Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’intimé a reçu le 24 août 2014 la demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (le « RPC ») présentée par l’appelant. L’appelant a déclaré qu’il était invalide en raison d’une fracture à l’épaule, de sept côtes cassées, de deux côtes déplacées, d’un vertige et d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT) avec dépression, anxiété et privation de sommeil. L’intimé a rejeté la demande initialement ainsi qu’après réexamen. L’appelant a interjeté appel de la décision de réexamen devant le Tribunal de la sécurité sociale (le « Tribunal »).

[2] Pour être admissible à une pension d’invalidité du RPC, l’appelant doit satisfaire aux exigences énoncées dans le RPC. Plus précisément, l’appelant doit être déclaré invalide au sens du RPC au plus tard à la fin de la période minimale d’admissibilité (PMA). Le calcul de la PMA est basé sur les cotisations de l’appelant au RPC. Le Tribunal conclut que la PMA de l’appelant a pris fin le 31 décembre 2017.

[3] Dans le cadre du présent appel, l’audience a été tenue en personne pour les motifs suivants :

  1. plus d’une partie assistera à l’audience;
  2. les questions faisant l’objet de l’appel sont complexes;
  3. il manquait de l’information où il était nécessaire d’obtenir des précisions;
  4. la crédibilité n’est pas une question prépondérante;
  5. cette façon de procéder est conforme à l’exigence du Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale selon laquelle l’instance doit se dérouler de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] Les personnes suivantes ont assisté à l’audience :

L’appelant : L. W.

Le conseiller juridique de l’appelant : Terry McCaffrey

[5] Le Tribunal a statué que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité du RPC pour les motifs énoncés ci-après.

Questions préliminaires

[6] Au cours de l’audience, le membre du Tribunal a demandé que l’avocat de l’appelant prépare des observations écrites sur la question de l’admissibilité à une période d’invalidité fermée à soumettre au Tribunal dans les 30 jours suivant la fin de l’audience. La décision finale a été ajournée en attendant la réception des observations écrites du conseiller juridique de l’appelant et après la réception de la réponse de l’intimé à ces observations. Les deux parties ont maintenant présenté des observations écrites.

Preuve

[7] L’appelant a témoigné au cours de l’audience au sujet de la nature et de l’étendue de ses blessures et du choc traumatique qui a résulté de l’accident bizarre et choquant dans lequel il a été impliqué lorsqu’il a utilisé un remonte-pente. L’accident était horrible et a causé un énorme traumatisme tant physique que mental.

[8] L’appelant a indiqué que le jour de son accident, il avait amené sa fille de onze ans pour passer une journée amusante avec son père. Ils avaient tous deux pris une leçon de ski en matinée et prévoyaient skier ensemble l’après-midi. Au moment de l’accident, sa fille était sur la pente de ski et a été témoin de l’épreuve. Le câble du télésiège a déraillé et a envoyé brusquement trois chaises au sol, puis le câble a rebondi et a envoyé abruptement les trois chaises vers le haut avant de les catapulter de nouveau vers le sol. L’appelant était sur le remonte-pente avec son instructeur. Les occupants des deux autres chaises impliquées dans l’accident étaient aussi des membres du personnel du centre de ski. L’appelant est le seul client payant impliqué dans l’accident. L’appelant est beaucoup plus âgé que les autres victimes et il est maintenant la seule victime qui n’a pas été blessée en travaillant. Il est isolé dans tous les aspects du traumatisme qu’il a subi et cet isolement a contribué à son traumatisme émotionnel.

[9] L’appelant a déclaré que bien qu’il ait travaillé très fort pour se réadapter tout au long de la période qui a suivi sa première blessure, son rétablissement du choc post-traumatique n’a jamais constitué un acquis. Il était aux prises avec de nombreux aspects des problèmes de santé mentale, notamment la dépression, l’anxiété, la maîtrise de sa colère et une instabilité émotionnelle extrême. Il a dit qu’on ne lui avait jamais mentionné qu’il se rétablirait et qu’en tout temps, jusqu’à ce qu’il retourne au travail avec succès, son pronostic reposait sur l’espoir, et non sur une attente de rétablissement.

[10] L’appelant a indiqué que le problème cognitif avec lequel il a éprouvé des difficultés depuis l’accident n’a pas été résolu et qu’il est toujours incapable de lire un livre. Auparavant, il était un lecteur passionné, mais il est maintenant incapable de suivre une histoire en raison de problèmes de mémoire à court terme et de concentration. Il a indiqué qu’il continue de souffrir de douleurs résiduelles causées par ses fractures multiples des os.

[11] L’appelant a déclaré que sa profession dans le domaine de la réparation d’aéronefs est très exigeante, tant sur le plan physique que mental, et qu’il lui a fallu 27 mois de rétablissement avant de pouvoir entreprendre un retour progressif au travail. Il a déclaré qu’il n’a recommencé à occuper à temps plein son emploi précédent qu’en avril 2017, soit 37 mois après sa blessure.

Preuve médicale

[12] Le 7 mars 2014, le Dr Loken a rempli le rapport de congé de l’Hôpital général de X. Il a indiqué que le pronostic de rétablissement complet de l’appelant était bon (GD2-65-66).

[13] Le 1er juin 2014, Mike Pennington, physiothérapeute, a préparé un rapport sur les progrès de l’appelant à la demande de celui-ci pour satisfaire aux exigences en matière d’assurance. Il a indiqué qu’il avait traité l’appelant pendant 8 séances et qu’il croyait que le rétablissement de l’appelant serait prolongé. Sa thérapie a été bénéfique jusqu’à présent et un traitement continu a été recommandé (GD2-104-105).

[14] Les notes cliniques de juillet 2014 du Dr Covaser, médecin de famille, indiquaient que le pronostic de l’appelant était relativement bon à long terme, mais qu’en raison de certains problèmes psychologiques, il faudrait plus de temps pour les résoudre. Il avait alors une évaluation globale du fonctionnement (EGF) de 60 à 70.

[15] Le 4 octobre 2014, le Dr Kuelker, psychologue clinicien traitant l’appelant, a fait rapport au Dr Covaser. Il a indiqué que l’appelant a démontré une amélioration dans l’échelle d’évaluation des résultats et que cette échelle est considérée comme une mesure fiable de la détresse psychologique. Selon son pronostic, les progrès se poursuivraient lentement. On suggère que ses progrès pourraient être accélérés par des séances hebdomadaires plutôt que bimensuelles (GD2-148).

[16] Le 29 décembre 2014, le Dr Covaser a fait rapport au conseiller juridique de l’appelant. Il a indiqué que l’appelant continuait d’éprouver des symptômes liés à sa santé physique et mentale. Il l’a rassuré en lui disant qu’il devrait se rétablir complètement de ses symptômes physiques, notamment du côté droit du membre supérieur et du côté du corps, et qu’il pourrait se servir des fonctions nécessaires à son travail habituel. Le rétablissement à la suite du TSPT se poursuivait et bien que l’appelant ait eu une mauvaise réaction aux médicaments antidépresseurs, il réagissait à une psychothérapie et on s’attendait à ce qu’il continue de s’améliorer. Son pronostic global de retour au travail est demeuré bon. L’appelant avait hâte de reprendre le travail et ils ont convenu d’un objectif d’environ 2 à 3 mois pour envisager un retour au travail, même si sa guérison de ses symptômes de TSPT prenait plus de temps (GD2-190-92).

[17] Les notes cliniques de mars 2015 du Dr Covaser, médecin de famille, indiquaient que l’appelant n’était pas prêt à reprendre le travail, mais que son but était un retour au travail dans quelques mois. L’appelant avait une ÉGF de 70 à 80 à l’époque.

[18] Le 13 novembre 2015, le Dr Kuelker, psychologue clinicien traitant l’appelant, a rempli un rapport à la demande du conseiller juridique de l’appelant. Il a indiqué que l’appelant avait refusé de prendre des antidépresseurs. Il pourrait devoir envisager de se recycler. Il s’était amélioré cliniquement de façon significative avec la thérapie, mais il souffrait encore d’une détresse psychologique importante. Le Dr Kuelker s’attendait à ce que les symptômes de l’appelant continuent de s’améliorer jusqu’à devenir des symptômes légers, mais il ne s’attendait pas à une guérison complète (GD3-2-10).

[19] Le 24 février 2016, le Dr Covaser a indiqué que l’appelant continuait d’avoir occasionnellement des pensées intrusives de l’accident et qu’il avait des problèmes de mémoire qui n’avaient pas encore été explorés. L’appelant avait bénéficié de tous les modes de traitement. Il a été évalué comme étant très déconditionné et a entrepris un programme de marche quotidienne. On a noté qu’il bénéficierait d’un programme d’exercices plus structuré qui faciliterait la reprise de toutes les activités physiques. Le pronostic indiquait que l’appelant devrait demeurer complètement invalide au cours des prochains mois et qu’il pourrait avoir une incapacité partielle, c’est-à-dire qu’il ne pourrait reprendre l’ensemble des fonctions de son emploi régulier pendant une période maximale de 1 à 2 ans. Il a été proposé que la date cible de tentative de reprise d’un emploi non physique soit établie à avril ou mai 2016. Le médecin a déclaré que l’appelant surmonterait probablement ses symptômes et ses problèmes d’un point de vue fonctionnel, en ce qui concerne le travail et la vie quotidienne. Il ne croyait donc pas que l’appelant était atteint d’une invalidité permanente. Il a ajouté que, depuis l’accident, l’appelant était invalide à 100 % et que l’invalidité allait probablement se poursuivre pendant au moins quelques mois. Il prévoyait que si le retour au travail de l’appelant se déroulait bien, son invalidité pour les 1 ou 2 années suivantes s’établirait en moyenne à environ 50 %. Le médecin s’attendait à ce que l’invalidité soit d’abord de plus de 50 %, puis diminue progressivement pour finalement disparaître complètement. (GD4-2-9).

Observations

[20] Le conseiller juridique de l’appelant a fait valoir que l’appelant est admissible à une pension d’invalidité pour les motifs suivants :

  1. Même si l’appelant s’est suffisamment rétabli de ses blessures pour reprendre le travail, il devrait recevoir des prestations d’invalidité pendant une période fermée, car entre son accident et son retour au travail, il répondait à la définition d’une invalidité grave au sens du RPC.
  2. Les faits étayent la thèse de l’appelant selon laquelle il satisfaisait à la définition d’une invalidité prolongée parce qu’il est demeuré invalide en raison de ses blessures pendant une période prolongée; en outre, en raison de sa longue période de rétablissement, on ne savait pas clairement quand il serait en mesure de retourner au travail.
  3. Il devrait être déterminé qu’il était invalide à compter du 1er mars 2014, date à laquelle il a été blessé, jusqu’au 4 juillet 2016, date de son retour au travail.
  4. Au cours de la période visée, l’appelant satisfaisait à la définition d’invalidité grave et prolongée.

[21] L’intimé a fait valoir par écrit que l’appelant n’est pas admissible à une pension d’invalidité pour les raisons suivantes :

  1. L’appelant ne répond pas à la définition d’une invalidité grave parce que la preuve médicale démontre qu’il aurait pu occuper un autre emploi, adapté à ses limitations, bien avant de reprendre son emploi précédent.
  2. L’appelant n’a déployé aucun effort pour obtenir et conserver une autre occupation rémunératrice convenant à ses limitations. Il était tenu de faire ces efforts pour pouvoir démontrer qu’il répondait à la définition d’invalidité grave.
  3. Il n’y a pas de mesure d’adaptation pour les prestations temporaires en vertu de la loi sur le RPC et la définition d’une invalidité prolongée indique clairement que les prestations d’invalidité du RPC sont pour une période longue, continue et indéfinie.
  4. Il y aurait une période indéfinie en l’absence d’indication d’amélioration sur plusieurs mois à plusieurs années lorsqu’une personne a suivi tous les traitements raisonnables, mais que l’état de l’appelant s’est constamment amélioré grâce au traitement jusqu’à ce qu’après une période relativement courte de 27 mois, il ait pu reprendre le travail exigeant qu’il avait avant la blessure.
  5. L’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve de démontrer qu’il répondait à la définition d’invalidité grave et prolongée au sens du RPC.

Analyse

Critère relatif à l’admissibilité à une pension d’invalidité

[22] L’appelant doit prouver, selon la prépondérance des probabilités ou qu’il est plus probable qu’improbable, qu’il était invalide au sens du RPC à la date de fin de l’audience ou avant.

[23] L’alinéa 44(1)b) du RPC énonce les conditions d’admissibilité à la pension d’invalidité du RPC. Pour être admissible à la pension d’invalidité, le demandeur doit :

  1. a) être âgé de moins de 65 ans;
  2. b) ne pas toucher de pension de retraite du RPC;
  3. c) être invalide;
  4. d) avoir versé des cotisations valides au RPC pendant au moins la période minimale d’admissibilité (PMA).

[24] L’alinéa 42(2)a) du RPC définit l’invalidité comme étant une invalidité physique ou mentale qui est grave et prolongée. Une personne est considérée comme ayant une invalidité grave si elle est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Une invalidité est prolongée si elle doit vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou entraîner vraisemblablement le décès.

Invalidité grave et prolongée

[25] Le conseiller juridique de l’appelant a fait valoir que l’appelant devrait recevoir une pension d’invalidité du RPC pour la période qui s’est prolongée de la date de sa blessure en mars 2014 jusqu’à 27 mois plus tard, en juillet 2016, date à laquelle il a repris son emploi précédent.

[26] L’intimé a fait valoir qu’il n’est ni approprié ni possible pour un demandeur dans de telles circonstances de recevoir une pension d’invalidité, car la loi indique clairement que l’invalidité doit être de longue durée, continue et indéfinie.

[27] La question de savoir si la loi permet d’accorder des prestations sur la base d’une période fermée a généré beaucoup de jurisprudence, notamment des décisions de la Division générale du TSS (DGTSS), de la Division d’appel du TSS (DATSS), de la Commission d’appel des pensions (CAP) et de la Cour d’appel fédérale (CAF).

[28] La jurisprudence s’est concentrée sur la question de savoir si les critères prolongés peuvent être respectés dans un cas où l’appelant se rétablit et retourne avec succès au travail.

[29] Le Tribunal considère que la jurisprudence, qu’il est tenu de suivre, empêche clairement un demandeur, dans des circonstances comme celle de l’appelant, d’être admissible à une pension d’invalidité pour une période fermée.

[30] Une invalidité est considérée comme prolongée si elle est longue, continue et indéfinie, ou si elle risque de causer le décès. Les rapports médicaux objectifs répètent collectivement que l’on s’attendait à ce que l’appelant retrouve régulièrement sa capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. Cette attente était constante à partir de la date de son accident horrible survenu en mars 2014 jusqu’à la date de son retour au travail en juin 2016. Même si l’on s’attendait à ce que le rétablissement à la suite de ses blessures multiples soit lent et progressif, cette attente était toujours présente.

[31] La Cour d’appel fédérale s’est penchée sur la question des prestations pour une période fermée. Dans Canada (Ministre du Développement des ressources humaines) c. Henderson, 2005 CAF 309, la Cour s’est penchée sur les décisions antérieures rendues par la CAP dans lesquelles il a été statué qu’une période d’invalidité fermée satisfaisait au critère d’une invalidité grave et prolongée dans les circonstances présentées et en est arrivée à la conclusion suivante :

[10] Cependant, à notre avis, ces décisions accordant une pension pour une « période fermée » ne semblent pas applicables à la présente affaire. L'avis médical, antérieur au traitement prescrit, sur les chances de guérison des réclamants et sur leur aptitude ultérieure à travailler était beaucoup moins clair dans ces décisions que celui qui a été accepté dans le cas de M. Henderson. Ce point a été soulevé par la Commission dans d'autres décisions, notamment Kinney c. Ministre du Développement social (CP 21314, 24 février 2005) et Tibbo c. Ministre du Développement social (CP 21704, 23 août 2004).

[11] Le texte restrictif de l'article 42 montre que le Régime a pour objet de rendre admissibles à une pension ceux qui sont, pour cause d'invalidité, incapables de travailler pour une longue période, et non de dépanner des réclamants au cours d'une période temporaire où des ennuis médicaux les empêchent de travailler.

[32] Dans l’affaire Litke c. Canada (Ressources humaines et Développement social), 2008 CAF 366, la Cour d’appel fédérale a examiné la décision qu’elle avait rendue dans l’affaire Henderson. Elle a dit ceci :

[9] En l’espèce, il n’y a aucune circonstance qui justifierait la Cour d’infirmer son propre précédent. L’utilisation du terme « indéfinie » au sous-alinéa 42(2)a)(ii) du Régime établit clairement que le législateur n’avait pas l’intention de rendre les pensions d’invalidité accessibles en cas d’invalidité temporaire.

[33] Dans Ministre du Développement des ressources humaines c. D.Z., 2015 TSSDA 1194, (Zagordo), la division d’appel a rendu une décision sur cette question. Dans cette affaire, l’avocat de l’appelante a soutenu que l’objet de la pension d’invalidité du RPC n’est pas de fournir une prestation temporaire à une prestataire et a cité les décisions de la Cour d’appel fédérale, à savoir Henderson, à l’appui de son argument.

[34] Dans l’affaire Zagordo, la Division des appels du TSS a statué qu’il est clair que la pension d’invalidité du RPC n’a pas pour objet de fournir une prestation à un prestataire qui est incapable de travailler pendant une période déterminée en raison d’une invalidité temporaire. « Dans quelques situations exceptionnelles, une pension d’invalidité a été accordée pour une période précise. Dans ces cas, cependant, au moment d’accorder la pension, les éléments de preuve indiquaient que le ou la prestataire ne se remettrait pas de son invalidité au point qu’il ou elle aurait la capacité de détenir une occupation véritablement rémunératrice. » La décision ajoute que, « dans le cas qui nous occupe, les praticiens traitants ont affirmé que l’intimée se remettrait probablement, mais qu’ils ne savaient pas à quel moment. Je suis d’accord avec l’avocate de l’appelant à savoir qu’une invalidité de durée non définie est différente d’une invalidité de durée indéfinie. »

[35] Dans le présent appel devant la division générale, l’avocat de l’appelant a fait valoir que le TSS a pris des positions contraires aux conclusions tirées dans Henderson. Il a inclus deux affaires dans lesquelles la division générale du TSS a accordé des prestations d’invalidité du RPC pour une période fermée. L’avocat de l’appelant s’appuie sur J.J. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social et J.M. c. Ministre de l’Emploi et du Développement social, à titre d’exemples où il est possible de distinguer les faits de ceux qui se trouvent dans l’arrêt Henderson. Il soutient que le dossier de l’appelant ressemble davantage à ces deux décisions qu’à la décision Henderson. En toute déférence, cet argument ne convainc pas le Tribunal. Le rétablissement de l’appelant, bien qu’il lui a peut-être paru durer une éternité, a été relativement court comparativement à une invalidité permanente. Il s’améliorait en tout temps grâce au traitement et on s’attendait à ce que celui-ci lui permette de continuer de s’améliorer. Je ne suis pas convaincu que les circonstances de l’appelant diffèrent sensiblement de celles de l’affaire Henderson.

[36] Dans les deux décisions de la division générale, l’autorisation d’interjeter appel a été accordée au ministre de l’Emploi et du Développement social et, dans les deux cas, l’appel a été accueilli au motif qu’il y avait peut-être eu une erreur de droit et que les décisions ont été renvoyées à la division générale pour nouvelle décision. De plus, dans Ministre de l’Emploi et du Développement social c. J.M., il a été considéré comme une erreur de droit possible pour la division générale de ne pas avoir tenu compte de l’affaire Zagordo susmentionnée.

[37] Le Tribunal a soigneusement examiné la preuve médicale soumise et conclut que les faits relatifs à l’évaluation, au traitement et au rétablissement des blessures de l’appelant ont suivi une trajectoire qui, bien que plus lente que prévu, devait dès le début mener selon les attentes à un rétablissement complet. Au cours des 27 mois, qu’il a fallu pour que l’appelant se rétablisse de son accident et soit en mesure de reprendre son emploi précédent, aucun praticien traitant n’a exprimé de doute quant à un rétablissement satisfaisant de l’appelant des blessures qu’il a subies sur les plans physique et mental. On s’est toujours attendu à ce que l’appelant se rétablisse complètement. On s’attendait à ce que sa santé mentale ne se rétablisse pas complètement, mais on a toujours prévu que ses symptômes de TSPT deviennent légers de sorte qu’ils n’empêcheraient pas un retour au travail complet.

[38] Les appréciations médicales, qui ressortent clairement des rapports présentés dans la section de la preuve qui précède, démontrent que dès le départ, l’appelant devait se rétablir complètement et qu’il était prévu qu’une longue période de réadaptation serait nécessaire en raison de la nature et de l’étendue des blessures subies. Ces faits ne correspondent pas à la définition de la durée longue, continue et indéfinie. L’anticipation du rétablissement a toujours été considérée comme indéfinie, parce qu’on s’attendait à ce qu’il se rétablisse en tout temps. Le Tribunal conclut que les faits du dossier de l’appelant démontrent que la période d’invalidité de l’appelant n’était pas longue, continue et d’une durée indéfinie.

[39] L’avocat de l’appelant a également fait valoir que pour refuser de verser des prestations aux personnes qui répondent à la définition d’invalidité au titre du RPC et qui, par la suite, redeviennent en bonne santé, le ministre peut autoriser des retards de façon systémique pour exclure des demandes de prestations d’invalidité. Le Tribunal conclut que cet argument n’est pas convaincant. Si le dossier de l’appelant avait été soumis au Tribunal en décembre 2014, en mars 2015 ou en mars 2016, l’appel de l’appelant n’aurait pas été accueilli parce que l’appelant suivait des traitements, que son état continuait de s’améliorer et que son médecin traitant s’attendait à ce qu’il se rétablisse complètement. Globalement, le même raisonnement qui empêche d’accorder une période fermée s’appliquerait pour empêcher d’accueillir cet appel même s’il avait été entendu avant le retour au travail de l’appelant, et ce parce que l’appelant ne pouvait, dans les circonstances, satisfaire à la définition d’une invalidité prolongée. Les situations factuelles présentées à la CAP satisfaisaient à la définition d’une invalidité prolongée et c’est cette distinction par rapport à la présente affaire qui a donné lieu aux décisions de la CAP qui prévoient une période d’invalidité fermée.

[40] Le Tribunal conclut que les attentes de rétablissement constituent un obstacle à la détermination qu’une invalidité satisfait aux critères d’une invalidité prolongée du RPC. La division d’appel du TSS a déterminé que le fait d’avoir une invalidité pendant une période non définie est différent du fait d’avoir une invalidité d’une durée indéfinie. Une invalidité qui s’accompagne d’une attente de rétablissement et, comme dans le cas de l’appelant, de la documentation d’une progression claire et lente vers le rétablissement de ses problèmes de santé, ne peut satisfaire à l’exigence d’une invalidité qui dure pendant une période longue, continue et indéfinie. Bien que la durée de l’invalidité n’a pas été définie, on s’attendait en tout temps à ce qu’elle soit limitée, en ce sens qu’elle devait prendre fin.

[41] Le Tribunal conclut que la Cour d’appel fédérale, dans les décisions rendues dans les affaires Henderson et Litke, a limité les circonstances dans lesquelles une période fermée pourrait être envisagée; le Tribunal conclut en outre que cette restriction crée un obstacle insurmontable pour l’appelant. La décision de la division d’appel du TSS dans l’affaire Zagordo confirme également la présence de l’obstacle au succès de l’appel de l’appelant. Compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce et après avoir soigneusement examiné la jurisprudence et les arguments présentés, je conclus que l’appel de l’appelant ne peut être accueilli.

[42] Le Tribunal conclut que l’appelant ne s’est pas acquitté du fardeau de la preuve en démontrant qu’il satisfaisait aux critères d’une invalidité grave et prolongée, tels que définis par le RPC, soit au moment de l’audition du présent appel, soit avant l’audition du présent appel.

Conclusion

[43] L’appel est rejeté.

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