Régime de pensions du Canada (RPC) – invalidité

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Motifs et décision

Introduction

[1] En octobre 2011, la demanderesse a été impliquée dans un accident de travail qui a entraîné des douleurs au dos et aux hanches. Elle est ensuite partie en congé d’invalidité de courte durée pendant quelques mois jusqu’à ce que sa demande soit accueillie par la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents de travail de l’Ontario (CSPAAT). Elle est ensuite retournée travailler, mais elle a déclaré avoir été mise dans un coin et qu’elle n’avait rien à faire. L’entreprise pour laquelle elle travaillé a cessé d’opérer ses activités en février 2013 et elle n’a pas travaillé depuis, mais la CSPAAT lui a offert une formation de six mois sur l’informatique et l’administration de bureau.

[2] La demanderesse a présenté une demande de pension d’invalidité au titre du Régime de pensions du Canada en décembre 2014. Sa demande a été rejetée par le défendeur, à savoir le ministre de l’Emploi et du Développement social, tout comme sa demande de révision. Elle a ensuite interjeté appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale du Canada, qui a tenu une audience par téléconférence en février 2017, mais il a ultérieurement rejeté l’appel.

[3] En juin 2017, le demandeur a présenté la demande de permission d’en appeler à la division d’appel du Tribunal. Pour les motifs décrits ci-dessous, j’ai décidé d’accorder la permission d’en appeler.

Cadre juridique

[4] Le Tribunal est créé et régi par la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS). La Loi sur le MEDS établit un certain nombre de différences importantes entre la division générale du Tribunal et la division d’appel de celui-ci.

[5] Tout d’abord, la division générale est tenue d’examiner et d’apprécier l’ensemble de la preuve présentée, y compris les nouveaux éléments de preuve qui n’ont pas été pris en considération par le ministre au moment où il a rendu ses décisions antérieures. En revanche, il est habituellement interdit à la division générale de prendre en considération un nouvel élément de preuve, et la division générale met davantage l’accent sur des erreurs particulières qui auraient pu être commises par la division générale. Plus particulièrement, la division d’appel peut intervenir dans une décision de la division générale seulement si l’une des erreurs prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS a été établie, soit que :

  1. a) la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;
  2. b) elle a rendu une décision entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier;
  3. c) elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

[6] Une deuxième différence importante établie par la Loi sur le MEDS est que la plupart des appels instruits devant la division d’appel doivent suivre un processus en deux étapes :

  1. La première étape est connue comme étant l’étape de la permission d’en appeler. Il s’agit d’une étape préliminaire ayant pour but de filtrer les causes n’ayant aucune chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Le critère juridique que les demandeurs doivent respecter à cette étape est minime : existe-t-il un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appelNote de bas de page 2?
  2. Si la permission d’en appeler est accordée, le dossier se rend à la seconde étape, qui est connue comme étant celle de l’examen sur le fond. C’est à l’étape de l’examen sur le fond que les appelants doivent démontrer qu’il est plus probable que le contraire que la division générale ait commis au moins une des trois erreurs possibles prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS. L’expression « plus probable que le contraire » signifie que les appelants ont un critère juridique supérieur à satisfaire à la seconde étape par rapport au critère juridique de la première étape.

[7] L’appel est maintenant à l’étape de la permission d’en appeler, ce qui signifie que la question que je dois me poser est celle de savoir s’il existe un motif défendable de donner éventuellement gain de cause à l’appel. Il incombe au demandeur de démontrer que ce critère juridique a été satisfaitNote de bas de page 3.

Analyse

[8] Dans sa demande de permission d’en appeler (AD1), la demanderesse soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. En général, la demanderesse prétend que la division générale a commis des erreurs des façons suivantes :

  1. en mettant trop l’accent sur la période pendant laquelle elle a cessé de travail par apport à la fin de sa période minimale d’admissibilité;
  2. en ne reconnaissant pas une détérioration de l’état de la demanderesse comme l’ont démontré les changements apportés à ses médicaments, y compris des analgésiques opioïdes;
  3. en ne reconnaissant pas les limitations fonctionnelles de la demanderesse (comme l’incapacité d’effectuer des tâches ménagères et des activités quotidiennes);
  4. en interprétant mal la capacité de la demanderesse en travaillant en raison des [traduction] « tâches modifiées » qu’elle a accomplies et la formation ultérieure qu’elle a suivie;
  5. en interprétant mal certains aspects de la preuve médicale et en y accordant trop d’importance;
  6. en n’effectuant pas une évaluation appropriée, comme il est prévu par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Villani c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 4.

[9] En choisissant de tenir l’audience par téléconférence, la demanderesse soutient également que la division générale a limité sa capacité de présenter sa cause dans son ensemble (AD1-8).

[10] Le ministre n’a présenté aucune observation relativement à la question de savoir si la permission d’en appeler devrait être accordée.

Nouveaux documents

[11] Parmi les documents relatifs à la permission d’en appeler, la représentante de la demanderesse a présenté de nouveaux documents, y compris les suivants :

  1. formulaires concernant le programme de tâches modifiées (AD1-14, AD1-15 et AD1-22);
  2. lettre datée du 7 juin 2017 de l’ancienne représentante syndicale de la demanderesse (AD1-16);
  3. certificat médical rempli par Dr Csandi en juin 2017 (AD1-18);
  4. avis de cotisation (AD1-19);
  5. reçus de médicaments sous ordonnance datant de 2015 et de 2017 (AD1-20 et AD1-21);
  6. dossier de recherche d’emploi (AD1-23).

[12] Comme il a été mentionné précédemment, la division d’appel ne tient pas généralement compte de nouveaux éléments de preuve. Bien qu’il existe des exceptions à la règle, aucune de celles-ci ne s’applique aux faits de l’espèce, et je n’ai pas tenu compte de ces nouveaux documentsNote de bas de page 5.

[13] De plus, la Cour fédérale a confirmé, dans l’arrêt Belo-Alves c. Canada (Procureur général)Note de bas de page 6, que de nouveaux éléments de preuve ne constituent pas en soi un motif pour accorder la permission d’en appelerNote de bas de page 7.

Prétendues erreurs de fait

[14] Selon mon examen de la décision de la division générale et du dossier sous-jacent, je suis convaincu que les possibles erreurs de fait et de droit soulevées par la demanderesse sont suffisamment justifiables et qu’une cause défendable a été démontrée au titre des alinéas 58(1)b) et 58(1)c) de la Loi sur le MEDS. Par conséquent, la permission d’en appeler est accordée.

[15] Plus particulièrement, j’ai souligné les exemples suivants qui soulèvent une préoccupation relativement au fait que la division générale pourrait avoir fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée :

  1. La division générale a mentionné à sept reprises que la demanderesse prenait des comprimés de Tylenol ou de Tylenol no 3 pour traiter sa douleur dorsale. Aux paragraphes 27 et 37, la division générale a conclu que le Tylenol et le Tylenol no 3 constituent une manière efficace de soulager la douleur. Cependant, dans le témoignage de vive voix et la preuve documentaire (GD2-12 à GD2-14), la demanderesse a déclaré qu’elle avait commencé à prendre des analgésiques opioïdes pour faciliter le traitement de la douleur.
  2. Au paragraphe 29 de sa décision, la division générale s’est fondée sur la capacité de la demanderesse à retourner au travail en assumant des tâches modifiées pour prouver sa capacité à travailler. Cependant, la décision ne mentionne pas le témoignage de vive voix de la demanderesse selon lequel ces tâches modifiées étaient de s’asseoir dans un coin et de ne rien faire.

[16] Il est bien établi que la division générale n’est pas tenue de renvoyer à chaque élément de preuve dont elle dispose. Il est plutôt présumé qu’elle a examiné l’ensemble de la preuveNote de bas de page 8. Cependant, la division générale pourrait commettre une erreur si elle n’apprécie pas la preuve suffisamment pertinente ou si elle ignore d’importantes contradictions dans la preuveNote de bas de page 9. Selon moi, la permission d’en appeler devrait être accordée en l’espèce, puisqu’il existe une préoccupation importante selon laquelle la division générale pourrait avoir ignoré d’importants éléments de preuve ou d’importantes contradictions dans la preuve.

[17] Étant donné que j’accorder la permission d’en appeler selon un moyen, il n’est pas nécessaire que je tienne compte d’autres questions soulevées par la demanderesseNote de bas de page 10. Néanmoins, les autres questions soulevées par la demanderesse pourraient être prises en considération à la seconde étape de l’instance (à savoir l’étape de l’examen sur le fond), tant et aussi longtemps qu’elles concernent l’une des erreurs prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[18] Il convient de souligner à ce stade que rien dans cette décision ne présume du résultat de l’appel sur le fond. C’est à l’étape de l’examen sur le fond que la demanderesse devra démontrer qu’il est plus probable que le contraire que la division générale ait commis au moins une des trois erreurs prévues au paragraphe 58(1) de la Loi sur le MEDS.

[19] Pour poursuivre, il est souligné que la demande de permission d’en appeler de la demanderesse renvoie à son témoignage devant la division générale. Si cela est jugé nécessaire, il est possible de demander au Tribunal l’enregistrement de l’audience. Si une partie souhaite se fonder sur l’enregistrement de l’audience, les observations doivent comprendre des renvois à l’estampille temporelle afin que toutes les parties puisent facilement consulter les parties pertinentes de l’enregistrement.

Conclusion

[20] La demande de permission d’en appeler est accueillie. J’invite les parties, dans le cadre de leurs observations, à tenir compte de la question de savoir si une audience est nécessaire et, le cas échéant, du mode d’audience approprié (par téléconférence, par vidéoconférence ou en personne).

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