Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Décision

[1] La demande de permission d’en appeler est rejetée.

Aperçu

[2] Le demandeur demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, qui a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à démontrer qu’il était atteint d’une invalidité grave pendant sa période minimale d’admissibilité (PMA) qui a pris fin le 31 décembre 2005.

[3] La division générale a déterminé que la preuve au dossier n’étayait pas l’allégation du demandeur selon laquelle il est régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice. En 2003, l’employeur a licencié le demandeur alors qu’il effectuait des travaux légers en raison de ses problèmes de santé aux genoux et au dos. Malgré ses limitations physiques, la preuve médicale et les évaluations du milieu de travail démontrent que le demandeur a conservé une capacité de travailler au moment de sa cessation d’emploi. La division générale a conclu que le demandeur n’a pas déployé d’efforts raisonnables pour trouver un emploi à la suite de son licenciement.

[4] Le demandeur soutient que la division générale a fondé sa décision sur plusieurs conclusions de fait erronées. Le 6 novembre 2016, le demandeur a déposé une demande de permission d’en appeler devant la division d’appel du Tribunal.

Questions en litige

[5] L’appel du demandeur a-t-il une chance raisonnable de succès au motif que la division générale a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée?

[6] La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en n’appliquant pas le bon critère d’admissibilité à la pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada (RPC)?

Moyens d’appel

[7] Tel qu’il est prévu aux paragraphes 56(1) et 58(3) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS), il ne peut être interjeté d’appel à la division d’appel sans permission, et la division d’appel accorde ou refuse cette permission. La division d’appel rejette la demande de permission d’en appeler si elle est convaincue que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1.

[8] Il existe trois moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS : un manquement à la justice naturelle, une erreur de droit ou une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Question préliminaire

[9] Le demandeur a cité plusieurs des facteurs qui, selon lui, ont fait l’objet d’un examen erroné de la part de la division générale dans sa décision; cependant, l’évaluation de ces facteurs dépasse la portée de la demande de permission puisqu’ils ne s’inscrivent pas dans les moyens d’appel prévus au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. Voici les observations précises, qui, selon moi, vont au-delà de ma compétence de trancher la permission d’en appeler :

  • Le demandeur a prétendu que les employés de Service Canada et du Tribunal devraient savoir que les individus scolarisés au Canada sont avantagés par rapport à ceux qui ont étudié dans un autre pays. Il a aussi affirmé que les employés de Service Canada doivent également prendre conscience que les personnes âgées de plus de 55 ans sont moins susceptibles d’être embauchées.
  • Le demandeur prétend que ses aptitudes de communication orale en anglais sont meilleures lorsqu’il doit répondre à des questions descriptives ou s’il doit traiter de sujets avec lesquels il est familier. Cela peut s’avérer véridique, mais le demandeur n’a pas eu recours à un interprète pendant son audience; je ne vois donc pas comment ce motif peut démontrer une erreur de la part de la division générale au titre du paragraphe 58.
  • Le demandeur a aussi cité des questions en litige sur la manière dont son employeur l’a [traduction] « exploité » et sur les raisons de son licenciement, y compris sa reclassification et des avis écrits concernant son rendement au travail. Ces questions en litige ne sont pas pertinentes à l’évaluation de la gravité de l’invalidité du demandeur puisqu’elles n’ont aucun lien avec l’état de santé ou la capacité de travailler du demandeur.
  • Le demandeur a affirmé que le soutien offert par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT) était insatisfaisant. Le Tribunal n’a pas la compétence d’aborder des questions traitées ou des services offerts par la CSPAAT.
  • Le demandeur prétend qu’il a été victime de discrimination en raison de son état de santé, ce qui va à l’encontre du Code des droits de la personne de l’Ontario; il a d’ailleurs demandé de l’aide auprès de la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP). Une fois de plus, ce Tribunal n’a pas la compétence d’intervenir sur des questions dont est saisie la CODP.
  • Finalement, le demandeur prétend que les tests d’IRM effectués en position horizontale pour évaluer les blessures au dos sont imprécis puisque la force de compression causant les maux de dos est atténuée lorsqu’une personne est couchée. La façon d’effectuer des examens médicaux ne constitue pas un moyen d’appel prévu au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

Analyse

Erreurs de fait

[10] Le demandeur a étalé plusieurs observations qui se rattachent à l’évaluation faite par la division générale de la preuve documentaire dans le dossier. Le demandeur a donné les arguments suivants :

  • Son épouse et lui ont acheté une nouvelle maison nécessitant quelques travaux qui comprend une section gazonnée, mais pas de jardin. Son fils participe à l’entretien de la maison.
  • Les problèmes de dos du demandeur sont apparus dès 1999, et c’est autour de cette période qu’il a commencé à s’étendre pendant 45 minutes après le travail pour se sentir mieux.
  • Le demandeur soutient n’avoir jamais déclaré une diminution de 80 % de son niveau de douleur au Dr Iwan en 2002, bien que ce dernier l’ait rédigé dans le rapport du centre d’évaluation régional (GD2-64).
  • Le demandeur prétend que le membre a délibérément omis dans les paragraphes 21 et 26 de la décision de la division générale des mots et des déclarations contenus dans les rapports susmentionnés.
  • En faisant référence au paragraphe 35 de la décision de la division générale, le demandeur prétend actuellement prendre des antidouleurs deux fois par jour.
  • Le demandeur souhaite porter l’attention sur ses restrictions physiques permanentes relativement aux conclusions de la division générale énumérées au paragraphe 44 de la décision, y compris des limitations sur sa mobilité et sa capacité de soulever des charges.
  • Le demandeur prétend que ses aptitudes en langue anglaise et ses limitations fonctionnelles ont eu des répercussions sur sa capacité d’obtenir un emploi à la suite de son licenciement en 2003.

[11] Essentiellement, le demandeur soutient que, si la division générale avait évalué de façon appropriée la preuve dans son ensemble, elle aurait conclu que les éléments de preuve médicale appuyaient la conclusion selon laquelle il était atteint d’une invalidité grave et prolongée à la date de fin de sa PMA ou avant cette date. Je note cependant que les observations du demandeur présentent des affirmations qui se trouvent déjà dans les rapports sur lesquels la division générale s’est fondée ou qui font partie de l’enregistrement de l’audience devant la division générale. Dans ses observations, le demandeur prétend aussi que la division n’a pas tenu compte à plusieurs reprises de déclarations précises et d’éléments figurant dans les rapports médicaux. Cependant, la Cour d’appel fédérale a statué, dans le paragraphe 10 de l’arrêt SimpsonNote de bas de page 2, qu’ « un tribunal n’est pas tenu de mentionner dans ses motifs chacun des éléments de preuve qui lui ont été présentés, mais qu’il est présumé avoir examiné l’ensemble de la preuve ».

[12] Il se peut que le demandeur croie que la division générale a commis une erreur dans son application de l’arrêt VillaniNote de bas de page 3, et je souligne cette possibilité puisqu’il affirme que le membre n’a pas évalué son niveau de scolarité et ses aptitudes en langue anglaise adéquatement. Cependant, après examen des éléments de preuve au dossier et écoute de l’enregistrement de l’audience de la division générale, l’évaluation du niveau de scolarité et des aptitudes en langue anglaise du demandeur effectuée par la division générale pendant l’audience sans l’aide d’un interprète démontre que les conclusions du membre relativement à ces faits est juste.

[13] Le demandeur ne précise pas les raisons pour lesquelles il croit que la conclusion de fait erronée de la division générale aurait été tirée de façon « abusive ou arbitraire ». En fait, à la lecture de la décision de la division générale, on note que les paragraphes 14 à 36 fournissent un résumé détaillé des éléments de preuve médicale et orale pertinents, et que les paragraphes 40 à 50 présentent l’évaluation faite par la division générale à la lumière des dispositions du RPC et de la jurisprudence pertinente.

[14] Je ne peux que présumer que le demandeur demande à la division d’appel de réexaminer la preuve au dossier et de substituer sa décision à celle de la division générale. Comme il est mentionné précédemment au paragraphe 8, les moyens selon lesquels la division d’appel peut accorder la permission d’en appeler ne comprennent pas un nouvel examen de la preuve ayant déjà fait l’objet d’un examen par la division générale. La division d’appel ne jouit pas d’un vaste pouvoir discrétionnaire lorsqu’elle doit statuer sur une demande de permission d’en appeler au titre de la Loi sur le MEDS. Ce serait un exercice inapproprié que d’accorder le pouvoir délégué à la division d’appel d’accorder la permission d’en appeler en vertu de moyens qui ne sont pas prévus à l’article 58 de la Loi sur le MEDSNote de bas de page 4.

[15] Cela dit, la Cour fédérale a déjà eu à se pencher sur la même question dans l’arrêt JosephNote de bas de page 5. Dans cette affaire, la Cour a statué ce qui suit en faisant référence à l’arrêt KaradeolianNote de bas de page 6 :

Malgré tout, les exigences du paragraphe 58(1) ne doivent pas être appliquées de façon mécanique ou superficielle. Au contraire, la division d’appel devrait examiner le dossier sous-jacent et déterminer si la décision a omis de tenir compte correctement d’une partie de la preuve.

[16] J’ai examiné le dossier en entier et j’ai écouté l’enregistrement de l’audience devant la division générale. Je remarque, comme l’a d’ailleurs souligné la division générale dans sa décision, qu’il y avait peu d’éléments de preuve médicale en date du 31 décembre 2005, soit la date de fin de la PMA. Le demandeur est atteint principalement de problèmes aux genoux gauche et droit, et il souffre également de douleurs chroniques au dos. À cela s’ajoute des douleurs à l’aine. Les éléments de preuve relatifs à ces problèmes médicaux ont été soumis à la division générale pour examen. La division générale a clairement tenu compte et exprimé les répercussions des problèmes de santé du demandeur aux paragraphes 47 à 49. La division générale a aussi évalué les efforts déployés par le demandeur pour obtenir un emploi adapté à ses limitations physiques et conclu que le demandeur n’avait pas déployé d’efforts raisonnables. Le demandeur a soutenu que ses aptitudes de communication orale en anglais et ses limitations fonctionnelles ont limité sa capacité d’obtenir un emploi. Cependant, ce raisonnement diffère de la preuve orale présentée à l’audience devant la division générale et je ne le trouve pas convaincant.

[17] Étant donné que j’estime que les observations susmentionnées n’étayent aucune erreur de fait possible tirée par la division générale, la permission d’en appeler n’est pas accordée conformément à l’alinéa 58(1)c) de la Loi sur le MEDS.

Erreur de droit

[18] Le demandeur a fait valoir que la division générale a commis une erreur de droit, même s’il n’a pas associé son argument à une erreur prévue à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS. Il affirme que la division générale n’a pas appliqué la bonne définition du mot « grave » au sens du RPC. Voici sa définition du mot « grave » :

Tout type de travail (pas uniquement les tâches quotidiennes d’une personne) qu’une personne doit raisonnablement effectuer si elle :

  • détient les compétences, le niveau de scolarité ou la formation nécessaires;
  • détient la capacité d’acquérir les compétences, le niveau de scolarité ou la formation nécessaires.

[19] Le demandeur a laissé entendre que la définition du mot « grave » au sens du RPC est erronée. Le libellé du sous-alinéa 42(2)a)(i) du RPC prévoit que pour être admissible à la pension d’invalidité au titre du RPC, un individu doit être atteint d’une invalidité « grave et prolongée » à la date de fin de sa PMA ou avant cette date. Une invalidité est considérée comme étant grave si elle rend une personne « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ».

[20] En déterminant la gravité d’une invalidité au titre du RPC, la Cour d’appel fédérale a clarifié ceci au paragraphe 44 de l’arrêt Villani :

[...] Le critère qu’il convient d’appliquer à la gravité est celui en fonction duquel chaque mot de la définition apporte sa contribution à l’exigence légale. Ces mots, lus ensemble, donnent à penser que le critère de gravité comporte un aspect d’employabilité.

[21] Au paragraphe 14 de l’arrêt GiannarosNote de bas de page 7, en faisant référence à l’arrêt Villani, la Cour a affirmé sans équivoque qu’un requérant doit toujours être en mesure de démontrer qu’il souffre d’une invalidité grave et prolongée qui l’empêche de travailler. [mis en évidence par la soussignée]

[22] Même si le demandeur a raison d’affirmer que pour évaluer la gravité d’une invalidité au titre du RPC, il faut déterminer si l’individu est capable de détenir une occupation véritablement rémunératrice et pas simplement une occupation de son choixNote de bas de page 8, on doit surtout considérer si à la lumière de son état de santé, l’individu est apte à détenir régulièrement et de façon prévisible une occupation véritablement rémunératrice. L’évaluation des compétences, du niveau de scolarité et de la formation d’un individu est pertinente lorsque celui-ci a établi qu’il était atteint d’un problème de santé grave qui a des répercussions sur la régularité et la prévisibilité de sa capacité de travailler. En l’espèce, le demandeur n’a pas démontré que son absence du travail était attribuable à ses problèmes de santé. Il était disponible pour travailler régulièrement et de façon assez prévisible. En outre, il était capable d’effectuer les travaux légers assignés par son employeur. La division générale n’a pas trouvé d’éléments démontrant que le demandeur était atteint d’une invalidité grave à la date de fin de sa PMA ou avant cette date.

[23] Par conséquent, la permission d’en appeler ne peut être accordée au motif que la division générale a commis une erreur de droit, conformément à l’alinéa 58(1)b) de la Loi sur le MEDS, en n’appliquant pas correctement la définition du mot « grave » au sens du RPC. Je juge que ce motif ne confère pas à l’appel une chance raisonnable de succès.

Conclusion

[24] La demande est rejetée.

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