Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu le 4 novembre 2014 la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») que l’appelante a présentée. L’appelante a soutenu qu’elle était invalide en raison de blessures subies lors d’un accident de motocyclette survenu le 10 juin 2012, notamment des fractures au bassin et au bras gauche, de la dépression, de l’anxiété, de l’incontinence urinaire, des maux de tête et des douleurs au cou, au dos, aux bras et au bassin. L’intimé a rejeté cette demande au stade initial, ainsi qu’après réexamen. L’appelante a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[2] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelante doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, l’appelante doit être déclarée invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de sa période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA se fonde sur les cotisations de l’appelante au RPC. Le Tribunal conclut que la PMA de l’appelante a pris fin le 31 décembre 2015.

[3] Cet appel a été instruit selon le mode d’audience Téléconférence pour les raisons suivantes :

  1. l’appelante sera la seule partie à assister à l’audience;
  2. les questions faisant l’objet de l’appel ne sont pas complexes;
  3. ce mode d’audience est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] Les personnes suivantes ont assisté à l’audience : K. C., appelante; Hillery Guttman, représentante de l’appelante.

[5] Le Tribunal a statué que l’appelante est admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les motifs énoncés ci-après.

Preuve

Témoignage de l’appelante

[6] L’appelante a témoigné en son nom propre. Elle était âgée de quarante-six ans à la fin de sa PMA et de quarante-huit ans au moment de l’audience. Elle a une onzième année et un certificat d’aide-soignante. L’appelante a travaillé pour la dernière fois comme agente de dédouanement du 1er octobre 2010 au 8 juin 2012 et n’a pas travaillé depuis. Avant de travailler comme agente de dédouanement, l’appelante a travaillé comme manœuvre d’usine de 1987 à 1992, et comme aide-soignante de 1992 à 2009. L’appelante a décrit ses fonctions d’agente de dédouanement comme un travail de bureau et de réceptionniste sédentaire et non physique, qui consiste notamment à répondre aux appels téléphoniques, à vérifier le fret et à répartir les véhicules.

[7] L’appelante a subi plusieurs blessures dans un accident de motocyclette le 10 juin 2012, y compris de multiples fractures au bassin et au bras gauche. Elle a témoigné qu’elle souffrait depuis l’accident de douleurs quotidiennes constantes et intenses au bras gauche, au dos et au bassin, de maux de tête, d’urgence et d’incontinence urinaire, et qu’elle avait commencé peu après l’accident à souffrir de dépression et d’anxiété malgré les traitements suivis, y compris des chirurgies au bras gauche, de la vessie et du bassin, des médicaments pour la douleur, la dépression, l’anxiété et des troubles du sommeil, de la physiothérapie, de la massothérapie et de l’hydrothérapie.

[8] L’appelante a témoigné qu’elle a été hospitalisée pendant environ quatre mois après l’accident. Outre les traitements indiqués, l’appelante doit utiliser en tout temps des produits pour l’incontinence, malgré la chirurgie de la vessie qu’elle a subie. L’appelante a témoigné qu’elle avait épuisé l’indemnité maximale pour les traitements, y compris les traitements de physiothérapie, d’hydrothérapie et de massothérapie, payable aux termes de sa police d’assurance automobile en 2015, soit 50 000 $, et qu’elle n’a pas été en mesure d’assumer le coût de traitements supplémentaires de ce type depuis.

[9] L’appelante a témoigné qu’elle a une fracture non consolidée du côté gauche de son bassin, de sorte qu’il y a un espace d’un pouce entre les parties fracturées qui lui fait mal lorsqu’elle marche et qui l’oblige à utiliser une canne. À l’heure actuelle, l’appelante prend notamment du zopiclone pour dormir, de l’hydromorphone et du tramadol pour la douleur, et du diazépam pour l’anxiété. L’appelante a témoigné qu’on lui avait prescrit les mêmes médicaments ou des médicaments semblables contre la douleur, l’anxiété, l’insomnie et la dépression depuis son congé de l’hôpital en 2012.

[10] L’appelante a témoigné que les difficultés et les limitations fonctionnelles mentionnées dans le questionnaire relatif aux prestations d’invalidité (le « questionnaire ») daté du 11 février 2015 ne se sont pas vraiment améliorées, voire pas du tout. Elle a témoigné qu’elle continue d’éprouver d’importantes difficultés cognitives, notamment des problèmes de mémoire et de concentration, des troubles du sommeil qui lui causent une fatigue constante, des douleurs constantes aux bras, au dos et au bassin, qui sont exacerbées lorsqu’elle s’assoit, se tient debout ou marche pendant plus de quinze minutes, et énormément de difficulté à soulever des charges, à transporter des objets, à s’étirer et à se pencher en raison de douleurs au dos et au bassin, et de l’incontinence urinaire. Elle a besoin de l’aide de sa fille pour effectuer des travaux d’entretien ménager et subvenir à ses besoins personnels, y compris pour s’habiller, prendre une douche, faire la cuisine, le ménage et les courses.

[11] L’appelante a témoigné que l’intensité de son niveau de douleur constante augmente lors d’une activité minimale. Elle a indiqué qu’elle a de soi-disant « bonnes » journées, qu’elle décrit comme des journées où elle éprouve des douleurs se situant à au moins 4 sur une échelle de 1 à 10, 1 signifiant le niveau de douleur le plus modéré éprouvé et 10 signifiant le niveau de douleur le plus intense éprouvé, et des mauvaises journées où ses douleurs se situent à 10. Elle a témoigné qu’il lui était impossible de prédire quand elle aura une soi-disant bonne journée ou une mauvaise journée, sauf qu’une mauvaise journée suit toujours une journée d’activité minime, et que ce niveau de douleur exacerbé de 10 dure plusieurs jours.

[12] L’appelante n’a pas travaillé, cherché de travail ou suivi de programme de recyclage ou de perfectionnement des études depuis qu’elle a été blessée lors de l’accident de motocyclette en juin 2012. Elle a témoigné qu’elle n’a jamais été en mesure de travailler ou de suivre des programmes de recyclage ou de perfectionnement des études parce qu’elle souffrait de douleurs graves et diffuses constantes, d’anxiété et de dépression. Elle s’est renseignée sur le travail bénévole et les organismes bénévoles lui ont dit qu’ils ne pouvaient pas l’accommoder en fonction de ses limitations physiques.

Preuve médicale

[13] Le Dr Liang, le médecin de famille de l’appelante depuis juin 2012, a rempli le rapport médical daté du 30 septembre 2014 qui accompagnait la demande de l’appelante. Il a noté que l’appelante a subi des blessures lors d’un accident de motocyclette en juin 2012. Ses diagnostics étaient les suivants : fracture bilatérale des radius (réduction ouverte et fixation interne à gauche, réduction orthopédique à droite), fractures bilatérales des branches pubiennes, compression du nerf cubital gauche, perte de l’usage du pouce, incontinence à l’effort et fractures du bassin, et prolapsus génital de stade I. Il a souligné que l’appelante a reçu des soins postopératoires complexes pendant six mois et qu’elle allait subir une chirurgie de réparation vaginale en septembre 2014. Il a indiqué que l’appelante souffrait de douleurs chroniques à la hanche et aux deux bras, d’inconfort vaginal et d’incontinence.

[14] Le Dr Lavendy, chirurgien orthopédiste, a indiqué que l’appelante a subi des fractures bilatérales des radius et des branches pubiennes lors d’un accident survenu en juin 2012. Il a noté que le nerf cubital gauche de l’appelante a été quelque peu comprimé lors de la fracture du radius gauche et qu’elle a perdu en partie l’usage de son pouce gauche. Il a noté que l’appelante se plaint d’incontinence à l’effort et qu’elle sera réévaluée lors de son prochain rendez-vous.

[15] Le Dr Lavendy a signalé le 5 mars 2013 que l’appelante continuait d’éprouver des troubles urinaires. Il a indiqué que les radiographies montraient un espace constant entre les parties fracturées des branches ilio-pubiennes et ischio-pubiennes. Il a noté que la fracture du poignet droit de l’appelante a été traitée sans intervention chirurgicale, que l’on a procédé à une réduction ouverte et à une fixation interne de la fracture à son poignet gauche, et qu’elle avait une raideur au poignet gauche.

[16] Le Dr Lavendy a signalé le 9 avril 2013 que l’appelante ressentait des douleurs constantes au bas du dos et à l’intérieur de la cuisse depuis qu’elle avait été blessée en juin 2012. Il a noté qu’un tomodensitogramme du bassin révélait qu’une fracture des branches pubiennes du côté gauche n’était pas consolidée. Le Dr Lavendy a indiqué qu’il avait discuté longuement avec l’appelante du fait que les douleurs liées à son traumatisme ne cesseraient jamais et qu’elle devrait accepter sa nouvelle condition en ce qui concerne son état fonctionnel.

[17] La Dre Chou, urogynécologue, a signalé le 25 juin 2013 que l’appelante a subi des fractures du bassin à plusieurs endroits ainsi que des fractures bilatérales des poignets dans un accident survenu en juin 2012. Elle a indiqué que, depuis l’accident, l’appelante souffrait d’incontinence par impériosité et à l’effort grave, qui s’aggrave lorsqu’elle s’assoit, se tient debout, tousse, se penche et soulève des objets. Elle a noté que l’appelante a déclaré qu’elle urinait fréquemment toutes les heures durant la journée et qu’elle portait un tampon vingt‑quatre heures par jour. La Dre Chou a indiqué que l’appelante prenait notamment de l’hydromorphone, du méloxicam, du zopiclone, du Valium, du Tylenol et de l’Advil. D’après l’évaluation de la Dre Chou, il s’agissait d’un prolapsus vaginal. Elle a indiqué qu’elle avait discuté avec l’appelante d’une chirurgie afin de traiter un prolapsus ou une incontinence à l’effort.

[18] Le Dr Lavendy a en outre signalé le 15 octobre 2013 que l’appelante éprouvait toujours des douleurs, particulièrement au bassin et au pouce gauche. Il a noté que d’après les radiographies, la fracture de ses branches ilio-pubiennes n’était toujours pas consolidée.

[19] Le Dr Liang a signalé le 28 avril 2014 que l’appelante a subi des fractures bilatérales aux poignets et au bassin, qu’elle était toujours incapable de soulever des charges et qu’elle était toujours en physiothérapie. Il a indiqué que l’appelante était alors incapable de retourner au travail.

[20] Le Dr Naudie, chirurgien orthopédiste, a signalé le 15 avril 2014 que l’appelante continuait d’éprouver d’importantes douleurs pelviennes et qu’elle consultait un urogynécologue en vue d’une éventuelle intervention pour un prolapsus vaginal. Il a souligné que l’appelante a essayé de nombreux différents traitements afin de soulager sa douleur, et qu’aucun de ceux-ci n’a fonctionné.

[21] La Dre Chou a également signalé le 13 mai 2014 que d’autres études avaient permis de démontrer que l’appelante souffrait véritablement d’incontinence urinaire à l’effort. Elle a souligné que l’appelante souffrait également de douleurs chroniques liées à ses blessures orthopédiques. La Dre Chou a indiqué que des rendez-vous avaient été fixés avec l’appelante en vue d’une hystérectomie vaginale, une suspension de la voûte vaginale aux ligaments utérosacrés, une réparation de la cystocèle et de la rectocèle et une cystoscopie. La Dre Chou a indiqué qu’elle avait discuté avec l’appelante du fait qu’il était peu probable que sa chirurgie du prolapsus ait pour effet de soulager une grande partie de ses douleurs invalidantes.

[22] La Dre Chou a indiqué le 29 mai 2014 qu’on avait diagnostiqué chez l’appelante un prolapsus des organes pelviens et une incontinence urinaire à l’effort. Elle a souligné qu’en ce qui concerne la capacité de l’appelante de retourner au travail, ses autres conditions contribueraient certainement à sa capacité de travailler d’un point de vue physique, et qu’il pourrait être difficile d’adapter son environnement de travail afin de répondre à son besoin d’uriner fréquemment. Elle a souligné que les problèmes de douleur de l’appelante pourraient également l’empêcher de s’acquitter de ses responsabilités professionnelles.

[23] Le Dr Weinberg, chirurgien orthopédiste, a dressé un rapport d’évaluation orthopédique pour l’assureur daté du 31 mai 2014. Il a signalé que l’appelante a subi de graves blessures dans un accident de motocyclette le 10 juin 2012, soit des fractures bilatérales des poignets et des fractures du bassin, et qu’elle a toujours une raideur et de la faiblesse résiduelles au poignet gauche à la suite de la fracture. Il a noté que ses douleurs constantes étaient peut-être attribuables à une ou plusieurs des fractures du bassin non consolidées. Il a souligné que l’appelante devrait vraisemblablement composer avec un certain degré de déficience permanente en raison de ses blessures au bassin. Le Dr Weinberg a conclu, du point de vue de l’orthopédie, que l’appelante souffrait d’une incapacité importante à accomplir les tâches essentielles de son emploi en raison de l’accident. Il a conclu que l’appelante, en ce qui concerne l’orthopédie, souffrait d’une incapacité totale à occuper quelque emploi que ce soit qu’elle aurait été raisonnablement apte à occuper.

[24] Le Dr Oshidari, physiatre, a effectué une évaluation en physiatrie et dressé un rapport d’évaluation pour l’assureur daté du 31 mai 2014. Il a noté que l’appelante se plaignait alors de maux de tête et de douleurs au cou, au coude, au poignet, au pouce gauche, au bassin et à l’abdomen. Il a indiqué que l’appelante accomplissait de façon autonome ses activités quotidiennes, sauf en ce qui concerne l’habillage et le déshabillage du bas du corps et les tâches ménagères. Le Dr Oshidari a indiqué que la principale limitation de l’appelante était une fracture non consolidée du bassin. En ce qui concerne la question de savoir si l’appelante souffre d’une incapacité totale à occuper quelque emploi que ce soit qu’elle aurait été raisonnablement apte à occuper, il a indiqué qu’il a évalué l’appelante et pris note de l’opinion du Dr Weinberg selon laquelle l’appelante souffre bel et bien d’une incapacité complète.

[25] Le Dr Lawson a dressé un rapport d’évaluation psychologique pour l’assureur daté du 31 mai 2014. Il a diagnostiqué un trouble dépressif majeur avec anxiété et détresse et un trouble à symptomatologie somatique élevé à modéré avec douleur prédominante modérée. Il a conclu, d’un point de vue psychologique, que le degré de détresse psychologique que manifestait alors l’appelante constituait une déficience qui la rendait totalement incapable d’accomplir les tâches essentielles de son emploi.

[26] Le rapport opératoire de la Dre Chou daté du 21 août 2014 confirme que l’appelante a subi cette journée-là une intervention chirurgicale pour un prolapsus des organes pelviens et une incontinence urinaire à l’effort.

[27] Le Dr Plotnick, psychologue, a rempli un rapport d’évaluation psychologique daté du 30 septembre 2014. Il a souligné que l’appelante a continué d’éprouver des douleurs à la suite des blessures qu’elle a subies lors d’un accident de motocyclette survenu le 10 juin 2012, malgré le passage du temps, la prise de mesures de réadaptation et le fait qu’elle ait été relevée de ses fonctions. Le Dr Plotnick a posé un diagnostic de trouble dépressif majeur de modéré à grave. Il a souligné que l’appelante avait subi de graves blessures orthopédiques lors de l’accident, qui l’avaient plongée dans un état d’infirmité presque complet pendant les quatre premiers mois suivant l’accident. Le Dr Plotnick a noté qu’il avait examiné le rapport psychologique du Dr Lawson et que le rapport et les conclusions du Dr Lawson étaient similaires à ses conclusions. À cet égard, le Dr Plotnick a souligné que le Dr Lawson avait signalé que le degré de stress psychologique de l’appelante constituait une déficience qui la rendait totalement incapable d’accomplir les tâches essentielles de son emploi. Le Dr Plotnick a noté que le pronostic de l’appelante était plutôt prudent. Il a souligné qu’il existait un cycle synergique entre la douleur et les symptômes de dépression, qui peut être très difficile à rompre, et que la lutte contre la douleur provoquait des symptômes de dépression et d’anxiété, qui influaient à leur tour sur la capacité d’une personne à gérer la douleur.

[28] Dans un rapport d’évaluation multidisciplinaire de déficience invalidante daté du 17 juin 2015, produit à la demande de la compagnie d’assurance automobile de l’appelante, il a été déterminé que l’appelante n’atteignait pas le seuil de 55 % de la déficience invalidante de l’ensemble de sa personne. L’urologue a déterminé que les problèmes vésicaux de l’appelante, y compris son incontinence urinaire, ne résultaient pas de l’accident, de sorte que les troubles physiques et mentaux combinés de l’appelante, à l’exclusion de ses problèmes vésicaux, ne lui permettaient pas d’atteindre le seuil de déficience invalidante. Malgré le fait que la cote de déficience globale attribuée par les divers évaluateurs ne respectait pas le seuil de 55 % en raison de la conclusion de l’urologue que les problèmes vésicaux de l’appelante ne découlaient pas de l’accident, les évaluateurs ont noté ce qui suit : le Dr Gallimore, chirurgien orthopédiste, a déterminé que l’appelante avait subi des fractures bilatérales des poignets et des fractures du bassin en juin 2012, et indiqué qu’elle se plaignait alors de douleurs aux colonnes cervicale et lombaire et de problèmes d’incontinence. Il a souligné que, d’après l’examen physique et les renseignements au dossier, l’appelante avait une fracture au niveau de la symphyse pubienne à la branche ischio-pubienne gauche. Il a souligné que l’appelante devait utiliser une canne à l’occasion en raison de sa fracture du bassin. La Dre Jain, urologue, a effectué une évaluation urologique. Elle a noté que l’appelante avait subi une intervention chirurgicale pour ses troubles génitaux et urologiques le 21 août 2014, et qu’elle continuait de souffrir de pollakiurie et d’incontinence urinaire. De l’avis de la Dre Jain, les troubles urinaires de l’appelante ne sont pas liés à la blessure qu’elle a subie lors de l’accident. Dans son évaluation psychologique, le Dr Watson, psychologue, a diagnostiqué chez l’appelante un trouble à symptomatologie somatique avec douleur prédominante persistante et modérée, un trouble dépressif majeur modéré avec symptômes anxieux, et un trouble de l’adaptation avec anxiété. Il a attribué à l’appelante la note de 55 à 57 dans le cadre d’une évaluation globale de fonctionnement.

[29] Un rapport de déficience invalidante daté du 10 février 2016 a été produit à la demande de l’avocat plaidant de l’appelante par le Dr Herschorn, urologue, et la Dre Becker, psychologue. Le Dr Herschorn a conclu qu’il y avait un lien entre les blessures subies par l’appelante lors de l’accident de motocyclette et ses troubles urinaires. Il a souligné que, malgré l’intervention chirurgicale, l’appelante devait uriner toutes les unes à deux heures, qu’elle était atteinte d’urgences urinaires une à deux fois par jour et qu’elle avait une incontinence urinaire tous les deux jours. La Dre Becker a indiqué dans son évaluation psychologique que les douleurs dont se plaignait l’appelante comprenaient des maux de tête, des douleurs au cou, au dos, à la hanche et aux poignets, qui sont exacerbées lorsqu’elle reste en position assise ou debout pendant de longues périodes, lorsqu’elle marche, pose des gestes répétitifs, soulève et transporte des objets, se penche ainsi que par temps humide. Elle a noté que l’appelante avait des difficultés à s’endormir et au niveau du maintien du sommeil malgré le fait qu’elle prenait du zopiclone, et qu’elle avait moins d’énergie et ressentait de la fatigue. Elle a souligné que l’appelante a affirmé se sentir triste tous les jours, que cela avait commencé immédiatement après l’accident et que son état affectif s’était encore détérioré. Elle a indiqué que l’appelante avait fait état de problèmes d’attention, de concentration et de mémoire et de réduction de sa vitesse de traitement de l’information. Les diagnostics de la Dre Becker étaient un trouble dépressif majeur chronique modéré, un trouble douloureux et un trouble de l’adaptation avec anxiété. Elle a indiqué que le score de l’appelante à l’évaluation globale du fonctionnement était alors de 51 à 55. Elle a souligné que son diagnostic et celui du Dr Watson étaient identiques en ce sens qu’ils avaient tous deux conclu que l’appelante satisfaisait aux critères du trouble dépressif majeur et du trouble de l’adaptation avec anxiété, et qu’ils estimaient tous deux que des facteurs psychologiques avaient une incidence sur les douleurs de l’appelante, ce qui les avaient amenés à poser un diagnostic de trouble douloureux. La Dre Becker a conclu que l’effet synergique produit par les douleurs de l’appelante, son l’inquiétude au sujet de ses douleurs, sa peur de subir d’autres blessures, sa symptomatologie dépressive, son irritabilité, sa fatigue, son manque d’énergie, ses symptômes cognitifs et les effets secondaires des médicaments, compromettaient considérablement sa capacité d’occuper tout emploi. Elle a signalé que ces facteurs nuisaient considérablement à la capacité de l’appelante de répondre aux exigences cognitives et physiques d’un emploi, de maintenir son attention et sa concentration pendant de longues périodes, d’accomplir des tâches en temps opportun, d’accomplir plusieurs tâches à la fois, de prendre des décisions, de planifier et d’organiser son travail, de faire preuve d’assiduité et d’effectuer une journée ou une semaine de travail normale sans interruption en raison de ses symptômes psychologiques. Comme plus de trois années s’étaient écoulées depuis l’accident de motocyclette et que l’appelante continue de signaler et de montrer des séquelles psychologiques importantes, et compte tenu de la gravité et de la chronicité des problèmes psychologiques de l’appelante, la Dre Becker a indiqué qu’elle ne s’attendait pas à ce que son fonctionnement émotionnel s’améliore sensiblement.

[30] Dans sa note clinique datée du 2 mai 2016, le Dr Liang a indiqué que l’appelante était toujours invalide en raison de douleurs chroniques, d’insomnie et de troubles du sommeil. Il a signalé que l’appelante prenait alors des comprimés du Dilaudid, du Valium, du Cymbalta, de l’Imovane et du Zantac.

Observations

[31] L’appelante soutient qu’elle est admissible à une pension d’invalidité parce que son invalidité est à la fois grave et prolongée. Elle soutient qu’elle a souffert de maux de tête, de douleur au cou, au bras, au dos, à la hanche et au bassin, de dépression, d’anxiété ainsi que d’incontinence et d’urgence urinaire depuis qu’elle a été blessée dans un accident de motocyclette en juin 2012, et qu’en raison de celui-ci, elle souffre de douleurs corporelles graves et diffuses, elle manque d’énergie et est épuisée, et a des difficultés cognitives et des accidents d’incontinence urinaire, ce qui l’a empêchée de détenir régulièrement une occupation depuis 2012.

[32] L’intimé fait valoir que l’appelante n’est pas admissible à une pension d’invalidité parce qu’elle n’était pas atteinte d’une invalidité grave et prolongée à la date marquant la fin de sa PMA, soit le 31 décembre 2015, ou avant cette date.

Analyse

Critères d’admissibilité à la prestation d’invalidité

[33] L’appelante doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou qu’il est plus probable qu’improbable, qu’elle était invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de sa PMA.

[34] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les critères d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la PMA.

[35] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Invalidité grave

[36] La preuve a démontré que l’appelante souffre de graves maux de tête, de douleur au cou, au dos, au bras, à la hanche et au bassin, de dépression, d’anxiété, d’incontinence et d’urgence urinaire depuis qu’elle a été blessée en juin 2012. L’appelante a été hospitalisée après l’accident pendant près de quatre mois et immobilisée pendant plusieurs mois par la suite. Malgré des chirurgies, y compris des chirurgies pour des fractures bilatérales des bras, des fractures du bassin et de l’incontinence urinaire, l’appelante continue de souffrir de douleurs graves et diffuses et d’incontinence urinaire. La preuve a établi que l’une de ses fractures du bassin n’est toujours pas consolidée, et qu’il y a toujours un espace important entre les fragments qui lui cause de la douleur.

[37] À ce jour, l’appelante a subi plusieurs interventions chirurgicales et de nombreux traitements de physiothérapie, de massothérapie et d’hydrothérapie, et a pris des médicaments pour la douleur, la dépression et l’anxiété. Malgré les traitements, les douleurs, la dépression et l’anxiété de l’appelante n’ont été soulagées que minimalement. Il y a plusieurs évaluations au dossier effectuées à la demande de l’assureur de l’appelante et de sa représentante à l’époque. Les évaluations concordent en ce qui a trait aux plaintes de l’appelante, à la gravité des blessures subies lors de l’accident et aux répercussions importantes de ses nombreux troubles physiques et mentaux sur sa capacité de travailler. Il n’y a pas de divergence entre les diagnostics posés dans les évaluations orthopédiques et psychologiques concernant les blessures physiques subies lors de l’accident, les troubles de santé mentale que l’appelante a développés peu après l’accident, et la gravité de ses symptômes. La seule différente significative qui ressort des évaluations se rapportait à la question de savoir si l’état de la vessie de l’appelante, qui s’est traduit par des problèmes d’urgence urinaire et d’incontinence à l’effort, était attribuable ou non à l’accident survenu en juin 2012. Cette divergence n’est pas importante pour les questions que le Tribunal doit trancher.

[38] Lorsqu’il y a des preuves de capacité de travail, une personne doit démontrer que ses efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux pour des raisons de santé (Inclima c. Canada (P.G.), 2003 CAF 117).

[39] L’appelante n’a pas cherché d’emploi ni suivi de programme de recyclage ou de perfectionnement des études depuis qu’elle a travaillé pour la dernière fois en juin 2012.

[40] Dans la décision Adatia c. MDRH (22 juillet 2003), CP 20124 (CAP), la Commission d’appel des pensions (la « Commission ») a tenu compte de l’obligation de l’appelante de déployer des efforts pour se recycler ou trouver un travail moins exigeant. La Commission a souligné qu’il y avait une preuve selon laquelle l’appelante souffrait d’une invalidité permanente. La Commission a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

« [14] Il n’existe aucune preuve satisfaisante devant la Commission selon laquelle l’appelante aurait pu assumer des tâches légères rémunératrices sur une base régulière à partir de 1995. Au contraire, la preuve médicale tend à démontrer le contraire. [15] Dans les circonstances, il ne devrait pas être exigé que l’appelante démontre qu’elle a déployé des efforts raisonnables pour se recycler dans un emploi moins exigeant et pour se trouver un emploi moins exigeant ».

[41] Le Tribunal a déterminé que l’appelante n’était pas tenue de déployer des efforts pour trouver un emploi ou participer à un programme de recyclage ou de perfectionnement des études, car la preuve a démontré qu’elle était régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis juin 2012.

[42] Le Tribunal a jugé que l’appelante est une témoin crédible. Le Tribunal s’est montré satisfait de son témoignage décrivant les symptômes débilitants dont elle souffre et sa difficulté à accomplir ses activités quotidiennes depuis juin 2012. Il n’y avait aucune indication que sa présentation comportait des exagérations et aucune mention à cet égard dans les rapports qui étayent une grande partie de son témoignage. Aucun des fournisseurs de soins ou des évaluateurs de l’appelante n’a laissé entendre que les symptômes de l’appelante n’existaient pas ou étaient exagérés, ou qu’elle simulait ou était capable de travailler depuis juin 2012.

[43] L’état du demandeur doit être évalué dans son ensemble. Toutes les détériorations du demandeur ayant une incidence sur son employabilité sont examinées, pas seulement les détériorations les plus importantes ou la détérioration principale (Bungay c. Canada (Procureur général), 2011 CAF 47).

[44] Le Tribunal a conclu que les preuves de l’appelante, de son médecin de famille, des psychologues, des chirurgiens orthopédistes, des urologues et d’autres évaluateurs corroborent le fait que l’appelante souffre de douleurs graves et diffuses, de dépression, d’anxiété ainsi que d’urgence et d’incontinence urinaire depuis qu’elle a été blessée en juin 2012, malgré les nombreux types de traitement et de médicaments qu’elle a essayés. Le Tribunal a déterminé que l’effet combiné des troubles physiques et mentaux de l’appelante a rendu l’appelante régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice depuis juin 2012. Le Tribunal conclut que l’invalidité de l’appelante est grave depuis juin 2012.

Invalidité prolongée

[45] La preuve démontre que depuis qu’elle a été blessée dans un accident de motocyclette en juin 2012, l’appelante a souffert de douleurs diffuses chroniques, de dépression, d’anxiété et d’incontinence urinaire, que ces problèmes ont commencé peu de temps après l’accident, qu’ils ne sont pas améliorés depuis et qu’on ne s’attend pas à ce qu’ils s’améliorent à l’avenir. Le Tribunal conclut que l’invalidité de l’appelante est susceptible d’être de longue durée, continue et indéfinie.

Conclusion

[46] Le Tribunal conclut que l’appelante a été atteinte d’une invalidité grave et prolongée en juin 2012, lorsqu’elle a subi de graves blessures dans un accident de motocyclette. Aux fins des prestations, une personne ne peut être réputée invalide plus de quinze mois avant que l’intimé ait reçu la demande de prestation d’invalidité (alinéa 42(2)b) du RPC). La demande a été reçue en novembre 2014; par conséquent, l’appelante est réputée être devenue invalide en août 2010. Conformément à l’article 69 du RPC, les paiements commencent quatre mois après la date réputée de déclaration d’invalidité. Les paiements commenceront donc au mois de décembre 2013.

[47] L’appel est accueilli.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.