et plus récemment, a travaillé comme représentante du service à la clientèle d’un supermarché. En 2008, elle s’est blessée au travail au niveau de son sa cheville droit et de son pied droit, et au début de l’année 2011, elle a fracturé sa cheville gauche. Elle a subi deux chirurgies et a également reçu un diagnostic de PC et de dépression.

[4] En décembre 2013, Mme J. F. a présenté une demande de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (RPC), mais le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre) a rejeté sa demande, car il a jugé qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité « grave » et « prolongée » au sens de la loi, et ce, d’ici la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA) qui se terminait le 31 décembre 2011.

[5] Madame J. F. a interjeté appel de la décision du ministre auprès de la division générale du Tribunal. Dans une décision datée du 4 octobre 2016, elle a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve à l’appui des troubles médicaux de Mme J. F. qui l’empêchaient d’exercer une occupation véritablement rémunératrice au cours de la période pertinente. Elle a également conclu qu’elle avait la capacité résiduelle d’exercer des emplois moins exigeants sur le plan physique et adaptés à ses limitations. En décembre 2016, Mme J. F. a demandé la permission d’en appeler auprès de la division d’appel du Tribunal. Dans ma décision datée du 19 juillet 2017, j’ai accordé la permission, car j’ai jugé qu’il y avait cause défendable au moins au motif que la division générale a peut-être tenu une audience qui contrevient à un principe de justice naturelle, car elle a procédé malgré la preuve que la demanderesse ne possédait pas la capacité de comprendre entièrement la cause qui pesait contre elle.

[6] Après avoir entendu les observations des parties et examiné le dossier en détail, j’en suis venu à la conclusion selon laquelle la décision de la division générale doit être maintenue.

Questions en litige

[7] Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

Question en litige no 1 : Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard des décisions de la division générale?

Question en litige no 2 : La division générale a t-elle enfreint un principe de justice naturelle en ne s’assurant pas du fait que Mme J. F., qui souffre de CP, avait la compétence nécessaire pour se représenter au cours de l’audience?

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle agi de manière inéquitable en évaluant de manière sélective la preuve médicale à l’appui de l’opinion du ministre, et ce, aux dépens de Mme J. F.?

Question en litige no 4 : La division générale s’est-elle fondée sur des éléments de preuve discutables et a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées?

Analyse

Question en litige no 1 : Dans quelle mesure la division d’appel doit-elle faire preuve de déférence à l’égard de la division générale?

[8] Les seuls moyens d’appel devant la division d’appel sont les suivants : la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence; elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissanceNote de bas de page 1. La division d’appel peut rejeter l’appel, rendre la décision que la division générale aurait dû rendre, renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamen conformément aux directives qu’elle juge indiquées, ou confirmer, infirmer ou modifier totalement ou partiellement la décision de la division généraleNote de bas de page 2.

[9] Jusqu’à tout récemment, il était convenu que les appels à la division générale étaient régis par la norme de contrôle établie par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Dunsmuir c. Nouveau-BrunswickNote de bas de page 3. Dans les affaires où sont allégués des erreurs de droit ou des manquements aux principes de justice naturelle, la norme applicable était celle de la décision correcte, qui commandait un degré inférieur de déférence envers un tribunal administratif de première instance. Dans les affaires comportant des allégations de conclusions de fait erronées, la norme applicable était celle de la décision raisonnable, témoignant d’une réticence à toucher à des conclusions tirées par l’organe chargé d’instruire la preuve factuelle.

[10] Dans l’arrêt Canada c. HuruglicaNote de bas de page 4, la Cour d’appel fédérale a rejeté cette approche en concluant que les tribunaux administratifs ne devraient pas avoir recours à des normes de contrôle conçues aux fins d’application dans les cours d’appel. Les tribunaux administratifs devraient plutôt se rapporter en premier lieu à leur loi constitutive pour déterminer leur rôle. Cette prémisse a amené la Cour à déterminer que le critère indiqué découle entièrement de la loi constitutive d’un tribunal administratif : « L’approche textuelle, contextuelle et téléologique requise par les principes d’interprétation législative modernes nous donne tous les outils nécessaires pour déterminer l’intention du législateur […]. »

[11] En conséquence, ni la norme de la décision raisonnable ni celle de la décision correcte ne s’appliquera en l’espèce, à moins que ces mots ou leurs variantes figurent explicitement dans la loi constitutive du tribunal. Si cette approche est appliquée à la LMEDS, on doit noter que les alinéas 58(1)a) et 58(1)b) ne qualifient pas les erreurs de droit ou les manquements à la justice naturelle, ce qui laisse entendre que la division d’appel ne devrait pas faire preuve de déférence à l’égard des interprétations de la division générale. Le terme « déraisonnable » n’apparaît nulle part à l’alinéa 58(1)c), qui traite des conclusions de fait erronées. En revanche, le critère contient les qualificatifs « abusive ou arbitraire » et « sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance ». Comme on le suggère dans l’arrêt Huruglica, on doit donner à ces mots leur propre interprétation, mais le libellé indique que la division d’appel devrait intervenir lorsque la division générale fonde sa décision sur une erreur flagrante ou en contradiction avec le contenu du dossier.

Question en litige no 2 : La division générale aurait-elle dû avoir déterminé si Mme J. F. était compétente?

[12] Comme il a été noté, la division générale est tenue à une norme stricte en ce qui a trait aux questions de justice naturelle, mais j’ai conclu que sa conduite au cours du déroulement de l’instance était essentiellement équitable.

a) Présomption relative à la compétence

[13] Madame J. F. s’est représentée au cours de l’audience en personne devant la division générale, et elle a fait appel à une représentante juridique peu de temps avant que la division générale ne rende sa décision. Son avocat soutient que sa cliente n’a pas la capacité mentale nécessaire pour poursuivre son appel, et soutient que le membre de la division générale qui présidait aurait dû avoir apprécié l’ampleur des limitations et des déficits cognitifs de Mme J. F. Il soutient que cette omission constituait un manquement à l’équité procédurale, puisque Mme J. F. était incapable de présenter sa cause de son mieux.

[14] Je partage l’avis du ministre qu’il existe une présomption de common law relative à la compétence selon laquelle une personne a la capacité mentale de mener leurs affairesNote de bas de page 5. Cependant, comme toutes présomptions, elle est réfutable si le décideur a raison de croire que la capacité mentale réduite d’une partie peut interférer avec son droit d’être entendue. La question à trancher en l’espèce est : qu’est-ce qui constitue une crainte raisonnable d’incompétences?

[15] La compétence du Tribunal est prescrite par la LMEDS, et ses activités sont régies par le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale (Règlement sur le Tribunal). L’article 3 du Règlement sur le Tribunal prévoit que le Tribunal veille à ce que l’instance se déroule « de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent ». Lorsque le Règlement sur le Tribunal n’aborde pas un sujet précis, le Tribunal a le droit de procéder par analogie.

[16] Puisque le Règlement sur le Tribunal ne fait pas mention de la compétence d’une partie pour poursuivre son appel, le ministre cite des exemples provenant de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR), laquelle enjoint aux membres de la Section de l’immigration de déterminer si un plaideur est en mesure de comprendre la nature de la procédure, et si ce n’est pas le cas, de désigner un représentantNote de bas de page 6. La jurisprudenceNote de bas de page 7 laisse entendre qu’une personne n’a pas la capacité nécessaire si :

  • elle affiche des signes de difficultés mentales pendant le déroulement de l’instance;
  • elle affiche des troubles de comportement au cours de l’instance;
  • elle demande un ajournement en lien avec une incapacité mentale.

[17] Lorsque la capacité d’une personne est remise en question, un décideur peut évaluer si cette personne comprend :

  • le but et l’importance de l’audience;
  • le processus d’audience ou de médiation;
  • qui sont les parties;
  • les observations, les éléments de la demande ainsi que l’affaire qui pèse contre elle;
  • le fardeau dont elle doit s’acquitter;
  • les dispositions importantes de la loi qui régit;
  • les directives et les explications qui lui sont données par le membreNote de bas de page 8.

[18] La jurisprudence donne à penser que la division générale devrait être attentive à certains signaux qui suggèreraient qu’un bénéficiaire de prestations qui comparaît devant elle n’a pas la capacité cognitive nécessaire pour plaider sa cause. Il ne faut pas confondre une incapacité mentale avec un manque de préparation adéquat ou une méconnaissance de la loi, et cela ne signifie pas également qu’une personne qui ne se représente pas bien est en soi un motif pour annuler une décision défavorable.

b) Réfutation d’une présomption relative à la compétence

[19] Dans des observations écrites et orales, les représentants légaux de l’appelante ont soutenu que leur cliente soufre de déficits cognitifs causés par la paralysie cérébrale et que sa condition a grandement nui à sa capacité de présenter sa cause devant la division générale. Ils ont noté que la PC est reconnue pour affecter la vision, l’apprentissage, l’ouïe, la capacité de parole et le fonctionnement intellectuel chez les personnes atteintes. Bien que Mme J. F. ait composé avec cette atteinte toute sa vie, elle en a aussi réduit les effets par orgueil. Par exemple, Mme J. F. ne comprenait pas qu’elle était chargée du fardeau de prouver qu’elle était atteinte d’une invalidité grave et prolongée au cours de sa PMA. Elle n’a réalisé qu’elle avait besoin de représentation légale qu’après que l’audience devant la division générale ait pris fin.

[20] Lorsque j’ai accordé la permission d’en appeler sur cette question, j’avais espoir que les représentants de l’appelante seraient en mesure d’élaborer un plan plausible et orientent la voie vers la réfutation de la présomption relative à la compétence en l’espèce. Malheureusement, leur dossier daté du 1er septembre 2017 comportait essentiellement les mêmes observations qui avaient été présentées dans le cadre de la permission d’en appeler, et a peu contribué à faire la lumière sur les aspects juridiques de la question clé. Pour cette raison, je suis obligé d’être d’accord avec le ministre, qui soutenait que la présence d’un problème de santé mentale ne réfutait pas nécessairement la présomption relative à la capacité mentale. Comme cela a été noté, la notion de capacité dans le cadre d’un litige porte sur la capacité d’une personne de comprendre la nature et les conséquences du processus d’instance. Au bout du compte, Mme J. F. a présenté peu d’éléments de preuve à l’appui de son affirmation d’incapacité, à l’exception de ses diagnostics de PC et de dépression.

[21] Bien que la PC soit une maladie chronique, ses symptômes varient selon chaque cas particulier. La preuve au dossier révèle que, même avec cette condition, Mme J. F. avait travaillé et avait ensuite fait un processus de négociations de demandes de prestations d’invalidité du RPC toute seule jusqu’au stade de l’appel. Un diagnostic clinique de condition potentiellement débilitante n’équivaut pas nécessairement à une incapacité.

[22] Dans l’arrêt Hillary c. Canada (Citoyenneté et Immigration)Note de bas de page 9, une personne faisant l’objet d’une ordonnance d’expulsion et avec un diagnostic de maladie mentale a affirmé que la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié l’avait privée d’une audience équitable lorsqu’elle a omis de vérifier s’il comprenait la nature de la procédure. La Cour d’appel fédérale a mentionné ce qui suit :

À mon avis, compte tenu des faits en l’espèce, le devoir d’agir équitablement n’obligeait pas la SAI à faire cette vérification. Le fait que la SAI savait que M. Hillary était schizophrène n’était pas en soi suffisant pour l’obliger à vérifier d’office son niveau de compréhension [...]

[23] La Cour a également noté ce qui suit :

On ne saurait non plus affirmer que, à lumière de la preuve documentaire dont elle disposait et du comportement de M. Hillary à l’audience, notamment ses réponses aux questions que lui a posées le conseil, il aurait dû être évident aux yeux de la SAI que celui-ci ne comprenait pas la nature de la procédure et qu’il était donc nécessaire qu’un représentant lui soit commis d’office.

[24] Y avait-il quoi que ce soit dans le comportement de Mme J. F. qui aurait signalé un possible manque de capacité? L’on doit examiner l’ensemble des faits et des circonstances, et ce, avant et au durant l’audience.

[25] Mon examen du dossier de preuve dont était saisie la division générale révèle que la capacité mentale n’était pas en premier plan de la demande de prestations d’invalidité de l’appelante, laquelle était plutôt axée sur la douleur chronique et la fatigue. Son dossier médical comportait de fréquentes références à sa PC, laquelle avait été diagnostiquée dans son enfance, mais principalement comme étant la cause de ses symptômes physiques, dont le manque de coordination dans ses extrémités. Bien que Mme J. F. ait précédemment signalé des troubles de mémoire, de confusion occasionnelle et d’incapacité à se concentrer, ces symptômes, par eux-mêmes, ne suggèrent pas une incompétence et ne l’empêcheraient pas, dans la pratique normale, de poursuivre son appel.

[26] De même, il n’y avait rien dans la façon dont Mme J. F. a géré sa demande qui pointait manifestement vers une incapacité légale. Bien qu’elle n’était pas familière avec la procédure et les normes juridiques applicables, elle avait cela en commun avec plusieurs requérants de prestations d’invalidité non représentés. Malgré cela, elle a exécuté des tâches avec succès pour faire avancer son appel, a maintenu une correspondance régulière avec le Tribunal, a sollicité et présenté des éléments de preuve supplémentaires, a rempli et retourné un formulaire de renseignements relatifs à l’audience dans laquelle elle a fourni ses disponibilités ainsi que le mode souhaité et a pris les dispositions nécessaires pour que les témoins soient présents à l’audience. Rien de cela ne suggère qu’elle n’a pas les compétences nécessaires et, selon le dossier avant l’audience, il n’était pas conséquent raisonnable de la part de la division générale de présumer qu’elle avait la capacité nécessaire pour se représenter.

[27] L’audience en tant que telle a été documentée à l’aide d’un enregistrement audio que j’ai examiné. Il revenait aux représentants légaux de Mme J. F. de demander d’obtenir cet enregistrement, mais ils ne l’ont pas fait et ils n’ont pas non plus fait mention d’un événement ou d’un échange au cours de la procédure qui aurait raisonnablement dû alerter la division générale de la prétendue capacité réduite de leur client. J’ai donné l’occasion à Mme J. F. de témoigner au sujet de son expérience devant la division générale, mais elle s’en souvenait à peine, bien qu’elle comprenait qu’elle [traduction] « était là pour obtenir ses prestations du RPC ». Elle savait également qu’elle devait démontrer à la division générale la façon dont sa PC l’affectait, mais elle ne se souvenait pas avoir parlé de son invalidité cette journée-là.

[28] Mon examen du dossier ne révèle rien qui laisserait entendre que Mme J. F. est atteinte de certains troubles mentaux ou problèmes de comportement qui a mené le membre de la division générale à soupçonner le fait qu’elle ne comprenait pas le but et l’importance de l’audience. Le membre a examiné les questions en litige avec Mme J. F., qui n’a montré aucun signe de confusion au sujet de ce dont on s’attendait d’elle. Le membre a également examiné les documents au dossier et demandé à Mme J. F. de confirmer qu’elle les avait reçus. Cela a mené à une discussion au cours de laquelle elle a indiqué qu’elle n’avait pas reçu le dernier addendum du ministre à ses observations écrites. L’appelante a ensuite témoigné au sujet de la détérioration de son état de santé et de la façon que cela a finalement mené à son arrêt de travail.

[29] Le fait que la division générale a fini par rejeter son appel ne démontre pas que Mme J. F. a une incapacité ou qu’elle a été mal défendue en se représentant elle-même. Bien qu’il soit possible que sa PC ait eu certaines répercussions sur ses fonctions cognitives et mentales, Mme J. F. n’a pas démontré que cela nuisait à sa capacité d’apprécier la nature de la procédure et de participer pleinement au processus. Une simple allégation selon laquelle son incapacité mentale était [traduction] « évidente » ne suffit pas pour me convaincre du fait que la division générale a enfreint un principe de justice naturelle en permettant à Mme J. F. d’aller de l’avant avec l’appel sans qu’elle n’ait de l’aide.

Question en litige no 3 : La division générale a-t-elle évalué de manière sélective la preuve médicale?

[30] Mme J. F. soutient que la division générale a tiré des conclusions au sujet de son invalidité, car elle a mis l’accent sur les dossiers médicaux qui appuyaient la position du ministre et a ignoré les autres renseignements qui la réfutaient. Plus précisément, elle soutient que la division générale a souligné un questionnaire de janvier 2012 sur les capacités fonctionnelles dans lequel le Dr Peter Spadafora a noté qu’elle n’était pas imitée par rapport à la dextérité manuelle, la mémoire, la concentration ou la capacité d’interagir avec des clients, et qu’il a ignoré le rapport de juillet 2014 dans lequel il a conclu que ses limitations comprenaient [traduction] « une mauvaise concentration et une capacité lente à apprendre de nouvelles tâches ».

[31] Après avoir examiné les observations des parties en parallèle avec le dossier, je conclus que le fondement de ce moyen d’appel est insuffisant. Les représentants légaux de l’appelante reconnaissent que les deux rapports du Dr Spadafora ne se contredisent pas, ce qui soulève un doute à savoir si l’on aurait dû accorder un certain poids à l’un deux.

[32] Il est vrai que dans son analyse, la division générale a fait référence à l’évaluation du Dr Spadafora des capacités fonctionnelles de janvier 2012, mais pas à son rapport de juillet 2014. Cependant, je n’estime pas que cela soit la preuve d’une négligence ou d’un parti pris. Le fait que la division générale n’ait pas fait mention d’un rapport ou d’un autre n’importe peu puisqu’il y a un axiome de droit administratif selon lequel le juge des faits est présumé avoir tenu compte de l’ensemble de la preuveNote de bas de page 10. Quoi qu’il en soit, la division générale a une bonne raison pour faire fi du rapport subséquent puisqu’il avait été préparé plus de deux ans et demi après la fin de la PMA, tandis que le rapport antérieur était daté presque précisément de la période la plus pertinente de Mme J. F. au moment où elle était admissible pour la dernière fois à des prestations d’invaliditéNote de bas de page 11.

[33] Si Mme J. F. avait été en mesure de démontrer que la division générale a, systématiquement et sans raison, ignoré des éléments de preuve qui étaient en sa faveur tout en s’attardant sur les éléments de preuve à l’appui du ministre, alors, elle aurait pu être en mesure d’établir le bien-fondé de son cas selon lequel la division générale a omis de tenir compte de certains éléments de preuve dans le but de rendre une décision prédéterminée, mais je n’ai rien soulevé en l’espèce qui me permettrait de conclure à cela. La division générale a plutôt procédé à ce que je considère comme étant une étude détaillée et impartiale des éléments de preuve substantiels et a conclu, grâce à une analyse où l’on reconnaissait le bien-fondé des contraintes physiques de Mme J. F., que cette dernière avait conservé une capacité résiduelle lui permettant de se trouver dans divers milieux de travail convenables.

Question en litige no 4 : La division générale a-t-elle fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées?

[34] Mme J. F. soutient que la division générale s’est fondée sur des éléments de preuve discutables afin de discréditer sa demande, et qu’elle a fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées.

a) Raison pour avoir quitté son emploi

[35] Aux paragraphes 42 et 53 de sa décision, la division générale s’est référée aux notes de consultation et a mentionné [traduction] « que la raison de l’invalidité de [Mme J. F.] était son manque d’intérêt envers son emploi qui ne lui convenait pas et où elle aurait pu se blesser ». Madame J. F. soutient que ce commentaire représente une preuve de ses limitations cognitives et de son incapacité à communiquer sa condition avec efficacité. Il ne s’agit pas d’une preuve que son invalidité est en quelque sorte inventée.

[36] À la révision du dossier, je constate que la division générale a bien décrit un passage daté du 25 novembre 2013 provenant des notes de bureau du Dr Spadafora. La note d’origine indique ce qui suit :

[traduction]
- patiente aux prises avec raisons pour fonder son incapacité
- patiente indique qu’elle n’a pas vraiment une incapacité grave physique/fonctionnelle, certainement pas en raison de sa paralysie cérébrale
- elle en est arrivée aux raisons suivantes : « je n’aime pas mon emploi, ce n’est pas pour moi, je pourrais me blesser »

[37] En l’absence d’une erreur qui a été tirée de manière « arbitraire » ou « abusive » ou sans que la division générale n’ait tenu compte « des éléments portés à sa connaissance », j’estime que la division générale, à titre de juge des faits, avait la compétence nécessaire pour se fonder sur la déclaration de Mme J. F., laquelle avait été faire dans un milieu clinique. Le fait que l’appelante soutienne que cette remarque non défendue soit, à elle seule, la preuve d’une incapacité mentale dépasse les limites de la crédulité — en particulier étant donné le fait qu’elle a démontré une capacité de décrire ses déficiences dans d’autres milieux.

b) Capacité de retenir les services d’un représentant

[38] Madame J. F. conteste le paragraphe 51 de la décision de la division générale, dans lequel elle a écrit ce qui suit : [traduction] « Il est clair pour le Tribunal que l’appelante avait les capacités et les connaissances requises pour se trouver un représentant, car elle l’avait fait dans le passé ». Madame J. F. soutient que le fait qu’elle ait retenu les services d’un conseiller dans le passé, mais pas pour la présente affaire jusqu’à ce qu’il soit possiblement trop tard, démontre son manque de compréhension requise par rapport à l’amplitude de sa situation et dénote ses limitations cognitives.

[39] Je ne vois pas le bien-fondé de cette observation. Le dossier révèle que Mme J. F. avait démontré qu’elle avait eu la capacité de retenir les services d’un représentant légal dans le passé, et il révèle également qu’elle était capable de retenir les services d’un représentant légal peu de temps après s’être présentée devant la division générale. Encore une fois, Mme J. F. n’a pas identifié de conclusion de fait erronée, mais s’est opposée à une déduction à partir de ce fait. Je ne crois pas que le fait de se présenter sans représentant légal — ce qui se produit fréquemment devant un tribunal administratif —peut être considéré comme étant un élément de preuve de facto d’une incompétence ou d’une incapacité. Cependant, la décision d’embaucher un avocat requiert du moins une certaine capacité de compréhension, d’initiative et de planification, et il n’était pas déraisonnable de la part de la division générale de reconnaitre ce fait.

c) Prétendu manquement envers son devoir d’exercer d’autres types d’emplois

[40] Madame J. F. conteste la conclusion de la division générale qui se trouve au paragraphe 58 de sa décision et selon laquelle elle a choisi de ne pas tenter d’exercer d’autres types d’emploi et n’a fait aucune tentative pour occuper un emploi adapté à ses limitations. Elle soutient que la division générale a sous-estimé son état physique, cognitif et émotionnel, lequel ne lui a pas permis de continuer à chercher un emploi rémunérateur, et a ignoré le fait qu’elle a quitté son emploi au Metro parce que son employeur a refusé de tenir compte de ses limitations.

[41] Je ne vois aucune raison d’infirmer la décision de la division générale selon ce motif. Selon l’arrêt Inclima c. CanadaNote de bas de page 12, un décideur peut tirer une conclusion défavorable à partir du manque d’effort d’un requérant de prestations d’invalidité du RPC pour conserver un emploi. Bien que la preuve démontrait que Mme J. F. a cherché à assumer des tâches moins exigeantes au sein de son supermarché, rien ne laissait entendre qu’elle a cherché un emploi ailleurs, et au paragraphe 39 de sa décision, la division générale a noté ce qui suit : [traduction] « Elle n’a pas tenté de se trouver un emploi pour d’autres employeurs, car elle voulait rester chez Metro ». Madame J. F. ne nie pas le fait qu’elle ait dit cela, mais soutient maintenant que ses déficiences l’empêchaient d’exercer tout autre travail.

[42] Cependant, je trouve que cette observation est si vaste qu’elle représente une récapitulation de l’affaire de l’appelante devant la division générale. Bien que Mme J. F. ne soit peut-être pas en accord avec les conclusions de la division générale, un tribunal administratif est libre d’examiner les éléments de preuve et d’en déterminer la valeur, s’ils en ont. Elle soutient que la division générale a omis de tenir compte d’éléments de preuve à l’appui du fait qu’elle n’avait pas de capacité résiduelle, mais mon examen de la décision indique qu’elle a bel et bien traité de cette question dans son analyse et qu’elle a rendu sa décision après avoir mené ce qui semble être une évaluation rigoureuse du dossier de preuve.

[43] En tant que membre de la division d’appel, ma compétence m’empêche d’évaluer à nouveau la preuve dont la division générale a déjà tenu compte; j’ai uniquement le droit de déterminer si l’un des motifs d’appel d’un appelant se rattache à l’un des moyens d’appel énumérés au paragraphe 58(1). Puisqu’aucune erreur précise n’a été alléguée, je ne crois pas qu’il existe une cause défendable voulant que la division générale n’ait pas suffisamment tenu compte de la preuve dans son ensemble.

Conclusion

[44] Madame J. F. n’a pas réussi à démontrer de quelle façon la division générale a commis une erreur en concluant que son invalidité n’était pas grave. Par conséquent, l’appel est rejeté.

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