Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

Informations sur la décision

Contenu de la décision



Sur cette page

Motifs et décision

Décision

La permission d’en appeler est refusée.

Aperçu

[1] La demanderesse, S. H., qui est maintenant âgée de 53 ans, a obtenu des formations et des certifications comme comptable, agente immobilière et encanteuse. Durant près de 20 ans, elle posséda et géra une agence immobilière jusqu’au moment où, elle affirme, l’épuisement psychologique la força à la mettre en vente vers la fin de 2014. Elle avait reçu un diagnostic d’anxiété et de discopathie dégénérative.

[2] En janvier 2016, le défendeur, le ministre de l’Emploi et du Développement social (ministre), rejeta la demande de pension d’invalidité de madame S. H. en vertu du Régime de pension du Canada (RPC). Le ministre a reconnu qu’elle était limitée par ses problèmes de santé, mais il a conclu que ceux-ci ne l’empêchaient pas de détenir un travail adéquat.

[3] Madame S. H. a interjeté appel du refus du ministre devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (Tribunal). Le 16 mars 2017, la division générale convoqua une audience par téléconférence, mais ultimement elle conclut que madame S. H. n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve appuyant les faits que son invalidité était « grave », comme définie par le RPC, ou qu’elle avait fait des efforts pour trouver un emploi moins stressant.

[4] Le 11 mai 2017, madame S. H. demanda la permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal. Sa demande de permission d’en appeler était accompagnée d’un sommaire contenant des commentaires annotés de la décision de la division générale du 19 avril 2017. De façon générale, il récapitulait la preuve et les arguments qui avaient déjà été présentés à la division générale, bien qu’elle eut fait un certain nombre d’allégations spécifiques d’erreurs :

  • La division générale n’a pas examiné la preuve impartialement;
  • La division générale est contrevenue aux lois sur les relations de travail en l’obligeant à travailler, même si ses médecins l’en avaient déconseillé;
  • La division générale refusa d’accepter les avis de ses fournisseurs de soins, incluant ceux de Dr Goddard et Dr Wilson, qui indiquaient qu’elle souffrait d’une invalidité grave et prolongée et qu’elle ne pouvait pas travailler;
  • Dans le paragraphe 12, la division générale ignora les éléments de preuve indiquant que ses symptômes pouvaient avoir été causés par un de ses médicaments qui est connu comme étant associé à des problèmes abdominaux;
  • Dans le paragraphe 17, la division générale mentionna que la fille de madame S. H. lui avait été retirée à cause de sa consommation de marijuana, mais la division générale n’a pas noté les nombreuses circonstances atténuantes entourant cet incident;
  • Dans le paragraphe 22, la division générale mentionna qu’elle avait eu une simple colonoscopie; en fait, elle avait subi une chirurgie importante durant laquelle une section entière de son colon avait été enlevée et rattachée;
  • La division générale n’a pas tenu compte de l’ensemble de son état et, en particulier, a minimisé ses problèmes d’estomac et de colon dont elle souffre depuis longtemps.

[5] Le 16 mai 2017, le Tribunal demanda à madame S. H. de fournir des motifs additionnels pour son appel et elle répondit au moyen d’une télécopie datée du 5 juin 2017. Elle a fait valoir les éléments additionnels suivants :

  • Tant le ministre que la division générale ont fait de fausses représentations lorsqu’ils ont demandé des avis médicaux additionnels et qu’ils ont refusé de les accepter;
  • Le ministre a commis une fraude en lui refusant une pension d’invalidité même si elle avait contribué au régime durant 38 ans;
  • La manière avec laquelle le ministre et la division générale approchent les prestations d’invalidité est une forme de cruauté susceptible de mener plusieurs Canadiens à une mort prématurée.

[6] Après avoir examiné la décision de la division générale à la lumière de la preuve sous-jacente, j’ai conclu que madame S. H. n’a présenté aucun moyen d’appel qui aurait une chance raisonnable de succès à l’appel.

Questions en litige

[7] Comme prévu au paragraphe 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (LMEDS), il existe seulement trois moyens d’appel devant la division d’appel : la division générale i) n’a pas observé un principe de justice naturelle; ii) a commis une erreur de droit; iii) a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Un appel peut seulement être instruit si la division d’appel accorde d’abord la permission d’en appelerNote de bas de page 1, mais la division d’appel doit d’abord être convaincue qu’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. La Cour d’appel fédérale a établi qu’une chance raisonnable de succès correspond à une cause défendable en droitNote de bas de page 3.

[8] Ma tâche est de déterminer si un des motifs avancés par madame S. H. correspond à un des moyens spécifiés dans le paragraphe 58(1) de la LMEDS et s’il confère une chance raisonnable de succès à l’appel.

Analyse

La division générale a-t-elle examiné la preuve impartialement?

[9] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel. Madame S. H. a formulé une allégation générale de partialité à l’égard de la division générale, mais à part d’exprimer son désaccord quant au rejet de son appel, elle n’a pas dit en quoi la division générale n’a pas respecté un principe de justice naturelle dans le déroulement de son audience.

[10] Il faut faire preuve de rigueur pour conclure à la partialité et la charge d’établir la partialité incombe à la partie qui en prétend l’existence. La Cour suprême du CanadaNote de bas de page 4 a conclu que le critère d’impartialité est le suivant : « [À] quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique? » Une réelle possibilité de partialité doit être démontrée, car de simples soupçons ne suffisent pas. Ce ne sont pas toutes les dispositions favorables ou défavorables qui justifieront qu’on parle de partialité. La partialité dénote un état d’esprit prédisposé de quelque manière à un certain résultat ou fermé sur certaines questions.

[11] Si madame S. H. croit que la division générale ignora des éléments de preuve sans raison ou substitua sa propre opinion médicale à celles de professionnels de la santé, je ne vois aucun fondement à de telles prétentions. Après avoir analysé la décision de la division générale, je ne suis pas convaincu qu’une personne raisonnable et bien renseignée qui étudierait la question de façon réaliste et pratique conclurait que la division générale a fait preuve de partialité.

La division générale a-t-elle enfreint les lois sur les relations de travail en obligeant madame S. H. à travailler?

[12] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce motif. Il est vrai que la division générale a tiré une conclusion défavorable en concluant que madame S. H. n’avait pas fait d’efforts pour trouver un emploi moins stressant. Toutefois, elle était en droit de le faire, en concluant à une capacité résiduelle, conformément à la jurisprudence établie par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Inclima c. CanadaNote de bas de page 5. De toute manière, un tribunal administratif ne peut pas faire plus que d’appliquer le droit aux faits pertinents et, lorsque ceci a été fait de bonne foi, il ne peut être tenu responsable de la manière avec laquelle la prestataire réagit à sa décision.

La division générale a-t-elle tenu compte des avis des fournisseurs de soin de madame S. H.?

[13] Madame S. H. prétend que la division générale erra en n’appréciant pas ou en ignorant les avis de Dr Goddard et de Dr Wilson, qui tous les deux avaient conclu qu’elle souffrait d’une invalidité prolongée et grave.

[14] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel. Une évaluation d’invalidité prévue par le RPC inclut la preuve médicale, mais elle nécessite aussi qu’une telle preuve soit examinée à la lumière d’une norme juridique. Le sens de « grave » et « prolongée » selon le RPC ne correspond pas nécessairement à la signification de ces mots dans un contexte clinique ou dans l’usage courant. Bien que les docteurs Goddard et Wilson aient fait des déclarations sans équivoque à l’appui de la déclaration d’invalidité de madame S. H., leurs avis ne donnent pas le dernier mot sur la question. La division générale doit aussi examiner la preuve opposée dont une partie, il semble, indique une capacité résiduelle.

[15] Puisque les avis de Dr Goddard et Dr Wilson indiquant que madame S. H. était incapable de travailler ne sont pas nécessairement déterminants, la division générale avait la compétence pour apprécier les éléments de preuve opposés et de conclure qu’elle avait une capacité résiduelle.

La division générale a-t-elle ignoré les éléments de preuve indiquant que les médicaments de madame S. H. causaient des symptômes?

[16] J’estime qu’il n’existe pas de cause défendable fondée sur ce motif. Mon examen de cette décision indique que la division générale était au courant des éléments de preuve de madame S. H. relatifs aux effets secondaires découlant des médicaments pris pour ses problèmes de santé principaux :

[traduction]

[29] [...] Elle dit qu’elle n’est pas d’accord avec ses médecins qui affirment que le stress lui donne des maux de cœur, car elle ne se retrouve pas malade à des moments particuliers. À l’audience, l’appelante a estimé qu’une explication pouvait être que la paroi de son estomac avait été endommagée par la prise d’Accutane, mais que ses médecins ne pouvaient pas le confirmer.

La division générale a-t-elle ignoré les circonstances liées au retrait de sa fille?

[17] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel. Bien que la division générale ait fait mention du fait que la fille de madame S. H. lui a été retirée temporairement, la division ne l’a fait que pour démontrer un élément plus important, et plus pertinent, à savoir que madame S. H. avait consommé de la marijuana pour tenter de gérer sa douleur dorsale. Il n’y a pas d’indication que la division générale accorda de l’importance à l’intervention des autorités de la protection de l’enfance. Je ne vois rien qui suggère qu’elle devait mettre cet incident en contexte.

La division générale a-t-elle minimisé l’intervention chirurgicale que madame S. H. a subie au colon?

[18] Madame S. H. prétend que la division générale suggéra qu’elle n’avait eu qu’une colonoscopie quand, en fait, elle subit une intervention chirurgicale majeure.

[19] Je ne constate pas de cause défendable fondée sur ce moyen d’appel. Madame S. H. fait référence au paragraphe 22 de la décision, qui résume un rapport médical qui documente son endoscopie d’octobre 2015. Toutefois, le même paragraphe décrit une intervention subséquente, durant laquelle [traduction] « Dr Hanks a opéré pour retirer des polypes du colon de l’appelante. » À mon avis, ces mots rapportent de manière juste le contenu du compte-rendu opératoire daté du 17 novembre 2015Note de bas de page 6. Bien que l’opération comportait aussi une « résection du colon gauche et du côlon sigmoïde proximal », l’omission de la division générale de ce fait n’était pas, à mon avis, pertinente, car les complications postopératoires n’ont pas semblé être une composante importante de la demande de pension d’invalidité de madame S. H., et des analyses pathologiques subséquentes n’ont pas détecté de signe « d’atrophie, de métaplasie, de dysplasie ou de malignité ».

La division générale a-t-elle omis de tenir compte de l’ensemble des problèmes de madame S. H.?

[20] Madame S. H. soutient que la division générale a commis une erreur en ne tenant pas compte de l’ensemble des problèmes de santé qui l’ont rendue invalide.

[21] J’estime qu’il n’existe pas de cause défendable fondée sur ce motif. Il est de jurisprudence constante qu’un tribunal administratif chargé de tirer des conclusions de fait est présumé avoir tenu compte de tous les éléments de preuve dont il est saisi et n’est pas tenu de mentionner chacune des observations déposées par les partiesNote de bas de page 7. Cela dit, j’ai examiné la décision de la division générale et je n’ai rien trouvé qui indiquerait qu’elle ait ignoré ou apprécié de manière inadéquate une dimension importante de l’un des problèmes prétendus de madame S. H..

[22] La décision de la division générale contient un résumé exhaustif de la preuve médicale, y compris de nombreux rapports qui documentaient les examens et le traitement pour les différents problèmes de santé de la demanderesse. Contrairement à ce que suggère madame S. H., je n’ai rien constaté qui démontre que la division générale ait ignoré les symptômes reliés à son estomac et son colon qui avaient été discutés en détail. La décision se termine par une analyse qui indique que la division générale a véritablement évalué la preuve avant de conclure, en tenant compte de son âge, de son instruction et de ses antécédents de travail, que madame S. H. possédait une capacité résiduelle pour régulièrement détenir certains types d’occupation véritablement rémunératrice.

Conclusion

[23] Le reste des observations de madame S. H. correspond aux éléments de preuve et aux arguments qu’elle avait précédemment présentés à la division générale. Malheureusement, la division d’appel n’a pas comme mandat d’instruire de nouveau des demandes de pension invalidité sur le fond. Bien qu’une demanderesse ne soit pas tenue de prouver les moyens d’appels invoqués aux fins d’une demande de permission d’en appeler, elle doit à tout le moins décrire les fondements de ses observations et ceux-ci doivent cadrer avec l’un ou l’autre des moyens d’appels énumérés au paragraphe 58(1) de la LMEDS.

[24] Il ne suffit pas à une demanderesse de simplement déclarer qu’elle est n’est pas d’accord avec la décision de la division générale, pas plus qu’il ne lui suffit d’exprimer sa conviction persistante que ses problèmes de santé la rendent invalide au sens du RPC. Si madame S. H. demande que je révise et évalue à nouveau la preuve pour substituer ma décision à celle de la division générale, et cela, en sa faveur, je suis dans l’impossibilité de le faire. Je n’ai compétence que pour déterminer si l’un de ses motifs d’appel de la demanderesse se rattache aux moyens d’appel spécifiques du paragraphe 58(1) et si l’un d’eux confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[25] Comme madame S. H. n’a invoqué aucun moyen d’appel qui conférerait à l’appel une chance raisonnable de succès, la demande de permission d’en appeler est rejetée.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.