Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelante, C. L., a travaillé comme conductrice de chariot élévateur à fourche de 1992 à août 2008, moment où elle a arrêté de travailler. Elle soutient que, à l’exception de brèves périodes en 2009, 2010 et 2011 (GD4-6 et 32), elle n’a pas été en mesure de travailler depuis 2008 en raison de plusieurs problèmes médicaux, notamment de l’arthrite grave au bas de sa colonne vertébrale, de l’ostéoporose et des modifications dégénératives au niveau du cou et du bas du dos, d’une sciatique vertébrale commune, d’une scoliose, de disques bombés au niveau de son dos et de son cou, d’un ostéophyte dans son cou, d’un syndrome bilatéral du canal carpien et une épicondylite bilatérale. Elle décrit avoir de nombreuses limitations. Elle affirme être devenue gravement invalide et n'était plus en mesure de travailler.

[3] L’appelante a présenté une demande de pension d’invalidité du Régime de pensions du Canada en mai 2013, mais l’intimé, soit le ministre de l’Emploi et du Développement social, a rejeté sa demande. L’appelante a interjeté appel de la décision de l’intimé devant la division générale, qui, à son tour, a conclu qu’elle n’était pas admissible à une pension d’invalidité, car elle a conclu que son invalidité n’était pas grave d’ici la date de fin de sa période minimale d’admissibilité qui se terminait le 31 décembre 2010, et qu’elle n’était pas devenue gravement invalide au cours de la période calculée au prorata, soit du 1er janvier au 28 février 2011. (La date de fin de la période minimale d’admissibilité de l’appelante est la date à laquelle elle doit être jugée invalide.)

[4] L’appelante a interjeté appel de la décision de la division générale, en partie au motif qu’elle avait commis une erreur lorsqu’elle avait conclu que l’appelante avait terminé un programme de réintégration au marché du travail et un stage en milieu de travail, et lorsqu’elle a déterminé que par conséquent, elle démontrait une capacité de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice. Je dois maintenant déterminer si la division générale a commis une erreur de droit ou fondé sa décision sur des conclusions de fait erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Questions en litige

[5] Les questions dont je suis saisi sont les suivantes :

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis d’appliquer l’arrêt VillaniNote de bas de page 1?

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle tiré des conclusions erronées en ce qui a trait à la participation de l’appelante à un programme de réintégration au marché du travail et à un stage en milieu de travail?

[6] S’il faut répondre à l’une ou l’autre de ces questions par l’affirmative, quelle décision convient-il de rendre dans cette affaire?

Moyens d’appel

[7] Le paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS) énonce les moyens d’appel suivants. Il se lit comme suit :

58(1) Les seuls moyens d’appel sont les suivants :

a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;

c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Analyse

Question en litige no 1 : La division générale a-t-elle omis d’appliquer l’arrêt Villani1?

[8] Dans l’arrêt Villani, il est indiqué que le critère juridique pour déterminer la gravité d’une invalidité doit être appliqué en conservant un certain rapport avec un contexte « réaliste », et qu’un décideur doit tenir compte de la situation particulière du requérant, comme son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques et ses antécédents de travail et son expérience de vie. Dans l’arrêt BungayNote de bas de page 2, l’on a confirmé qu’un décideur doit tenir compte de détails comme l’état physique général de la personne.

[9] En l’espèce, la division générale ne semble pas avoir fait référence à l’arrêt Villani ou avoir appliqué cet arrêt, et elle ne semble pas non plus avoir tenu compte des circonstances particulières de l’appelante dans un contexte « réaliste ».

[10] L’appelante soutient que ses circonstances particulières sont pertinentes dans le cadre de toute évaluation de la gravité de son invalidité. L’appelante souligne le fait qu’elle n’a pas terminé sa 12e année (raison pour laquelle elle a effectué un perfectionnement des études par l’intermédiaire de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT)). Elle soutient également qu’elle a des compétences professionnelles transférables très limitées, compte tenu du fait que son emploi se limitait largement à un travail dans une usine. L’appelante soutient également que son âge est un élément important.

[11] L’intimé soutient que l’appelante ne peut pas présenter d’observation à ce sujet à moins qu’elle ne les ait déjà présentées avant l’audience de cet appel. Quoi qu’il en soit, l’intimé soutient que la division générale avait bel et bien tenu compte des facteurs prévus dans l’arrêt Villani, et ce, au paragraphe 39 de sa décision, où elle a reconnu que la douleur, le niveau de scolarité et les antécédents professionnels de l’appelante pourraient limiter ses possibilités d’emploi.

[12] Même si la division générale n’a pas cité l’arrêt Villani et ne s’est pas référée à celui-ci, j’en conviens que ce seul fait ne permet pas d’établir que la division générale n’aurait pas pu appliquer autrement ses principes.

[13] Dans l’arrêt Villani, la Cour d’appel fédérale a établi des principes directeurs qui permettent de déterminer la façon dont une invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada doit être définie ainsi que la façon d’effectuer une évaluation d’invalidité. Il ressort clairement de l’analyse de la Cour d’appel fédérale, aux paragraphes 38 et 39, qu’il ne suffit pas de souligner les éléments de preuve à l’appui des caractéristiques personnelles de l’appelante ou de tout simplement citer l’arrêt Villani sans déterminer de facto comment ces caractéristiques personnelles ont des répercussions sur la capacité de l’appelante de régulièrement détenir une occupation véritablement rémunératrice.

[14] Même si l’analyse de la division générale est brève, je suis d’accord avec l’intimé sur le fait que la division générale avait bel et bien tenu compte des circonstances particulières de l’appelante au paragraphe 39, où elle a écrit ce qui suit : [traduction] « Le Tribunal reconnait que la douleur, l’éducation et les antécédents professionnels de l’appelante peuvent limiter ses possibilités d’emploi. »

[15] La division générale a tenu compte des facteurs personnels de l’appelante qui étaient pertinents pour déterminer la capacité de l’appelante, surtout selon une perspective professionnelle. Compte tenu de cela, je ne suis pas convaincue que la division générale a omis d’effectuer une analyse selon un contexte « réaliste ». J’estime ne pas avoir de raison d’interférer avec l’évaluation prévue dans l’arrêt Villani qui a été effectuée par le membre, comme le met en garde la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 3.

Question en litige no 2 : La division générale a-t-elle tiré des conclusions erronées en ce qui a trait à la participation de l’appelante à un programme de réintégration au marché du travail et à un stage en milieu de travail?

[16] La division générale a énoncé les éléments de preuve de l’appelante concernant sa participation à un programme de réintégration au marché du travail de la CSPAAT (paragraphes 8 et 11). Elle a indiqué que l’appelante avait participé à un programme de réintégration au marché du travail de 2010 à 2012. Le programme consistait en un perfectionnement des études, en une formation en recherche d’emploi et en un stage en milieu de travail. La division générale a indiqué qu’elle avait eu un stage de trois mois dans le cadre du programme de réintégration au marché du travail.

[17] Au paragraphe 16, la division générale a également noté que le Dr H. Hasnain, soit le médecin de famille de l’appelante, avait signalé à la CSPAAT en juillet 2010 que l’appelante devrait être dispensée de fréquenter l’école en raison d’une amplitude de mouvements réduite au niveau de son cou, de ses épaules et de son dos. Il a souligné le fait que l’appelante souffrait de maux de dos chroniques [traduction] « depuis un certain temps », et qu’elle avait des restrictions pour ce qui est de rester assise ou debout pendant une période prolongée, et qu’elle n’était pas capable de se pencher ou de pivoter. Il était d’avis qu’il était peu probable qu’elle continue ou qu’elle se recycle à l’école (GD1-16). La division générale a noté que malgré l’avis du médecin de famille selon lequel l’appelante n’était pas en mesure de continuer ou de se recycler à l’école, la preuve révèle que, de 2010 à 2012, elle a participé à un programme de recyclage qui comprenait un perfectionnement des études, une formation en recherche d’emploi et un stage en milieu de travail.

[18] Aux paragraphes 30 et 34, la division générale a conclu que puisqu’elle avait été capable de participer à un programme de réintégration au marché du travail et à un stage en milieu de travail, elle a par conséquent démontré une certaine capacité résiduelle de travail malgré la douleur qu’elle ressentait. (Pour en arriver à cette conclusion, la division générale a également tenu compte du fait que l’appelante recevait uniquement des traitements conservateurs, consultait uniquement de façon limitée des spécialistes et suivait peu de leurs traitements, et peu de pathologies ont été révélées dans les rapports diagnostiques.)

Observations de l’appelante

[19] L’appelante soutient que la division générale a commis une erreur au paragraphe 30 en concluant qu’elle avait participé à un programme de réintégration au marché du travail de la CSPAAT de 2010 à 2012. L’appelante soutient que les conclusions du membre sont non corroborées, car elle avait affirmé que la CSPAAT l’avait empêchée de participer au programme de réintégration au marché du travail grâce au recyclage scolaire ou de terminer celui-ci, car cela aggravait son invalidité due à une lombalgie chronique.

[20] L’appelante soutient également qu’elle avait affirmé ne pas avoir été capable de terminer un stage de trois mois de la CSPAAT dans le cadre duquel elle était censée effectuer diverses tâches cliniques pendant quelques heures par jour, car ces tâches aggravaient l’état de son cou, de son dos et de ses coudes, et son syndrome du canal carpien bilatéral et lui causaient de graves maux de tête. Elle soutient qu’elle avait également témoigné que l’entreprise avait embauché un autre employé à sa place afin de s’acquitter de ses fonctions.

[21] Essentiellement, l’appelante soutient que la division générale a mal interprété ses éléments de preuve en laissant entendre qu’elle avait participé pleinement et qu’elle avait été en mesure de terminer le programme de réintégration au marché du travail, alors qu’elle affirme que les éléments de preuve révèlent qu’elle n’y avait participé que de manière limitée.

Décision relative à la demande de permission d’en appeler

[22] Dans ma décision relative à une demande de permission d’en appeler, j’ai conclu que si l’appelante avait bel et bien été contrainte de mettre un terme à sa participation à l’un ou l’autre des programmes de réintégration au marché du travail et de stage en milieu de travail pour des raisons médicales, et si la division générale avait conclu ou laissé entendre, au contraire, que l’appelante avait réellement participé pleinement à ces deux programmes sur une période de plus de deux ans, alors cela pourrait constituer une conclusion de fait erronée sur laquelle elle aurait fondé sa décision, conformément au paragraphe 58(1) de la LMEDS. J’ai indiqué dans ma décision que l’appelante devait me référer aux éléments de preuve et à son témoignage devant la division générale qui viennent appuyer son affirmation selon laquelle elle n’avait pas été en mesure de terminer le programme de réintégration au marché du travail ou le programme de stage en milieu de travail.

Preuve documentaire présentée à la division générale

[23] L’appelante a fait référence aux avis médicaux de son médecin de famille ainsi qu’à un rapport d’une IRM effectuée le 16 septembre 2011, et elle affirme que tous ces éléments permettent d’établir que sa déficience cervicale s’était détériorée et aggravée (ce qui avait mené à une compression d’une racine nerveuse), et que cela permettait également d’établir qu’elle n’était pas capable de continuer et de terminer le programme de réadaptation professionnelle de la CSPAAT.

[24] L’appelante se fonde également sur un formulaire de crédit d’impôt pour personnes handicapées que son médecin de famille avait rempli (GD1-18). Dans ce formulaire, le médecin de famille a décrit les nombreuses limitations de l’appelante. L’appelante note également qu’en 2013, elle a reçu une augmentation de 30 pour cent de son allocation relative à sa déficience, ce qui se traduisait par le fait que ses douleurs au cou et sa déficience relative à son syndrome bilatéral du canal carpien s’étaient aggravées (GD1-25).

[25] L’appelante a soutenu que, en se fondant sur ces éléments de preuve médicale, lesquels, selon elle, prouvent que le programme a aggravé de manière permanente son invalidité, il serait raisonnable d’accepter qu’elle n’était pas en mesure de continuer et a réellement dû arrêter sa participation au programme de réintégration au marché du travail. En fait, elle soutient qu’elle a participé au programme d’octobre 2008 à juin 2011, et elle nie avoir participé en 2012, bien que dans des observations présentées en août 2017, elle précise que la CSPAAT lui a trouvé un stage en milieu de travail en 2012, stage auquel elle a participé. Cependant, elle soutient que le stage en milieu de travail a aggravé l’état de son cou, de son dos et de ses deux coudes, ainsi que son syndrome du canal carpien (AD5).

[26] L’appelante reconnait qu’il n’y a aucune note de service ou correspondance provenant de la CSPAAT confirmant qu’elle avait arrêté de participer à toute composante du programme de réintégration au marché de travail. Elle reconnait également qu’elle n’avait pas communiqué avec la CSPAAT afin d’obtenir une confirmation écrire qu’elle avait arrêté de participer au programme ou qu’elle n’avait pas pensé appeler un employé de la CSPAAT ou l’employeur où se déroulait le programme de stage en milieu de travail afin qu’ils puissent fournir des éléments de preuve en sa faveur en tant que témoins. Elle soutient qu’elle n’a pas communiqué avec la CSPAAT ou avec l’employeur, car elle n’y a pas pensé.

[27] L’appelante se fonde sur la preuve médicale à l’appui de son affirmation selon laquelle elle n’était pas en mesure de participer pleinement au programme de réintégration au marché du travail. Cependant, cet appel ne nécessite pas que la preuve médicale ou d’autres éléments de preuve documentaires soient évalués de nouveau, car la nature d’un appel devant la division d’appel se limite à ce qui est prévu au paragraphe 58(1) de la LMEDS. Plutôt, je vais mettre l’accent sur la question à savoir si les conclusions de la division générale sont conformes à la preuve dont elle était saisie.

Témoignage de l’appelante devant la division générale

[28] L’appelante m’a référé aux estampilles temporelles provenant de l’audience devant la division générale, puisqu’elle affirme qu’elles démontrent que la division générale a commis une erreur dans son interprétation de la preuve concernant sa participation au programme de réintégration au marché du travail et au programme de stage en milieu de travail.

[29] L’appelante a témoigné que la CSPAAT l’a placée dans un programme de réintégration au marché du travail afin qu’elle puisse terminer sa 12e année pour ensuite aller au collège. Cependant, elle n’a pas été en mesure de terminer une année de scolarité (et d’obtenir un diplôme de 12e année) — elle a estimé avoir fait environ six mois du programme. Tout au long de ses études, elle avait des problèmes avec ses bras, son cou et le bas de son dos parce qu’elle utilisait des ordinateurs. Elle a témoigné que l’utilisation d’ordinateurs était un [traduction] « gros problème ». Elle n’a pas pu terminer l’examen, et elle s’est retrouvée avec un problème au niveau de son coude et de ses poignets, alors l’équipe d’indemnisation des accidents du travail a communiqué avec elle et lui a conseillé de ne pas retourner à l’école (d’environ 17:00 à 17:55 de l’enregistrement audio).

[30] L’appelante a également témoigné au sujet du stage en milieu de travail. Elle a suivi une formation et une formation en recherche d’emploi, puis la CSPAAT lui a trouvé un stage en milieu de travail au sein d’une entreprise offrant des cours de conduite. Elle a effectué ce stage en milieu de travail pendant six semainesNote de bas de page 4, de trois à quatre heures par jour. Elle a confirmé que la CSPAAT s’attendait à ce qu’elle travaille après avoir terminé ce stage en milieu de travail, mais l’employeur ne l’a pas embauchée.

[31] L’appelante a témoigné qu’elle ne s’est pas cherché un autre emploi après la fin de son stage, car aucun autre emploi qu’elle aurait été en mesure d’exercer ne lui venait à l’esprit. Elle a témoigné qu’elle n’était même pas en mesure d’exercer ses tâches de bureau qui lui avaient été assignées dans le cadre de son stage. Elle a témoigné qu’elle ne faisait [traduction] « pratiquement rien là-bas » (19:41 à 20:43). En effet, elle a témoigné qu’elle n’était pas capable de faire de classement, car les livres étaient trop lourds et parce que cela exigeait qu’elle soulève des objets; elle faisait un peu de classement; et parce que l’employeur n’avait pas beaucoup de clients, il y avait peu d’appels téléphoniques auxquels elle devait répondre. Elle a également témoigné qu’elle n’était pas capable de travailler à l’ordinateur, alors l’employeur a embauché un étudiant. Elle prenait également des pauses, car elle n’était pas capable de demeurer en position assise ou debout pendant une période prolongée.

[32] L’appelante a demandé comment la CSPAAT avait déterminé qu’elle serait en mesure d’effectuer une journée de travail complète de huit heures, alors qu’elle rencontrait des problèmes et avait des limitations seulement après avoir travaillé pendant trois heures. Elle soutient qu’elle a manqué [traduction] « une ou deux journées » de travail dans le cadre de son stage à cause de son cou, après qu’elle ait tenté de travailler à l’ordinateur (48:54 à 49:50).

[33] L’appelante a reconnu que le stage en milieu de travail n’était que pour une période déterminée. Après la fin du stage en milieu de travail, l’employeur avait eu l’occasion d’embaucher l’appelante, mais il a indiqué qu’il n’était pas en mesure de le faire en raison de ses invalidités. Après que l’appelante ait terminé le stage en milieu de travail, la CSPAAT [traduction] « a coupé les ponts » avec elle et ne lui a pas offert d’autres formations, stages ou recherches d’emploi (49:50 à 50:49).

[34] L’appelante a témoigné qu’elle avait ensuite postulé pour des postes administratifs ou des postes de secrétaires qui lui avaient été transmis par la CSPAAT ou qu’elle croyait être capable d’exercer. Elle a postulé en affichant son curriculum vitæ par l’intermédiaire d’agences de placement en ligne, mais elle ne s’est jamais fait convoquer pour des entrevues.   Elle soutient qu’elle aurait tenté de travailler même si elle ne croit pas vraiment être capable d’occuper un emploi. Elle suppose que la CSPAAT l’a jumelée avec un employeur qui n’avait pas beaucoup de clientèle parce qu’elle avait reconnu qu’elle aurait ainsi moins de tâches physiques à exercer. Autrement dit, elle laisse entendre que la CSPAAT était au courant de ses limitations et entretenait peu d’espoirs qu’elle serait capable de participer pleinement au stage en milieu de travail (50:50 à 52:06). Cependant, cela ne relevait que de la conjecture, et il n’y avait aucun document provenant de la CSPAAT pour confirmer cette hypothèse.

Observations de l’intimé

[35] L’intimé, pour sa part, soutient que la division générale n’a pas commis d’erreur en concluant que l’appelante avait participé à un programme de réintégration au marché du travail de 2010 à 2012, plutôt que de conclure qu’elle avait terminé le programme. L’intimé soutient que la division générale est parvenue à cette conclusion en se fondant sur la preuve documentaire dont elle était saisie, ainsi que sur le témoignage de l’appelante. L’intimé soutient que la division générale a surtout décrit la participation de l’appelante en employant le terme [traduction] « présence » au programme plutôt que d’achèvement, et toute référence à l’ [traduction] « achèvement » faisait uniquement référence à une période de temps.

[36] L’intimé souligne que l’appelante n’avait pas fourni d’avis médicaux recommandant qu’elle se retire du programme de réintégration au marché du travail, que sa participation était impossible ou qu’elle était incapable de terminer le programme. L’intimé soutient qu’à l’exception du témoignage de l’appelante, il n’y avait tout simplement aucune indication qu’elle avait bel et bien arrêté de participer ou qu’elle avait diminué de manière importante sa participation au programme.

Participation au programme de réintégration au marché du travail

[37] Je ne sais pas si la division générale avait l’intention d’établir une distinction entre « participer » et « achever » le programme de réintégration au milieu de travail, ou si de telles distinctions sont réellement pertinentes compte tenu du fait que l’appelante avait au moins achevé la formation sur la recherche d’emploi et le volet « stage en milieu de travail » du programme de réintégration au marché du travail. L’appelante soutient qu’elle n’a pas achevé le volet « perfectionnement ou recyclage professionnels », bien qu’il n’y ait aucun élément de preuve documentaire à l’appui de cette affirmation.

[38] Cependant, la division générale n’a pas mis l’accent sur le volet du perfectionnement professionnel du programme de réintégration au marché du travail, et a plutôt mis l’accent sur la formation en recherche d’emploi et le stage en milieu de travail (paragraphe 11). Quoi qu’il en soit, bien que l’appelante n’ait peut-être pas achevé le volet relatif au perfectionnement professionnel du programme, elle a passé aux deux prochains volets et, par conséquent, a terminé le programme dans son ensemble.

[39] L’appelante soutient que la division générale a essentiellement mal interprété ou ignoré ses éléments de preuve concernant sa participation limitée au programme de réintégration au marché du travail. Elle indique que la division générale a laissé entendre qu’elle avait participé pleinement au programme de réintégration au marché du travail et qu’elle l’avait terminé.

[40] Bien que la division générale n’ait pas décrit l’ampleur de sa participation au programme de réintégration au marché du travail dans son analyse, lorsqu’elle a décrit la preuve, elle a noté que l’appelante souffrait de douleur au dos, au cou et aux bras lorsqu’elle avait participé au programme. La division générale a aussi noté que l’appelante avait témoigné qu’elle n’avait pas été capable d’effectuer certaines tâches dans le cadre de son stage en milieu de travail, notamment soulevé des objets lourds. Cette description est conforme au témoignage de l’appelante. Dans ce contexte, j’estime que la division générale n’a pas déformé la preuve lorsqu’elle a indiqué que l’appelante avait participé et qu’elle avait pris part au programme de réintégration au marché du travail. Il est manifeste que la division générale était consciente du fait que l’appelante ressentait de la douleur et se heurtait à des limitations dans le cadre du stage en milieu de travail.

[41] L’appelante laisse entendre que si la division générale n’avait pas décrit l’ensemble de ses éléments de preuve, y compris toutes ses limitations, alors, elle aurait peut-être omis ces éléments de preuve. Cependant, un décideur n’est pas obligé de faire la liste exhaustive de tous les éléments de preuve dont il est saisi puisqu’il y a une présomption générale selon laquelle il a tenu compte de l’ensemble de la preuve. Comme le juge d’appel Stratas l’a affirmé dans l’arrêt South Yukon Forest CorporationNote de bas de page 5, au bout du compte, un décideur ne formule que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justifications, pour ce qui peut souvent être des masses de renseignements. L’appelante ne m’a pas convaincue du fait que la division générale a ignoré ses éléments de preuve concernant sa participation limitée; après tout, la division générale a noté que l’appelante avait plusieurs limitations et qu’elle n’était pas capable d’exercer certaines tâches dans le cadre de son stage en milieu de travail.

[42] L’appelante n’a pas non plus convaincue que la division générale était saisie d’éléments de preuve à l’appui du fait que le stage en milieu de travail avait pris fin prématurément en raison de la douleur qu’elle ressentait dans ses bras, son cou et son dos.

[43] Finalement, je tiens à souligner que la conclusion de la division générale selon laquelle l’appelante a une certaine capacité résiduelle de travail était fondée sur plusieurs autres constatations, mis à part la question de savoir si elle avait participé à un programme de réintégration au marché du travail. Le fait que la division générale ait conclu qu’elle avait participé à un programme de réintégration au marché du travail était un facteur contributif — et non déterminant à lui seul — pour en arriver à la conclusion qu’elle avait une capacité résiduelle de travail.

Conclusion

[44] L’appelante ne m’a pas convaincue que la division générale ait soit omis de tenir compte de l’arrêt Villani ou fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée selon laquelle elle aurait participé et pris part à un programme de réintégration au marché du travail, conclusion qu’elle aurait tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Pour les motifs qui précèdent, l’appel est rejeté.

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